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Citations de Alexis de Tocqueville (378)


Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres. […]
Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire , qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ?
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Une révolution qui renverse une ancienne famille de rois pour placer des hommes nouveaux à la tête d'un peuple démocratique, peut affaiblir momentanément le pouvoir central ; mais, quelque anarchique qu'elle paraisse d'abord, on ne doit point hésiter à prédire que son résultat final et nécessaire sera d'étendre et d'assurer les prérogatives de ce même pouvoir.
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Le désir de l'égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l'égalité est plus grande.
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Les partisans de la centralisation en Europe soutiennent que le pouvoir gouvernemental administre mieux les localités qu'elles ne pourraient s'administrer elles-mêmes : cela peut être vrai, quand le pouvoir central est éclairé et les localités sans lumières, quand il est actif et qu'elles sont inertes, quand il a l'habitude d'agir et elles l'habitude d'obéir. [...]
Mais je nie qu'il en soit ainsi quand le peuple est éclairé, éveillé sur ces intérêts, et habitué à y songer [...]. Je suis persuadé, au contraire, que dans ce cas la force collective des citoyens sera toujours plus puissante pour produire le bien-être social que l'autorité du gouvernement.

Chap 5, p157-158 de l'édition Garnier-Flammarion
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D’un côté, les plus fermes dynasties sont ébranlées ou détruites ; de toutes parts les peuples échappent violemment à l’empire de leurs lois ; ils détruisent ou limitent l’autorité de leurs seigneurs ou de leurs princes ; toutes les nations qui ne sont point en révolution paraissent du moins inquiètes et frémissantes ; un même esprit de révolte les anime. Et, de l’autre, dans ce même temps d’anarchie et chez ces mêmes peuples si indociles, le pouvoir social accroît sans cesse ses prérogatives ; il devient plus centra­lisé, plus entreprenant, plus absolu, plus étendu. Les citoyens tombent à chaque instant sous le contrôle de l’administration publique ; ils sont entraînés insensiblement, et comme à leur insu, à lui sacrifier tous les jours quelques nouvelles parties de leur indépendance individuelle, et ces mêmes hommes qui de temps à autre renversent un trône et foulent aux pieds des rois, se plient de plus en plus, sans résistance, aux moindres volontés d’un commis. [...]
Mais, quand on vient enfin à considérer de plus près l’état du monde, on voit que ces deux révolutions sont intimement liées l’une à l’autre, qu’elles partent de la même source, et qu’après avoir eu un cours divers, elles conduisent enfin les hommes au même lieu. [...]
Il faut bien prendre garde de confondre le fait même de l’égalité avec la révolution qui achève de l’introduire dans l’état social et dans les lois ; c’est là que se trouve la raison de presque tous les phénomènes qui nous étonnent.
Tous les anciens pouvoirs politiques de l’Europe, les plus grands aussi bien que les moindres, ont été fondés dans des siècles d’aristocratie, et ils représentaient ou défendaient plus ou moins le principe de l’inégalité et du privilège. Pour faire préva­loir dans le gouvernement les besoins et les intérêts nouveaux que suggérait l’égalité croissante, il a donc fallu aux hommes de nos jours renverser ou contraindre les anciens pouvoirs. Cela les a conduits à faire des révolutions, et a inspire a un grand nombre d’entre eux ce goût sauvage du désordre et de l’indépendance que toutes les révolutions, quel que soit leur objet, font toujours naître.
Je ne crois pas qu’il y ait une seule contrée en Europe où le développement de l’égalité n’ait point été précédé ou suivi de quelques changements violents dans l’état de la propriété et des personnes, et presque tous ces changements ont été accompa­gnés de beaucoup d’anarchie et de licence, parce qu’ils étaient faits par la portion la moins policée de la nation contre celle qui l’était le plus.
De là sont sorties les deux tendances contraires que j’ai précédemment montrées. Tant que la révolution démocratique était dans sa chaleur, les hommes occupés à détruire les anciens pouvoirs aristocratiques qui combattaient contre elle se mon­traient animés d’un grand esprit d’indépendance, et, à mesure que la victoire de l’éga­lité devenait plus complète, ils s’abandonnaient peu à peu aux instincts naturels que cette même égalité fait naître, et ils renforçaient et centralisaient le pouvoir social. Ils avaient voulu être libres pour pouvoir se faire égaux, et, à mesure que l’éga­lité s’établissait davantage à l’aide de la liberté, elle leur rendait la liberté plus difficile.
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L'attraction des pouvoirs administratifs vers le centre sera toujours moins aisé et moins rapide avec des rois qui tiennent encore par quelque endroit à l'ancien ordre aristocratique, qu'avec des princes nouveaux, fils de leurs œuvres, que leurs naissance, leurs préjugés, leurs instincts, leurs habitudes, semblent lier indissolublement à la cause de l'égalité. [...] Dans les sociétés démocratiques, la centralisation sera toujours d'autant plus grande que le souverain sera moins aristocratique : voilà la règle.
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Quand l'égalité vient à se développer chez un peuple qui n'a jamais connu ou qui ne connaît plus depuis longtemps la liberté, ainsi que cela se voit sur le continent de l'Europe, les anciennes habitudes de la nation arrivant à se combiner subitement et par une sorte d'attraction naturelle avec les habitudes et les doctrines nouvelles que fait naître l'état social, tous les pouvoirs semblent accourir d'eux-mêmes vers le centre ; ils s'y accumulent avec une rapidité surprenante, et l'État atteint tout d'un coup les extrêmes limites de sa force, tandis que les particuliers se laissent tomber en un moment jusqu'au dernier degré de la faiblesse.
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Alexis de Tocqueville
Les modernes, après avoir aboli l’esclavage, ont donc encore à détruire trois préjugés bien plus insaisissables et plus tenaces que lui : le préjugé du maître, le préjugé de race, et enfin le préjugé du blanc.
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Nos pères n’avaient pas le mot d’individualisme, que nous avons forgé pour notre usage, parce que, de leur temps, il n’y avait pas en effet d’individu qui n’appartînt à un groupe et qui pût se considérer absolument seul ; mais chacun des mille petits groupes dont la société française se composait ne songeait qu’à lui-même. C’était, si je puis m’exprimer ainsi, une sorte d’individualisme collectif, qui préparait les âmes au véritable individualisme que nous connaissons.

Et ce qu’il y a de plus étrange, c’est que tous les hommes qui se tenaient si à l’écart les uns des autres étaient devenus tellement semblables entre eux qu’il eût suffi de les faire changer de place pour ne pouvoir plus les reconnaître. Bien plus, qui eût pu sonder leur esprit eût découvert que ces petites barrières qui divisaient des gens si pareils leur paraissaient à eux-mêmes aussi contraires à l’intérêt public qu’au bon sens, et qu’en théorie ils adoraient déjà l’unité. Chacun d’eux ne tenait à sa condition particulière que parce que d’autres se particularisaient par la condition ; mais ils étaient tous prêts à se confondre dans la même masse, pourvu que personne n’eût rien à part et n’y dépassât le niveau commun.

Livre II Chapitre IX Comment ces hommes si semblables étaient plus séparés qu’ils ne l’avaient jamais été en petits groupes étrangers et indifférents les uns aux autres
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Au XVIIIe siècle, ce n’est plus le peuple lui-même agissant en corps qui forme l’assemblée générale. Celle-ci est presque toujours représentative. Mais ce qu’il faut bien considérer, c’est que nulle part elle n’est plus élue par la masse du public et n’en reçoit l’esprit. Partout elle est composée de notables, dont quelques-uns y paraissent en vertu d’un droit qui leur est propre ; les autres y sont envoyés par des corporations ou des compagnies, et chacun y remplit un mandat impératif que lui a donné cette petite société particulière.

À mesure qu’on avance dans le siècle, le nombre des notables de droit se multiplie dans le sein de cette assemblée ; les députés des corporations industrielles y deviennent moins nombreux ou cessent d’y paraître. On n’y rencontre plus que ceux des corps ; c’est-à-dire que l’assemblée contient seulement des bourgeois et ne reçoit presque plus d’artisans. Le peuple, qui ne se laisse pas prendre aussi aisément qu’on se l’imagine aux vains semblants de la liberté, cesse alors partout de s’intéresser aux affaires de la commune et vit dans l’intérieur de ses propres murs comme un étranger. Inutilement ses magistrats essaient de temps en temps de réveiller en lui ce patriotisme municipal qui a fait tant de merveilles dans le moyen âge : il reste sourd. Les plus grands intérêts de la ville semblent ne plus le toucher. On voudrait qu’il allât voter, là où on a cru devoir conserver la vaine image d’une élection libre : il s’entête à s’abstenir. Rien de plus commun qu’un pareil spectacle dans l’histoire. Presque tous les princes qui ont détruit la liberté ont tenté d’en maintenir les formes : cela s’est vu depuis Auguste jusqu’à nos jours ; ils se flattaient ainsi de réunir à la force morale que donne toujours l’assentiment du public les commodités que la puissance absolue peut seule offrir. Presque tous ont échoué dans cette entreprise, et bientôt découvert qu’il était impossible de faire durer longtemps ces menteuses apparences là où la réalité n’était plus.

Au XVIIIe siècle le gouvernement municipal des villes avait donc dégénéré partout en une petite oligarchie. Quelques familles y conduisaient toutes les affaires dans des vues particulières, loin de l’œil du public et sans être responsables envers lui : c’est une maladie dont la France est atteinte dans son administration entière. Tous les intendants la signalent ; mais le seul remède qu’ils imaginent, c’est d’assujettir de plus en plus les pouvoirs locaux au gouvernement central.

Livre II Chapitre III Comment ce qu’on appelle aujourd’hui la tutelle administrative est une institution de l’ancien régime
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L'Américain pris au hasard doit donc être un homme ardent dans ses désirs, entreprenant, aventureux, surtout novateur. Cet esprit se retrouve, en effet, dans toute ses œuvres ; il l’introduit dans ses lois politiques, dans ses doctrines religieuses, dans ses théories d'économie sociale, dans son industrie privée ; il le porte partout avec lui, au fond des bois comme au sein des villes.
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L'État reçoit et souvent prend l'enfant des bras de sa mère pour le confier à ses agents ; c'est lui qui se charge d'inspirer à chaque génération des sentiments, et de lui fournir des idées.
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Il y a en effet une passion mâle et légitime pour l’égalité qui excite les hommes à vouloir être tous forts et estimés. Cette passion tend à élever les petits au rang des grands, mais il se rencontre aussi dans le cœur humain un goût dépravé pour l’égalité, qui porte les faibles à vouloir attirer les fors à leur niveau, et qui réduit les hommes à préférer l’égalité dans la servitude à l’inégalité dans la liberté. Ce n’est pas que les peuples dont l’état social est démocratique méprisent naturellement la liberté ; ils ont au contraire un goût instinctif pour elle. Mais la liberté n’est pas l’objet principal et continu de leur désir ; ce qu’ils aiment d’un amour éternel, c’est l’égalité ; ils s’élancent vers la liberté par impulsion rapide et par efforts soudains, et, s’ils manquent le but, ils se résignent ; mais rien ne saurait les satisfaire sans l’égalité, et ils consentiraient plutôt à périr qu’à la perdre.
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Quoi qu'on en dise, ce n'est point à l'aide de médiocres sentiments et de vulgaires pensées que se sont jamais accomplies les grandes choses.
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J’ai vécu avec des gens de lettres, qui ont écrit l’histoire sans se mêler aux affaires, et avec des hommes politiques, qui ne se sont jamais occupés qu’à produire les événements sans songer à les décrire. J’ai toujours remarqué que les premiers voyaient partout des causes générales, tandis que les autres, vivant au milieu du décousu des faits journaliers, se figuraient volontiers que tout devait être attribué à des incidents particuliers, et que les petits ressorts, qu’ils faisaient sans cesse jouer dans leurs mains, étaient les mêmes que ceux qui font remuer le monde. Il est à croire que les uns et les autres se trompent.

Je hais, pour ma part, ces systèmes absolus, qui font dépendre tous les événements de l’histoire de grandes causes premières se liant les unes aux autres par une chaîne fatale, et qui suppriment, pour ainsi dire, les hommes de l'histoire du genre humain. Je les trouve étroits dans leur prétendue grandeur, et faux sous leur air de vérité mathématique. Je crois, n'en déplaise aux écrivains qui ont inventé ces sublimes théories pour nourrir leur vanité et faciliter leur travail, que beaucoup de faits historiques importants ne sauraient être expliqués que par des circonstances accidentelles, et que beaucoup d'autres restent inexplicables ; qu'enfin le hasard ou plutôt cet enchevêtrement de causes secondes, que nous appelons ainsi faute de savoir le démêler, entre pour beaucoup dans tout ce que nous voyons sur le théâtre du monde ; mais je crois fermement que le hasard n'y fait rien, qui ne soit préparé à l'avance. Les faits antérieurs, la nature des institutions, le tour des esprits, l'état des mœurs, sont les matériaux avec lesquels il compose ces impromptus qui nous étonnent et nous effraient.
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Alexis de Tocqueville
« L'histoire est une galerie de tableaux où il y a peu d'originaux et beaucoup de copies. »

Alexis de Tocqueville, Extrait de L'Ancien Régime et la Révolution.
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Il n'y a, en général, que les conceptions simples qui s'emparent de l'esprit du peuple. Une idée fausse, mais claire et précise, aura toujours plus de puissance dans le monde qu'une idée vraie, mais complexe.
(P243)
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Il n'y a rien de moins indépendant qu'un citoyen libre. Un citoyen libre n'est pas indépendant précisément parce qu'il est toujours pris dans une collaboration avec les autres citoyens. Et c'est de cette collaboration que peut naître le bien-être collectif.
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L’Angleterre, à l’abri de la maladie révolutionnaire des peuples par la sagesse de ses lois et la force de ses anciennes mœurs, de la colère des princes par sa puissance et son isolement au milieu de nous, joue volontiers, dans les affaires intérieures du continent, le rôle d’avocat de la liberté et de la justice. Elle aime à censurer et même à insulter les forts, à justifier et à encourager les faibles, mais il semble qu’il ne s’agisse pour elle que de prendre un bon air et de discuter une théorie honnête. Ses protégés viennent-ils à avoir besoin d’elle, elle offre son appui moral.
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Ce que j'appelle l'esprit littéraire en politique consiste à voir ce qui est ingénieux et neuf plus que ce qui est vrai, à aimer ce qui fait un tableau intéressant plus que ce qui sert, à se montrer sensible au bien jouer et au bien dire des acteurs, indépendamment des conséquences de la pièce, et à se décider enfin par des impressions plutôt que par des raisons. Je n'ai pas besoin de dire que ce travers se rencontre ailleurs que dans les académies. A vrai dire, toute la nation en tient un peu, et le peuple français, pris en masse, juge très souvent en politique comme un homme de lettres.
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