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Citations de Alfred Döblin (93)


Décrire exactement le bouclier d'Achille, énumérer les armes et les ornements qu'il portait pour aller au combat, je ne le pourrais guère ; tout ce dont je me souviens vaguement, ce sont les brassards et les cuissards.
Mais ce que je veux décrire, c'est l'aspect de Franz retournant au combat. Il porte ses vieux vêtements poussiéreux et crottés, une casquette de marin ornée d'une ancre cabossée ; jaquette et pantalon sont en méchant tissu marron bien usé.
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Ceux qui meublent l'intérieur des tramways et autobus sont assis en poses diverses et augmentent ainsi le poids inscrit au-dehors des voitures. Ce qui se passe dans leur âme, qui l'éluciderait? Un chapitre énorme. Et puis, si on le faisait, à qui cela profiterait-il? De nouveaux livres? Les anciens déjà ne marchent pas et en 1927 la vente des livres a baissé de tant pour cent sur la vente de 1926. Que l'on considère donc simplement les gens comme personnes privées qui ont tous payé vingt pfennigs, exception faite pour les abonnés et les titulaires des cartes scolaires qui n'en payent que dix.
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Des champs plats passent furtivement, de petites forêts.
Au bord d'un cours d'eau, sous un pont de bois, une paysanne va pieds nus, foulard blanc sur la tête. Qu'est-ce que cela ? Troupeaux de boeufs. De nouveau des terres cultivées. Beaucoup d'oies blanches.

C'est la Pologne.
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A cet instant un homme sauta sur le tigre et lui planta un long couteau acéré dans le ventre qu'il ouvrit tout au long. Le tigre se retourna, se cabra. Le jeu prenait fin. Le bâton vola hors de sa gueule ; les hommes fuirent. C'en était fait de l'animal. La gueule béante, il poussa un hurlement profond vers ceux qui l'abandonnaient, puis un autre. La douleur était atroce. Il plongea la langue, la tête dans la terrible blessure et l'en ressortit couverte de sang. Il eut encore un râle, plein de haine envers les fuyards, puis s'enroula autour de la plaie, s'affaissa. Il était mort.
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Comment un homme peut-il prospérer s’il ne visite pas la Mort? La vraie mort, la mort véritable. Tu t’es préservé toute ta vie. Préserver, préserver, tel est le désir craintif des hommes, et ainsi on fait du surplace, et ainsi on n’avance pas.
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On vieillit comme des cons et néanmoins à quelque chose malheur est bon, mais des cons comme les travailleurs allemands, ça s’est encore jamais vu. Les travailleurs allemands prennent encore et toujours leur bulletin de vote et vont dans l’isoloir et le glissent dans la fente et pensent alors que le tour est joué. Ils disent : nous voulons faire retentir notre voix au Reichstag; ma foi, qu’ils s’empressent de fonder une chorale.
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Si tu as jamais embrassé sur les bords de la mer, épié par les vaguelettes dansant alentour, tu sais quelle est la plus belle chose sur terre, tu as papoté avec l’Amour.
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Mais j’ai connu bien des hommes intelligents qui à quatre-vingts ans n’étaient pas avancés comme Stefan à vingt. C’est que l’essentiel chez l’homme ce sont ses yeux et ses pieds. Il faut savoir voir le monde et puis marcher vers lui.
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« Allons allons, que voulez-vous qu’il arrive, ne vous en faites pas. On ne dépérit pas comme ça. Là où mille hommes peuvent vivre, il y aura bien de la place pour un de plus. »
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Je suis assis sur un banc derrière l'église.
Dans quelques temps, je quitterai le camp et j'errerai dans cette ville, seul. Qu'arrivera-t-il ? Dois-je m'assoir dans un coin et écrire, comme j'en ai depuis longtemps maintenant l'habitude - écrire en allemand, pour qui ?
Ecrire a eu son temps et son sens qui, un jour, disparaît. Il importe peu de s'appuyer sur tel ou tel groupe dans le pays.
La nature, dans laquelle j'ai aussi une place, répand ses séductions avec une force et une vérité irrésistibles, qui me pénètrent. Elle sème des bienfaits comme un arbre en fleur saupoudre le sol alentour de pollen jaune. Ce bienfait de l'air, du vent, du ciel... je le ressens là, assis sur mon banc.
Et, me promenant ensuite le long de la rivière : l'eau qui coule plus bas, l'élément souple et élastique qui constitue cette rivière, mais aussi les flots puissants de l'Amazone, les océans, les cataractes, les icebergs, la grêle, la pluie et le brouillard... l'eau, quel miracle ! Et la nature dans son ensemble - comme le moi-, oeuvre et manifestation en acte de l'éternelle puissance originelle.
Et quelle puissance originelle ! Ô combien spirituelle ! L'eau, et avec ses métamorphoses, sa richesse et la beauté de ses cristaux, me l'a fait voir depuis bien longtemps déjà. Et ce qui pose et ordonne tout cela, ce qui porte un tel costume, devrait être un billot de bois, une chose dépourvue de sens ? La terrible, l'effrayante nature n'est pas seulement terreur et effroi. La terreur et l'effroi ne sont pas là pour eux-mêmes.
Nous vivons au milieu de choses nombreuses et bonnes. Et quoi qu'il puisse en être... quelle chose solide, bien faite et raisonnable que l'homme, avec toutes ses folies et ses infamies ! Nous sommes des êtres compliqués, très composites et, à ce qu'il me paraît souvent, pas tout à fait achevés. Nous sommes encore "en chemin".
D'ailleurs, on est aussi chez soi dans de trop nombreux mondes, dans un plus grand nombre de mondes encore que l'eau.
Je suis donc, malgré tout, un enfant de ce monde, et qui l'aime. Pourquoi pas ? me demandé-je. Puisque ce monde, ainsi que la verte nature, me parlent, témoignent de la présence agissante de la main divine. Pourquoi boucher ses oreilles à la musique des sphères ?

le télégramme

Mon nom est inscrit au tableau noir quand je rentre au camp, avant le repas, plus assuré et plus calme que d'habitude.
On me dit qu'un télégramme pour moi est arrivé, mais que le porteur, ne m'ayant pas trouvé, l'a emporté.
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C’est seulement dans les États libéraux et modernes, ceux qui se sont
voués au commerce, à la banque et à l’industrie, au capital et à l’armée, que
pouvait s’implanter cette parole de mépris : “L’art est libre”, c’est-à-dire
complètement inoffensif, ces messieurs et mesdames les artistes peuvent
bien écrire ce qu’ils veulent ; nous relions cela en cuir, y jetons un œil ou
l’accrochons au mur, nous fumons là-dessous nos cigarettes, les tableaux
intéressent aussi éventuellement le commerce de l’art. L’art est lui-même
responsable de l’impudence dont il est la victime, car la plupart de ses
représentants ne méritent plus depuis longtemps le nom d’artistes. Ces
artistes se satisfont du rôle esthético-littéraire qu’ils jouent, mieux, du petit
collier et du rôle de dormeurs confiés à nos chers bichons, et leurs produits
justifient d’ailleurs amplement cette sorte de traitement.
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LIVRE NEUVIÈME

Et maintenant le parcours terrestre de Franz
Biberkopf est terminé. Il est temps désormais
de le fracasser. Il tombe aux mains de la puis-
sance sombre qui s'appelle la Mort et qui lui
paraît un séjour indiqué. Mais il apprend ce
qu'elle pense de lui, d'une manière inattendue
et qui dépasse tout ce qu'il a enduré jusqu'ici.
Elle lui dit son fait. elle l'éclaire sur ses
erreurs, son orgueil et son ignorance. Et l'an-
cien Franz Biberkopf s'effondre alors, la trajec-
toire de sa vie s"achève.
L'homme est foutu. Nous vous présenterons
encore un autre Biberkopf, auquel l'ancien n'ar
-rive pas à la cheville et dont on peut espérer
qu'il fera mieux l'affaire.
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Nous partons en enfer avec tambours et trompettes, nous n'avons rien pour ce monde-là, qu'il aille donc au diable avec tout ce qu'il porte, dessus, dessous et au-delà. Avec tous ses gens, avec ses hommes, avec ses femmes, avec toute cette engeance infernale, on ne peut faire fond sur personne. Si j'étais un petit oiseau, je prendrais un peu de merde, la chasserais des deux pattes derrière moi et m'envolerais tout aussitôt. Si j'étais un cheval, un chien, un chat, ma foi, qu'a-t-on de mieux à faire que de lâcher sa fiente sur la terre et disparaître sans demander son reste.
Il n'y a rien de palpitant en ce monde, j'ai pas envie d'me remettre à picoler, ça j'pourrais bien, notez, picoler, picoler et encore picoler, et alors toute cette saloperie infernale recommencerait du début. Le bon Dieu a fait la terre, j'aimeras qu'un curé m'explique pourquoi. Mais il l'a faite tout de même meilleure que les curés ne la connaissent, il nous a permis de compisser cette saloperie, et il nous a donné deux mains et puis une corde aussi, et ainsi fini la comédie, ça nous le pouvons, alors toute cette merde infernale s'efface, bien du plaisir, jouissances et fêtes, nous partons en enfer avec tambours et trompettes.
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Lève-toi, Soleil, tu ne nous effraie pas. Tous les kilomètres nous sont indifférents, le diamètre, ton volume. Soleil chaud, lève-toi, lumière claire, lève-toi. Tu n'es pas grand, tu n'es pas petit, tu es une joie.
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Chez les Juifs Franz resta assis toute une heure sur le sofa. Ils parlèrent, il parla, il s'étonna, ils s'étonnèrent toute une heure durant. Ce dont il s'étonna, tandis qu'il était assis sur le sofa et qu'ils parlaient et qu'il parlait ? Qu'il fût assis là et qu'il parlât et qu'ils parlassent, et surtout il s'étonnait de lui-même. Pourquoi il s'étonnait de lui-même ? Il le savait et le notait lui-même, il le constatait comme un enregistreur une erreur de calcul. Il constatait quelque chose.
C'était décidé ; il s'étonnait de la décision qu'il découvrait en lui.
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Si tu as jamais embrassé sur les bords de la mer, épié par les vaguelettes dansant alentour, tu sais quelle est la plus belle chose sur terre, tu as papoté avec l'Amour.
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Claque, voici que que ça claque dans la tempête, dans le souffle et le vent un claquement se fait entendre, une femme tourne le cou sur une bête couleur d’écarlate. Elle a sept têtes et dix cornes. Elle crisse et crécelle et elle a un verre dans la main, elle sarcasme, elle guette Franz, elle boit à la santé des puissances de la tempête : criss, criss, ne vous échauffez pas de la sorte, mes très chères, ça ne vaut pas vraiment le coup pour cet homme là, l’a rien d’extraordinaire, le gaillard, n’a plus après tout qu’un seul bras, et puis il lui reste tout juste la peau sur les os, bientôt il sera froid, déjà ils lui glissent un cruchon bouillant au fond du lit, et puis j’ai déjà son sang, lui-même n’en a plus qu’un tout petit peu, vraiment plus de quoi faire l’important. Allons allons, je vous le dis, ne vous échauffez pas, mes très chères.
Tout cela se passe sous les yeux de Franz. La putain remue ses sept têtes, crisse et crécelle et dodeline de la tête. La bête sous elle affûte ses serres, secoue la tête.

Page 572.
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Et lorsque l'époux Bende apprit que Link était malade, il dit en plaisantant: "Eh bien, d'ici à ce que la Link lui ai donné quelque chose ! Elle s'est vantée qu'un jour elle se vengerait. (...)
Chez Madame Link: extrême fébrilité, incohérence absolue. Epuisée, elle soignait son mari. Construisait, détruisait. (p. 58)
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Les lettres étaient apparemment un moyen de s'entraider, de comploter contre les hommes, mais bientôt elles devinrent aussi et surtout l'instrument d'une auto-exaltation. Les deux femmes s'aiguillonnaient, se calmaient, jouaient au plus fin. Les lettres étaient un grand pas vers d'autres complicités. (p. 29)
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En fait je ne pense pas du tout, dans mon wagon, à la fuite, ou à mon pays d'asile. Mes pensées ne vont pas du tout aussi loin. Je ne ressens, comme les autres, que la dureté du coup et le poids de son obscurité. Je vois tous ceux qui ont assis autour de moi dans ce wagon rester muets, parler ou faire comme s'ils dormaient; cruellement atteints, nous sommes abandonnés à nous-mêmes. Nous étions guidés, protégés par l'Etat -nous ne le sommes plus. La défaite : un état primitif.
Je suis atteint jusque dans mes racines. Pourquoi ? Pourquoi si profondément ? La réponse, toute la réponse à ces questions ne m'est apparue que lentement, au cours des semaines suivantes.
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