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Citations de André Maurois (304)


Le soir, dans la cuisine, nos ordonnances discutèrent cet incident et découvrirent au cours de la conversation que Biggs n'avait jamais tué personne. Tous les autres étaient de vieux guerriers : ils s'étonnèrent.
L'ordonnance du général Kemble, ce géant qui, à lui seul, en avait une douzaine au tableau, plaignit vivement le pauvre petit cokney.
-"Homme, homme, disait-il, comment est-ce possible ? Quoi ? Jamais un ? Pas même blessé ?
- Non, dit Biggs honnête : je cours très lentement, j'arrive parfois le dernier... I never get a chance."
Or, quelques jours plus tard, le bataillon fut remis en ligne et lancé dans une petite échauffourée en face de Fleurbaix, pour enlever un saillant. Vous vous en souvenez, sir ? C'est une des meilleures choses que la division ait jamais faites.
Préparation, barrages, rampants, communication coupées, tout marcha à l'horloge et nous primes nos ennemis dans leurs trous comme des lapins.
Or, tandis que les hommes, à coups de fusils, de grenades, de baïonnettes, nettoyaient les boyaux conquis, on entendit tout à coup hurler :
"-Harry, Harry, come on... Envoyez Biggs... Faites passer Private Biggs."
C'était la voix du highlander Kemble; un autre géant empoigna Biggs par le fond de sa culotte et le hissa avec son fusil à la hauteur du parapet. Là deux mains robustes saisirent le petit homme qui circula dans les airs tout le long de la file pour être enfin transmis à Kemble, qui, l'attrapant de la main gauche, lui dit d'une voix affectueuse, tout heureux du plaisir délicat qu'il allait offrir à son ami :
"- Homme, homme, regarde dans ce trou; j'en ai là deux au bout de mon fusil, mais je les ai gardés pour toi".
- Cette histoire est vraie, dit le général Bramble, et elle prouve une fois de plus que le soldat britannique a bon cœur.
Le révérend Jeffries et l'interprète Aurelle étaient devenus très blancs.
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XLII - Le premier amour.

C'est une redoutable responsabilité, madame, que d'être le premier amour d'un homme de génie. Et même de tout homme.
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XXVII

Je vous écris sur mes genoux, dans un train, entre Marseille et Nice. Le ciel est bleu drapeau, sans un nuage. Les petites villes fortifiées, aux rues dallées, se sont réfugiées sur les collines, pour se protéger des Sarrasins. Les crêtes rocheuses et dorées ont cette précision pure qui n’appartient qu’à la Provence et à la Grèce.
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XXVI - Du choix des livres

Vous me demandez, Inconnue de mon âme, ce que vous devez lire. Mes conseils vont sans doute vous surprendre. Pourtant suivez-les. Mon maître Alain disait qu’il faut être l’homme (ou la femme) de peu de livres et prouvait, par son exemple, l’excellence de ce principe. Sa bibliothèque se composait essentiellement de quelques grands auteurs : Homère, Horace, Tacite, Saint-Simon, Retz, Rousseau, le Mémorial, Stendhal, Balzac, George Sand, Victor Hugo et naturellement les philosophes : Platon, Aristote, Descartes, Spinoza, Kant, Hegel, Auguste Comte. Au cours de sa vie, il ajouta Romain Rolland, Valéry, Claudel, Proust et aussi Kipling.

Choix sévère, limité, mais de ces grandes œuvres, il n’ignorait rien. Les relisant sans cesse, il y découvrait chaque fois des beautés nouvelles. Il pensait que nul ne connaît un auteur s’il n’est capable d’aller tout droit à la page cherchée. Dans quel roman de Balzac se trouve la première rencontre de Vautrin et de Rubempré ? Dans quel roman retrouve-t-on Félix de Vandenesse marié ? Dans quel tome de Proust apparaît le septuor de Vinteuil ? Qui ne peut répondre n’est pas un lecteur véritable. « L’important n’est pas de trouver, disait Valéry, mais de s’ajouter ce qu’on trouve. » Une femme est plus cultivée si elle s’est ajouté quelques beaux ouvrages que si elle a parcouru distraitement trois livres nouveaux par jour.

Faut-il donc refuser audience aux auteurs de notre temps ? Evidemment non, et d’ailleurs quelques-uns d’entre eux seront les maîtres de demain. Mais il se faut garder d’une excessive dispersion. Comment ? D’abord en donnant à la récolte de l’année le temps de se décanter. Que de livres proclamés chefs-d’œuvre par leur éditeur ou par un cénacle, seront oubliés six mois plus tard ! Ne nous chargeons pas vainement la mémoire. Attendons. Flairons ce qui passe et choisissons nos amis. Chacun de nous a, parmi les contemporains, ses élus. De ceux-là, qu’il suive les essais. Je lis tout ce que publient quelques jeunes en qui j’ai confiance. Je serai heureux d’en découvrir d’autres, mais je ne les souhaite pas trop nombreux. Je serais submergé.

Dès que nous sommes sûrs de la valeur spirituelle ou esthétique d’un livre, il faut l’acquérir. Une connaissance intime et totale n’est possible que pour les œuvres que nous aurons sous la main. Pour une première rencontre avec un auteur, il est légitime, et même raisonnable, de recourir à l’emprunt. Quand nous avons décidé de l’adopter, il lui faut acquérir droit de cité. On épouse la femme et on achète les livres avec lesquels on désire vivre.

Et comment lire ? Une première lecture est presque toujours, si le livre nous enchante, rapide et passionnée. Le lecteur dévore les pages. Mais les lectures suivantes (et un grand livre sera relu cent fois) doivent se faire crayon ou plume à la main. Rien de plus propre à former le goût et le jugement que de copier un passage sublime, de noter une pensée profonde. Des auteurs que l’on estime, il faut se jurer de ne rien passer. Qui saute, dans Balzac, les longues descriptions de villes ou de maisons n’est pas un balzacien.

Une méthode efficace est de lire en étoile ; je veux dire en rayonnant autour d’un sujet central, un livre appelant l’autre. Exemple : je lis Proust et l’admire. J’apprends en l’étudiant, que Proust lui-même admirait Ruskin, George Sand. Je vais à Ruskin et Sand ; ce qu’un tel lecteur jugeait bon ne peut être indifférent. Ainsi Chateaubriand m’a fait connaître Joubert. Charles du Bos m’a fait lire « Eurydice deux fois perdue ». Maurice Baring m’a jadis initié à Tchekhov, à Gogol. En telle manière se forment des chaînes d’amitiés spirituelles. A vous d’y prendre votre place. Adieu.
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Vous n'ennuierez jamais un homme en le faisant parler de lui. Que de femmes ont fourni de triomphales carrières dans le métier d'écouteuse, où d'ailleurs écouter n'est pas nécessaire ; il suffit d'en avoir l'air.
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Il écrivit sur son maître, pour un journal, un article nécrologique dont la publication fut interdite par la censure de Saint-Pétersbourg. Ce n'était pas que l'article fût subversif, mais Gogol était un écrivain, "tous les écrivains étaient dangereux, et des louanges posthumes trop vives ne pouvaient qu'encourager les jeunes gens à des occupations blâmables." Tourguéniev ne protesta pas, mais envoya son manuscrit à Moscou, où un censeur plus négligent le visa. L'histoire fut racontée à l'Empereur, qui ordonna l'arrestation de Tourguéniev.
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Au moment de la naissance de Tourguéniev, en 1818, la Russie est un pays d'autarcie absolue et naïvement impitoyable.
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André Maurois
Si belle qu'ait été une vie, il y a toujours un immense écart entre l'existence qu'avait rêvée l'adolescent et celle qu'a connue l'homme.
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Toute affaire que l'on me propose est mauvaise, car si elle était bonne on ne me la proposerait pas.
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Nous nous étendimes dans l'herbe, moi les orteils en éventail et ma tête appuyée sur son épaule. Des sapins plantés autour de nous formaient comme un puits vertical.
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Le lendemain matin, après qu’une femme de chambre efficace et muette eut fait remonter les stores de papier noir qui m’avaient séparé de la lumière et m’eut donné cette tasse de thé matinale et toute somnolente par laquelle les Anglais lavent à la fois leur langue toute chargée des digestions de la nuit et leur cerveau où flottent encore les dernières images des songes, je me hâtai d’appeler Andrée et de courir à la fenêtre. Quelle joie ! De nos chambres situées au sixième étage, nous dominions Hyde Park.
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Mais ne trouvez-vous pas vous-même, Aurelle, reprit le major Parker, que l'intelligence soit estimée chez vous au-dessus de sa valeur réelle? Il est certes plus utile dans la vie de savoir boxer que de savoir écrire. Vous voudriez voir Eton respecter les forts en thème ? C'est comme si vous demandiezà un entraîneur de chevaux de courses de s'intéresser aux chevaux de cirque. Nous n'allons pas au collège pour nous instruire, mais pour nous imprégner des préjugés de notre classe sans lesquels nous serions dangereux et malheureux.
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“Nous nous lions presque toujours sans trop savoir ce que nous faisons. Puis nous désirons être honnêtes ; nous ne voulons pas blesser les êtres que nous aimons ; nous nous refusons pour des raisons confuses, des plaisirs certains qu’ensuite nous regrettons. Je disais qu’il y a là une sorte de bonté lâche, que presque toujours nous en voulons à ceux qui nous ont fait renoncer ainsi à nous-mêmes et qu’en somme il vaut mieux, et pour eux et pour nous, avoir le courage de savoir ce que nous aimons, et de regarder la vie en face.”
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L'histoire d'un homme qui a trop souffert d'aimer.

Philippe Marcenat cherche son bonheur auprès des femmes. Non pas en accumulant les conquêtes mais en vivant une passion véritable auprès de la femme qu'il aime.
Mais c'est cette passion qui va le dévorer et l'empêcher de vivre le bonheur conjugal qui s'offrait à lui. Pour lui, amour rime avec jalousie. Il est rongé par l'angoisse et par le doute et n'arrive à s'en défaire.
C'est un personnage si attachant ce Mercenat, on ne peut qu'avoir de la peine à le voir tant souffrir à cause de sa passion.
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“Je vois très peu Jacques, vous savez, dit Solange… Mais il est mon meilleur ami. C’est un garçon si droit, si franc… Seulement après treize ans de ménage, maintenir la fiction d’un grand amour serait de l’hypocrisie… Je n’en ai pas.
- Pourtant vous aviez fait un mariage d’amour, n’est ce pas ?
- Oui, j’ai adoré Jacques. Nous avons eu de beaux moments. Mais la passion ne dure jamais longtemps… et puis la guerre nous a désunis. Au bout de quatre ans, nous avions tellement pris l’habitude de vivre séparés…
- Comme c’est triste ! Et vous n’avez pas essayé de refaire votre bonheur ?
- Vous savez, quand on ne s’aime plus… ou, plus exactement, quand il n’y a plus de désir physique (car j’ai pour Jacques beaucoup d’affection), c’est difficile de rester, en apparence, un couple uni… Jacques a une maitresse ; je le sais ; je l’approuve… Vous ne pouvez pas encore comprendre ça, mais un moment vient où on a besoin d’indépendance…
- Pourquoi ? Il me semble que mariage et indépendance sont deux mots contradictoires.
- On dit ça, au début. Mais le mariage, tel que vous le concevez, a un côté disciplinaire. Je vous choque ?”
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Lorsque mes parents m'envoyèrent dans un lycée de Paris, où l'on se moqua de mon accent normand, je devins tout de suite misanthrope. Je fus le collégien solitaire qui tourne autour de la cour, les mains dans les poches, sans amis. J'avais besoin de sympathie et ma timidité ne me permettait pas d'en inspirer.
Heureusement la guerre me cueillit exactement aux portes du lycée. Elle me replongea dans une vie qui convenait à mon étrange nature. Le danger, la misère, la saleté des abris, le froid et la pluie ne m'effrayaient pas ; ce que je craignais, c'était le contact direct avec des êtres humains.

Voyage au pays des articoles
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" - Comme il est surprenant, dis-je, que des faits si importants et si simples aient jusqu'alors échappé aux hommes.
- Pourquoi ? dit-il...N'est-ce pas I'histoire de tous les phénomènes scientifiques? Les données de toutes les grandes découvertes ont existé dans la nature depuis des milliers d'années. Il manquait un esprit pour les interpréter. Quand l'homme des cavernes laissait tomber une pierre dans le torrent, le long de son rocher, il aurait pu, comme plus tard Galilée, découvrir les lois de la chute des corps... Il n'y pensait pas.. orages ont été, depuis que la terre est terre, de merveilleuses expériences qui auraient pu montrer à tous les hommes l'existence de I'électricité... On les expliquait par la colère de Zeus... Les hommes ont toujours été entourés et l'atmosphère parcourue, par les radiations dont se servent aujourd'hui nos physiciens; ces radiations demeuraient invisibles, insaisissables, comme la force vitale de mon rat. "

Le peseur d'âmes
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" - Comment respireront-ils ? demandai-je.
- Ils emporteront de l'oxygène, dit Monestier. Plus tard, quand il y aura là-bas une colonie d'êtres humains, un marché d'oxygène s'ouvrira où chaque matin les ménagères iront faire leur provision d'air respirable. Cette vie paraîtra très simple à ceux qui la vivront... Qu'aurait pensé Christophe Colomb si on lui avait décrit le paquebot Ile-de-France?... Relisez Jules Verne et Wells. Presque tous les rêves de la génération précédente sont devenus des réalités d'aujourd'hui. "

Le peseur d'âmes
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Ainsi cette invention, qui, avais-je pensé au temps des premières expériences, devait transformer les rapports entre les hommes, n'avait eu en fait à peu près aucune influence. Elle avait jadis bouleversé, d'ailleurs assez heureusement, mon propre ménage, parce qu'elle l'avait attaqué par surprise. Mais l'humanité, par ses religions comme par ses philosophies, cherche à maintenir, malgré les inventions qui transforment ses habitudes, une température morale à peu près constante. Contre ce poison nouveau, elle avait vite sécrété les antitoxines convenables.

La machine à lire les pensées
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" - Ah! Dumoulin!... Dumoulin!... dit le petit Weber en s'arrêtant. Que vous êtes peu philosophe! Vous confondez le vouloir et la rêverie.. Vouloir un acte, ce n'est pas le rêver, c'est le faire, ou au moins essayer de le faire... Vous, Denis Dumoulin, vous pouvez dire que vous voudriez être président du Conseil ou premier ministre d'Angleterre.. Peut-être le dites-vous dans vos psychogrammes.... En fait, vous ne voulez rien de tel... Si vous vouliez être candidat aux élections législatives, alors vous seriez candidat... C'est l'histoire des faux artistes qui rêvent d'écrire un roman ou un drame et qui ne le commencent jamais... "

La machine à lire les pensées
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