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Citations de Antoine Piazza (18)


Anselme espérait vivre assez vieux pour que sa nièce eût atteint l'âge canonique au-delà duquel tous les appétits en elle fussent morts et que sa fortune eût trouvé ainsi non pas une héritière mais une tombe.
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Les odeurs de forêt, de terre, d'arbres, de bêtes rendues en charogne, étaient des odeurs fragiles et fugitives qui revenaient avec les saisons et se promenaient avec les vents quand l'odeur des hommes restaient accrochée aux maisons comme le papier des tapisseries, les portraits d'ancêtres, les batteries de casseroles.
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J’étais tenu de saluer, de remercier, pas d’accrocher le néant des vies cantonales sur les murs de mon nouveau domaine.
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Leur vie avait été celle des autres. Ici, une vie à côté de la vie.
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Les villes sont faites pour l'indifférence, pas pour la haine.
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En réalité, personne ne voulait s’installer ici.
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Béring fracassa d’un violent coup de pied le poêle qui répandit sur le sol de terre battue des morceaux de papier incomplètement brûlés. Béring se baissa péniblement et attrapa un bout de carton noir.
"Chateaubriand ! s’écria-t-il. Chateaubriand dans l’édition originale de 1834 parue chez Furne… Voilà ce qu’il faut à ces rustres pour se chauffer !"
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Les enfants prodiges sont rares mais les parents ambitieux sont nombreux.
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Mon père, prenant livraison, dans la semaine qui suivit, d'une nouvelle voiture, fut étonné de ne pas voir, après l'interminable et minutieux examen qui exaspérait d'ordinaire le concessionnaire et les vendeurs réunis derrière lui et à l'issue duquel il il réglait le solde dû à la livraison, l'orifice ombilical et familier qui, au moment de prendre la route, le sauvait éventuellement de la paralysie ou de la pluie. En réalité, Renault avait depuis peu supprimé la manivelle ancestrale et sommaire et fait naître la voiture moderne, docile et exempte de pannes, et les lourds ahans des citadins congestionnés rejoignirent dans un vent archaïque et froid les cris de paysans poussant leurs bêtes.
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La frontière qui sépare la réalité de la fiction a toujours été considérée comme un véritable rempart, alors qu’elle est floue, indistincte et que l’on peut la franchir sans dommage…
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J'étais arrivé quand mes tantes, pour s'asseoir, opéraient un laborieux ballet devant l'étroit canapé qu'elles rejoignirent à la façon de ces avions de chasse qui se détachent un à un de leur escadrille pour piquer vers leurs cibles. Comme je n'étais pas grand et que je me présentais au moment où les quatre femmes commençaient leur manoeuvre, l'une ayant trouvé sa place, une autre amorçant sa descente, les deux dernières tournant encore, la première chose que je vis d'elles ne fut pas leur visage mais leurs cuisses charnues alignées sur le canapé comme des pièces de viande sur leur étal, et au milieu desquelles, trônant comme un officier au milieu de ses soldats, Nabelle affichait la toile opaque de ses bas galonnés de jarretelles qu'elle portait en toute saison. Alors que, en s'asseyant, la plupart des femmes s'arrangeaient d'ordinaire pour ramener le bord de leur jupe sur leurs genoux serrés, mes tantes livraient à la vue de tous la prolifération de leurs cuisses additionnées et, à quatre reprises, parce que les bustes et les visages étaient enfoncés dans les profondeurs du canapé et que mes tantes n'avaient pas bougé pour que je pusse les embrasser facilement, je dus plonger mon corps d'enfant dans la croisée obscure de ces jambes mal refermées et m'imposer une interminable apnée pour échapper à des odeurs de femmes mûres compliquées de transpiration et d'un peu d'incontinence.
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Un livre très sensible où on suit l'auteur dans son périple sur les routes et chemins du Japon: des rencontres, des paysages, des codes culturels... Le vélo devient un moyen de locomotion presque complice des équipées de du narrateur, avec les apartés sur d'autres voyages accomplis précédemment.
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J'avais ouvert des bogues de châtaignes avant d'ouvrir un livre. Maintenant que j'avais écrit des romans et franchi des cols, je savais que la littérature et le vélo ne relevaient pas des mêmes difficultés, des mêmes angoisses, que le vélo fragile, vulnérable et inapte à rouler dans la nuit, était malgré tout doté d'un guidon, d'un dérailleur et de freins, grâce auxquels le plus maladroit des cyclistes était en mesure de choisir son chemin, d'avancer sur les côtes et de s'arrêter dans les descentes, quand la littérature, qui n'était même pas l'ébauche d'une machine, jetait dans le vide les ouvriers qui se frottaient à elle
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– Mais pourquoi donner une telle importance à une entreprise qui apparaît bien marginale dans le contexte que vous décrivez ?
– Quand une bête est traquée, elle peut affronter l’ennemi de face ou se replier dans sa tanière… Elle doit craindre un combat ou un assaut ; celui-ci laisse du répit, celui-là offre la gloire, dans les deux cas, c’est la mort… Il n’y a pas d’autre issue pour les soldats, pour les hommes ordinaires… Le Président n’est pas de cette étoffe : alors que ses adversaires l’imaginent terré dans un quelconque bunker ou se portant stupidement à la tête de ses troupes, il dispose d’une arme nouvelle, celle que nous construisons ici, précisément, et dont seulement une dizaine de personnes à ce jour connaissent l’usage…
– Faire la guerre avec des livres n’est pas nouveau…
– Il ne s’agit pas de faire la guerre mais de lui échapper… Nous dressons l’édition complète de notre production littéraire de la même façon que nous établirions une base sur Mars ou sur la Lune pour échapper à un conflit atomique. C’est tout simple : le jour de sa parution, le Président…
Béring s’assura que le petit bonhomme en gris était assez éloigné pour ne pas entrer dans la confidence. Il prit ensuite dans sa poche un monocle cerclé d’argent, le riva sur son oeil en insistant longuement sur la chair de sa joue et poursuivit :
– Le jour de sa parution, vous dis-je, le Président déclarera l’entrée du pays dans le monde de la fiction.
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Certains mouraient et ceux qui ne mouraient pas prélevaient dans les émissions de télé la dose létale qui les endormait tout à fait. (chap. 17)
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– J’en conviens, mais vous gâchiez alors une belle carrière…
– Une belle carrière ? Mais quelle carrière ? Écrire ce livre stupide était-il plus grave que de remanier les chefs-d’œuvre des siècles passés ? Depuis des années, je remettais les grands classiques au goût du jour. Vu que l’État disposait de sa littérature comme du littoral ou des forêts, et que l’on pouvait effacer de chaque livre les incorrections grammaticales tout comme les personnages ambigus, les villes trop étroites, les rues trop sales, les opinions saugrenues, de la même façon que l’on jetait des digues sur l’eau pour construire des immeubles ou que l’on faisait des coupes infinies dans les massifs, je n’étais plus qu’un artisan appliqué, chargé de la réfection des lettres comme d’autres étaient chargés de la remise à neuf des clochers…
– Vos attributions étaient clairement définies dans un contrat que personne ne vous avait obligé à signer…
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– La Délégation a été chargée par le Président, dit-il sans chercher un instant à reprendre sa respiration, durement éprouvée par l’ascension d’un court escalier en colimaçon, la Délégation a été chargée de réaliser l’édition définitive de la littérature française, depuis Loup de Ferrières jusqu’à Eugen Kleber-Gaydier.
Béring se tut un instant afin de reprendre son souffle. Il agrippa ensuite mon bras et reprit avec fièvre :
– Une entreprise sans précédent… Aucun pays n’a jamais fait un tel retour sur lui-même. Nous sommes en train de rassembler tous les textes que nos compatriotes ont un jour connus à l’état de publication… Vous devez savoir, vous qui avez travaillé à la Délégation à une époque où nous n’avions pas d’autre mission que de surveiller la langue, de contrôler les auteurs, les traductions, d’autoriser les rééditions, que ce travail pour colossal qu’il apparaisse n’est pas impossible. Il faut se rappeler le réseau extrêmement dense que la Délégation a su créer dans les antennes régionales. La plupart des fonctionnaires que les événements de février ont jetés dans l’inactivité ont répondu sans hésitation à mon appel. Peu leur importe que ce travail ne soit pas encore rémunéré, car ils savent que le Président a, pour le moment, d’autres soucis que celui de reconnaître ces modestes tâcherons… Ces gens-là travaillent pour la gloire du pays. C’est ainsi qu’on retrouve dans les provinces les plus reculées des éditions inestimables d’auteurs inconnus, des tirages limités d’œuvres éternelles, des romans apocryphes et des thèses d’universitaires obscurs, des lettres d’auteurs célèbres, des gloses denses et presque illisibles, emmagasinées dans des bouquins rongés par les poissons d’argent. Le tout nous arrive par les moyens que la technologie moderne met à notre disposition… Nous recevons d’authentiques pièces de collection par les messageries du gouvernement, je vous en ai dit un mot tout à l’heure, et nous recevons nuit et jour, sur notre collecteur télématique central, des ouvrages anciens, des préfaces, des biographies, des notices, tout ce qui entoure la littérature comme l’écorce entoure l’orange…
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J’étais sans nouvelles de Béring depuis huit ans et je ne l’aurais certainement jamais revu s’il n’y avait eu cette convocation signée de sa main. Ce fut le nom de Béring, en effet, qui me décida ; après mon exclusion de la Délégation, je sus que le directeur avait été le seul, dans ce collège de cadres qui programmait nos missions, à refuser d’ajouter son nom au procès-verbal signifiant mon congé. Mais, après huit ans de petits boulots, huit ans pendant lesquels j’avais juré tous les jours que pour rien au monde je ne reprendrais du service, je réalisai, en roulant sur ces chemins perdus, au milieu de salines abandonnées, que j’avais tout laissé sans hésiter un instant. Je voulais me persuader qu’il y avait beaucoup de curiosité dans ma démarche, qu’une telle convocation allait effacer huit ans d’ennui, je savais en fait que j’accourais une fois de plus comme un chien.
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