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Citations de Bernard-Marie Koltès (195)


Les héros sont des criminels. Il n'y a pas de héros dont les habits ne soient trempés de sang, et le sang est la seule chose au monde qui ne puisse pas passer inaperçue. C'est la chose la plus visible au monde.
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L'INSPECTEUR. – Je suis triste, patronne. Je me sens le cœur lourd et je ne sais pas pourquoi. Je suis souvent triste, mais, cette fois, il y a quelque chose qui cloche. D'habitude, lorsque je me sens ainsi, avec le goût de pleurer ou de mourir, je cherche la raison de cet état. Je fais le tour de tout ce qui est arrivé dans la journée, dans la nuit et la veille. Et je finis toujours par trouver un événement sans importance qui, sur le coup, ne m'a pas fait d'effet, mais qui, comme une petite saloperie de microbe, s'est logé dans mon cœur et me le tord dans tous les sens. Alors, quand j'ai repéré l'événement sans importance qui me fait tant souffrir, j'en rigole, le microbe est écrasé comme un pou par un ongle, et tout va bien. Mais aujourd'hui j'ai cherché ; je suis remonté jusqu'à trois jours en arrière, une fois dans un sens et une fois dans l'autre, et me voilà revenu maintenant, sans savoir d'où vient le mal, toujours aussi triste et le cœur aussi lourd.
LA PATRONNE. – Vous tripatouillez trop dans les cadavres et les histoires de maquereaux, inspecteur.
L'INSPECTEUR. – Il n'y a pas tant de cadavres que cela. Mais des maquereaux, oui, il y en a beaucoup trop. Il vaudrait mieux davantage de cadavres et moins de maquereaux.
LA PATRONNE. – Moi, je préfère les maquereaux ; ils me font vivre et ils sont bien vivants
L'INSPECTEUR. – Il faut que je m'en aille, patronne. Adieu.
Zucco sort d'une chambre, ferme sa porte à clé.
LA PATRONNE. – Il ne faut jamais dire adieu, inspecteur.
L'inspecteur sort, suivi de Zucco. (p. 28)
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UNE FEMME. — Moi, je ne pense qu'à l'enfant, je ne pense qu'à l'enfant.
UN HOMME. — Mais enfin, arrêtez avec votre enfant. C'est la femme qui a le pistolet sur la gorge.
UNE FEMME. — Oui, mais c'est l'enfant qui va souffrir.
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LE BALÈZE. – À quoi tu réfléchis, petit ?
ZUCCO. – Je songe à l’immortalité du crabe, de la limace et du hanneton.
LE BALÈZE. – Tu sais, je n’aime pas me battre. Mais tu m’as tellement cherché, petit, que l’on ne peut pas encaisser sans rien dire. Pourquoi as-tu tellement cherché la bagarre ? On dirait que tu veux mourir.
ZUCCO. – Je ne veux pas mourir. Je vais mourir.
LE BALÈZE. – Comme tout le monde, petit.
ZUCCO. – Ce n’est pas une raison.
LE BALÈZE. – Peut-être.
ZUCCO. – Le problème, avec la bière, c’est qu’on ne l’achète pas : on ne fait que la louer. Il faut que j’aille pisser.
LE BALÈZE. – Vas-y, avant qu’il ne soit trop tard.
ZUCCO. – Est-il vrai que même les chiens me regarderont de travers ?
LE BALÈZE. – Les chiens ne regardent jamais personne de travers. Les chiens sont les seuls êtres en qui tu peux avoir confiance. Ils t’aiment ou ils ne t’aiment pas, mais ils ne te jugent jamais. Et quand tout le monde t’aura laissé tomber, petit, il y aura toujours un chien qui traîne par là pour te lécher la plante des pieds.
ZUCCO. – Morte villana, di pietà nemica, di dolor madre antica, giudicio incontastabile gravoso, di te blasmar la lingua s’affatica.
LE BALÈZE : – Il faut que tu ailles pisser.
ZUCCO : – C’est trop tard.
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LE CLIENT
(…)
Or il n’existe aucun moyen qui permette, à qui se rend d’une hauteur à une autre hauteur, d’éviter de descendre pour devoir remonter ensuite, avec l’absurdité de deux mouvements qui s’annulent et le risque, entre les deux, d’écraser à chaque pas les déchets jetés par les fenêtres ; plus on habite haut, plus l’espace est sain, mais plus la chute est dure ; et lorsque l’ascenseur vous a déposé en bas, il vous condamne à marcher au milieu de tout ce dont on n’a pas voulu là-haut, au milieu d’un tas de souvenirs pourrissants, comme, au restaurant, lorsqu’un garçon vous fait la note et énumère, à vos oreilles écœurées, tous les plats que vous digérez déjà depuis longtemps.
(…)
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LE CLIENT
(…)
Alors je ne vous demanderai rien. Parle-t-on à une tuile qui tombe du toit et va vous fracasser le crâne ? On est une abeille qui s’est posée sur la mauvaise fleur, on est le museau d’une vache qui a voulu brouter de l’autre côté de la clôture électrique ; on se tait ou l’on fuit, on regrette, on attend, on fait ce que l’on peut, motifs insensés, illégalité, ténèbres.
J’ai mis le pied dans un ruisseau d’étable où coulent des mystères comme déchets d’animaux ; et c’est de ces mystères et de cette obscurité qui sont vôtres qu’est issue la règle qui veut qu’entre deux hommes qui se rencontrent il faille toujours choisir d’être celui qui attaque ; et sans doute, à cette heure et en ces lieux, faudrait-il s’approcher de tout homme ou animal sur lequel le regard s’est posé, le frapper et lui dire : je ne sais pas s’il était dans votre intention de me frapper moi-même, pour une raison insensée et mystérieuse que de toute façon vous n’auriez pas cru nécessaire de me faire connaître, mais, quoi qu’il en soit, j’ai préféré le faire le premier, et ma raison, si elle est insensée, n’est du moins pas secrète : c’est qu’il flottait, de par ma présence et par la vôtre et par la conjonction accidentelle de nos regards, la possibilité que vous me frappiez le premier, et j’ai préféré être la tuile qui tombe plutôt que le crâne, la clôture électrique plutôt que le museau de la vache.
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Un deal est une transaction commerciale portant sur des valeurs prohibées ou strictement contrôlées, et qui se conclut, dans des espaces neutres, indéfinis, et non prévus à cet usage, entre pourvoyeurs et quémandeurs, par entente tacite, signes conventionnels ou conversation à double sens – dans le but de contourner les risques de trahison et d’escroquerie qu’une telle opération implique -, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, indépendamment des heures d’ouverture réglementaires des lieux de commerce homologués, mais plutôt aux heures de fermeture de ceux-ci.
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MONIQUE. – Et maintenant : où ? par où ? comment ? Seigneur ! Par ici ? c’est un mur, on ne peut plus avancer ; ce n’est même pas un mur, non, ce n’est rien du tout ; c’est peut-être une rue, peut-être une maison, peut-être bien le fleuve ou bien un terrain vague, un grand trou dégoûtant. Je ne vois plus rien, je suis fatiguée, je n’en peux plus, j’ai chaud, j’ai mal aux pieds, je ne sais pas où aller, Seigneur !
Et si brusquement quelqu’un, quelque chose apparaissait, sortant de ce trou noir, quel air je devrais prendre ? de quoi j’aurais l’air si un type, plusieurs types, plein de types tout d’un coup surgissent autour de moi ? je veux bien essayer de prendre un air naturel mais à cette heure, ici, dans ces habits ! j’aurais vraiment l’air fine. J’entends des bruits, j’entends des chiens, c’est plein de chiens sauvages autour de nous qui rampent dans les décombres. J’aurais dû essayer de venir jusqu’ici avec la voiture ; peut-être qu’avec la lumière des phares on verrait, au moins, ce qui rampe par terre.
Nous sommes devant un mur, Maurice, on ne peut plus avancer. Dites-moi ce que l’on doit faire, maintenant, dites-moi donc dans quel trou vous préférez qu’on tombe.
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Le malheur ne demande pas de temps. Il vient quand il veut, il transforme tout en un instant.
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ZUCCO. – Si je donne un coup dans la porte, elle tombe, tu le sais bien, ne fais pas l’idiote.
LA MÈRE. – Eh bien, fais-le donc, malade, cinglé, fais-le et tu réveilleras les voisins. Tu étais plus à l’abri en prison, car s’ils te voient ils te lyncheront : on n’admet pas ici que quelqu’un tue son père. Même les chiens, dans ce quartier, te regarderont de travers.
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MARIE - Autrefois je regardais le ciel, fixement ; je lançais mon regard, le plus loin possible, plus loin, et encore plus loin dans le ciel, jusqu'à en avoir peur, jusqu'à me sentir me vider et mourir, et seules les larmes arrachaient mon regard à la profondeur du ciel et m'empêchaient de me vider tout à fait.
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Tu tournais le coin de la rue lorsque je t’ai vu, il pleut, cela ne met pas à son avantage quand il pleut sur les cheveux et les fringues, mais quand même j’ai osé, et maintenant qu’on est là, que je ne veux pas me regarder, il faudrait que je me sèche, retourner là en bas me remettre en état — les cheveux tout au moins pour ne pas être malade, or je suis descendu tout à l’heure, voir s’il était possible de se remettre en état, mais en bas sont les cons, qui stationnent : tout le temps de se sécher les cheveux, ils ne bougent pas, ils restent en attroupement, ils guettent dans le dos, et je suis remonté — juste le temps de pisser — avec mes fringues mouillées, je resterai comme cela, jusqu’à être dans une chambre : dès qu’on sera installé quelque part, je m’enlèverai tout, c’est pour cela que je cherche une chambre, car chez moi impossible, je ne peux pas y rentrer
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Zucco.- Si on me prend, on m'enferme. Si on m'enferme , je deviens fou. D'ailleurs je deviens fou, maintenant. Il y a des flics partout. Je suis déjà enfermé au milieu de ces gens. Ne les regardez pas, ne regardez personne.
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AZIZ. - Le Front dit que je suis un Arabe, mon patron dit que je suis domestique, le service militaire dit que je suis français, et moi je dis que je suis un couillon. (p.73)
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Tu crois, pauvre folle, que tu peux défier le monde ? Qui es-tu pour provoquer tous les gens honorables ? Qui penses-tu être pour bafouer les bonnes manières, critiquer les habitudes des autres, accuser, calomnier, injurier le monde entier ? Tu n'es qu'une femme, une femme sans fortune, une mère célibataire, une fille-mère, et il y a peu de temps encore, tu aurais été bannie de la société, on te cracherait au visage et l'on t'enfermerait dans une pièce secrète pour faire comme si tu n'existais pas. Que viens-tu revendiquer ? Oui, notre père t'a forcée à dîner à genoux pendant un an à cause de ton péché, mais la peine n'était pas assez sévère, non. (p.38)
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Non, je ne veux pas remuer, je ne suis pas payé pour remuer. Si je le faisais, on me le reprocherait ; et si je ne le fais pas, on me le reprochera aussi, alors je préfère ne rien faire, j'aurai les reproches mais pas la fatigue. (p.37)
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Vous êtes d'une famille de fous. Une sœur hystérique, un enfant mou et presque mongolien, un neveu et une nièce malades, dépressifs, épileptiques ; comment ai-je pu croire, comment avons-nous pu, nous, la bonne société de cette ville, penser que vous auriez pu échapper aux tares de votre famille ? (p.30)
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Vous m'avez désignée à la foule, vous m'avez montrée du doigt, vous avez fait cracher sur moi avec vos mensonges, vous m'avez accusée de trahison. (p.28)
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Charles : Ou on parle, ou on pense, on ne peut pas tout faire.
Cécile : Pour qui est-ce que tu penses? Pour toi tout seul ou pour nous tous?
Charles : Je pense en général.
Cécile : On est trop malheureux et pas assez riches pour penser.
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L'insomnie rend tout le monde nerveux. La nuit on ne dort pas parce qu'on travaillait, le jour on ne dort plus parce qu'on n'a pas travaillé ; alors on ne dort plus jamais.
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