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Citations de Bohumil Hrabal (199)


Qui voudriez-vous être ? Le maître avait dit que chaque élève devait aspirer aux plus hautes fonctions, vouloir devenir président de la République, directeur des usines de chaussures Bata, juge à la Cour suprême, directeur des postes, mais moi, dans mon devoir, j’écrivais que je voulais être chômeur. Un chômeur, ça ne va pas au travail, et moi qui n’aime déjà pas aller à l’école, tous les soirs la place est pleine de chômeurs, ils sont gais, ils s’interpellent, les cafés en sont pleins, ils jouent aux cartes quand il pleut, les chômeurs de notre petite ville sont toujours bronzés parce qu’ils ont le temps de se baigner et de passer la journée allongés au soleil, quand l’hiver arrive, ils jouent au hockey sur glace, alors la rivière gelée résonne d’appels et de cris, enfin les chômeurs de notre petite ville sont sans souci, car le matin ils se lèvent quand ils veulent, si bien qu’ils ont meilleure mine que les gens qui travaillent et qui sont rongés par la peur d’être renvoyés…
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Le petit vieux décati, penché sur la table, découpait sa viande avec ses lunettes, et devant lui le client maigre n’arrêtait pas de se tourmenter de son propre portrait dans le miroir. Mon voisin commanda « deux assiettes de soupe de porc ». De mon verre je brisai le monde ; les gens parlaient :
« Ca fait longtemps, il n’arrivait pas à se moucher, il avait une tête cooooomme ça, toute gonflée de l’intérieur, le docteur lui a enfilé dans la narine une douille, un genre de douille à remplir les saucisses, et… par l’autre narine, bonnes gens, est sortie une soupe verte, un bon demi-seau… »
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Et moi, au pied de la montagne de papier, je me fais tout petit comme Adam dans son buisson, un livre à la main j'ouvre des yeux affolés sur un monde étranger à celui où je me trouvais, parce que moi, quand je me plonge dans un livre, je suis tout à fait ailleurs, dans le texte... tout étonné, il me faut bien avouer être parti dans mes songes, dans un monde plus beau, au cœur même de la vérité. Tous les jours, dix fois par jour, je suis ébahi d'avoir pu m'en aller si loin de moi-même. Ainsi étranger, aliéné à moi-même, je m'en reviens chez moi en silence, plongé dans une méditation profonde, je marche dans la rue, perdu dans le flot de livres que j'ai trouvés ce jour-là et que j'emporte dans mon cartable, j'évite les tramways, les autos, les piétons, je passe au vert sans m'en rendre compte, sans heurter les passants ou les réverbères, j'avance, empestant la bière et la crasse, mais je souris car j'ai dans mon cartable des livres dont j'attends ce soir même qu'ils révèlent sur moi ce que j'ignore encore.
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...écrire c'est fuir d'une ligne à l'autre [...] je suis sans cesse à pourchasser une idée qui est uniquement et perpétuellement devant moi, je veux la rattraper, mais elle court toujours plus vite que moi..
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Une autre découverte que j'ai faite au Relais du Silence : je suis désormais convaincu que ceux qui ont inventé tous ces beaux discours sur la vertu du travail valorisant l'homme ne sont personne d'autre que les riches clients venant faire ripaille chez nous avec de jolies filles sur les genoux, tous ces richards qui passaient leurs nuits à s'amuser comme des gosses... on voulait me faire croire que les mansardes, les chaumières, la soupe claire et les patates, il n'y aurait que ça pour donner aux gens un sentiment de bonheur authentique tandis que la richesse serait frappée de je ne sais quelle malédiction... or il s'avère que tout ce blabla sur les chaumières, c'était encore une belle invention de ceux qui, chez nous, ne regardaient point à la dépense pour une folle soirée et jetaient sans broncher leurs billets de banque aux quatre vents.... de ma vie je n'ai connu d'hommes aussi heureux que tous ces opulents industriels et négociants, ils avaient une joie de vivre primesautière pour chahuter comme de vrais gamins, souvent ils se faisaient des blagues, se jouaient des tours pendables - et pourquoi pas puisqu'ils avaient du temps à perdre...
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(...) et les Tsiganes d'aujourd'hui, installés à Prague pour la deuxième génération seulement, aiment allumer, où qu'ils travaillent, un feu rituel, un feu de nomades joyeux et crépitant pour le plaisir uniquement, une flambée de bouts de bois grossièrement taillés, semblable à un rire d'enfant, à un symbole d'éternité, antérieur à toute pensée humaine, un feu gratuit comme un don du ciel, un signe vivant des éléments que les passants désabusés ne remarquent même plus, feu né dans les tranchées des rues de Prague de la destruction des bouts de bois pour réchauffer les yeux et l'âme vagabonde...
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Vladimir n'aimait pas le dialogue. Ou plutôt il l'aimait, mais seulement pour demander comment aller à la gare ou des choses de ce goût. La véritable dialectique, il l'entendait comme le moyen de se disputer avec lui-même et de s'acculer, éperonné à coups de contradictions, au monologue. Le monologue, c'était la tasse de thé de Vladimir...
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Comme vous le savez certainement, c’est le 28 mars que tombent non seulement le Jour des Instituteurs mais aussi votre anniversaire. Je serais absolument on ne peut plus content, monsieur Hrabal, si vous m’écriviez pour me dire si vous auriez, en mai, envie de venir parler avec nous, il y aura plein de belles filles et elles vous adorent toutes, même la jeune prof de tchèque.
« Du Hrabal ? on n’en veut plus ! » -voilà le slogan des gens comme il faut. Ne pense pas que ta gloire montera jusqu’aux étoiles. Salaud, cochon frisé. Le diable t’emporte.
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« Et quand je suis allée dans la boîte où il jouait, alors il y avait ses deux gonzesses qui étaient là, toutes pomponnées, il les regardait comme si elles étaient ses muses, comme s’il ne jouait que pour ces deux traînées, elles lui envoyaient des cognacs, alors que j’étais là à siroter une grenadine, et lorsque l’orchestre a fini de jouer, alors les garces ont applaudi comme des folles, il faisait la révérence, moi j’étais assise dans un coin avec ma grenadine, puis je suis partie à la maison et lui est allé dans une autre boîte avec ces vampires, parce qu’elles payaient ses consommations, il rentrait, il n’avait plus un rond, il fallait que je lui donne de l’argent pour sortir le lendemain … »
(p.60)
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... je souris car j'ai dans mon cartable des livres dont j'attends ce soir-même qu'ils me révèlent sur moi ce que j'ignore encore.
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La porte d’entrée s’ouvrit doucement, je me raidis… le petit cheval parut sur le seuil, suivi de la chèvre, la chatte sauta sur le zinc du comptoir près du poêle, et j’exultais, les gens du village avaient forcé la barrière de neige pour venir jusqu’à moi et la frayeur que je leur avais inspirée confirmait que j’étais décidément un spécimen rare, l’élève du maître d’hôtel Skrivanek qui a servi le roi d’Angleterre ; et moi j’ai eu l’honneur de servir l’empereur d’Ethiopie qui m’a distingué pour toujours en me décernant cette décoration, ainsi j’ai eu la force d’écrire pour les lecteurs cette histoire… d’inconcevable devenu réalité.
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Donc ma fille pas la peine de se raconter des histoires Soit nous ferons quelque chose qui sera numéro un soit ça ne marchera pas de toute façon ce qu'il y a de plus joli dans l'art c'est que personne n'est obligé d'en faire Voila ce que disait mon mari dans la vapeur

[NB : à l'exception des points d'interrogation, de quelques points de suspension de majuscules et de sauts de ligne, la seconde partie de ce roman autobiographique est totalement dénué de ponctuation ou de chapitres]
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Et moi qui tant de fois avais vu l'inconcevable devenir réalité, je m'en remettais de plus en plus à ma bonne étoile - celle qui avait peut-être conduit mes pas uniquement pour se prouver à elle-même qu'il y a toujours de l'inattendu quelque part- maintenant j'étais sûr qu'après m'avoir porté au sommet en faisant de moi un millionnaire, elle m'avait rabattu au ras du sol pour me faire réaliser la hauteur où elle brillait d'un éclat plus franc, retombé par terre à quatre pattes, de mes yeux usés par tout ce que j'avais vécu jusque-là, je pouvais enfin regarder au cœur de mon étoile; peut-être était-il nécessaire de m'affaiblir d'abord pour me donner la faculté d'en voir et d'en connaître davantage.
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« (…) si j’avais des enfants, fini l’écriture. Je m’occuperais surement de mes enfants et il ne me viendrait même pas à l’idée d’écrire, parce que pour moi, la famille et les enfants, ça passe avant tout. Mais quand vous n’avez pas d’enfant, qu’est-ce qui vous reste à faire ? Il ne vous reste rien d’autre que vous pendre ou écrire. L’écriture n’est pas seulement un moyen de défense contre l’ennui, c’est aussi une sorte de remède contre la mélancolie, au fond, c’est bien agréable quand un livre est publié, mais si vous n’avez pas d’enfant, que faire d’autre ? Continuer à écrire, pour se soigner de la mélancolie et de l’isolement. »

(p.115) - "Entretien sur le Barrage de l’Eternité"
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Et à Shanghai, donc ! Là, ils faisaient cuire des singes vivants, la douleur les rend fous et leur fait mousser le cerveau. Après, ça donne un hors-d’œuvre extra. Et à Cuba, alors ! Là, avant de tuer les tortues, ils laissent les enfants jouer avec et leur crever les yeux… et après, leur soupe, je ne vous dis que ça ! Et chez nous en France ! Sur la Canebière, à Marseille, je connais un établissement, pendant qu’on mange, il se passe tout le temps des choses sur l’estrade, …
(p.31) – « Drôles de gens »
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[...] "On vient de voir la Janine, elle raconte qu'elle se fait faire un beau pyjama pour votre noce!" Sur quoi les hurlements de mon oncle, un énorme geyser de cris, fusaient avec jubilation vers le ciel, au milieu des gerbes de boue jaillissant entre les parois des canalisations : "Quoi, cette vielle chipie ? Elle marche comme si elle avait un pis de vache entre les jambes, et elle prétend se marier avec moi ? Moi qui ai tant de succès auprès des plus belles femmes ?"
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... elle ressemblait à l'épicéa des luthiers, tout son charme secret résonnait de l'intérieur pour qui savait la toucher du diapason d'un regard capable de la voir telle qu'elle était à présent, telle qu'elle était devenue en se laissant couler doucement sur l'autre versant, celui de la beauté cachée des choses.
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Tout ce que j’aperçois dans ce monde est animé d’un mouvement simultané de va-et-vient, tout s’avance et tout d’un coup recule, comme un soufflet de forge, comme ma presse sous la commande des boutons rouge et vert, clopin-clopant tout bascule en son propre contraire, et c’est grâce à cela que le monde ne cloche pas.
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Les Allemands sont tout de même des fous, me disais-je. Des fous dangereux. J'étais un peu fou moi aussi, mais à mes dépens, tandis que les Allemands c'était toujours aux dépens des autres.
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…, ma famille était la bête noire de la ville. Mon grand-père, pour ne pas être en reste avec l’arrière-grand-père Lucas, était hypnotiseur ; il travaillait dans des cirques de campagne et toute la ville voyait dans cette manie d’hypnotiser les gens la preuve qu’il faisait de son mieux pour ne rien faire. Mais en mars, quand les Allemands franchirent si brutalement la frontière pour occuper tout le pays et marchèrent sur Prague, seul mon grand-père s’avança à leur rencontre, seul mon grand-père alla au-devant des Allemands pour leur barrer la route en les hypnotisant, pour arrêter les tanks en marche avec la force de la pensée.
(p.14)
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