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Xavier Galmiche (Traducteur)
EAN : 9782846360531
268 pages
L'Esprit des Péninsules (28/01/2004)
2.5/5   2 notes
Résumé :
Avis à tous les amoureux de l'auteur d' "Une trop bruyante solitude" ou des "Noces dans la maison" :
le génial palabreur tchèque se révèle ici un maître du collage littéraire et signe deux de ses plus émouvants récits : "La légende de Caïn" et "La légende de la belle Julinka".
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« Ce qui compte le plus dans l'écriture, c'est ce que l'on n'écrit pas et la façon dont on colmate les fissures, j'ai humanisé les commérages d'arrière-cour, le pamphlet et la calomnie, j'ai amené à un point-limite l'esprit fusant des palabreurs et de leurs ébats qui se terminent parfois entre les murs de la police secrète ou à l'hosto. » (Bohumil Hrabal)

« Ballades sanglantes et légendes », ce sont douze récits courts, desquels ressortent deux genres populaires, chers à B. Hrabal, que sont la ballade sanglante, le « morytát » (de l'allemand « Moritat ») et la légende. Ce recueil, dans son ensemble, est tout à fait éclectique et constitue une sorte de kaléidoscope des pratiques d'écriture de l'oeuvre entière de Bohumil Hrabal.

« La ballade sanglante » désigne une scène ou un événement sanglant et surtout une chanson de foire sur un événement sanglant.
La légende, quant à elle, est une forme narrative racontant la vie de personnes saintes, puis une fable, relation inauthentique, inventée.
La légende est empreinte d'une réalité miraculeuse. Bohumil Hrabal dit qu'elle « permet de dépasser l'existence et de tendre vers la transcendance. »

Au centre du recueil, deux légendes sont majeures.
La « Légende de la belle Julinka » est un émouvant récit. Elle est basée sur l'histoire authentique de Julinka Kominiková. Sur le principe d'un tressage narratif, B. Hrabal sublime son histoire avec cette forme de légende.
Cette jeune femme est la fille d'un marchand de Prague. Elle fait ses études à Paris et loge à l'hôtel Ritz. Elle reçoit un télégramme de son père, la veille du jour fatal de mars 1939, qui lui dit « Reviens immédiatement ! ». Elle ne pouvait pas savoir que l'avion par lequel elle irait à Prague, serait le dernier, que les Allemands avaient occupé Prague et le reste du pays, que ses parents partiraient l'un après l'autre pour le camp de concentration, qu'elle et sa mère distribueraient parmi les parents, des tableaux de maître et de la porcelaine précieuse, tant et si bien que sa mère irait au camp de concentration et elle aussi.
Après la guerre, Julinka est l'unique survivante de la famille. Elle se souvient de l'hôtel Ritz, s'y rend et s'adresse au réceptionniste qui fouille le casier destiné au courrier de Julinka, et il lui remet un véritable petit trésor…

Ce recueil allie les contraires : il nous plonge dans l'effroi et on est bien souvent confronté à la mort, puis aussitôt après, il nous emmène dans la douceur de la compassion et de la rédemption.

L'autre légende majeure de ce recueil, c'est La « Légende de Caïn ».
C'est une tragédie, qui a fait l'objet de trois versions différentes, d'abord écrite en 1949, puis glissée dans un tiroir…
Caïn est un petit employé des chemins de fer. « Trains étroitement surveillés » est un récit héroï-comique de Bohumil Hrabal, qui a fait l'objet d'un film en 1966 après la sortie du roman éponyme en 1965. « Trains étroitement surveillés » est une version édulcorée du récit de la « Légende de Caïn ». cette légende soumet son héros à une initiation charnelle et mystique, inspirée de l'Ancien Testament, mais aussi de la Vita nuova de Dante.
« Sans réfléchir, je pris une lame de rasoir et j'entamai le concert de la mort. La première douleur était à s'évanouir. Cela était doux, mortellement doux, … » (…) « Oui, le sang dévalait à flots comme je l'avais désiré, et en vérité je m'échappais, centilitre par centilitre. A l'esprit ne me vinrent ni reproche ni le moindre lointain souvenir littéraire.
Je m'observais moi-même devenant l'essence même de la poésie, de la musique et même de la peinture. »
Caïn mourra au moment où il voudra vivre, mais il mourra tout en devenant lui-même assassin, non plus suicidaire mais fratricide, meurtrier d'un soldat allemand devenu à son tour son assassin.

Dans la « Ballade sanglante sur l'assassinat d'Aněžka Hrůzová », Hrabal se décrit harcelé par ses lecteurs, et surtout par ses lectrices ! Cette ballade fait référence à l'assassinat d'une jeune fille chrétienne par un jeune juif. Cette affaire accompagna la vague d'antisémitisme des années 1890 et marqua la Bohème de façon comparable à l'affaire Dreyfus en France.

La « Ballade sanglante écrite par les lecteurs », ce sont des textes marginaux, des collages de correspondances de ses fans lecteurs ou de ses ennemis. Ce sont des courriers authentiques figurant dans les archives de Bohumil Hrabal. Ici l'écriture est moins conçue comme création que comme collection, où Hrabal, en tant que post-surréaliste se contente d'une mise bout à bout de parties de courriers. Cette écriture du collage se caractérise par une sorte d'euphorie du choc : on passe brutalement de propos élogieux à des propos injurieux. On est désorienté, mais en même temps c'est jouissif !

« Ballade sur une exécution publique », c'est un montage qui est conçu en alternant rythmiquement des extraits de deux abondantes lettres anonymes et de coupures des propres gloses et notes de Bohumil Hrabal parues dans divers journaux tchèques. C'est une création expérimentale. Un procédé poétique qui permet de faire entendre la voix d'autrui, une sorte de débordement polyphonique du monde.

L'art de Hrabal est « existentiel », par ses liens avec le mouvement européen de l'existentialisme (avec notamment Sartre et Camus), mais c'est aussi l'expression d'un malaise mûri à Prague, où des écrivains comme Kafka, Hašek, ou Weiner, entre autres, avaient su évoquer la peine, l'aliénation, la marginalité de l'individu.
Hrabal est le successeur de ces écrivains.

La « Ballade sanglante sur un jour de ripailles » associe la description triviale des joies gastronomiques plébéiennes d'une brasserie tchèque à une réflexion presque abstraite sur le phénomène de la vision menée par le narrateur qui s'amuse à regarder la salle à travers son bock de bière pour « briser le monde de son verre ».

La « Légende sur les aiguilles Lamerz » est une composition double où le narrateur expose alternativement son voyage à NYC et la scène au cours de laquelle de retour à Prague, il commente dans l'échoppe du barbier son équipée américaine.
Le barbier ponctue tous les propos enthousiastes du voyageur sur les curiosités de NYC (les grands magasins, les oeuvres de Georges Segal, Richard Stankiewicz, etc.) par « C'est comme chez nous ! ». La comparaison est cocasse, car la situation de la société tchèque n'est alors pas précisément identique à celle des USA, mais non dénuée de vérité, puisque le sentiment est alors vif d'une communauté artistique unissant l'avant-garde américaine et les institutions pragoises.

« Légende d'Egon Bondy et de Vladimir », c'est l'évocation de l'exécution de Záviš Kalandra au lendemain d'un procès stalinien et de la censure exercée sur le monde littéraire. L'art, au début des années 50, en Tchécoslovaquie, a été contraint de se mesurer aux absurdités du système communiste. Les collages littéraires de Bohumil Hrabal mettent au jour la proximité gênante de la création et du saccage, du regard artistique et de l'anéantissement humain.

La « Ballade du berceau au cercueil » est un texte énigmatique ! Pour Hrabal, tout événement semble en même temps construction et destruction, ordre et chaos, délice et supplice.
La pratique du collage littéraire mènerait donc à une réflexion sur le lien entre les fins dernières et le miracle, l'être et le néant.

Dans la « Ballade sanglante de la reine de la nuit », une jeune fille parle de tous les hommes qui s'intéressent à elle et la convoitent. Elle est idéaliste et romantique.
Elle ne sait pas choisir parmi ses admirateurs…
Dans cette ballade, ces mots : « le mois de mai, le temps de l'amour est choisi. » font allusion au 1er vers de Karel Hynek Mácha (1836), le chef d'oeuvre de la poésie romantique tchèque.
Cette ballade est basée sur un journal intime qui avait été communiqué à Bohumil Hrabal, accompagné d'une note, qui l'enjoignait d'y prendre ce qui l'intéressait.

A la lecture de ces ballades et légendes, on ressent toute l'effervescence dans laquelle Hrabal a composé cet assortiment de récits où se mêlent tragique, humour et excitation.

« Il est possible de penser qu'il existe au monde au moins autant de légendes qu'il existe de gens. »
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Le petit vieux décati, penché sur la table, découpait sa viande avec ses lunettes, et devant lui le client maigre n’arrêtait pas de se tourmenter de son propre portrait dans le miroir. Mon voisin commanda « deux assiettes de soupe de porc ». De mon verre je brisai le monde ; les gens parlaient :
« Ca fait longtemps, il n’arrivait pas à se moucher, il avait une tête cooooomme ça, toute gonflée de l’intérieur, le docteur lui a enfilé dans la narine une douille, un genre de douille à remplir les saucisses, et… par l’autre narine, bonnes gens, est sortie une soupe verte, un bon demi-seau… »
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Comme vous le savez certainement, c’est le 28 mars que tombent non seulement le Jour des Instituteurs mais aussi votre anniversaire. Je serais absolument on ne peut plus content, monsieur Hrabal, si vous m’écriviez pour me dire si vous auriez, en mai, envie de venir parler avec nous, il y aura plein de belles filles et elles vous adorent toutes, même la jeune prof de tchèque.
« Du Hrabal ? on n’en veut plus ! » -voilà le slogan des gens comme il faut. Ne pense pas que ta gloire montera jusqu’aux étoiles. Salaud, cochon frisé. Le diable t’emporte.
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Video de Bohumil Hrabal (4) Voir plusAjouter une vidéo

[Bohumil Hrabal : Une trop bruyante solitude]
A la Fondation Suisse de la Cité Internationale Universitaire de Paris, Olivier BARROT présente le livre du romancier tchèqueBohumil HRABAL : "Une trop bruyante solitude". Après en avoir lu les premières lignes, Olivier BARROT rappelle qui est Bohumil HRABAL, dans quelles conditions il a écrit et résume ce qu'il définit comme un conte philosophique.
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