Citations de Camille Bouchard (91)
— Les jeunes femmes qui pratiquent votre métier, ici, on les appelle « shady ladies », les dames de l’ombre. Vous savez pourquoi ?
— Parce que nous travaillons principalement de nuit ?
— Non. Parce qu’il vous est interdit de marcher du côté ensoleillé des rues. Le côté où je vous ai surprise avec madame Wells, tout à l’heure.
— Vous plaisantez ?
— Il est très sérieux, M’zelle Maddie Maud, a riposté Morgan en plissant les lèvres. C’est que la plupart des bordels importants sont sur le flanc sud des artères.
— Face au nord, a tenu à mieux détailler Holliday.
Le marshal a approuvé du chef, puis a confirmé :
— Seules les femmes… respectables – pour employer votre propre expression – peuvent utiliser le trottoir qui leur convient. (…)
— Il y a une tradition qui vous plaira peut-être, ici, Mademoiselle Maddie Maud, m’a lancé Wyatt Earp en se détournant de la porte. (…) Quand les cowboys arrivent en ville et qu’ils traversent la grand-rue à cheval, les filles des bordels, bien maquillées et coiffées, les accueillent en les hélant et en les sifflant du haut de leur balcon. (…) Lorsqu’un cowboy remarque une fille qui lui plaît, il lui lance son chapeau. Si la coquine l’attrape, c’est un rencart. (…) Voici mon chapeau, a-t-il déclaré en me remettant son stetson. Faites-moi le plaisir de l’accepter. J’irai le récupérer ce soir à l’Alcoves Theatre.
Ça arrive souvent dans la vie, pas vrai ? On a beau faire les meilleures prédictions possible, il y a toujours un détail qui accroche et qui met le foutoir dans les projets les mieux planifiés.
Même si la fille valait son pesant de piastres à cause de sa beauté et de sa virginité. Il y avait des commerçants des bayous qui… Oui, oui, certains les qualifient de pirates, mais bon, moi, ce que j’en sais est que, à ce moment-là, ces marchands maraudaient autour de Saint-Domingue. Ils ont acheté la virginité de Marinette en même temps qu’un lot d’esclaves, mais celle-ci a conservé son statut d’affranchie.
La beauté d’une femme, c’est une question de goût.
En réalité, nous avons rendu un fier service à monsieur Wellington, car sa femme croyait qu’il s’était fait tabasser par des voyous après avoir passé la nuit dans un bordel de la ville. Nous avons eu le bonheur de lui servir de témoins, mes amis et moi – enfin, plus mes amis que moi, vu que je suis en prison. Ils ont eu le bonheur, dis-je, d’expliquer à madame Wellington que nous avions observé son cher époux jouer seul toute la nuit, sans aucune fille pendue à ses basques. La vérité est toujours récompensée, Monsieur le Juge, vous le savez mieux que quiconque, et c’est pourquoi madame Wellington a pardonné à son mari et que monsieur Wellington a aimablement retiré sa plainte nous concernant, Furie, Clément et moi.
Je n’aime pas entendre une femme hurler. Ça me rappelle les soirées de mon enfance quand madame Pipe se faisait malmener par ses amants d’une nuit.
« Je ne trouve de noblesse que dans la canaille […]
et de canaille que dans la noblesse. »
Napoléon Bonaparte
En deux ans, l’esclave a pris du poids. Il faut avouer que l’aventure inusitée qu’il a connue avec son maître et ses compagnons d’infortune ne portait guère à engraisser. Huit ans à traverser les grands déserts du Septentrion, à en franchir les montagnes, à servir d’esclave à des nations de Naturels peu accommodantes, à cuire sous le soleil, à geler sous le vent du nord… Il est normal qu’il affiche maintenant des rondeurs plus conformes à sa robuste constitution.
Mais son sourire, lui, n’a pas changé. On ne peut le confondre avec celui de personne d’autre ! Même pas avec celui des autres Nègres.
Bien sûr, notre servage n’est pas considéré comme tel puisque l’empereur qui vit par-delà la vaste mer, le grand seigneur de toute cette terre – un certain Charles Quint –, ne tolère pas qu’on assujettisse les hommes libres. Toutefois, ses sujets savent fort bien contourner les lois lorsque les circonstances l’ordonnent.
Ma mère, toutefois, m’a mis en garde : si je passe de vie à trépas en vénérant un dieu étranger, il se peut que je ne puisse plus jamais atteindre le monde des esprits,c’est-à-dire celui de mes ancêtres.Ces réflexions théologiques me paraissent de la plus haute complexité. En tout cas, trop complexes pour mon « intelligence à l’espagnole ».
Nous sommes là. Nous ferons comprendre à nos compatriotes que c’est grâce à vous si nous avons finalement retrouvé la Nouvelle-Espagne.
Nous hésitons et tergiversons ainsi de si belle manière que, en l’espace de quelques secondes – en fait, beaucoup, beaucoup plus rapidement que ce à quoi nous nous attendions –, les cerfs gigantesques nous rejoignent. Ils tournent autour de nous en soulevant une poussière telle que, lorsqu’ils s’immobilisent enfin, le sable en suspension subsiste un long moment.
Quand les pirates vont sauter sur le pont, balles, flèches et sagaies voleront en tous sens et seule l’indulgence des dieux soutiendra ceux qui n’auront pas eu la bonne idée de courir aux écoutilles.
Les artilleurs qui, depuis un moment, attisent en soufflant les lumignons au bout des mèches insèrent l’extrémité incandescente dans la lumière des canons.
Avec une belle simultanéité, les huit bouches à feu tonnent en crachant une nuée sombre qui noircit le bleu déjà profond du jour fermant. L’éloignement est tel,l’arc des projectiles est si élevé, que le vent a le temps de chasser la fumée avant que les boulets atteignent leur cible. Nous pouvons donc les apercevoir en fin de course tandis qu’ils se précipitent sur les manœuvres.
On a beau ne courir aucun risque d’importance, trop de légèreté pourrait porter malheur. Qui sait quelles facéties les dieux et les démons, chrétiens comme américains, réservent à ceux qui considèrent le danger de façon trop frivole ?
Bien qu’ils soient habitués à ces scènes démoniaques, les prisonniers ne peuvent s’empêcher de frissonner à l’énoncé que d’autres âmes espagnoles
seront bientôt offertes aux démons indiens.
Malgré la détention, Valdez demeure un fort bel homme, avec ses mèches denses de chevelure noire lui tombant bas sur le front. Son nez est droit comme une étrave et ses lèvres un peu sèches se trouvent largement compensées par de fines moustaches et par une barbe en pointe, toujours taillées et peignées de manière irréprochable. Toutefois, dans son visage, ce sont ses yeux qui frappent avant tout.Ils irradient des creux sombres de ses orbites tels deux diamants glacés que traverse la lumière d’une âme aux inclinations brutales.
Mon père n’est point tout à fait de cet avis. Selon lui, avant de mettre pied à terre, les Espagnols vont tenter de réduire l’ Ouragan à l’état de minces éclisses. Ce qui le contrarierait comme de raison. C’est pourquoi,même si la caravelle n’est guère encore à portée de tir, Mobango lui envoie la volée. Pour la retenir au large.Autour de l’ Ouragan, le radoub n’est point terminé.
Des antennes attendent encore d’être halées sur les mâts, des voiles ne sont qu’à demi enverguées, des manœuvres appellent à être rabantées… Toutefois, la carène est prête à recevoir la marée. Même si l’étanchéité des coutures n’est point tout à fait assurée.
Mange-Cœur avait vingt-huit ans.Il était beau.Pourtant, de lui, on disait qu’il avait un groin de porc, des dents de tigre, des griffes de loup et bien d’autres attributs généralement dévolus aux bêtes féroces, car l’imagination des Espagnols s’enflammait à l’énoncé de son nom.
Ce trésor existe bien, sieur de Valdoie, j’ai reçu trop de rapports le confirmant. Et s’il s’avère aussi fabuleux qu’on le prétend – ce que je crois également –, il représentera le prix de votre liberté. Avec un navire affrété aux frais de la couronne anglaise, avec des lettres de marque vous autorisant à pratiquer la course contre tout bâtiment arborant des pavillons ennemis de notre royaume, trouvez le trésor perdu de Cape-rouge. La moitié qui vous reviendra paiera de retour toutes vos peines et celles de votre équipage, soyez-en certain. Le reste appartiendra au trône d’Angleterre.
De respirer à travers un filtre en taffetas, madame,est une bénédiction qui m’évite d’absorber l’air vicié par les miasmes des papistes.