#Prixdesauteursinconnus2022
#PAI
#PAI2022
OUVRAGE SÉLECTIONNÉ DANS LE CADRE DU PRIX DES AUTEURS INCONNUS 2022 – Catégorie LITTÉRATURE BLANCHE dont je suis l'un des jurés.
En préambule, je précise que l'extrait de ce livre soumis à notre sagacité au début du processus de sélection n'avait pas vraiment retenu mon attention. Cet extrait ne figurait donc pas dans mes sélections. Pourquoi ? La faute sans doute à un titre trop long, à une couverture trop fade qui ne m'a pas émue, à une 4e de couverture un peu scolaire et mal mise en page, donnant la parole à un arbre (ce que je n'avais pas compris d'emblée) mais qui, pourtant, avait le mérite d'informer sur le thème : il s'agit d'un récit de vie d'une jeune femme, Emma, qui a perdu un être cher. Et puis, ouvrir le livre par l'évocation « en live » de ce que vit et ressent l'intéressée le jour des obsèques de l'être aimé (son concubin Thomas âgé de vingt-cinq ans) m'a attristée et m'a quelque peu rebutée : cela ne m'a pas tellement donné envie d'en savoir plus…
Et puis, le hasard a voulu que ce titre soit « repêché » car l'un des finalistes présélectionnés n'avait finalement pas respecté les règles, ce qui m'a permis de découvrir ce livre dans son intégralité. Et grand bien m'en a fait, car parmi mes réflexions j'avais initialement noté : « c'est correctement écrit mais cela reste sans âme ». le reste de l'ouvrage m'a clairement démontré le contraire : Emmanuelle, personnage principal de ce « roman autobiographique » et auteure de l'ouvrage a, au contraire, tenté (et réussi) de mettre son âme à nu pour nous faire partager, à nous lecteurs, son histoire et son ressenti face à l'inéluctable, à savoir comment elle est parvenue à survivre, puis à vivre, face à la perte incommensurable qui l'a affectée, à seulement vingt-trois ans.
MES COMMENTAIRES SUR LE FOND
Personnellement et professionnellement, j'ai toujours été convaincue du rôle thérapeutique de l'écriture de soi. J'ai, à plusieurs reprises, pu le vérifier soit dans ma pratique en accompagnant des auteurs, soit dans mes lectures car, en matière littéraire, mon genre de prédilection est le témoignage ou le récit de vie. Aussi, je ne peux ici que saluer l'exercice difficile et délicat auquel Emmanuelle Schaedele-Giroire, avec l'aide de son amie Caroline Gaynes, s'est astreinte pendant de longs mois afin de parvenir à ce résultat : mettre à la disposition des lecteurs un livre clair, vivant et particulièrement émouvant, à la fois descriptif et narratif, évoquant certes sa propre histoire, son vécu, son ressenti (et par-là même l'aidant à clore un chapitre de sa vie) mais ayant valeur universelle, par la force et la teneur des messages qu'il renferme.
Rares sont, en effet, des témoignages de cette nature car, dans la vraie vie, il est rare que la mort touche des personnes si jeunes et encore plus, de façon si violente. Comment, en effet, comprendre l'injustice d'une mort absurde qui s'est jouée à quelques minutes près ? Comment intégrer l'idée même de mort lorsqu'on a vingt-trois ans ? Comment accepter la perte de son alter-ego lorsqu'on est un couple fusionnel qui s'est construit dès l'adolescence ? Comment envisager l'avenir dès lors qu'il s'est obscurci de façon indélébile ? Comment faire face aux obligations, à la dépression, à la solitude, et même à la sollicitude et à la pesante présence de ses proches et de ses amis ? Comment comprendre et accepter l'absurdité des tracas administratifs qui va la priver du peu qu'elle a construit avec son conjoint ? Au travers des propos d'Emmanuelle, le lecteur comprend, vraiment, de l'intérieur qu'il s'agit pour l'auteure, ni plus ni moins, de faire RESET de son ancienne vie pour envisager d'écrire la nouvelle matrice de sa vie à venir. Mais, on le verra, c'est plus facile à dire qu'à faire ! L'auteure évoque donc, dans un style très vivant, avec de nombreuses descriptions sur son environnement, sur les contextes traversés, les personnes rencontrées, les difficultés qu'elle doit assumer son cheminement au travers les différentes étapes de son deuil. Mais aussi, son cheminement vers un âge adulte clairement assumé dès lors que la vie l'a contrainte à se libérer du cocon par trop protecteur de son « bébé couple ».
C'est donc un livre triste car il nous plonge, nous lecteurs, dans l'intimité d'un deuil qui n'est pas le nôtre mais dans lequel tout un chacun peut se reconnaître et s'identifier. Ainsi, si au départ, je lisais les premiers chapitres avec le détachement de l'adulte d'une soixantaine d'années qui a vécu et qui en a vu d'autres, assez rapidement les larmes ont coulé – plus fortes que je ne l'aurais souhaité – tant je me suis identifiée à Emmanuelle, petite fille perdue dans un monde qui l'a privée de son amour.
Mais c'est aussi un livre joyeux, car la dernière partie du livre montre, qu'avec le temps, il est possible non pas d'oublier, mais de se reconstruire tout en donnant et en recevant beaucoup d'amour. Et par-là même, riche de cette expérience unique et douloureuse, d'être une adulte attentive à une vraie qualité de vie et à des relations interpersonnelles authentiques.
MES COMMENTAIRES SUR LA FORME
Le livre, paru en autoédition, se compose de 318 pages. Il se découpe en différentes parties écrites au temps présent et narrée par le pronom personnel « je ». Une première partie intitulée « Notre vie, avant » débute par un prologue qui annonce la couleur : il s'agit d'entrer de plain-pied dans la journée des obsèques (le 20 novembre 2007). Puis, elle se décline en chapitres alternant à la fois l'évocation des événements passés et celle des événements présents. On y découvre la rencontre d'Emma (seize ans) et de Thomas (dix-huit ans) à l'occasion de leur premier job d'été (juillet 2000), les premiers émois, le premier rendez-vous, leurs premières amours, les premiers voyages, leur décision de vivre ensemble, de se fiancer, puis de se marier (mariage programmé le 9 mai 2009). À ces chapitres idylliques, vivants et souriants (particulièrement bien décrits et dialogués) s'oppose la brutale réalité du temps présent, avec l'annonce du décès de Thomas (survenu le 13 novembre 2007), l'organisation des obsèques, le déroulement de la cérémonie, l'impossibilité pour Emma de faire face et sa descente aux enfers. Une première partie qui souffle donc le chaud et le froid pour le lecteur, à l'image de ce que l'auteure a eu à vivre. Comme elle le dit, elle n'a pas eu le temps de se marier qu'elle est déjà veuve !
Le seconde partie intitulée « Ma vie, après » est organisée de façon différente : il s'agit d'une succession de courts chapitres introduits, chaque fois, par une citation inspirante. Citations dont on comprend qu'elles ont pu accompagner l'auteure dans son cheminement progressif vers la lumière et vers son nouveau destin. À moins qu'elles n'aient été choisies a posteriori pour éclairer le propos des chapitres. le texte est au présent. Elle revient sur l'après-annonce et sur les démarches entreprises (ici, je me suis étonnée du non-respect de la chronologie) mais cela ne gêne pas la fluidité de la lecture. Comme elle, on y fait la découverte des circonstances de la mort de son concubin et on découvre, ébahis, toute l'absurdité de l'administration française quand il s'agit de procéder à la « succession ». Comme dirait l'autre : « Nul n'est censé ignorer la loi » et l'auteure, en évoquant ce contexte difficile, tient à faire oeuvre utile vis-à-vis de son lectorat car, on n'est jamais suffisamment préparé. Dans cette partie, Emma trouve refuge dans l'écriture et tente, à trois reprises, de se faire accompagner (on verra comment) par des professionnels pour l'aider à se sortir de son marasme. Elle sera plus dans l'action : voyages, changement de travail, nouvel appartement. C'est toujours aussi vivant (émotions, contextes et décors particulièrement bien décrits), même si dans cette partie, on trouve moins de dialogues. Emma fait l'expérience d'un chemin de vie solitaire mais qui témoigne de toute sa force de résilience : « J'ai côtoyé la grande faucheuse. Elle m'a broyée littéralement, mais elle ne m'a pas achevée ».
Sur le plan formel, je soulignerai également l'apport, en différents endroits, de textes en italiques qui sont soit des textes écrits par Emma à Thomas, avant et après sa mort, soit les textes lus durant les obsèques, soit des textes de chansons appréciées (et envisagées à l'occasion du mariage programmé). Cela nous rend les protagonistes encore plus proches de la réalité de nos vies. Je soulignerai également la qualité de l'écriture, de la syntaxe et de la correction orthographique (très peu de coquilles constatées).
L'épilogue nous permet de retrouver l'auteure treize années plus tard. Elle évoque très succinctement sa nouvelle vie et souligne la nécessité de « toujours se dire au revoir ». Elle conclue par ces phrases : « Il faut toujours croire… Croire en ses rêves, croire en la vie, croire en les autres, croire en soi, croire en l'amour… Croire en ces mots : simplicité, humilité, sincérité, confiance. […] La vie est belle, elle mérite de se relever. »
Démarche intéressante : en fin de livre, Véronique sa maman, Philippe son papa, Sylvie sa fidèle amie, Fabien son fidèle ami et frère de coeur témoignent, chacun à leur tour, sur la façon dont ils ont perçu les événements et ce qu'ils ont tenté de mettre en oeuvre pour aider Emma, mais aussi leurs regrets de n'avoir pu faire plus, faire mieux. Un angle de vue différent et utile sur le ressenti des proches qui, bien qu'également concernés et impliqués, n'ont pas souvent voix au chapitre. C'est suffisamment rare pour être souligné ici.
En guise de conclusion, je vous recommanderai de lire ce livre si vous aimez lire des histoires vécues, des histoires de résilience, mais de l'éviter si vous êtes dans une phase de fragilité car ce qu'a vécu l'auteure reste douloureusement triste et terriblement injuste. Pour peu que vous soyez sensible et émotive comme je le suis, il vous laissera une vraie empreinte dans le coeur.
Pour commander ce livre :
Il faut toujours se dire au revoir - broché - Emmanuelle Schaedele-Giroire, Caroline Gaynes, Valérie Assirvaden - Achat Livre | fnac
Liens :
Site PAI 2022 : https://www.prixdesauteursinconnus.com/
Page Facebook : https://www.facebook.com/prixdesauteursinconnus/
Profil Twitter : https://twitter.com/prixdesai
Profil Instagram : https://www.instagram.com/prixdesauteursinconnus/
Commenter  J’apprécie         52