Mon avis :
C’est d’abord la couverture, qui a attiré mon attention : Faillir être flingué… qu’est-ce que c’est cette utilisation d’un double infinitif, dans un titre ! Ce n’est pas commun, ça interpelle ! J’avais même l’impression que ça sonnait faux, comme une mauvaise traduction d’outil numérique d’il y a dix ou quinze ans. Sauf que ce n’est pas une traduction ! Puis j’ai retourné l’ouvrage pour en lire la présentation, et là, je dois admettre que cette première impression, pour tout dire pas très bonne, a été immédiatement balayée.
« Waouh ! Que je me suis dit, à défaut d’autre interlocuteur. Voilà une galerie de personnages des plus hétéroclites ! Ça m’a l’air très prometteur ! »
Alors j’ai embarqué sans plus attendre dans un vieux chariot brinquebalant, tiré par des bœufs. Sans même savoir où ça allait m’entraîner. Eh bien, croyez-moi ou pas, mais si j’avais su dans quelle aventure je me jetais, j’y serais allé quand même. Et plutôt deux fois qu’une.
La littérature western, très populaire aux États-Unis, n’est pas ce qui fait le gros des ventes en France, où le genre est surtout connu au cinéma, et les quelques romans qui commencent à trouver un lectorat dans l’hexagone sont, pour la plupart, d’auteurs américains. C’est pourtant de la plume d’une autrice bien française que sort ce petit bijou qui n’a rien à envier aux plus belles productions cinématographiques, qu’elles soient italiennes ou hollywoodiennes.
Un vrai souffle épique traverse ce roman, transportant des odeurs de poussières dans le galop des chevaux, des cris de guerriers indiens, et des bruits de marteau qu’on abat au milieu du brouhaha d’une ville en pleine construction. On y suit tour à tour divers personnages venant d’horizon et de culture différents ; tous (à part les natifs) sont en rupture avec leur passé, tous convergent vers une ville nouvelle, à peine sorite de terre, avec l’espoir d’y repartir à zéro. Ces hommes et femmes ont quitté, ou parfois fui, leur ancienne vie pour plonger dans l’inconnu, dans un monde où tout reste à inventer, à construire. Dans un monde où il faut d’abord survivre : à la faim, à la nature sauvage, et surtout aux autres, eux aussi prêts à tout pour s’en sortir. Et ce n’est pas forcément les indigènes les plus dangereux. Les rencontres sont d’abord et toujours sur le mode de la méfiance et du chacun pour soi, mais lorsqu’on veut s’installer auprès d’autres gens, on apprend vite l’entraide, parfois en dépit de ses propres peurs, face à des personnes dont on ne comprend ni la langue ni la culture.
C’est ce melting-pot d’êtres aussi différents les uns des autres, certains cultivés, d’autres à peine « civilisés », mais chacun portant avec lui sa propre manière de s’en sortir, que nous narre avec brio Céline Minard. Ici, pas de héros flamboyant qui s’élève avec panache au-dessus du commun, mais des personnages ordinaires sublimés par leur singularité. Pas de grande épopée non plus, mais ça ne manque pas d’actions, de chevauchées, de bagarres de saloon, de situations périlleuses… Et ce qu’il faut de drame, de sentiments ou de cocasseries.
Je l’avoue, si je m’étais arrêté au titre, je n’aurais peut-être pas lu ce bouquin, et ça aurait été bien dommage, parce qu’il n’y en a pas tant que ça qui m’ont autant emballé. J’ai été happé dès les premières lignes par la qualité d’écriture et l’histoire, magnifique, a fait le reste. Ce n’est pas compliqué, ce roman m’a littéralement flingué !
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