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Citations de Charles Dobzynski (228)


...Le signal du départ vient d'être donné, presque noyé dans le rouhaha de cataracte du public...Noire de monde, l'aire de départ. Enfin, noire, façon de parler, plutôt de toutes les couleurs, bigarrures des emblémes, bariolages des vêtements civils et des tenues réglementaires, diaprures des collantsbà air comprimé, nylon et néon, où s'affichent des numéros phosphorescents, kaléidoscopes des fanions, poudroiements de perlimpinpins publicitaires...Toute compétition est un bouillon de culture physique et morale où l'on oublie complètement qui l'on est pour n'être plus qui on voudrait être.

Marathon sur Tulsar. p.99
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... Bonella s'ennuyati comme un rat mort à trainer ses guêtres telluriques autour d'un soleil plutôt pingres, question lumière, et dont l'aiguille, coté thermostat, avait tendance à retomber vers le zéro de la déconfiture. Bonella était de ce fait aussi dépourvue de prestige qu'un iceberg flottant dans une mer tropicale l'est d'avenir à court terme. Elle appartenait à cette génération du bing-bang du dernier quart d'heure...
Bonella p.7
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Comme sur une charrette on dérobe une pastèque
Je voudrais chiper la lune avant qu’il ne fasse jour,
L’emporter sous ma chemise et la sentir sur ma peau
Et vagabonder ainsi la main au fond de ma poche
Chantonnant et sifflotant - moi le luron lumineux.

Les ruelles, les marchés, les tavernes, les asiles
Écoutent comment mon corps joue et chante tout à coup.
Et jouant ma sérénade et chantant je le conduis
Par les rues comme le dit le Cantique des Cantiques,
Mais je suis tombé soudain parmi les veilleurs de nuits,
Ils m’ont cogné tour à tour, coups en pluie et coups en grêle,
M’ont fait saigner, m’ont blessé, battu à mort parce que

Comme sur une charrette on dérobe une pastèque
J’ai chipé la lune avant que le jour ne soit levé
L’emportant sous ma chemise à la chaleur de ma peau
Et vagabondant ainsi la main au fond de ma poche,
Chantonnant et sifflotant – moi le luron lumineux.

(Jacob Sternberg)
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(Marc Chagall)

Je m’éveille dans la douleur
D’un nouveau jour, avec des espérances
Qui ne sont pas encore peintes,
Qui ne sont pas empreintes de couleurs.
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Peintures chinoises à la Bibliothèque nationale
C’est un fait capital et assez étrange aux yeux des Européens : le lien qui nous est révélé entre la pensée d’un Valéry, qui parle d’un Léonard de Vinci en disant « qu’il a la peinture pour philosophie » et cette vue synthétique de l’Univers qui caractérise ces peintres-philosophes de la Chine. « Peintre et grand lettré », « calligraphe, poète et peintre », telles sont les désignations courantes des maîtres de la peinture. Les tableaux eux-mêmes en prouvent le bien-fondé.

Un grand nombre de ces peintures portent des légendes importantes. Sans parler de celles qui ont été ajoutées plus tard par des collectionneurs, les plus intéressantes sont celles qui proviennent de la main des artistes eux-mêmes. Multiples sont les sujets de ces calligraphies qui font, en quelque sorte, partie du tableau. On y trouve des commentaires ou des références à d’illustres maîtres. On trouve, plus souvent encore, de simples notations personnelles. En voici qui seraient aussi bien détachées d’un journal intime que d’un recueil de poésies lyriques.


Sur les arbres la neige demeure encore glacée...
Tout un jour je ne me lasse pas de ce spectacle.
TS’lEN KIANG.


Dans un pavillon au cœur des eaux où nul n’atteint
J’ai fini de lire les chants de « Pin »
Ceux du septième mois.
LIEOU WAN-NGAN.


« Ces peintres sont des lettrés », dit M. Dubosc. Il ajoute : « Leur peinture est cependant à l’opposé de toute littérature. »

L’antinomie qu’il indique en ces termes pourrait bien constituer le seuil qui donnât accès d’une manière authentique à cette peinture — antinomie qui trouve sa « résolution » dans un élément intermédiaire, lequel, bien loin de constituer un juste milieu entre littérature et peinture, embrasse intimement ce en quoi elles paraissent les plus irréductiblement s’opposer, c’est-à-dire la pensée et l’image. Nous voulons parler de la calligraphie chinoise. « La calligraphie chinoise en tant qu’art », dit le savant Lin Yu-tang, « implique... le culte et l’appréciation de la beauté abstraite de la ligne et de la composition dans des caractères assemblés de telle manière qu’ils donnent l’impression d’un équilibre instable... Dans cette recherche de tous les types théoriquement possibles du rythme et des formes de structures qui apparaissent au cours de l’histoire de la calligraphie chinoise, on découvre que pratiquement toutes les formes organiques et tous les mouvements des êtres vivants qui sont dans la nature ont été incorporés et assimilés... L’artiste... s’empare des minces échasses de la cigogne, des formes bondissantes du lévrier, des pattes massives du tigre, de la crinière du lion, de la lourde démarche de l’éléphant et les tisse en un réseau d’une beauté magique. »

La calligraphie chinoise — ces « jeux de l’encre », pour emprunter le mot par lequel M. Dubosc désigne les tableaux eux-mêmes — se présente donc comme une chose éminemment mouvante. Bien que les signes aient un lien et une forme fixés sur le papier, la multitude des « ressemblances » qu’ils renferment leur donne le branle. Ces ressemblances virtuelles qui se trouvent exprimées sous chaque coup de pinceau, forment un miroir où se réfléchit la pensée dans cette atmosphère de ressemblance ou de résonance.

De fait, ces ressemblances ne s’excluent pas entre elles ; elles s’enchevêtrent et constituent un ensemble que sollicite la pensée comme la brise un voile de gaze. Le nom « hsie-yi », peinture d’idée — que les Chinois réservent à cette notation,. est significatif à cet égard.

Il est de l’essence de l’image de contenir quelque chose d’éternel. Cette éternité s’exprime par la fixité et la stabilité du trait, mais elle peut aussi s’exprimer, de façon plus subtile, grâce à une intégration dans l’image même de ce qui est fluide et changeant. C’est à cette intégration que la calligraphie emprunte tout son sens. Elle part à la recherche de l’image- pensée. « En Chine » — dit M. Salles — « l’art de peindre est avant tout l’art de penser. » Et penser, pour le peintre chinois, veut dire penser par ressemblance. Comme, d’autre part, la ressemblance ne nous apparaît que comme dans un éclair, comme rien n’est plus fuyant que l’aspect d’une ressemblance, le caractère fuyant et empreint de changement de ces peintures se confond avec leur pénétration du réel. Ce qu’elles fixent n’a jamais que la fixité des nuages. Et c’est là leur véritable et énigmatique substance, faite de changement, comme la vie.

Pourquoi les peintres de paysages atteignent-ils une si grande vieillesse ? se demande un peintre philosophe. « C’est que la brume et les nuages leur offrent une nourriture. »

La collection de M. Dubosc suscite ces réflexions. Elle évoque bien d’autres pensées encore. Elle servira prodigieusement la connaissance de l’Est. Elle mérite de durer. Le Musée du Louvre, en l’acquérant, vient de consacrer ce mérite.
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Se délester



Trop empêtré d’un corps

en mal d’apesanteur

tu te délestes peu à peu tu te délestes

de tes os qui trahirent leur maquette

de ta face effacée

de tes arrières-idées moulues jusqu’à

l’ultime farine de l’avant

de tes pensées processionnaires

de tes étés sans souvenir

qui te coincent dans leurs étau

tu te délestes de ton âge

de ta mâchoire

qui ne sert plus qu’à mordre la poussière

tu te délestes de tes peaux de serpent

de tes peaux de serment

de tes oreilles barbelées

qui écorchent les sons

tu te délestes de tous les livres jamais lus

qui pèsent si lourds sur ta mémoire

Tu te délestes de tes tabous de tes tags mentaux

de tant d’histoires inachevées en quête

dans tes fantasmes d’un dénouement plausible

Tu te délestes de ta rançon de déracinement

de l’hypothèque jamais levée de ton ignorance

Tu te délestes de tes jours comme si tu défaisais

lentement du gant élimé de ta vie

qui garde ses empreintes

et sème ta semblance.
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Se délester



Extrait 2

Tu te délestes de tes tabous  de tes tags mentaux
de tant d’histoires inachevées en quête
dans tes fantasmes d’un dénouement plausible
Tu te délestes de ta rançon de déracinement
de l’hypothèque jamais levée de ton ignorance
Tu te délestes de tes jours comme si tu défaisais
lentement du gant élimé de ta vie
qui garde ses empreintes
et sème ta semblance.
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Se délester



Extrait 1

Trop empêtré d’un corps
en mal d’apesanteur
tu te délestes peu à peu  tu te délestes
de tes os qui trahirent leur maquette
de ta face effacée
de tes arrières-idées moulues jusqu’à
l’ultime farine de l’avant
de tes pensées processionnaires
de tes étés sans souvenir
qui te coincent dans leurs étaux
tu te délestes de ton âge
de ta mâchoire
qui ne sert plus qu’à mordre la poussière
tu te délestes de tes peaux de serpent
de tes peaux de serment
de tes oreilles barbelées
qui écorchent les sons
tu te délestes de tous les livres jamais lus
qui pèsent si lourds sur ta mémoire
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Dieu de miséricorde



Extrait 2

Dieu de miséricorde,
Que ton sourcil de feu se lève :
Contemple les peuples du monde –
Et donne-leur les jours d’effroi, les prophéties.
En chaque langue on prêche ta parole,
Apprends-leur les actes
Et les chemins de l’endurance.

Dieu de miséricorde,
Donne-nous l’humble vêtement
Du berger parmi ses moutons,
Du forgeron à son marteau,
De la lingère et du peaussier,
Fussent-ils les plus grossiers.
Rends-nous encore une autre grâce,
Dieu de miséricorde :

Délivre-nous de l’aura du génie.


// Kadia Molodowski (1894 – 1975)
/Traduit du yiddish par Charles Dobzynski
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Dieu de miséricorde



Extrait 1

Dieu de miséricorde,
Choisis un autre peuple
Elu.
Nous sommes las de mourir, d’être morts
Et nous n’avons plus de prières,
Choisis un autre peuple
Elu.
Nous n’avons plus assez de sang
Pour être des victimes.
Notre demeure est devenue un désert
Et la terre pour nous est avare de tombes,
Plus de Livre pour nous des Lamentations
Plus de complaintes
Dans les vieux livres saints.

Dieu de miséricorde,
Sanctifie un autre pays,
Un autre mont.
Nous avons dispersé notre cendre sacrée
Sur tous les champs déjà, sur chaque pierre,
Nous avons payé
Avec des vieillards,
Des jeunes gens,
Des nouveau-nés
Chaque lettre de tes Dix Commandements.



// Kadia Molodowski (1894 – 1975)
/Traduit du yiddish par Charles Dobzynski
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Une prière



Je me réveille à l’aube et ma prière
Est un poison amer.
J’appelle le déluge une nouvelle fois
À projeter plus haut que les tours et les toits
Tous les flots de la mer,
Que ne puise voguer nulle arche secourable.

O ! comme il sera bon le frôlement glacé
De la mort.
Peut-être éteindra -t-il la souffrance amassée
Dans nos corps,
Les décombres du cœur, la honte de mâcher
Le pain, au bord
Des cendres par monceaux de nos frères et sœurs.

O ! comme il sera bon de toucher les nuages
Dans cette nage d’agonie,
Sentir peut-être en moi cette douceur descendre :
Entendre de ces corps dont volèrent les cendres
Une voix pure.
J’apaiserai – fermant le cercle de la vie –
Le cri de leur blessure.


// Kadia Molodowski (1894 – 1975)
/Traduit du yiddish par Charles Dobzynski
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Prière à soi-même



Extrait 2

J’écoute et je vois, tous les sons-symboles me sont des aiguilles
Pour recoudre les plaies sur les muscles blancs du papier.
Mais tout cela que j’ai chanté jusqu’à présent me semble pauvre
Comparé aux trésors qu’en moi tu as éparpillés.
Et chaque son est un écho du mystère des profondeurs,
La ruche s’éloigne et se voile encore plus à chaque pas.

Le temps est fait de cire bleue. Elle va fondre goutte à goutte,
Ô silence déshabillé du temps ! Voici que les abeilles
Reviennent déjà de leur long voyage ensoleillé.
Une fois au moins laisse-moi rentrer en moi-même ainsi que
  le sang dans le sang.
J’attends le coup de dard de leur reine sauvage.


//Avrom Sutzkever (1913 – 2010)

/Traduit du yiddish par Charles Dobzynski,
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Prière à soi-même



Extrait 1

À moi-même ainsi qu’à un étranger je colle mon oreille,
Et mes yeux débordants de visions chantantes,
Je me ramifie dans tes profondeurs comme les veines dans
  le marbre :
Par qui tous tes secrets furent-ils ensevelis ?
Pour qui la musique de tes secrets non révélés ?
Musique de mains et de lèvres. Sons-symboles dans les ténèbres.
Musique de pluie, d’arc-en-ciel. Plus loin, plus loin, plus loin...

Tu es ruche que le feu cerne et je ne puis m’en approcher.
Tu me nourris du bruit brisé de tes abeilles.
Parfois une abeille s’égare, elle vole vers le désert,
Cherche une brindille de chair et la beauté la rend aveugle,
Une autre voudrait embrasser la fleur venimeuse et mourir.



//Avrom Sutzkever (1913 – 2010)

/Traduit du yiddish par Charles Dobzynski,
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Charles Dobzynski
La tomate

Trop timide, la tomate
Devient écarlate
Quand on lui dit qu'elle est belle
Un rien l'épate.

Elle se dresse sur ses pattes
Pour imiter les hirondelles
Elle rêve d'avoir des ailes,
S'arrondit, se gratte,
Se gonfle d'eau, se dilate,
Mais a chaque fois ça rate :
Aucune plume ne pousse
A son épaule tendre et douce.

La tomate échec et mat
Se résigne, s'acclimate,
Mais sous son air ombrageux,
Puisque le ciel est paradis perdu
Elle mijote son jus d'aromates,
Un songe rouge et nuageux.

(Extrait de Qu’est-ce qui mijote dans ma marmite à mots)
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La ville du massacre


Extrait 17

Il suffit maintenant. Enfuis-toi, homme, enfuis-toi
  pour toujours
Cours au fond du désert et deviens fou,
Mets en pièces ton âme,
Jette dehors ton cœur pour les chacals,
Laisse ta larme tomber sur les pierres ardentes
Et que ton cri soit englouti par l’ouragan.


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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La ville du massacre


Extrait 16

Et sort demain dans la rue, fils d’Adam,
Contemple ce marché de bric-à-brac vivant,
Hommes-vermines à demi-morts, moulus de coups,
Echines cassées et contorsionnées,
Os et peau emmitouflés dans des haillons,
Avec des enfants, tristes estropiés, des femmes
Mortes d’épuisement et rabougries ;
L’essaim de fin d’été, les ailes crépitantes,
Assaille les fenêtres et les portes,
Noircit le seuil de toutes les demeures,
Et des savants pour mendier tendent leurs mains
  difformes
Exhibent leurs plaies purulentes,
Chacun vante sa camelote,
Et tournant à la dérobée les yeux vers les fenêtres
Comme des chiens battus ou des serfs vers le maître,
Un sou pour une plaie, un sou pour une plaie,
Un sou pour une fille violentée,
Un sou pour la mort d’un vieux père,
Pour le martyre, un sou, d’un jeune homme à marier...
Au cimetière ! avec les traîneurs de besaces,
Allez là-bas déterrer les os blanchis
De vos martyrs dans leurs tombes fraîches,
Bourrez vos sacs, à chacun son fardeau
Et parcourez le monde, allez et traînez-vous
De ville en ville où se tient quelque foire,
Partout sous les hautes fenêtres étrangères
Chantez à voix enrouée, ô chantres quémandeurs,
Demandez l’aumône et marchandez et manœuvrez
Comme jusqu’à ce jour votre chair et vos os.


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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La ville du massacre


Extrait 15

Écoute, fils d’Adam, ce que le chantre crie devant l’autel :
« Seigneur, agis pour ceux qui furent massacrés,
Pour les petits enfants, agis, et pour les sages. »
La foule à pleine voix multipliera le cri
Si bien que tous les murs et colonnes du temple
Avec toi trembleront de crainte
Et je te prouverai ma cruauté,
Tu ne pleureras pas avec eux devant moi
Et si de toi devait s’élever une plainte
Je saurai l’étouffer entre tes dents.
Tu ne dois point comme eux pervertir le malheur,
Qu’il reste sans compassion dans les âges futurs,
Enfouis au fond de toi la larme non pleurée,
Mure-la dans ton cœur, et là bâtis pour elle
De haine, de colère et de fiel un bastion,
Et que grandisse en ce nid un reptile
Et que sans cesse l’un se nourrisse de l’autre,
Et que demeure en lui pourtant la faim, la soif,
Et quand viendra le jour du Jugement dernier
Casse ton cœur, libère le serpent, qu’il file furieux
Telle une flèche empoisonnée,
Mourant de faim, gonflé de son venin brûlant
et du cœur de son propre peuple.


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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La ville du massacre


Extrait 14

Tu voudrais revenir, tu contemples les herbes
Et ces prémices du printemps si jeune et frais.
Emplis ton cœur et rends plus grand tes yeux
D’un lancinant regret pour une vie lointaine et neuve,
Cette herbe est funéraire, elle a l’odeur de la mort,
  fils d’Adam,
Arraches-en une poignée et jette-la derrière toi,
Et dis en même temps, paupières closes :
« Mon peuple est de l’herbe arrachée, et se peut-il
Que ce qui fut arraché vive encore ? »
Et ne regarde plus, enfuis-toi loin d’ici,
Fuis vers les survivants, c’est aujourd’hui le Jeûne,
Surprends-les dans leur temple et perds-toi avec eux
Dans l’océan - brasier des larmes.
Tu entends les lamentations, plainte sauvage,
Par les bouches ouvertes et par les dents serrées
Se déchirer en mille éclats de chair vivante,
Se mêler et se fondre
En unique clameur de détresse et d’effroi
Qui dans l’air se convulse ainsi qu’un homme pris
  de fièvre,
Sur les têtes dressées vers les voûtes moites,
Sur les visages tenaillés par la douleur,
L’épouvante et le gel s’emparent de ta chair
Ainsi se lamente un peuple en perdition
Dont l’âme est devenue fumée et cendre, un grand
  désert
Où ne pousse plus un brin d’herbe, où ne vit pas
  même une graine,
Tu les entends Mea culpa se frapper la poitrine,
Ils me supplient de leur pardonner leurs péchés,
Mais comment peut pécher une ombre sur le mur
Un crâne fracassé, une vermine morte ?
Pourquoi prient-ils, pourquoi leurs mains se tendent-elles ?
Où est le poing ? Où est le grand tonnerre
Pour toutes les générations demandant compte
Et accusant le monde et déchirant les cieux
Pour jeter bas mon trône glorieux ?


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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La ville du massacre


Extrait 13

Quand vous viendrez demain devant mes portes
Frappant et suppliant que l’on vous fasse aumône,
J’ouvrirai, je dirai : « Venez, voyez, je n’ai plus rien,
La pitié de Dieu soit sur vous, mais je n’ai rien,
Riche, j’ai tout perdu, me suis appauvri comme vous. »
Ô douleur et déchirement, douleur dans tous les mondes,
Qu’on laisse tous les cieux gronder de pitié,
Ah tant et tant de victimes en vain,
En vain de telles vies, en vain de telles morts
Et sans savoir de quoi, pour quoi, pour qui.
Ensevelie dans les nuages votre tête devient éternelle,
Tous mes nimbes sacrés pleurent secrètement de honte.
Nuit après nuit je descendrai du ciel
Et je me pleurerai sur votre tombe,
Grande est la honte et grande la douleur,
Mais dis-moi, fils d’Adam, laquelle est la plus grande ?
Mais non, tais-toi plutôt, sois un témoin muet,
Toi qui m’as trouvé dans le dénuement
Toi qui as vu ma solitude et ma détresse
Et sur le chemin du retour, emporte, fils d’Adam,
Une part de ma peine, un peu de ma souffrance tue,
Et mêle-les au noir venin de la colère, et verse-les
Dans les entrailles des fantômes survivants.


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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La ville du massacre


Extrait 12

Va , regardes-les bien, ce sont là des victimes
Qui gisent en ce lieu tels des veaux égorgés,
Pour elles tu n’as pas un pleur, comme moi, nulle offrande.
Ossements morts, ici je suis venu
Pour demander expiation, pardonnez-moi,
Pardonnez à votre Dieu, ô vous éternels offensés,
Pour votre vie amère et sombre, pardonnez
Pour votre vie dix fois amère.


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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