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Critiques de Charles-Ferdinand Ramuz (297)
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La Grande Peur dans la montagne

Les belles nuits d'été étoilées sont terminées, dommage, cela aurait été l'occasion de vous imaginer dans un endroit retiré, à l'extérieur par exemple, autour d'un feu de camp ou , simplement allongé dans le foin d'un fenil à la lueur d'une lanterne pour découvrir La Grande Peur dans la montagne de Ramuz (1848-1947), l'histoire d'une petite communauté montagnarde qui, malgré les avis des anciens, décident de réhabiliter un alpage sur lequel plane une malédiction.



J'ai lu ce livre il y a déjà plusieurs mois et, j'avais été vraiment saisie par l'atmosphère, l'ambiance qui s'en dégage, ce glissement irrémédiable vers une grande frousse incontrôlable !

Depuis, j'ai eu l'occasion de séjourner dans la vallée du Ferrand, à Besse en Oisans, et là j'ai encore mieux ressenti la force de ce livre, les mots de Ramuz faisaient échos dans ma tête, tourbillonnaient.

Mon premier séjour dans les Alpes, dans le parc des Ecrins ! Une découverte. Et là, j'ai bien compris ce que voulait signifier Ramuz, la puissance des éléments, du minéral restent et resteront toujours indomptables même si l'homme a su au fil des années, des siècles, s'en approcher et l'utiliser.



Mais revenons au texte de Ramuz, nous sommes au mois de mai, et les troupeaux doivent monter aux alpages pour goûter une herbe plus grasse. Cette année ce sera le pâturage de Sasseneire : « Ce pâturage de Sasseneire est à deux mille trois cent mètres ; il est de beaucoup le plus élevé de ceux que possède la commune, c'est-à dire trois autres, mais qui sont sur les côtés de la vallée, tandis que Sasseneire est dans le fond, sous le glacier. Il arrive qu'à ces hauteurs-là il y ait encore, au mois de juin, des deux, des trois pieds de neige dans les parties mal exposées. »

Donc un décor grandiose, teinté de gris car le minéral y règne, la sente qui y mène est semée d'embûches, de dangers pour les protagonistes qui s'élèvent vers ses hauteurs. Ils franchissent successivement les différents paliers pour arriver au chalet faisant fi des gorges, abrupts, à-pics, éboulis , coulées de neige et du bruit assourdissant du torrent.

Qui dit hauteur dit lumière… mais pas avec Ramuz : le glacier personnifié menace de son ombre

ceux qui se sont installés là en contre-bas pour l'été, dans le chalet qu'il a fallu restauré pour l'occasion.

Et peut-être bien que les vieux avaient raison !

Les amulettes ou prières pourront ils repousser le malin avant que la folie ne s'installe ?

La communauté restée au village est pendu aux nouvelles du haut qu'un messager apporte faisant le lien entre les deux mondes, car pour eux ceux du bas, le temps est encore à la joie.



J'ai dévoré ce court récit et je me suis régalée.

Le lecteur participe au quotidien de cette communauté avec ses conflits, ses fêtes, ses drames, ses superstitions et assiste impuissant à la montée de la psychose collective. L'intrusion du fantastique, du fantasmagorique, la tension grandissante rendent palpable la menace qui plane sur les hommes.

Un récit qui monte crescendo.



Grâce à l'écriture de Ramuz qui interpelle le lecteur, le prend à partie , comme si nous l'avions devant nous, La grande peur dans la montagne devient aussi la nôtre, une histoire qu'on aimerait bien écouter.



Une belle rencontre : je n'avais rien lu de Ramuz et j'ai été séduite.



Ah les réveils au son des sonnailles, nostalgique, me direz-vous ? Non, mais j'ai pas fini de penser à cette montagne grandiose et aux bergers, qui aujourd'hui les occupent toujours, que ce soit dans les Alpes, les Pyrénées ou autres massifs montagneux. Je leurs tire ma révérence et dit bravo à monsieur Ramuz !
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La Grande Peur dans la montagne

La grande peur. Celle qui vient de très loin. Celle qui vient de la mémoire des hommes. Ces histoires qu’on voudrait bien taire, mais que le vent de la montagne chuchote durant les longues nuits. Ces malédictions dont on ne réchappe pas. Dont personne ne réchappe. Même les plus malins, même les plus jeunes qui se gaussent de toutes ces vieilles histoires sans queue ni tête. À dormir debout.

Pour une affaire de gros sous, il se sont mis dans la tête de réinvestirent le pâturage de Sasseneire. Ils iraient là-bas nourrir les bêtes. Il est très haut dans la montagne, ce pâturage ! Il est au fond de la vallée, à l’ombre d’un grand glacier.

Les vieux leur ont pourtant bien dit de ne pas y aller. De laisser ce pâturage à la montagne. À la montagne seule. Il y a là-haut des forces très anciennes qu’il ne faut surtout pas réveiller. Il y a Lui. Ils ont ri. Ils n’ont pas écouté. Pourtant, malgré leur fière assurance, quand ils sont montés sur les flancs de la grande et vieille montagne, ils n’étaient que des petits points noirs qui bougeaient à peine… Si fragiles. Si insignifiants…

La grande peur. Celle qui noue les tripes. On ne peut pas l’expliquer avec des mots raisonnables. Les pas sur le toit de la grange. Les coups sur la porte. Les meuglements apeurés des bêtes. Ce brouillard épais qui enveloppe les corps et les âmes. Le vent qui s’infiltre sous la porte. Victorine qui part à la recherche de son amoureux et se perd. La nuit qui s’attarde. Clou et ses poches remplis de pierres. Joseph qui tire sur la brume et fuit sur le grand glacier… La maladie des bêtes, la folie des hommes… Le torrent qui emporte tout… Le Grand Vieux Malin qui s’esclaffe…

Quel roman ! Il nous fait frissonner, réveille en nous les peurs ancestrales. Et puis le style ! Un style baroque, puissant qui magnifie la souveraineté de la montagne. Les pas lourds sur la rocaille. Les pierres qui roulent. Le soleil qui aveugle. La nuit qui tombe sur la vallée. Tous les bleus du glacier… Puis la petitesse de l’homme et son orgueil démesuré.

Un livre à lire absolument.

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La Grande Peur dans la montagne

Cela fait vingt ans, depuis une sombre et mystérieuse histoire dont les témoins refusent de parler, que plus personne ne monte à l’alpage maudit de Sasseneire, à 2300 mètres d’altitude et quatre heures de marche au-dessus du village. Pourtant, l’on manque de pâturages pour vivre convenablement. Alors, malgré les peurs et les avertissements des anciens, le maire réussit à rallier les plus jeunes à son projet d’emmener quelques vaches là-haut, à la prochaine estive. En juin, ils sont sept, six hommes et un jeune garçon, à s’installer pour l’été dans le chalet de Sasseneire, pour s’occuper du troupeau. Le climat, pollué par les superstitions, est déjà à l’inquiétude. Il vire à une franche peur, lorsque la maladie se met à ravager le troupeau, semblant prouver la vieille malédiction, et coinçant le petit groupe en quarantaine, à la merci des diableries qu’abritent ce coin de montagne.





L’histoire est admirablement contée. Et c’est suspendu à ses mots que le lecteur se retrouve immergé dans le monde paysan et les montagnes du canton de Vaud, en Suisse, au début du siècle dernier. L’atmosphère restituée avec soin est prégnante, les personnages finement observés et criants de vérité, tandis que le style narratif, emprunté avec naturel aux protagonistes, restitue au plus près mentalités et réactions, dans une évocation des plus vivantes. Le sentiment d’une menace, d’autant plus troublante qu’impalpable, imprègne le texte dès son incipit, et c’est avec la certitude d’un drame à venir que l’on avance avec angoisse dans ce récit habilement tendu jusqu’à son dénouement.





Au travers de cette narration, que l’on imagine sans peine faire trembler son auditoire dans la lumière dansante du feu à la veillée, Ramuz nous conte les peurs anciennes des hommes dans une nature aussi grandiose qu’écrasante, les croyances et les superstitions nées de l’ignorance et de l’impuissance, l’irrationalité des comportements face à la mort, au danger et à l’inconnu. La montagne, avec ses beautés et ses traîtrises, est la grande prêtresse de cette histoire dont elle a le dernier mot, semblant se gausser des petitesses humaines et jouer à plaisir avec les nerfs de ses habitants.





La puissance d’évocation de la nature, la justesse d’observation des personnages du cru, et la singularité de la langue, travaillée pour restituer l’essence du pays vaudois, font de ce roman un des plus grands classiques de Ramuz, sans doute pour ce canton suisse ce que Pagnol est à la Provence.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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La Grande Peur dans la montagne

Les Dix petits Nègres de cette bonne vieille Agatha peuvent aller se rhabiller.. devant les Sept petits Pâtres de  Charles- Ferdinand!



Du grand Ramuz,  et cette fois une oeuvre plutôt connue,  en France, du grand écrivain suisse.



Depuis 20 ans, une malédiction plane sur Sasseneire, on n'y mène plus les bêtes, pour les estives, et les hommes n'y vont plus...trop de noirs souvenirs...et pourtant l'herbe y est si belle...



Mais l'appât du gain l'emporte, et le président du village-le maire suisse- y envoie sept  hommes:

le maître du troupeau et son neveu

un muletier qui fera le ravitaillement,

un petit gars à tout faire -en Aubrac, on dirait le roule et, en mer, le mousse-, 

un étrange individu, mi-clochard, mi-filou appelé Clou,

un jeune amoureux séparé à grand tourment de sa mie, qui y va pour se faire un pécule de mariage,

et un vieux rescapé de l'expédition précédente qui veut bien y retourner, lui, puisqu'il a survécu et qu'il a "le papier", un gri-gri sensé le protéger des mauvais sorts..



Sept, le chiffre fatidique!



C'est bien une sorte de conte, fantastique et inquiétant, que Ramuz, de sa belle langue étrange et travaillée, se met en demeure de nous conter..



Et nous sommes suspendus à sa plume.



Silences des grands prés sous le ciel, craquements de pas mystérieux sur le toit de bardeaux,  disparitions successives , violentes ou pernicieuses,  épidémie et folles galopades des bêtes malades et apeurées dans la nuit noire.



Escalade dangereuse des séracs, pierriers traîtres , ponts fragiles et embuscades fratricides- le village qui les a envoyés au casse-pipe traite bientôt les pâtres des estives en vrais pestiférés...



Le Malin - qui d'autre pourrait ourdir une telle calamité ? - aura-t-il le dernier mot?



A lire en apnée,  dans une borie ou un chalet, un soir d'orage.



Altitude obligatoire ! 



Frissons garantis.



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Le Petit Village

La langue de Ramuz est unique dans le paysage littéraire. Elle a su traverser les courants sans jamais perdre la fraîcheur qui nous la rend si précieuse. Il suffit de lire "Aline" ou "Derborence" pour goûter à cette poésie des âmes simples et des coeurs purs. Mais avec "Le Petit Village", Ramuz se fait poète à part entière. Ce recueil est un hommage à son pays, au canton de Vaud. Ce projet, qui très tôt germe en lui, mettra plusieurs années à voir le jour. Ramuz cherche sa voix ou plutôt la voix de ces hommes et femmes de la terre qu'il veut honorer. Pour cela, il doit se débarrasser de cette écriture académique qui fait encore référence au début du XXème siècle. Car leur donner voix, c'est écrire comme ils parlent, sans afféterie, avec maladresse et parfois une certaine naïveté. Mais c'est aussi écrire avec générosité et sincérité, comme un qui ouvre son coeur. Ramuz aime ces gens de peu, qui portent leur richesse à l'intérieur. Cela se sent à la lecture de ce recueil. Il y a le vieux Jean-Louis et la vieille Lise dont il peint de nobles et beaux portraits. Et puis il y a Jean-Daniel, personnage central, dont l'histoire d'amour inspire à Ramuz son plus beau poème ou, devrais-je dire, sa plus belle chanson, tant son écriture se fait ici musique:



"Ce jour-là, quand je t'ai vue,

j'étais comme quand on regarde le soleil;

j'avais un grand feu dans la tête,

je ne savais plus ce que je faisais,

j'allais tout de travers comme un qui a trop bu,

et mes mains tremblaient."

(...)



Ramuz avait soif d'authenticité. Il aimait évoquer le passé aux traditions révolues. Patient, il creusait la langue comme les paysans vaudois creusent la terre. Exigeant, il fouillait ses phrases pour en extraire la richesse profonde, en faire jaillir l'émotion. le lire à haute voix, c'est entendre cet accent un peu traînant, un peu chantant. C'est aussi se promener dans ces paysages qu'il aimait tant, paisibles et verdoyants.



"C'est un petit pays qui se cache parmi

ses bois et ses collines;

il est paisible, il va sa vie

sans se presser sous ses noyers;"

(...)



Mais nous ne sommes qu'en 1903. Ramuz peine alors à faire éditer ses poèmes dont les vers libres ne répondent à aucune norme. Aujourd'hui, nul doute qu'il aimerait cette très belle réédition illustrée des gravures naïves de Marfa Indoukaeva. C'est un bel hommage à cet immense poète et à ce touchant recueil qui sonne comme un chant d'amour à sa terre natale.



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Derborence

Je ne me lasse pas du bonheur d'avoir découvert tout récemment un auteur rare dont la première incursion dans son oeuvre m'avait totalement envoûté. Il s'agissait de la Grande Peur dans la montagne et l'auteur était un certain Charles Ferdinand Ramuz, peu connu du grand public.

Derborence ne déroge pas au rendez-vous. Ce nom sonne comme une fleur de printemps.

J'ai la chance d'avoir découvert au sein de ma médiathèque préférée l'oeuvre complète de Ferdinand Ramuz dans La Pléiade.

Je m'y nourri comme un oiseau picorant et inspiré.

Ce texte est splendide.

Un jour, ce n'est pas le ciel qui s'effondre, mais les Diablerets sur la vallée. Ramuz s'est inspiré d'un fait réel remontant au XVIIIe siècle pour dire la même chose.

Il paraît que la foi déplace les montagnes. Moi, je pense que l'amour aussi. Ici en quelque sorte la montagne s'est déplacée, effondrée même, certains y ont même vu ce jour-là, ou disons plus tard, la main d'une décision céleste...

Des tonnes de pierres qui dégringolent sur des personnes, je ne sais pas saisir la différence entre une vague qui se ploie sur le nageur et l'empêche brusquement de respirer et une montagne qui se déverse sur le pan d'une vallée...

Ils étaient montés sur l'alpage, fiers et heureux avec leurs bêtes. Il y avait quelques chalets là-haut. Ils devaient être une quinzaine d'hommes, une centaine de bêtes. Je ne suis pas montagnard, bien qu'aimant la montagne... J'ai ressenti la même émotion que ceux qui chez nous partent en mer.

À quoi peut ressembler une montagne qui décide brusquement de lâcher un peu de son incertitude ? Des tonnes d'incertitude...

Thérèse attend un enfant d'Antoine là-haut, parti. Un enfant, c'est aussi une incertitude...

Un seul rescapé, un seul survivant, Antoine, redescendra deux mois plus tard vers le village comme un fantôme. En redescendra-t-il vraiment ?

Comme c'est beau ! Je ne sais pas dire autre chose devant un texte magnifique et se dressant à la hauteur du paysage et de l'âme qui en émane.

J'ai adoré ce roman, je voudrais qu'il se déploie encore plus grand au travers des vertiges auxquels il l'invite.

La langue de Ramuz est belle, mais comme on l'entend. Elle est belle dans ce texte, elle est jolie et rugueuse, elle coule de source comme un ruisseau de montagne et brusquement s'emporte dans le vertige et s'affole à chaque obstacle. Au fond, elle ressemble à la vie.

À nous !
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Si le soleil ne revenait pas

L'histoire est toute simple, elle a la saveur d'un conte ancien, transmis de génération en génération. Pourtant le récit se passe un peu avant la seconde guerre mondiale.

Nous sommes dans un village adossé à la montagne, précisément dans un hameau du valais suisse. Ici les habitants sont habitués à voir le soleil disparaître derrière les crêtes, à compter d'octobre pour ne reparaître qu'en avril. C'est une absence de l'astre solaire durant près de six mois mais à laquelle les habitants de la montagne sont habitués. Cette disparition, puis réapparition, rythment ainsi le temps qui passe et la vie pastorale dans cette vallée des Alpes suisses depuis des lustres, que dis-je, depuis des millénaires.

Il faut dire que, pour eux, chaque année, vers le 25 octobre, le soleil se montre pour la dernière fois, s'éteignant comme une traînée de feu et il ne reparaît pour eux que le 13 avril, surgissant comme une étincelle prête à embraser le ciel encore pâle. Entre ces deux dates, la vie pour autant ne s'arrête pas, elle est simplement différente, plus lente.

Cet hiver-là, Anzevui, le vieux guérisseur, un peu sorcier, un peu sage, un peu fou aussi, consulte un vieux livre, puis se met à faire des calculs savants, griffonnant des pages de chiffres. Il n'y a aucun doute selon lui. Il annonce alors à la cantonade que le soleil s'éteindra au printemps. Plus précisément, alors que le 13 avril de chaque année le soleil s'apprête normalement à revenir, c'est bien ce jour-là qui scellera sa disparition définitive, en ne se hissant pas comme les autres années, sur la cime des crêtes. La prédiction du vieux guérisseur s'accompagne aussi d'une autre mauvaise nouvelle : sa propre mort qui viendra ce jour-là...

Les signes sont là d'ailleurs. La guerre est toute proche qui s'apprête à embraser le monde. Et si justement le soleil en profitait pour se faire la belle, pour ne plus jamais revenir... Et si Anzevui avait raison ?

La menace de ce cataclysme est comme une déflagration. Elle va alors bouleverser la petite communauté et le comportement de ses membres. Chacun y va de sa petite musique. Certains cèdent à la panique, d'autres font des réserves, hé hé ! ça ne vous rappelle rien, et les plus jeunes se moquent du vieux guérisseur et de la superstition des plus anciens.

Et si le soleil ne revenait pas... Chacun lance cette sentence et brode à sa manière sa représentation de ce que pourrait être l'existence qui devient brusquement et définitivement obscure à jamais. Autant dire que la vie ne durerait pas très longtemps...

Chacun s'exprime sur le sujet, même la belle et sensuelle Isabelle, qui elle aussi a bien une idée derrière la tête, - si toutefois il faut parler de la tête à cet endroit, oui elle a bien une idée de ce qu'elle ferait avec Augustin son mari, si le soleil ne revenait pas...

Ah ! Comme j'ai aimé ce personnage attachant qui est peut être un astre incandescent à elle seule, traversant l'histoire de ce village, de cette communauté pastorale, de ses certitudes et de ses croyances, se dressant contre la fatalité des choses dans ce désastre annoncé !

Il est vrai qu'on a là à portée du regard, dans ce microcosme ramassé comme dans un huis-clos montagnard, toute la palette du genre humain que la menace d'un événement qui leur échappe va exacerber dans les traits de caractère et les comportements de chacun.

J'ai retrouvé avec jubilation l'écriture de Charles Ferdinand Ramuz, sa manière de raconter un récit, son phrasé inégalable, empli de fraîcheur et de poésie. Tour à tour, le récit, d'une richesse incroyable, visite tous les styles sans forcément s'enfermer dans un seul : fable métaphysique, conte onirique, récit effleurant le fantastique, chronique pastorale... Ce soleil qui menace de ne plus revenir, n'est-ce pas aussi un thème qui vient chatouiller notre imaginaire actuel ?

Il y a aussi une tension palpable comme un compte à rebours jusqu'à la dernière page, jusqu'au dénouement et on se laisse emporter par les pages du récit qui nous happe, pris dans la farandole des personnages, pris dans la nasse d'un texte qui sème en nous le trouble, le doute et l'enchantement aussi...

Et vous, si le soleil ne revenait pas, que feriez-vous donc ?

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Aline

Une histoire simple, presque un cliché : une jeune fille naïve, jolie- et pauvre - se laisse séduire par un beau gars malin, égoïste - et riche. Elle s'en éprend et lui s'en lasse. Elle tombe enceinte, et c'est le drame.



Mais, pour Aline et Julien, Ramuz a mis son habit de fête : sa langue à nulle autre pareille, ses images fortes, sensorielles, cueillies dans le livre secret de la nature, et surtout cette étrange focale qui prend les personnages de loin mais les sonde au plus profond.



Un détachement empathique, une froideur poétique.



Un roman de jeunesse, mais déjà tout y est: promesses stylistiques, tragédie discrète du destin et main du malheur qui broie les coeurs sans défense, méchanceté du monde, solitude infinie des êtres et beauté insensible de la nature qui en creuse encore le vertige.



Un petit livre d'une apparente simplicité dans la nudité d'un sujet rebattu, mais qui laisse pantois. Du grand art!
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La Grande Peur dans la montagne

♬ Pourtant, que la montagne est belle,

Comment peut-on s'imaginer... ♬

J'ai découvert l'existence de Charles Ferdinand Ramuz tout récemment, en lisant un roman noir, La soustraction des possibles, dans lequel la matrone corse d'un gang de bandits, femme aussi cruelle qu'érudite, vouait une passion effrénée pour cet écrivain suisse romand peu connu, mort en 1947 à l'âge de 68 ans, et en particulier pour un de ses romans, La Grande Peur dans la montagne.

Vite, j'ai couru auprès de ma médiathèque préférée, elle disposait de deux ouvrages regroupant les oeuvres complètes de l'auteur dans la collection de la Pléiade, dans un desquels j'ai retrouvé le fameux roman en question.

Mais la Grande Peur dans la montagne, de quoi s'agit-il ? Quelle est cette peur ?

Une peur ancestrale, nourrie par les légendes, porte la trame de l'histoire.

L'histoire est en apparence toute simple. Nous sommes dans un petite village montagnard en Suisse romande. L'auteur met en scène des paysans dans leur élément, dans l'état le plus pur de la nature. Un immense glacier domine la vallée. Plus haut dans la très haute montagne, il y a un pâturage verdoyant où il pourrait être intéressant de monter les bêtes pour en faire un alpage. L'herbe est verte, riche à foison, mais l'endroit est maudit, prétendent les anciens. C'est pour cela sans doute qu'aucun troupeau n'est monté là-haut depuis vingt ans.

Il y a les anciens du village qui se souviennent et puis il y a les jeunes qui sourient de ses vieilles superstitions qui tiennent encore, deux générations qui n'ont pas le même point de vue. Une petite communauté du village, encouragée par le Président de la commune, propose de réhabiliter l'endroit. Malgré la désapprobation des plus anciens, le conseil de la commune vote en faveur de ce projet. Sept hommes sont volontaires pour monter là-haut avec les bêtes, six bergers accompagnés d'un personnage mystérieux, alcoolique et borgne. Ils vont partager la vie au chalet de là-haut durant les quelques mois d'alpage...

Victorine et Joseph amoureux éperdus à peine sortis de l'enfance, sont deux personnages qui m'ont particulièrement touché. Ils s'apprêtent à se marier, il est jeune berger et c'est pour elle qu'il fait le choix de monter là-haut... Leur histoire d'amour est en quelque sorte le fil conducteur de ce texte.

J'ai été troublé, envoûté par la manière dont l'auteur nous raconte cette histoire.

Charles Ferdinand Ramuz nous invite dans une saisissante description de la nature. C'est peu dire que la montagne incarne ici un personnage à part entière. Elle se révèle dans tous ses aspects multiples.

C'est une sorte de conte vertigineux, une tragédie antique où s'affronte la querelle des anciens et des jeunes, où naît l'aventure alpestre qui en surgit, où des hommes montent avec leurs bêtes dans la montagne comme dans une procession fatale, là où viendra l'enchaînement des malheurs...

L'atmosphère devient peu à peu pesante, le récit monte crescendo. Sans doute l'écriture de Ramuz y est pour quelque chose, par-delà l'intrigue. Ici, c'est le bruit d'une pierre qui dégringole d'une paroi rocheuse, plus loin c'est une crevasse qui appelle le regard dans un écho abyssal. Lorsque la nuit vient, des bruits se font entendre sur le toit du chalet comment si quelqu'un marchait.

Dans la même page, dans le même escarpement, le merveilleux côtoie l'angoisse du pas qui à chaque instant peut trébucher. Une entaille dans la roche devient une fenêtre. L'aurore incandescente se pose comme un oiseau sur le paysage qui se réveille, on pourrait alors presque toucher le ciel posé sur les arrêtes enneigées.

Ici le monde naturel semble côtoyer de près le monde surnaturel à tel point qu'on ne sait pas où s'identifie précisément la frontière entre les deux versants. Quel est ce chemin ténu qui couture les deux parties ?

Dans cette nature minérale et grandiose, il y a quelque chose qui tient du sacré, c'est-à-dire de plus grand que nous. La montagne, c'est un peu comme la mer que je connais mieux, mais peut-être est-ce pour cela qu'à chaque fois que je redécouvre les paysages montagnards, je m'en réjouis et je m'émeus de cette force si imposante et si respectueuse.

C'est un univers onirique, au bord du fantastique, qui nous est délivré dans les mots de l'auteur.

Le paysage alpin est dévoilé dans sa grandeur et son mystère, l'histoire aussi, dans une narration qui m'a emporté. Je ne saurai dire si c'est dans la manière d'agencer les mots, les phrases d'apparence toute simple, l'ambiguïté du paysage, la manière de révéler les sortilèges qu'un névé ou une sente peuvent cacher, la nuit qu'il faut traverser comme un tunnel, le froid et la peur qui viennent jusqu'au bord des pages. Et puis il y a ce glacier grandiose qui domine le texte de bout en bout...

Le style, parfois incantatoire, n'est pas sans m'évoquer la façon dont Jean Giono convoque la nature lui aussi dans ses romans, de la faire entrer de manière insidieuse ou théâtrale dans le récit, de lui donner un rôle crucial, un sens au récit. C'est un peu cela ici.

À chaque instant, l'auteur joue sur une forme d'ambiguïté, jusqu'à la manière de dérouler le récit. Il y a ce « on » qui décrit le paysage et les événements, et je me suis demandé d'où sortait ce mystérieux « on », comme une rumeur venue de la montagne ou de la vallée, une force étrange et mystérieuse qui nous observe, qui nous échappe, qui échappe aussi au destin des personnages.

J'ai senti qu'il appartenait à chaque lecteur de suivre son chemin dans les différents points de vue que propose l'auteur, dans la manière d'interpréter l'histoire, par-delà les faits qui sont narrés. C'est comme un endroit escarpé où brusquement il faut choisir entre plusieurs directions : coïncidence des faits, fatalité, emballement dû à la peur des hommes et des bêtes ou bien quelque chose de maléfique qui dépasse les hommes.

J'ai aimé cette montagne que propose Charles Ferdinand Ramuz, comme j'aime la mer... Comment ne pas être tenté de visiter ce texte vieux de près de cent ans avec nos yeux d'aujourd'hui ? D'y voir, non pas le signe d'une nature qui peut jeter sa malédiction, sceller le sort des hommes, mais plutôt attirer notre attention sur son propre sort. Un texte terriblement intemporel qui m'a donné une envie furieuse de poursuivre la découverte de cet auteur !

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La beauté sur la terre

Juliette, jeune orpheline de dix-neuf ans, débarque un jour dans un village suisse, dans le canton de Vaud, venant de ses Caraïbes natales, Santiago de Cuba précisément. Elle est la nièce de Milliquet, vous savez, celui qui tient l'auberge là-bas au milieu du village. Elle vient trouver refuge chez son oncle, qui reste sa seule famille et qui l'accueille. Un peu déstabilisés au départ, les Milliquet se disent qu'elle pourra aider à l'auberge. Mais dès les premiers jours, la jeune fille ne quitte pas sa chambre, et plus tard, lorsqu'elle la quitte, on sent bien ici que sa beauté à la fois étrange et innocente sème peu à peu le trouble parmi la clientèle des habitués et les habitants du village.

La beauté de Juliette finit par énerver, diviser les hommes qui la convoitent, rendre furieuses les femmes, même le couple Milliquet commence à se quereller. Elle décide alors de s'enfuir...

Elle s'en va un jour pour rejoindre en contrebas de la vallée, au bord du lac Léman, un hameau de pêcheurs dont l'un d'entre eux, plus âgé que les autres, qui s'appelle Rouge, la recueille dans sa cabane, il devient pour elle un peu comme un grand-père épris de tendresse. Là-bas la jeune fille est dans son élément. Elle se sent familière dans ce monde parmi les filets, l'odeur de poissons et les barques, elle devient presque un élément à part entière de ce paysage aquatique.

Ici elle vient réveiller l'eau, la pierre de la montagne, l'air minéral et le coeur si taiseux des hommes. C'est peut-être elle la lumière éperdue qui éclaire le paysage d'un éclat nouveau.

C'est presque encore un endroit sauvage, enfermé comme un vase clos depuis des générations.

Le dimanche, il y a l'accordéon de ce petit ouvrier cordonnier italien bossu, un peu de musique c'est comme un air de fête, c'est aussi comme une note différente dans l'éclat du jour. Ces deux-là sont d'ailleurs et se comprennent, se ressemblent peut-être à cela. Et puis ils ont le langage de la musique. Pourtant il n'y a peut-être pas de place ici pour eux.

Ici dans le commencement de juin, la lumière du paysage rebondit sans arrêt sur ses gestes, sur sa peau, dans sa façon de danser. Ses bras sont comme des ailes, ses yeux sont des chants d'oiseaux et la langue de Ramuz vient tourner autour de la danseuse, l'enlacer, effleurer l'innocence de son âme qui est loin de penser qu'elle jette un trouble aussi grand dans cette société figée dans les habitudes, égoïste, agacée par les désirs et les convoitises. Elle est comme un miroir où les eaux du lac viennent se refléter. Elle est simplement éprise de liberté.

Ici, au bord de ce lac, c'est là que tout est prêt à vaciller, à s'embraser, tandis que le vieux Rouge songe déjà à adopter Juliette.

Pourtant l'attitude de Juliette n'a rien de provocante et sa beauté n'a rien d'outrancière, mais il y a quelque chose qui se passe brusquement dans ce paysage de montagne et c'est peut-être cela la force de l'enchantement.

Juliette est simplement en harmonie avec les éléments du ciel, de l'eau et de la terre.

La Beauté sur la terre est le quatrième roman que je lis de Charles-Ferdinand Ramuz.

Ce roman n'a pas cessé de me surprendre, comme la beauté de cette jeune fille surprend la quiétude des hommes de ce village vaudois. Il surprend, il enchante, il envoûte. Je me suis demandé dans quelle histoire j'étais plongé, un récit champêtre ? Une scène pastorale en paysage vaudois ? Un conte onirique ? Sans doute tout cela un peu, mais certainement quelque chose de bien plus puissant encore...

Et j'ai compris brusquement que c'est cette écriture qui était un peu la fautive, celle qui m'avait fait vaciller dans le charme du récit, la magie de la langue poétique de Charles-Ferdinand Ramuz dans une non-concordance des temps surprenante, déstabilisante, mélangeant l'imparfait et le présent parfois presque dans la même phrase, cassant toutes les certitudes, tous les codes, toutes les habitudes figées dans ce paysage minéral depuis des siècles, ouvrant ainsi le paysage des pages pour y déverser des flots de lumière.

Parfois, l'écrivain nous invite même à entrer dans le récit en tant que narrateur comme si nous avions vécu un peu de cette histoire.

C'est une langue qui caresse, qui trébuche, qui cogne comme le fracas d'une barque sur l'eau, comme des forces obscures souterraines, à la fois invisibles et présentes, ce sont des cris d'oiseaux dans un ciel éventré.

Ce roman n'a pas cessé de me surprendre et de m'envoûter. Et Charles-Ferdinand Ramuz aussi.

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Présence de la mort

Présence de la mort est un court récit où j'ai eu plaisir à retrouver l'écriture si particulière et quasiment envoûtante de Charles Ferdinand Ramuz. C'est ma troisième incursion dans l'univers de cet écrivain suisse et je ne m'en lasse toujours pas.

Ici le texte détonne avec les deux précédents romans que j'ai lus de l'auteur. En effet, Présence de la mort, c'est une sorte de dystopie qui décrit l'amorce d'une fin du monde.

Paru en 1922, Présence de la mort aborde le réchauffement climatique en mode accéléré puisqu'au moment où débute le récit un phénomène est déjà enclenché où chaque jour la température augmente d'un degré Celsius et ce, de manière régulière, inexorable...

On ne sait pas grand-chose de la cause de ce phénomène, la terre semble brusquement précipitée vers le soleil, entraînant un réchauffement sans précédent du climat...

Le propos de Charles Ferdinand Ramuz n'est pas de s'appesantir sur les causes, mais plutôt d'aborder leurs conséquences sous l'angle humain, c'est-à-dire comment les personnes vont se comporter entre elles, au rythme de la montée progressive de la température.

La nouvelle pourtant s'est propagée comme une déflagration, d'un continent à l'autre, traversant les océans.

Ici, on est dans une vallée suisse surplombée par la montagne, paysage cher à Charles Ferdinand Ramuz.

Malgré l'information qui est diffusée, personne n'y croit au début. C'est toujours comme ça, même en 1922. Au début, on met cela tout bonnement sur le compte d'une sécheresse, d'une canicule exceptionnelle.

Peu à peu, l'idée d'une fin possible s'impose à chacun, libérant les peurs, les égoïsmes, les replis sur soi, sur son territoire, son pays, son village, son hameau, même sa maison. On dirait que c'est toujours ainsi...

Les codes classiques qui régulaient la société s'effondrent peu à peu, tandis que la fonte des neiges et des glaciers accélèrent la montée des eaux, entraînent boue et pierres au fond de la vallée.

Le ciel est devenu blanc. Les eaux les plus claires deviennent troubles. On ne s'y baigne plus, ou plutôt on ne s'y baigne plus par plaisir, on s'y réfugie pour en apprécier la douceur ou l'apaisement, c'est comme un geste ultime de survie. On cherche la vie où elle peut se cacher.

Et puis le roman devient un poème, l'écriture de Charles Ferdinand Ramuz se moque désormais de savoir d'où vient cela et de ce qui adviendra du vivant. Comme à chaque fois chez Ramuz, la nature prend le dessus dans le texte...

37°, 38°, 39°, bientôt 40°. Nous sentons le poids de l'effroyable compteur, tandis que les plus incrédules se rejoignent au rang des plus affolés. Vous imaginez l'ambiance une semaine plus tard ?

C'est dans ces moments-là qu'on peut ressentir toute l'humanité du monde, mais aussi tout son contraire, la quintessence du chacun pour soi, du jusqu'au-boutisme.

Au bout du troisième roman, je commence à être convaincu qu'il y a une narration ramuzienne. Dans ce récit allégorique, j'ai continué d'aimer l'écriture de Charles Ferdinand Ramuz, belle, râpeuse, tâtonnante, creusant le silence pour mieux rebondir, une écriture qui donne l'impression de chercher sans cesse les mots. J'adore cette écriture au phrasé si peu académique, pourtant superbe, une écriture enivrante.

Bien sûr, la montagne joue un rôle ici plus que jamais, la montagne chère à Charles Ferdinand Ramuz. Quand ça chauffe dans les vallées, n'apprécions-nous pas l'altitude des sommets ?

J'ai adoré ce roman, même si je reconnais qu'il est sans doute moins accessible que les deux précédents que j'ai lus de cet auteur.

Et puis, comment ne pas lire dans ce récit publié en 1922 un clin d'oeil terrible à ce qui risque de nous arriver dans quelques décennies, sans doute en mode moins accéléré, mais qu'importe la vitesse si le paysage à l'arrivée en est le même...

Un roman d'une beauté apocalyptique terrifiante et prémonitoire...
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La Grande Peur dans la montagne

Une vraie bonne surprise!

Grâce au catalogue fourni en œuvres numérique de la Bibliothèque Romande, je viens de découvrir la prose puissante et tourmentée de Charles-Ferdinand Ramuz.

L' écrivain heurte ses mots, triture ses phrase, les retourne, les répète...et captive le lecteur dans ce récit hallucinant de malheur et de fatalité.

Cette écriture riche et presque chaotique, dans laquelle le randonneur littéraire avance avec précaution pour n'en rien perdre, a pu prêter à controverse? Cependant, le livre refermé et qui me tourne encore dans la tête m'amène à ne voir dans cette façon qu'a eu l' auteur d'exprimer cette histoire, que la seule possible et la plus appropriée.

Une belle eau, comme celle du torrent, donc, que cette écriture comme à peine domptée d'un auteur dont je lirai les autres œuvres.

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Derborence (BD)

Les montagnes suisses n’auront plus de secret pour vous suite à cette lecture tirée d’une œuvre du poète helvétique Charles Ferdinand Ramuz.



Ce n’est pas la première fois que j’essaye d’aborder des BD adaptées de ces lectures d’un autre siècle. Certes, il y a la poésie qu’on peut ressentir à travers ces pages et ce récit au cœur des Alpes. Cependant, je n’avais jamais trop accroché à cause sans doute d’une narration pesante qui enlève toute la substance ainsi que le plaisir de lecture.



Néanmoins, dans le cas présent, cela passe car il y a une histoire toute simple : celle d’un berger fraîchement marié qui se languit de son amour mais qui a le devoir d’accomplir son travail avec son collègue. La valeur travail prime. Comme dit, c’est d’un autre siècle et pas dans l’air du temps. Pour le modernisme de l’approche, il faudra repasser.



Le point d’orgue de ce récit sera quand la montagne s’écroule sur tout un pâturage où se situe notre jeune berger. La jeune fille enceinte prendra alors quelques risques pour retrouver son bien-aimé. Le modernisme doit sans doute se situer dans le fait qu’un personnage féminin semble prendre sa destinée en main en étant courageuse.



Franchement, au niveau du scénario, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Et si on se tourne du côté du dessin, les couleurs sépias apparaissent assez ternes dans un genre de graphisme crayonné et minimaliste. La montagne n’est franchement pas mise à l’honneur. On a vu mieux même dans les mangas.



Je suis désolé de l’exprimer ainsi mais je ne conseillerais pas forcément ce titre à la lecture à des lecteurs débutants.
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Derborence (BD)

HUM. Alors comment vous dire… Il faut que je vous raconte le contexte avant de vous parler du livre. J'ai rencontré le roman Derborence via les critiques de babélionautes. Aussi lorsque j'ai vu ce titre dans les opérations masses critiques « jeunesse », j'étais très étonnée mais en cliquant sur la couverture du livre, j'ai bien atterri sur la page babélio contenant les critiques de ce roman de Ramuz (pas spécialement étiqueté jeunesse mais peu importe). J'ai donc postulé pour le lire et reçu quelques temps plus tard… une bande dessinée ! Surprise d'avoir loupé cette information à la fois dans les critiques des amis, et dans la quatrième, je retourne sur la page babélio de ce livre, et à part le nom du dessinateur que je repère cette fois parce que je cherche, je ne vois pas d'information sur le fait que ce soit une BD. Pire, après recherche Babelio ne répertorie pas ce titre en tant que roman - alors qu'il existe ! Pour preuve, la vraie quatrième de couverture de ma BD précise qu'il s'agit bien de l'adaptation du roman de Ramuz… Alors je pense qu'il y a peut-être eu une malencontreuse fusion de pages sur Babelio (peut-on les "défusionner" maintenant ?), qui m'a fait croire en sélectionnant ce livre que je lirai un roman, alors qu'en vrai… je vais vous parler d'une bande dessinée, moi qui en ai lu 4 en 8 années ici : Je vous avais dit que mon challenge était d'en lire plus, le destin m'a rattrapée ! du coup pardonnez encore ma novicerie en racontage d'images et en détaillage de détails techniques que je ne sais toujours pas exprimer.





C'est un album aux couleurs sombres et sépia, avec extrêmement peu de texte. Moi qui voulais lire Ramuz pour sa plume souvent vantée, je reste sur ma faim mais je n'ai pas dit mon dernier mot. Les images sont quant à elles tracées avec du gros crayonnage épais : j'aime bien le rendu pour l'ambiance, mais l'inconvénient est le manque de finesse et donc de précision, surtout pour les dessins de la nature. Or pas de bol, Derborence ça se passe quand même dans la montagne et cette montagne est, si j'ai tout suivi, sensée être l'un des personnages principaux. Donc les paysages comptent quand même un peu. C'est dommage parce que du coup on passe très vite sur les images sans avoir le temps de s'imprégner des lieux et de leur mystère.





Or, si je comprends bien, c'est sur ce mystère que repose toute l'histoire. Des villageois amènent les troupeaux paître dans la montagne, lorsque celle-ci s'écroule. La population, très réceptive aux légendes, croit déjà que cette montagne abrite une entité maléfique, et que celle-ci vient chercher les vivants dès que certains bruits sont inexpliqués, ou le brouillard un peu plus épais. Quand les recherches de survivants s'achèvent, le mari de Thérèse est compté pour mort avec 18 autres. Aussi lorsqu'il réapparaît 8 semaines plus tard, après s'être lui-même sorti des décombres, son comportement désorienté semble immédiatement suspect aux habitants, qui le pensent plus ou moins possédé par l'entité. Ils pensent qu'Antoine tente de les inciter à aller chercher d'autres survivants, uniquement pour nourrir la montagne… C'est pourquoi, sans la plume apparemment envoutante de Ramuz, et sans pouvoir s'imprégner d'une aura de mystère qui pèserait sur cette histoire grâce aux dessins, on a l'impression de lire la version bande dessinée d'une nouvelle un peu simpliste, et on reste sur sa faim. Moi qui voulais au contraire m'imprégner de l'ambiance de ce roman, ce fut donc une petite déception, ce n'était pas ce que je cherchais et ça ne m'a pas particulièrement donné envie d'enchainer avec le roman - parce que je me dis que si la BD manque de consistance, peut-être que le roman aussi en fin de compte. Mais ceci n'est que mon ressenti, et je vous invite à vous faire le vôtre afin de pouvoir enrichir le débat - notamment amis lecteurs du roman ! En attendant, je remercie Babélio et les éditions Helvetiq pour cette découverte.





« Derborence, le mot chante doux. Il vous chante doux et un peu triste dans la tête. »
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La Grande Peur dans la montagne

Je tiens tout d'abord à préciser qu'il s'agit ici d'une critique d'un livre audio dans le cadre des masses critiques de janvier 2019. J'ai assez peu écouté de livres audio jusqu'ici. Soit je n'en avais pas l'idée soit je peinais à m'y coller par crainte. Crainte de quoi? je sais pas trop...

C'est une autre approche du texte que d'écouter un livre. Quand on lit soit même on se réserve un temps exclusif à la lecture, le monde fond autour de nous pour en faire émerger un tout nouveau guidé par les mots de l'auteur avec notre interprétation toute entière. Alors que le livre audio peut s'écouter dans un autre cadre. On peut l'écouter en fermant les yeux, dans le noir, en faisant la cuisine, en bricolant... C'est un moment qu'on peut choisir de partager avec quelqu'un aussi. Le livre audio, c'est une voix avec ici une lecture quasiment sans faille, agréable et captivante. C'est une voix qui donne plus que le texte, car elle comprend l'auteur à sa manière, parce que c'est plus le lecteur qui nous guide dans la compréhension. Écouter un livre audio c'est prendre le risque de perdre de le contrôle de la lecture, de ne pas en être l'acteur ou dit autrement de saisir la chance de se laisser porter par le lecteur et de céder à la douceur de s'en remettre à autrui. C'est donc une toute autre expérience qui nous est offerte en se faisant lire un texte et je peux comprendre que les avis puissent être assez tranchés sur le sujet.



Pour en revenir à notre livre, c'est par la voix de Pierre-François GAREL que nous découvrons le roman. Des le début le ton est donné. Le mystère va planer sur l'ensemble de l'histoire. Il y a les on-dit, ceux qui se souviennent, les anciens, ceux qui savent et disent. Les jeunes ricanent. Une histoire d'il y a 20 ans là-haut dans les Alpages! Bah! tout ça c'est du passé, le vieux sont des radoteurs. Alors on vote... Il y a plus de jeunes qu'avant maintenant, alors on décide d'y retourner là-haut et tant pis pour ces vieilles légendes, les superstitions d'un autre temps.

Malgré tout il faut des volontaires pour y retourner avec les bêtes et ça ne se bouscule pas trop pour l'aventure. Alors on prend ceux qui se présentent, même ceux dont on aurait tord de ne pas se méfier. Il y a même un ancien dans le groupe, un qui y est allé pendant les évènements vingt ans avant, mais il ne craint rien, il a un papier qui le protège, un papier attaché à une ficelle autours du coup.



Ramuz fait monter la tension, tout doucement, en jouant avec ses phrases, avec ses mots. La montagne devient inquiétante, on ne regarde plus son voisin, ni la nuit, de la même manière. Quand on est seul tout là-haut, chacun devient suspect et les soirées au coin du feu prennent une toute autre couleur, étrangement les histoires à la lueur des flammes sont bien plus angoissantes. C'est le lien avec la terre d'en bas qui permet de sauver la face parce qu'on sait qu'on sera bientôt redescendu, que quelqu'un nous attend. Alors on prend son mal en patience et on espère jusqu’à ce que...



C'est un beau roman, frais et bien mené qui sent le grand air, qui nous est offert par Ramuz. Le milieu paysan y est très bien dépeint avec sa culture, ses croyances et ses superstitions. La montagne a sa part belle et y est magistralement décrite. Il y a sa présence partout, on entend même le bruit des glaciers qui craquent à côté du bruit des dents qui claquent. C'est une expérience de lecture immersive en compagnie des compères d'infortune, et en compagnie surtout de notre lecteur qui arrive à retranscrire par sa diction cette atmosphère pesante et tragique. Merci à Babelio et aux éditions Thélème pour cette découverte.
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La Grande Peur dans la montagne

Lorsque l'on est pas d'accord avec nombreux lecteurs au sujet d'un classique, on se fait tout petit, et on essaye d'aller dans le brouillard, d'en sortir au plus vite, là où cette lecture nous a plongé.

...

La montagne, comme la mer, est un environnement sublime mais hostile pour l'Homme, donnant à ses habitants une forme d'humilité et un sens de la solidarité, dépassant ceux des plaines et des villes. C'est un monde d'histoires et de superstitions.

...

C'est avec plaisir que je me lance à l'assaut de ce petit livre, y retrouvant des aspects familiers, ayant passé une partie de mon enfance dans les montagnes vaudoises. La présence dans le texte du Scex Rouge (bien que probablement pas le même qu'aux Diablerets), qui nous faisait bien rire, accompagné de vocabulaire typique, comme le déci, me renvoient là-bas.

...

Ce que certains critiques relèvent comme difficulté m'apparait aussi comme telle: le style.

Bien qu'il soit là pour rendre l'histoire comme dite par les gens du coin — la narration passant parfois au « on a dit, on a vu » — il est à mon sens très critiquable. Les répétitions se répètent sans cesse, entrecoupées de points-virgules; le vocabulaire a un problème: les verbes « aller » et « venir » phagocytent les autres (bien que probablement « réaliste »). Les descriptions peinent à donner du relief, de l'espace à l'ensemble: on est pris dans un univers non pas à trois, mais à deux dimensions (coucou Flatland). Bien-sûr que l'on monte ou l'on descend, mais les étoiles sont au même niveau que les cailloux. L'utilisation des couleurs s'avère parfois jolie, mais elle achève le côté « impressionniste flou » de l'ensemble.

...

Du côté des personnages, on reste encore sur sa faim. Leur communication est presque « finlandaise ». On touche probablement là au noeud de leurs soucis, et encore une fois à une forme de vérité, mais bon sang, qu'ont-ils à tout garder pour eux, au point de ne pas y réfléchir eux-mêmes. On touche là peut-être à un biais cognitif, mais je m'avance sûrement un peu loin, je ne pense pas la volonté de l'auteur comme naturaliste du Crétin des Alpes. Ce Romain en est un bon exemple d'ailleurs… Et puis ce Clou, il est probablement le plus malin, dans les deux sens du mot; la menace qu'il impose n'est jamais résolue…

...

Donc comme mon ami Wyoming, je suis plutôt très déçu de ce livre (en audio, ça doit être pire…), bien que je retenterai avec son « Derborence » sur mes rayons. Cette histoire de superstitions manque de complexité d'intrigue, et son style est aussi indigeste qu'un Papet Vaudois sans sa bouteille de Fendant.

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Vie de Samuel Belet

« Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie, et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir, ou perdre en un seul coup le gain de cent parties, sans un geste et sans un soupir ….

TU SERAS UN HOMME MON FILS »



Lorsque j’ai refermé ce livre, ce sont les vers de Rudyard Kipling qui me sont venus à l’esprit. Ce poème va comme un gant au narrateur Samuel Belet.



Publié en 1913, ce récit, au caractère initiatique, raconte l’histoire d’un jeune vaudois, Samuel, né en 1840 à Praz-Dessus, orphelin de père à l’âge de dix ans, il connait, cinq ans après, la douleur de perdre sa mère. Il est alors placé, par son oncle, chez un riche paysan comme garçon de ferme. Devant ses qualités intellectuelles, entre deux besognes, Monsieur Loup, ancien régent (instituteur), l’aide à étudier et Samuel, encouragé par ce dernier, espère lui aussi devenir Régent. Il découvre ses premiers émois amoureux auprès de Mélanie. Dans l’espoir de pouvoir obtenir la main de la demoiselle, il quitte la ferme pour un emploi de commis à la Ville chez un notaire.



Malgré tous ses malheurs, Samuel est un garçon plein d’enthousiasme devant la vie. Il se dit « simple de cœur » ce qui n’a rien à voir avec simplet mais l’expression est jolie pour dire toute sa fraîcheur. Pour les beaux yeux de sa belle, Il lit et continue d’étudier tard le soir. Mais voilà, Mélanie lui est infidèle et toute sa vision de l’avenir va s’en trouver bouleversée. Il est tellement malheureux, tellement désemparé, dans sa tête, il se fait comme une injonction : « Tu es un paysan Samuel et tu resteras un paysan, il te faudra gagner ta vie ».



Samuel décide de partir, il part à l’aventure, droit devant lui et pour se nourrir, il va vivre de petit métier en petit métier, jusqu’à devenir maçon charpentier.



A chaque endroit où il réussit à s’établir, il ressent le besoin de tout laisser et de repartir comme si quelque chose l’incitait à fuir. On peut y voir le perpétuel refus ou la peur de l’attachement.



Samuel est un homme libre, il conserve son esprit critique, il aime le travail bien fait, il a la reconnaissance de ses patrons, l’amitié a du sens pour lui.



De paysages en paysages, de métier en métier, Samuel arrive à Paris. Mais là encore, poussé par la guerre franco-prussienne, Samuel reprend son chemin.



Son pays, son lac lui manque, il éprouve le besoin de revenir en Suisse. Arrivé à Vevey, il décide de se poser. Il va enfin connaître plusieurs années de bonheur en compagnie d’une jeune veuve, mère d’un petit garçon, Louise à laquelle il va dire « c’est comme les visites le bonheur, il faut bien le recevoir sinon il ne revient pas ».

Et pour illustrer cette citation de Prévert, « On reconnait le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va », le destin va lui infliger une nouvelle et monstrueuse épreuve.



il finira sa vie dans la paix du cœur et de l’âme au bord du lac Léman comme pêcheur.



C’est beau, c’est très beau ! J’ai aimé le style, c’est une belle écriture poétique, toute simple, mélodieuse, imagée et sous cette apparence de simplicité, il y a une fine analyse psychologique de ces toutes petites gens de la campagne avec leur bon sens des gens de la terre mais aussi avec leurs imperfections.



L’écriture de Ramuz m’a rappelée les expressions que j’entendais chez mes arrières grands-parents et mes grands parents paternels. Il y a cette humilité face à la nature, face au lac, à la montagne.



Pour exprimer les sentiments, tout au long du livre, Ramuz procède par analogie avec la nature. Par exemple lorsque Samuel découvre l’infidélité de Mélanie.



« Il ne resta en moi qu’une grande place brûlée, comme celle qu’on voit dans les champs après qu’on a arraché les broussailles et on les met en tas et on y met le feu ; ».



Voilà, je ne sais si je vous ai donné envie de lire Ramuz mais son écriture m’a parlée, elle recèle tellement d’authenticité, loin du tumulte des livres médiatisés, c’est un vrai retour aux sources.



Charles-Ferdinand Ramuz m’était totalement inconnu à ce jour, je remercie Dourvach et Michfred pour leurs chroniques qui furent de belles incitations à le découvrir.

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Aline

Ce court roman raconte l'histoire d'une passion naissante entre Aline et Julien. Aline, jeune femme naïve et sincère est prête à braver les interdits pour l'être aimé. Julien est plus aguerrit en amour, séducteur, entreprenant il est d'un tempérament peu scrupuleux. Ils vont vivre leur histoire amoureuse chacun à leur manière jusqu'à ce que la flamme faiblisse dans le coeur de Julien. Peu à peu délaissée, elle finira par lui révéler le fruit de leur relation en espérant une réaction honorable de sa part.



Ramuz, avec une écriture simple et directe décrit admirablement les sentiments passionnels dans tous leurs états. L'écriture est efficace, chaque mot a son importance et aucun n'est de trop. Il y dénonce la place de la femme dans la société occidentale du début du XXème siècle qui pouvait subir outrage et déshonneur tout en étant montrée du doigt. Ce roman dont le thème est peu original reste captivant et d'une étonnante clarté.
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Aline

Je ne vais pas aller par quatre lacets de montagne, j'ai beaucoup aimé cette histoire.

Je ne suis pas forcément très objectif. Tout d'abord, Aline est un récit de Charles-Ferdinand Ramuz, auteur que j'affectionne depuis que je l'ai découvert il y a quelques mois. Ensuite il s'agit du premier roman de Charles-Ferdinand Ramuz. Enfin, c'est une belle et tragique histoire à faire pleurer dans les chaumières. Ça c'est pour le côté subjectif. Maintenant, oubliez ce que je viens de vous dire, approchez un peu que je vous dise d'autres choses encore...

Aline est un roman porté par un texte qui paraît simple à première vue. À bien des égards, il vous rappellera des histoires romanesques déjà lues. Et s'il faut puiser dans le registre classique, j'ai aussitôt pensé à certains récits d'Émile Zola dans l'oeuvre des Rougon-Macquart, notamment La joie de vivre, Le rêve ou Une page d'amour, qui n'étaient pourtant pas des volumes majeurs de cette saga. Parfois même on ironisait en disant que Zola avait besoin de se reposer après des histoires fortes comme L'Assommoir ou La Terre ou avant d'aborder Germinal.

Aline, c'est une histoire d'amour qui commence bien et qui finit mal. Aline est belle et pauvre, sans expérience. Lui, il s'appelle Julien, c'est un jeune homme issu d'une famille riche et d'emblée il se présente comme un être médiocre, séducteur, entreprenant, peu respectueux de cette jeune fille naïve et sincère, Aline, qu'il courtise, comme un premier amour.

C'est une histoire secrète, une histoire clandestine, une histoire de jeunesse abîmée... Une histoire ordinaire et triste, hélas, comme tant d'autres dans la vraie vie et celle qui nous est racontée dans les romans.

C'est une histoire comme tant d'autres et on pourrait se dire à l'avance, allez ce n'est pas pour moi ou bien, je ne vais pas me faire avoir par cette romance sans intérêt...

D'une apparente simplicité, ce récit nous invite vers d'autres chemins bien plus vertigineux. J'ai senti déjà dans le style de ces premiers pas, de ces premiers mots, le frémissement d'une promesse accomplie bien plus tard dans les récits merveilleux de Charles-Ferdinand-Ramuz qui suivront et qui m'ont enchanté. Comme c'est magnifique lorsqu'une promesse est tenue !

C'est la beauté tragique des coeurs fragiles, épris d'espérance, ballotés par les désillusions qui viennent si vite, qui viennent trop vite, les rebuffades, la vie d'une jeune fille comme cela au printemps de sa vie, qui se heurte aux forces vitales de la nature, au silence et à la grandeur de la montagne...

Le récit est presque banal, mais la manière de poser les mots l'est moins. Il y a leur justesse, la manière de dire ce qui porte les illusions d'une jeune fille et broie dans l'instant d'après son petit coeur innocent, sans défense.

La manière d'écrire de Charles-Ferdinand Ramuz nous entraîne dans l'empathie de ce personnage d'Aline. le petit monde paysan et montagnard qui enrobe l'histoire a sans doute un rôle à jouer aussi.

Et puis, mine de rien, Aline finalement est un personnage de la transgression à son époque, ou à celle où est écrit le roman. Elle s'éloigne des conventions traditionnelles, elle est happée par cet amour rencontré. Elle est la femme pure qui tente de transgresser, face à la supériorité d'un homme arrogant et superficiel...

J'ai vu dans ce texte un ton moderne avant l'heure, féministe presque, une façon d'éclairer les pas d'une jeune femme qui se sentait libre, mais parce qu'elle l'était de manière innocente, intrinsèquement.

La construction du roman est même très ordinaire, l'argumentation sociale aussi... C'est une tranche de vie banale, une sorte de témoignage. Mais alors...

Alors, j'ai été touché par quelque chose qui déroge presque de manière imperceptible à ce qui aurait pu se limiter à une romance triste. Ce roman possède sous ses mots une force indicible. Je vous invite à y venir.

Et puis Aline est un personnage touchant qui mérite notre lumière et notre compassion... À jamais...

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La Grande Peur dans la montagne

Sasseneire, un alpage fertile de la Suisse romande est laissé à l'abandon depuis vingt ans, il s'y est passé "quelque chose" et les vieux du village ne veulent pas y emmener paitre les vaches. Mais la jeune génération, faisant fi des vieilles croyances, impose son point de vue ; on y mènera le troupeau.



Le roman de C.F Ramuz, est une chronique montagnarde riche et tragique. Au début de ma lecture j'ai eu un peu de mal avec le style de l'auteur, une écriture à la fois orale dans sa forme et littéraire dans ses descriptions. Mais, une fois que je suis entré dans le récit, ces particularités, n'ont plus été un frein.



La montagne, sa beauté, ses mystères et ses dangers, sont des éléments majeurs du récit, les personnages, sont à la fois rudes et fragiles, simples, mais non dépourvus de profondeur.



Si l'écriture est un peu déconcertante de prime abord, elle s'avère magnifique et, ce court roman une très belle lecture.
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