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EAN : 9782940358632
101 pages
Héros-limite (16/11/2010)
3.83/5   6 notes
Résumé :
" Le Petit Village " (poèmes)
Charles-Ferdinand Ramuz

Préface de Jil Silberstein
Illustrations de Marfa Indoukaeva

" Je suis né en 1878, mais ne le dites pas. Je suis né Suisse, mais ne le dites pas. Dites que je suis né dans le Pays-de-Vaud, qui est un vieux pays Savoyard, c'est-à-dire de langue d'oc, c'est-à-dire français et des Bords du Rhône, non loin de sa source. Je suis licencié-ès-lettres classiques, ne le dites p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La langue de Ramuz est unique dans le paysage littéraire. Elle a su traverser les courants sans jamais perdre la fraîcheur qui nous la rend si précieuse. Il suffit de lire "Aline" ou "Derborence" pour goûter à cette poésie des âmes simples et des coeurs purs. Mais avec "Le Petit Village", Ramuz se fait poète à part entière. Ce recueil est un hommage à son pays, au canton de Vaud. Ce projet, qui très tôt germe en lui, mettra plusieurs années à voir le jour. Ramuz cherche sa voix ou plutôt la voix de ces hommes et femmes de la terre qu'il veut honorer. Pour cela, il doit se débarrasser de cette écriture académique qui fait encore référence au début du XXème siècle. Car leur donner voix, c'est écrire comme ils parlent, sans afféterie, avec maladresse et parfois une certaine naïveté. Mais c'est aussi écrire avec générosité et sincérité, comme un qui ouvre son coeur. Ramuz aime ces gens de peu, qui portent leur richesse à l'intérieur. Cela se sent à la lecture de ce recueil. Il y a le vieux Jean-Louis et la vieille Lise dont il peint de nobles et beaux portraits. Et puis il y a Jean-Daniel, personnage central, dont l'histoire d'amour inspire à Ramuz son plus beau poème ou, devrais-je dire, sa plus belle chanson, tant son écriture se fait ici musique:

"Ce jour-là, quand je t'ai vue,
j'étais comme quand on regarde le soleil;
j'avais un grand feu dans la tête,
je ne savais plus ce que je faisais,
j'allais tout de travers comme un qui a trop bu,
et mes mains tremblaient."
(...)

Ramuz avait soif d'authenticité. Il aimait évoquer le passé aux traditions révolues. Patient, il creusait la langue comme les paysans vaudois creusent la terre. Exigeant, il fouillait ses phrases pour en extraire la richesse profonde, en faire jaillir l'émotion. le lire à haute voix, c'est entendre cet accent un peu traînant, un peu chantant. C'est aussi se promener dans ces paysages qu'il aimait tant, paisibles et verdoyants.

"C'est un petit pays qui se cache parmi
ses bois et ses collines;
il est paisible, il va sa vie
sans se presser sous ses noyers;"
(...)

Mais nous ne sommes qu'en 1903. Ramuz peine alors à faire éditer ses poèmes dont les vers libres ne répondent à aucune norme. Aujourd'hui, nul doute qu'il aimerait cette très belle réédition illustrée des gravures naïves de Marfa Indoukaeva. C'est un bel hommage à cet immense poète et à ce touchant recueil qui sonne comme un chant d'amour à sa terre natale.

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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
LA VIEILLE

Elle était déjà bien vieille
quand les vieux d'à présent étaient petits,
elle est d'un autre temps, elle est restée, et puis
elle s'est oubliée.

Elle est du temps passé où les femmes portaient
des coiffes de dentelles,
et des fichus brodés, des jupes de milaine
avec beaucoup de plis.

Elle est du temps où on parlait encore patois,
où les gens allaient à la ville,
une fois par année, aux fêtes de la Dame;
et, montant à la cathédrale
avec des graines dans leur poche, ils faisaient le tour de la grosse cloche.

Elle est d'un temps si vieux qu'on ne s'en souvient plus.
Mais, elle, elle s'en souvient, elle ferme les yeux
pour mieux s'en souvenir;
et elle est là, assise au soleil sans rien dire,
songeant à son passé, à ceux qui sont partis
et à sa solitude.
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       LE PAYS


C’est un petit pays qui se cache parmi
ses bois et ses collines ;
il est paisible, il va sa vie
sans se presser sous ses noyers ;
il a de beaux vergers et de beaux champs de blé,
des champs de trèfle et de luzerne,
roses et jaunes dans les prés,
par grands carrés mal arrangés ;
il monte vers les bois, il s’abandonne aux pentes
vers les vallons étroits où coulent des ruisseaux
et, la nuit, leurs musiques d’eau
sont là comme un autre silence.

Son ciel est dans les yeux de ses femmes,
la voix des fontaines dans leur voix ;
on garde de sa terre aux gros souliers qu’on a
pour s’en aller dans la campagne ;
on s’égare aux sentiers qui ne vont nulle part
et d’où le lac paraît, la montagne, les neiges
et le miroitement des vagues ;
et, quand on s’en revient, le village est blotti
autour de son église,
parmi l’espace d’ombre où hésite et retombe
la cloche inquiète du couvre-feu.
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[CHALEUR]

L'ombre du tilleul tourne dans la cour.
La fontaine fait un bruit de tambour.

Un oiseau s'envole du poirier ; le mur
brûle ; sur le toit brun et rouge,
La fumée d'un feu de bois bouge
Contre le ciel tellement bleu qu'il est obscur.

On n'entend pas un bruit dans les champs ;
personne n'est en vue sur la route ;
Seules dans le poulailler, les poules
gloussent encore, de temps en temps.

Puis plus rien qu'un arbre qui penche,
dans l'opacité de ses branches ;
avec son ombre, de côté,
comme sous un poids qui l'accable ;
et cet autre se laisse aller
en avant, comme un dormeur
qui a les coudes sur la table.

(C. F. RAMUZ, "Le Petit Village", Ch. Eggimann éditeur, Genève, 1903)
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Ce jour-là, quand je t'ai vue,
j'étais comme quand on regarde le soleil ;
j'avais un grand feu dans la tête,
je ne savais plus ce que je faisais,
j'allais tout de travers comme un qui a trop bu,
et mes mains tremblaient.

Je suis allé tout seul par le sentier des bois,
je croyais te voir marcher devant moi,
et je te parlais,
mais tu ne me répondais pas.

J'avais peur de te voir,
j'avais peur de t'entendre,
j'avais peur du bruit de tes pieds dans l'herbe,
j'avais peur de ton rire dans les branches ;
et je me disais : « Tu es fou,
ah ! si on te voyait, comme on se moquerait de toi ! »
Ça ne servait à rien du tout.

Et, quand je suis rentré, c'était minuit passé,
mais je n'ai pas pu m'endormir.

[…] Ça a duré ainsi trois jours
et puis je n'ai plus eu la force.
Il a fallu que je la revoie.
Elle est venue, elle a passé,
elle n'a pas pris garde à moi.

(C.F. RAMUZ, "Le Petit Village", Ch. Eggimann éditeur, Genève, 1903)
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Jean-Daniel



XIV

Marianne a pleuré, il faisait du soleil,
la cuisine était rose.
Ses larmes coulaient sur ses joues.
Elle a pris son mouchoir, elle a pleuré dedans,
elle s’est assise, n’ayant plus de force.

«Est-ce que c’est vrai que tu l’aimes tant? »
Marianne n’a rien répondu.
«J’aurais voulu pour toi quelqu’un d’autre. »

Marianne a secoué la tête.
«J’ai la raison que tu n’as pas,
j’ai connu la vie, je suis vieille.
Il n’y a pas que l’amour,
l’amour est beau, mais l’amour passe,
tandis que l’argent, ça dure une vie
et qu’on en laisse à ses enfants.»

Marianne a pleuré si fort
qu’on l’entendait depuis dehors.

« Mais maintenant que je t’ai dit ce que je pensais,
je ne voudrais pas te faire de la peine.
Prends ton amoureux si tu l’aimes… »

Marianne a levé la tête
et elle a cessé de pleurer.
« Je crois que c’est un bon garçon,
il aura soin de la maison,
il ne boit pas, il est sérieux,
eh bien, puisque tu le veux,
mariez-vous et soyez heureux. »

Elle a embrassé sa mère sur le front,
elle l’a prise par le cou:
«Tu permettras que je te l’amène?…
Tu verras que j’avais raison. »
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Videos de Charles-Ferdinand Ramuz (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Charles-Ferdinand Ramuz
Soirée rencontre à l'espace Guerin à Chamonix autour du livre : Farinet ou la fausse monnaie de Charles Ferdinand Ramuz enregistré le 20 juillet 2023 en présence de Gérard Comby (membre de l'Office tourisme de Saillon & de la Commission du Patrimoine)
Résumé : Un généreux Robin des bois, roi de l'évasion, porté par la plume de C. F. Ramuz.
Farinet, c'est un fameux faux-monnayeur, roi de l'évasion et Robin des bois qui vécut entre Val d'Aoste, Savoie et Valais au XIXe siècle. Arrêté pour avoir fabriqué de fausses pièces qu'il distribuait généreusement dans les villages de montagne, il s'évade à de nombreuses reprises. Ce héros populaire à la vie romanesque et rocambolesque meurt à 35 ans, en 1880. Cinquante ans plus tard, Ramuz s'empare du personnage et en fait le héros d'un récit classique, haletant comme un roman d'aventure, mais porté par son style unique : irruption du présent au milieu d'une phrase, mélange des temps qui rend le présent dense et incandescent, langue vaudoise aux accents paysans transfigurée par une écriture singulière, moderniste, au confluent des révolutions artistiques du XXe siècle (il est passionné par Cézanne et Stravinsky). Farinet se serait caché un temps au fond de la vallée de Chamonix, dans une grotte au-dessus de Vallorcine. Un petit mémorial y est installé. Ce roman est paru pour la première fois en 1932.
Bio de l'auteur :
Ed Douglas, journaliste et écrivain passionné par l'Himalaya, a publié une douzaine de livres, dont plusieurs ont reçu des prix. Deux ont été traduits en français : de l'autre côté du miroir (Éditions du Mont-Blanc, 2018), Himalaya, une histoire humaine (Nevicata, 2022). Il publie des articles de référence dans The Observer et The Guardian. Il est rédacteur en chef de l'Alpine Journal et vit à Sheffield, en Angleterre.

#paulsen #guerin #livres #farinet #ramuz #saillon
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