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Critiques de Christophe Claro (150)
Substance

Claro, en grande forme, nous livre ici une envolée fantasmagorique dans le monde des ectoplasmes. C'est étonnant, brillant et savoureux. Mais derrière la forme un peu baroque de ce roman, se cachent des thématiques bien plus sombres sur les enfants battus et les mondes imaginaires dans lesquels ils se réfugient pour échapper à la triste réalité.
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Hors du charnier natal

Chronique complète ici : http://www.undernierlivre.net/hors-du-charnier-natal-claro/

Larves et imagos, oiseaux marins estropiés, éponges et coraux, fleurs jaillies du fumier [...] Dans ce Charnier natal, où les trappes ouvertes par l’écriture sont oubliettes et passages, les images, les associations d’idées incongrues et déroutantes, sourdent en une puissance taurine et délicate, dans ce double mouvement qui excave et élève, fidèle aux obsessions de l’écrivain immobile et en feu. [...]
Lien : http://www.undernierlivre.ne..
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Hors du charnier natal

« On entre dans un mort comme dans un moulin » écrivait Sartre, biographe de cet Idiot de la famille qu’était Flaubert. Pourtant quand il est question avec Claro d’un homme mystérieux comme Nicolaï Mikloukho-Maklai (1846-1888), proto-ethnologue des Papous, l’incarnation se complique. Se complique d’un mirage et d’un dédoublement.



Donc, croyez-moi, ne me croyez pas, peu importe, puisque toute vie racontée n’est qu’un violent processus de défiguration.



Quelle idiotie, quelle famille ? Les questions de Sartre sont épuisées, et ce qui aurait dû être le récit d’aventure « hors du charnier natal » n’est rien que la débâcle toute célinienne de l’aventure, du projet, pour l’écrivain comme pour son sujet.



Je le livre ainsi au lecteur, entre deux hontes bues. À ce dernier de s’en saisir et d’en faire, si bon lui semble, un personnage susceptible d’enrichir ses rêves préoccupés. Je ne suis ni le four ni le moulin.



Ni le four, ni le moulin. Au lecteur de fictionner, d’imaginer autrement à partir des traces, des odeurs, des images que produit la prose puissante de Claro. Ce mouvement est bien sûr celui qui hante la littérature depuis sa période moderne, celui qui brise le récit en mille morceaux où se reflètent tous les possibles. A cet égard, on mentionnera la très belle « Maison des épreuves » que Claro a justement traduit récemment, et l'appel du surréalisme de Breton contre la description romanesque, en faveur du récit poétique et de la vie réinventée :



Prends le temps, murmure en moi l'ersatz de narrateur soucieux de ne pas trop bâcler ce décor pourtant plus vite planté ici qu'un simple bulbe. Soigne, décore. Embaume ou aère. Décris l'âcre et peins l'amer. Aménage des marges. Coiffe des têtes. Fais tourner des têtes. Tranche les têtes. Pinaille. Protège. Vérifie les ourlets. Souligne l'horizon. Atténue les reliefs. Renforce les perspectives. Ici une pincée de joie. Là un soupçon d'inquiétude. Plisse les tentures. Rapproche les sièges. Commente sans commenter. Retape. Répare. Distille l'allusif. Insère une échappée."



Le livre pourrait se lire comme une psychobiographie, puisque nous alternons entre chapitre de confessions analytiques du narrateur en train d’écrire la biographie de Nicolaï Mikloukho-Maklai, et chapitre à la troisième personne restituant des bribes des tribulations de cet explorateur. Mais tous deux se rejoignent dans un psychonaufrage, sur une recherche désespérée de lignes de fuites « hors du charnier natal » (famille, patrie, identité), s’incarnant en deux direction opposées : l’un cherchant dans un ailleurs tropical sa destinée, l’autre, creusant jusqu’à l’os son intériorité par l’écriture. Le livre nous livre au vertige de cette psychanalyse existentielle face à la mauvaise foi assumée et à la nausée de l’écriture (ce qui sauvait Roquentin, ce qui déporte ici le narrateur).



« Immobile en feu, ai-je écrit ailleurs, faute de mieux. Je n’écris pas pour me connaître. J’écris toujours, je crois, pour me déprendre. Me déprendre de quoi ? L’écriture, telle que je la conçois, me permet justement de ne pas m’attarder sur la nature indélicate de ce dont je me déprends, et qui est sans doute moi moins l’écriture. Stop ! Un instant ! Telle que je la conçois ?! Allons, nous n’en sommes plus là. C’est souvent l’écriture qui me conçoit, me déçoit et m’assoit, me pense et me dirige, me bouscule et m’égare, m’entrave et m’élance.



Partout l’ironie et la poésie s’insinue. Entreprise de "défiguration" disait Claro au départ, on peut y entendre quelque chose de Foucault dans cette volonté de disparaître : "Plus d’un, comme moi sans doute, écrivent pour n’avoir plus de visage. Ne me demandez pas qui je suis et ne me dites pas de rester le même : c’est une morale d’état-civil ; elle régit nos papiers. Qu’elle nous laisse libre quand il s’agit d’écrire." Je n’est pas un autre. La « revisitation » n’amène aucune illumination. La vraie vie n'est pas ailleurs, ni ici, d'ailleurs. Penser, écrire, est comme mouvement vers un dehors désoeuvrant (Blanchot), un ailleurs problématique (il faut écouter la conférence de François Jullien à cet égard).



L'incarnation dans l'écriture, le mouvement même d'écriture est ce qui reste, mais ne sauve pas, car tout se perd, tout fait naufrage. Même le miroir que Nicolaï Mikloukho-Maklai offrait à l’écrivain se fissure, un nid de frelons s’y niche, menace, le brise. On ne s’échappe pas malgré tous les exils, intérieurs ou extérieurs, malgré les voyages, l’écriture, la lecture, la drogue – « misérable miracle » selon Michaux.



« Décidément, l’être au bouillie, bouillie tiède, il ne tient pas la route, un désastre l’habite et le trémousse qui l’empêche de coaguler. S’il durcit, il se fendille aussitôt, puis éclate, se répand, se disperse. »



Alors Nicolaï Mikloukho-Maklai ? Sa destinée se perd pour nous dans le vague du lointain, des anecdotes, des lettres jamais reçues, histoire donc de fantôme :



« En nous, sachez-le, trépignent et s’agitent des êtres dont nous n’avons pas la moindre idée, car ils échappent aux idées, qu’ils mâchent et recrachent comme des abricots pas mûrs. Ces êtres n’ont ni corps ni esprit, ne sont ni pierre ni eau, ni bois ni feu – ce sont des fantômes, enfants de nos songes et mensonges, auxquels nous commettons l’imprudence de confier nos projets. »



« Le récit ? plus de récit » écrivait Blanchot dans La folie du jour. Pourtant bien sûr une partie de nous continuera toujours de rêver à s’échapper du charnier natal, à retrouver du récit. Si Nicolaï Mikloukho-Maklai est appelé par les Papous « l’homme de la Lune » (kaaram-tamo), cette appellation ne peut que rappeler que cette même dénomination, "homme de la lune", est utilisée pour désigner le personnage principal, Axel Heyst, dans le ténébreux roman Victoire de Conrad. Même ratés ces conquérants continuent de fasciner.


Lien : https://lucienraphmaj.wordpr..
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Dans la queue le venin

Conte érotique à la fausse légèreté, flamboyante démonstration du travail poétique possible sur cliché et métaphore.



Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2015/03/01/note-de-lecture-dans-la-queue-le-venin-claro/


Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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CosmoZ

Considéré comme lu, j'en ai abandonné la lecture à la page...63.

Après quelques hésitations au moment de l'achat, genre rapport poids/encombrement dans mes bagages, j'avais grappillé quelques phrases ici et là, c'était bien écrit, un quatrième de couverture prometteur, d'où passage à l'acte vu que je ne l'aurais pas acheté neuf.



Et puis... j'en ai commencé la lecture dans le train qui me ramenait vers mon désert livresque. Je terminais un autre livre, j'ai respecté un délai de transition d'une demi-heure avant d'entamer CosmoZ, et en avant toute.



De prime abord, j'ai arrêté la lecture assez vite pour considérer ce bouquin sous toutes ses coutures : rien de changé par rapport au moment de l'achat. J'ai persisté, me disant qu'il s'agissait d'une entrée en matière un rien longuette sur l'auteur du magicien d'Oz, et qu'une fois dans le vif du sujet (l'errance des personnages du magicien d'Oz à travers le monde et le 20ème siècle), ce roman allait enfin DEMARRER.



Las, dans la gare d'Aix-en-Provence où je devais attendre deux heures le bus qui allait m'emmener au plus près de chez moi, j'ai commencé à fomenter l'abandon pur et simple de CosmoZ sur un siège, pour le bonheur (ou le malheur) d'un autre voyageur.

J'ai résisté à cette impulsion en espérant encore qu'il y ait quelqu'un dans ce roman, toutefois j'ai absolument nettement préféré bavarder avec un compagnon d'attente plutôt que persister dans ma lecture.

Je ne l'ai plus ouvert avant le lendemain, sur la terrasse, au soleil, avec le chuchotement de la rivière... idéal pour m'y replonger (dans CosmoZ, pas dans la rivière).



Et la seule pensée que j'arrive à formuler à son sujet ressemble furieusement à "mais mais mais, POURQUOI????????????????? "

Ce livre est bien écrit, point. Tout ce qu'on peut par ailleurs attendre d'un roman N'EXISTE PAS.



Bref, retournerai-je perdre ce bouquin dans la gare TGV de... de n'importe où en somme, aucune importance.

Rappelez-moi de l'emmener à mon prochain voyage....





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Black Box Beatles

Magnifique poème en prose à la gloire de l'imagination, construit sur la discographie des Beatles.



Publié en 2007 chez Naïve, ce texte de Claro est à la fois un subtil hommage à la musique des Beatles et une audacieuse création poétique, à part entière.



Sonde spatiale dotée d'une puissante intelligence artificielle, KCab-T/Eg est soudainement confrontée à un objet dérivant dans le vide interstellaire, la "black box beatles", composée de 200 chansons de ce qu'elle ne sait pas être un groupe de pop rock britannique des années 60-70, mais qui va lui servir, "off duty", de matrice de reconstitution et de compréhension d'une civilisation disparue (vraisemblablement, la nôtre...).



Salutaire exercice d'érudition et d'imagination autour de la discographie intégrale des Beatles, sublimé par la façon toute particulière qu'a l'intelligente machine d'aborder les propos chantés, de relier entre elles chansons, héroïnes, circonstances devinées ou rêvées.



Un magnifique poème en prose à la gloire de la création musicale et langagière - et de ce dont elle pourrait être le nom.
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Madman Bovary

Je ne connaissais pas le style de Claro, seulement sa réputation. J’aurais dû me douter que le lire en vue d’un travail de français n’était pas adapté mais j’ai voulu tenter l’aventure. Et Madman Bovary en est une.

Le narrateur ne supporte pas sa rupture avec Estée et décide de se plonger dans Madame Bovary, roman qu’il a déjà lu plusieurs fois, afin d’échapper à sa douleur. Partant, il va s’identifier aux personnages, mais aussi s’inventer des identités bouffonnes (puce, pied bot) pour s’approcher de chacun d’entre eux et les juger, les comprendre, leur inventer des pensées et passés variés. Les rencontres et les bals d’Emma sont actualisés, transformant la rêveuse agaçante en véritable aguicheuse de boite de nuit, rapprochant dangereusement Emma d’Estée. Même Félicité, la servante du couple Bovary, se confond avec le personnage d’Un cœur simple, pour finir par le dissoudre dans la vie du narrateur, glissant de « Félicité » à « Féliestée ». Car quoi que fasse le narrateur pour se perdre dans sa lecture, cette dernière ne fait que le ramener à sa propre existence.

Ce roman est écrit avec une énergie et un humour vraiment réjouissants, les chapitres courts (une phrase : une réaction immédiate, un arrêt dans la lecture) alternant avec les chapitres longs (une description, la jeunesse d’Homais recomposée). Ce rythme et cette variété ne manquent pas d’emballer le roman qui brosse tout le récit de Flaubert au pas de course. La construction des parties et des chapitres laissent volontairement perplexe, et l’on aurait tort d’essayer d’y comprendre quelque chose. Mais l’ensemble n’est pas une fantaisie brouillonne ; au contraire, tout est maîtrisé et s’amuse de nos attentes, de nos habitudes de lecture, volontairement brisées ou interrogées. Le langage, les images sont vifs et recherchés, c’est un régal et du pur délire. L’ensemble, malgré la complexité, est une bulle de fraîcheur qui surprend et amène généralement un sourire aux lèvres.

Enfin, Madman Bovary, surnom que se donne le narrateur, rend parfaitement compte du bovarysme à l’œuvre. En effet, le narrateur joue avec le récit initial, rêve de secouer les personnages, fouille dans les recoins de leur esprit et de leurs jupons, extrapole, regrette, associe à son quotidien, confond, intertextualise. C’est donc un roman dont le personnage fait œuvre de lecture.

Lecture vivement conseillée mais à ne pas prendre à la légère : à éviter sur la plage ou en lecture du soir pépère. Claro se savoure en prenant son temps et en faisant appel à toute sa concentration.

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Madman Bovary

S'incarner dans un roman plutôt que dans un personnage : pari inouï et réussi !



Deux ans avant le monumental « CosmoZ », notre traducteur préféré (à part Mélanie Fazi qui est hors concours...) livrait en 2008 son treizième ouvrage, habile et déjanté comme il se doit. Très fin connaisseur et admirateur du romancier au gueuloir, Claro s'incarne, le temps d'un dur et rageur chagrin amoureux, non pas dans le personnage d'Emma Bovary, mais dans le roman de Flaubert lui-même... : « Tomber dans « Madame Bovary », c'est s'abandonner au vertige des mots, aux vices des personnages ; c'est aussi retrouver à chaque page Emma, prototype de la garce dont Estée n'est peut-être qu'un avatar. Tour à tour puce, domino, cravache ou pied-bot, dans le corps d'Homais ou d'Hippolyte, le narrateur traverse le miroir déformant de la lecture. Le voilà perdu dans le texte, fantôme hurleur, démiurge délirant. », nous dit avec justesse la quatrième de couverture.



« Oui, le corps d'Emma est une discothèque de province, c'est le Louxor, le Tremplin, le Wake Up ou le Pim's, bref, un de ces night-clubs où il fait bon s'ébattre et suer sans pour autant recommencer les guerres du Péloponnèse. Une lune d'argent pirouette au plafond et fait rissoler ses lucioles blêmes sur les peaux qui s'imbibent selon des rites savants. »



« (Quand j 'étais petit, l'expression « sauter les descriptions » m'insupportait déjà, me croyait-on voué à un parcours hippique, attentions aux haies, plus haut, plus haut, ici une barre, blanche et rouge comme un dégueulis dentifrice figé horizontalement à un mètre vingt du sol, allez, élan, élan, on saute ! Alors que justement les descriptions, qu'elles fussent de corridors ne menant qu'à la désorientation de soi ou d'étangs grouillant d'une faune abjecte, permettaient cette dissolution qu'interdisait la bruyante partie de flipper des dialogues. (...)) »



Moins gigantesque que « CosmoZ », moins radical que « Bunker anatomie » ou « Chair électrique », ce roman constitue sans doute la meilleure introduction possible, toute en plaisir et en jubilation, à l'œuvre exigeante de Claro – et pas uniquement pour les passionnés de Flaubert !

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Tous les diamants du ciel

Critique de Joseph Macé-Scaron pour le Magazine Littéraire



Un jeune mitron, Antoine, veille sur une fournée. Curieux mitron mystique qui rêvait, avant d'être pris à l'essai par le boulanger Roch, de calculer le poids du Christ à l'heure de la crucifixion et de le convertir en hosties dérobées. Logique : le fils de Dieu n'a-t-il pas dit qu'il s'incarnait dans le pain liturgique ? Malheureusement, la communion qui se prépare ici va précipiter tout un village, sinon dans l'enfer, du moins dans les visions qui le peuplent. Soupesés, vendus, tranchés, mâchés : ces pains-là dont peu de personnes remarquent l'aspect grisâtre de la mie et le goût de plomb de la croûte sont une chair viciée. On vomit, on voit le tigre de Blake, on saute par la fenêtre en croyant monter une marche, on se sent d'une force surhumaine pour s'écrouler quelques secondes plus tard.

Les pains de la fournée de Roch empoisonneront plus de deux cents personnes, mais fournissent à Claro l'occasion de dégager des diamants de ce charbon. Car, si l'histoire est bien réelle et a intrigué pendant des mois la presse de l'époque (qui a conclu qu'il s'agissait d'un cas d'ergotisme), ce fait divers n'est qu'un étrier sur lequel l'auteur se hisse pour se mettre en selle. La monture est un canasson de l'Apocalypse, puisqu'il est question, dans ce roman de la Guerre froide, des sacrifices consentis au dieu LSD - divinité phénicienne qui consume les plus jeunes dans son ventre brûlant -, de la révolution sexuelle, de la guerre d'Algérie, de la conquête de la Lune, de la rade de Toulon, de déserts et de poupées gonflables, de la bombe atomique et de la CIA.

Le réalisme magique qui bouillonne nous fait passer ainsi de tube en tube, ou d'une case à l'autre sur le grand échiquier de la comédie des Trente Glorieuses. Le prochain tableau est New York, même année mais un autre univers. Claro décrit aussi bien la France d'après guerre que l'underground américain où croupit Lucy, jeune junkie qui fait des passes pour se payer des doses de drogue et qui finit manipulée par un agent de la CIA. De jour, « Times Square ressemblait à un casino à ciel ouvert avant l'arrivée des vrais joueurs. Partout une gabegie d'âmes-jetons que la précipitation et l'ennui misaient à parts inégales et cruelles, sur des cases toutes plus délabrées les unes que les autres ». De nuit, c'est la jungle. Une jungle urbaine revisitée par Jumanji.

La réalité se tord sous la pression de l'imaginaire, le temps devient cercle, et l'horizon sans perspective, adoptant la présentation des tableaux du Moyen Âge où figurent sur le même plan des scènes de la ville, les personnages, les animaux, la Madone et l'ange qui chute. La prose de Claro suit jusqu'à l'étourdissement ce mouvement, se rétracte et se dilate jusqu'à donner au lecteur le vertige. Il fouille dans le charbon de la langue pour en extraire des diamants, puis il les taille avec le tranchant des images et des métaphores. Parce qu'il a pris un shoot de Claro, le lecteur attaqué par ses cinq sens entend les soupirs du blé, sent la croûte de pain qui a soif de levain, voit les veines de moins en moins fluides de la ville. Il est devenu à son insu le saint Antoine de Flaubert.

Aucune facilité dans cette écriture. Il n'y a pas d'échappatoire. On ne peut quand même pas décrire la déstructuration de l'individu et emprunter la prose des Goncourt ou de Richard Millet.

Et peu importe de savoir si la chanson psychédélique des Beatles, « Lucy in the Sky With Diamonds », a inspiré ou non Claro, puisque l'auteur ne souhaite pas nous renvoyer à des références mais veut nous faire vivre une expérience. « Écrire un roman, a dit Thomas Pynchon, que l'auteur a maintes fois traduit, c'est décrire l'univers à une lettre près. » Avec Claro, il nous faut apprendre un nouvel alphabet. Alors, oui, son roman est déroutant. Comme l'est tout trip littéraire. Comme l'est aussi la quête de l'artisan boulanger Antoine, qui rappelle parfois le héros du Dragueur de Dieu de Conrad Detrez. Comme l'est également la relation qui naît à Paris en 1969 entre lui et Lucy, devenue entre-temps la tenancière du premier sex-shop. Oui, il est nécessaire de s'accrocher pour entrer dans ce monde halluciné, contaminé par une modernité de pacotille, dans ce labyrinthe sans fil d'Ariane, mais où le Minotaure nous attend tout de même au bout du voyage, avec cette fois un corps de taureau et une tête d'homme.

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CosmoZ

Le style ne permet pas de le lire page à page, quelques chapitres d'affilés sont nécessaires pour être absorbé par le récit.
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CosmoZ

CosmoZ est en grande partie l'histoire du magicien d'Oz. on y retrouve les mêmes personnages, le même fil conducteur. par contre, l'auteur y même la vie de son auteur L.F. Baum ou de réalisateurs comme Léo Singer.



Il entrecroise habilement les personnages du conte et des personnages réels pris dans la tourmente de la Première guerre mondiale. Il met en adéquation les évènements liés au livre et au film avec les évènements historiques.



J'ai particulièrement apprécié le style littéraire, très riche en vocabulaires et en comparaisons. Claro joue finement avec les mots et les idées et le résultat est très imagé, fantastique.



Bien sûr, il bénéficié de la magie d'Oz mais il arrive à rebondir sur l'histoire en lui donnant un intérêt nouveau. Je ne connais pas suffisamment l'oeuvre de Baum pour déceler quelle part d'originalité, Claro apporte dans son livre. Mais je pense que c'est une lecture originale de ce conte fantastique.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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Les souffrances du jeune ver de terre (ou) ..

Je ne sais pas vraiment qu'en penser...



D'un côté, le style est extrêmement personnel, original et intrigant. Claro a une plume bien à lui, qui me fait penser à du San-Antonio d'intello intelligent, et c'est appréciable. Chaque action du roman se déroule comme s'il s'agissait plus ou moins d'une description, et on comprend que la péripétie a eu lieu une fois qu'elle est terminée. C'est étrange, mais pas désagréable du tout.



De l'autre côté, l'histoire n'a ni queue ni tête. Ou alors il faut avoir un sacré QI pour la comprendre. Des morts par ci, des vivants qui ne devraient (plus) l'être par là, des trahisons qui n'en sont pas, des ennemis qui deviennent subitement et mystérieusement des copains de terrasse.... J'ai totalement perdu le fil au moment du dénouement de l'histoire. Dommage !



Bref, je ne saurais dire ce que vaut ce livre, parce qu'il me semble valoir nettement plus que sa note moyenne sur Babelio, mais il est tellement en décalage avec la compréhension du commun des mortels qu'il est difficile de lui donner plus...
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Madman Bovary

Tu t'appelles Claro, tu es un auteur (et traducteur oké) complètement barré et faire une critique d'un de tes bouquins revient à peu près à nager dans l'espace avec des requins dinosaures, sous LSD, et du Hank Williams en bande sonore.



Alors comme c'est superilleux, j'ai carrément décidé de pomper un de tes textes et de l’accommoder façon Loubard. Maintenant tais toi, je justifiais l'action c'est tout, JE REPRENDS DONC.



Tu t'appelles Claro, tu as écrit Madman Bovary et putain mon cerveau est en demande de mots comptent triple au Scrabble, de phrases alambiquées et de métaphores qui se contentent à peu près de t'arracher toute ta surface capillaire. Tu t'appelles Claro et non je ne te considère pas comme un génie puisque tu vaux beaucoup plus que ça et je me demande même si ce serait possible de t'avoir comme mentor pour des cours d'écriture.



Tu profites d'une rupture amoureuse entre ton narrateur et Estée pour t'introduire dans le roman de Gustave Flaubert, Madame Bovary, au milieu de cette bourgeoisie du 19ème siècle et voilà que sans prévenir tu nous martèle les yeux, les sens de tes maux, de ta bile, de ton encre. Tu lâches tout, sueur, sang, encre, neurones et sperme.



Le quatrième de couverture encore solidaire et cohérent quelques instants seulement avec le début du roman, part complètement en vrille, te prends de haut, te montre du doigt, toi pauvre petit lecteur qui comprend à peine ce qui se déroule sous tes yeux. C'est un cauchemar-rêve à vivre en live, un peu pédant certes. Mais on est d'accord, on ne lit absolument pas l'histoire de quelqu'un qui chouine d'avoir perdu sa grosse non, l'action se déroule VRAIMENT dans le roman de Flaubert.



T'as cru que la rupture c'était l'enfer ? bah y'a pire. Se lancer dans la lecture/relecture de Madame Bovary juste après avoir perdu ta moitié mon gars. C'est un peu comme si Gaspard Noé prenait le contrôle de tes émotions et disait "EH PETIT FAIS MOI CONFIANCE JE TOUCHE JUSTE A DEUX TROIS TRUCS".



Bah voilà, si t'es déjà niqué du capiton niveau sentimental tu vas bien te fendre la poire ma belle Hélène, pour les autres, ça sera surtout du grand n'importe quoi pour bobo-cocaïnés qui aiment se la secouer niveau lis- tes-ratures. Ta lecture peut commencer. Tu t'appelles Madman Bovary et ton créateur s'appelle Claro, si l'on peut appeler créateur quelqu'un qui fait tomber les ombres.



Pour moi c'est un grand oui, je m'incline. Mec t'es un héros, tu passes quand tu veux à la librairie ch'te paye un kawa et tu m'apprends à écrire, kodak ?



Love love,
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La Maison indigène

C'est un livre hybride, à la fois documentaire érudit et biographie familiale.

Le fil rouge de ce récit est un bâtiment algérois, appelé la Maison ou la Villa du centenaire.

Elle changera de nom au fil du temps et deviendra la "Maison du millénaire" pour célèbrer les mille ans de la fondation d'Al Djazaïr, Alger.



Elle est l'oeuvre de l'architecte Léon Claro,grand-père de l'auteur, héritier du mouvement initié au début du XIXe siècle par Henri Klein, fondateur du Comité du Vieil Alger visant à défendre et à faire connaître le patrimoine de la vieille ville.

Le Gouverneur général l'a commandée pour commémorer en 1930 le centenaire de la présence française en Algérie.

Il s'agit de la réplique d'un maison traditionnelle de la Casbah en 1830. On retrouve les mêmes espaces : le vestibule 'sqifa' étroit, frais, qui s'évase progressivement pour arriver au puits de lumière "west eddar", autour duquel s'organise la maison.

Léon Claro réutilisera des matériaux originaux, marbre, faïences, bois, colonnes, provenant de démolitions de maisons de la Casbah.



"Ne manque que l'indigène, bien sûr. Mais la mise à l'honneur de sa demeure sonne peut-être aussi la fin de sa native invisibilité : à force d'être exclu d'entre ses propres murs, il finira bien par songer à les abattre."



Cette maison se situe dans un entre-deux: d'apparence ancienne mais neuve en réalité, pas dans la Casbah mais en bordure, ni française ni indigène.

Chacun peut y trouver ce qu'il y cherche.

Comme par exemple le jeune Albert Camus qui aura une révélation lorsqu'il l'a visitera : il écrira. Elle lui inspirera alors "La maison mauresque", qui ne paraîtra que bien longtemps après son décès.

Claro va faire revivre les figures du monde intellectuel et artistique de l'Algérie des années 1930, tous d'origine européenne.

Camus bien évidemment, Jean Sénac, Jean de Maisonseul, Edmond Charlot, d'autres de passage comme Le Corbusier, beaucoup plus intéressé par les bordels que par l'architecture.

Plus tardivement Visconti viendra y tourner une adaptation de "l'Etranger" avec Mastroianni dans le rôle de Meursault.



L'auteur écrit "j'étais sourd aux racines".

Ce récit est l'occasion pour Claro de retrouver les traces de son père, qui avait le même âge que la Maison Indigène. Ce père, poète contrarié, qui quittera très tôt l'Algérie pour s'installer dans la grisaille parisienne et se perdra dans l'alcool.

Mais il reste toujours à distance pudique.



Ce livre est fait de courts chapitres, passant d'une période à une autre, changeant de perspective. Cela m'a fait penser à une toile cubiste ou bien à une mosaïque que l'auteur aurait élaboré au gré de ses digressions.



J'ai vraiment apprécié ce récit dense et original, impeccablement documenté.

J'ai également aimé le propos de Claro chaque fois qu’il est question de colonisation ou de guerre. Il est irréprochable, totalement impartial et respectueux.
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Dans la queue le venin

Une bizarrerie , pour ceux qui apprécient la langue française "grand style" et les histoires à la con.

L''histoire, c'est celle de Pomponette Iconodoule, nymphomane patentée, qui s'embarque pour Istanbul afin de retrouver l'objet de son désir, Soliman Rastaquouère. Qui ne s'appelle pas ainsi, qui n'est que très vaguement Turc, mais elle s'en fiche. Parce qu'elle l'a dans la peau. Et qu'elle a envie de changer d'air.

Du moins le croit-elle.

Et on a envie d'y croire , nous aussi, en suivant les tribulations de Pomponnette depuis l'aéroport jusqu'aux rives du Bosphore, en contemplant d'un œil navré les états d'âme de Soliman , en explorant les salons de thé, les souks, les ruelles turques, les chambres d'hôtel et les taxis qui sentent le chien.

Au total, un vrai beau voyage dans l'espace, le temps et surtout dans l'esprit déjanté d'une pauvre fille, du Claro pur jus comme on l'aime :)

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Madman Bovary

"Fallait pas m'quitter, tu vois. Il est beau le résultat..."

Hé bé, Claro a vraiment mal pris de s'être fait larguer par sa copine...

Pour essayer de s'en remettre, il décide de lire Madame Bovary et là commence la lecture la plus fiévreuse qu'il m'ait été donné de lire.

On pourrait penser qu'il part dans tous les sens et qu'il accumule des délires plus ou moins inspirés par le roman de Flaubert. L'écriture donne absolument cette impression, avec des numéros de chapitres qui s'agrègent ou qui vont à rebours, des chapitres averbaux d'une phrase ou encore des répétitions abusives. Mais naturellement, le travail d'écriture est réel et tout est construit pour créer cette ambiance.

On parle assez peu d'Emma au final, on se concentre plus sur Charles et Homais. Même Rodolphe et Léon sont absents. Je pensais "lire" le roman en compagnie de l'auteur mais ce n'est pas le cas. Il se sert du roman pour parler de son déchirement sentimental et il le fait dans l'excès. On peut dire que son projet est réussi.
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La Maison indigène

Ce n'est pas un roman, c'est un récit, une intropection par un petit fils, qui va enquêter sur l'un des travaux de son grand père architecte en Algérie, à l'époque où c'était une colonie française. Son grand père a construit la fameuse maison indigène du titre. Cela va être l'occasion de croiser Le Corbusier, Camus, le poète Sénac, le cinéaste Visconti... J'ai beaucoup aimé ce texte et le cheminement de l'écrivain sur ces recherches, d'abord générales (des recherches sur cette maison, sur la visite de Le Corbusier à ALger, sur la vie de Camus et de Sénac à Alger, sur le tournage de l'étranger de Visconti) puis des recherches plus personnelles sur son grand père mais surtout sur son père. Des pages documentés sur Alger, la guerre, le départ des pieds noirs, la vie et l'oeuvre de Camus et celle de Sénac, ami intime de son père. Avec beaucoup de délicatesse, ce texte m'a beaucoup ému sur les recherches sur le père. Et m'a donné envie de relire l'étranger, mais aussi la version de Daoud et revoir le film, qui m'a beaucoup impressionné lors de sa projectio au festival de cinéma de La Rochelle, avec un impeccable Mastroani.

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La Maison indigène

Claro finit par vaincre ses réticences pour s'aventurer dans les méandres de sa mémoire. Frappé par de nombreuses coïncidences qui jalonnent son parcours, il s'aventure à nous donner un récit qui est en fait une confession, à la fois pleine de mystère et d'élégance. Un très beau livre.
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La Maison indigène

Une demeure peut-elle être une « boîte noire » de la mémoire ? Pour Claro, auteur de La Maison indigène, la réponse est positive.



Dans ce récit, Claro décrit la genèse de la construction d’une maison, conçue par son grand-père l’architecte Léon Claro. Cette demeure de style mauresque est bâtie pour célébrer le centenaire de la conquête de l’Algérie par les Français en 1830. Claro s’interroge sur ce que dit cette maison de l’histoire, de la conscience coloniale, de l’orientalisme mis à la mode par les tableaux de Delacroix : « La Maison indigène semble attendre, à la croisée des temps, à la lisière des heurts (…) Et si elle était tout autre chose ? Une matrice. Une page vierge dressée à la verticale, en attente d’une encre sympathique, capable de mettre en branle un destin. » Ces interrogations, Claro les confirme et les légitime en illustrant le rôle déclencheur que joue cette maison, dans l’inspiration d’Albert Camus qui visite cet endroit en 1933, alors qu’il n’est encore qu’un inconnu. Il la mentionne dans ses Notes de lecture publiées dans La Pléiade : « Je m’étonne à cette heure d’accorder plus d’importance qu’elle n’en mérite (je m’en rends bien compte) à ma Maison mauresque. Sans doute, pour ce travail qu’elle m’a coûté, lorsque je songe à son peu de volume. »



D’autres personnalités y accompliront un passage :Le Corbusier en 1931, vient donner deux conférences ; mais Léon Claro, qui avait invité Le Corbusier à Alger , doute de la réalité de sa visite .L’architecte ne construira rien à Alger, se bornant à des croquis représentant les femmes d’Alger , dans la plus pure tradition orientaliste….Le poète Jean Sénac, ami du père de Claro, Henri Claro , est l’un des invités de cette demeure .Luchino Visconti tourne à Alger en 1967 une adaptation de l’Etranger avec Mastroianni dans le rôle de Meursault ;Sénac est présenté à Visconti . On trouve dans le récit de Claro des interrogations multiples sur le père, l’Algérie coloniale, les sources d’inspiration littéraire, l’histoire aussi. Plaisant ouvrage, qui nous transporte à travers différents épisodes et aspects de cette période, en évitant le côté carte postale sépia. A rapprocher de l’ouvrage de Kaoutar Hadimi Nos richesses, qui retrace le parcours du libraire Edmond Charlot dans l’Algérie coloniale avec sa librairie Les vraies richesses. Une demeure, lieu générateur d’inspiration et de rencontres, une librairie, lieu de fécondation culturelle : une belle symétrie…

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Substance

Où il est question du sens de la vie, du réel et de l'imaginaire, de la violence, des corps....et de gaufres aux brisures de saucisson (la recette qui m'a marquée au milieu de tant d'autres brillamment farfelues et /ou écœurantes).

Je rencontre enfin le travail de Claro, après avoir entendu parler de lui en bien par des auteurs que j'aime.



Bousculée par l'histoire (c'est cru, c'est cruel, c'est génial de réalisme intérieur) et totalement emportée par le style.
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