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Critiques de Claude Farrère (88)
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Bêtes et gens qui s'aimèrent

Le titre est trompeur.

Il promet ronronnements et amitiés animales.

Le premier texte, "Une vie", est un leurre.

Il installe le lecteur, bien confortablement dans une lecture attendue.

Mais de bêtes, il ne sera ici question, durant quelques pages, que du "chat-comme-ça", dont le début de l'existence ne fut qu'une longue suite d'expériences pénibles, douloureuses et finalement formatives.

Finalement, c'est de gens qui s'aimèrent qu'il sera question.

Un brin de cynisme,

un rien d'humour,

un soupçon de fantastique,

de l'imagination à revendre,

quelques souvenirs,

beaucoup de désir et d'amour,

et toujours un style d'écriture à faire pâlir d'envie tous les prix littéraires de la contrée.

Voilà la recette de ce livre inattendu !

La plume est ici trempée dans un mélange d'élégance, de férocité et de subversion.

On frise le vaudeville, puis le drame ... qui pourtant survient.

Certaines des histoires de ce recueil sont tout bonnement effroyables.

Pourtant Claude Farrère, en véritable homme du monde qu'il est, toujours se montre courtois, indulgent avec la gent féminine, se montrant féroce et impitoyable avec l'homme qui la méprise ou ne sait la comprendre.

Claude Farrère est ici plus parisien que marin, plus féministe que débauché.

Tout au long de cet ouvrage, seules, les larmes auront le goût du sel.

Mais soyez en sûr, le cynisme n'y est que façade.

L'on découvre, derrière ses mots, un écrivain épris de liberté, libre de moeurs, dédaigneux de toute médiocrité et à l'avant-garde de ce vingtième siècle qui s'annonce.

Le livre est étonnant et délicieusement subversif.

Il ressemble à un badinage amoureux que, pour le plaisir du lecteur, l'on aurait trempé dans du vinaigre !

Voilà un livre qu'il serait impardonnable de ne pas ouvrir ...

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Cent millions d'or

Qui n'a jamais été tenté par une belle chasse au trésor ?

Ou par une bonne lecture ?

Autant le dire sans tarder, Claude Farrère, lui-même, prévient le lecteur bénévole, qu'il n'est pas toujours d'humeur à écrire gravement des choses graves.

Car il n'est point défendu de se distraire quelquefois entre braves gens !

Néanmoins, à l'aide d'un petit avertissement préliminaire, il sollicite l'indulgence.

"Cent millions d'or" est un petit bijou de 185 pages.

Préalablement à sa mise en volume, en 1927, chez Flammarion, il est paru dans le quatrième numéro du journal "Demain" publié en juillet 1924.

Il aurait pu s'intituler : "le secret du Tubelgeria".

Ce paquebot, ayant appareillé le 16 mars 1917 de Rotterdam pour New-York, aurait été torpillé par le sous-marin allemand U.84.

Il contenait pourtant cent millions d'or envoyés par les mêmes allemands à leur ambassade américaine.

Le trésor, dix ans plus tard, reposait toujours par 36 mètres de fond aux coordonnées de 51° 55' 22" de latitude et de 3° 35' 10" de longitude ...

"Cent milions d'or" est une série d'aventures à la fois classiques et rocambolesques.

Elles valent surtout par le ton goguenard du récit et le style d'écriture élégant du livre.

Claude Farrère est généreux dans sa prose comme seul sait l'être un vrai marin.

Une fois de plus, il nous offre une truculente galerie de portraits.

Une fois de plus, la femme y est à l'honneur.

Car poussés par leurs compagnes, et renseignés par le clochard irlandais Pat O' Donoghan, le grand armateur Tieresse, son secrétaire Jean-Paul Chappart et le capitaine au long cours Trouduc vont se lancer dans une extravagante chasse au trésor.

Le lecteur a été prévenu, du moins celui qui a pris la peine de lire l'avertissement préliminaire :

"le plus extravagant de cette extravagante histoire est qu'elle vraie"

On hésite à le croire !

On embarque cependant avec plaisir sur le Skagerrak ...

On revêtirait même bien une bonne vieille tenue de scaphandrier ... des scaphandriers qui, ici, payés à la journée, traînent leurs "pied lourds", et s'offrent même, au fond de la mer, le plaisir de jouer aux cartes ...

Ce court roman, au titre éponyme, est suivi dans le livre par trois courtes nouvelles :

- "le suicidé", un texte digne du théâtre du "Grand-Guignol" ...

- "fin de planète", un court texte de science-fiction furtive et explosive ...

- "l'an 1937", une jolie petite uchronie où l'on reparle du tunnel sous la Manche ...



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Combats et batailles sur mer

Les images qui évoquent, dans notre imaginaire, la tragédie de la première guerre mondiale sont souvent celles d'une tranchée boueuse où pataugent des poilus emmitouflés, ou plus anecdotiquement celles de taxis fonçant vers la Marne pour écrire une des pages les plus glorieuses de notre histoire militaire.

Parfois elles sont celles d'avions, effectuant d'incessantes cabrioles dans le ciel et portant des mitrailleuses qui crépitent pour descendre en flamme un biplan ennemi.

Le regard des deux auteurs de ce livre magnifique s'est porté vers la mer.

Tahiti d'abord où la vieille canonnière "la Zélée", commandée par le lieutenant de vaisseau Destremeau, est démantelée pour installer avec son artillerie une défense côtière digne de ce nom, empêchant le "Scharnorst" et le "Gneisenau" de s'emparer de l'île.

Penang, ensuite, où le croiseur allemand "Emden" fait irruption et coule, dans la rade, le "Yemtchoug" croiseur russe au mouillage et un torpilleur français le "Mousquet".

Les Falkland, enfin où va se jouer une terrible bataille navale, opposant croiseurs et cuirassés.....

Les deux auteurs de ce livre sont écrivains mais ils sont aussi officiers de marine.

Paul Chack, en 1925, à la date de parution de ce livre, est encore un historien talentueux et réputé. Terminant une brillante carrière de marin, il est alors affecté, au service historique de la marine. Se déshonorant, durant la deuxième guerre mondiale, il sera un des rares intellectuels à être fusillé à la libération.

Claude Farrère est un de ces écrivain à qui le talent offre le Goncourt. Il s'appuie sur son expérience pour écrire une œuvre prolifique et variée.

Ces deux auteurs, conjuguant leur talent, nous offrent plus qu'un livre de guerre, plus qu'un livre d'histoire, plus qu'une aventure maritime.

Ils nous proposent d'embarquer avec eux et de vivre, quelques années après, plusieurs grands moments tragiques qui ont fait de cette guerre une triste épopée humaine.
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Dix sept histoire de marins

Quand il est temps de reprendre la mer, d'embarquer à nouveau, le mieux n'est-il pas de choisir son équipage, le nom de son bâtiment, ses officiers et l'ouvrage que l'on va glisser dans son sac ?

Ce livre ne s'ouvre pas sur une préface ennuyeuse, mais sur une introduction protocolaire afin de mieux présenter les "dix-sept histoires de marins" qui s'y trouvent.

Elles sont, au dire même de leur auteur, hétéroclites, mal assorties pour être ensemble contenues dans un volume dont le fil est tendu par un point commun, celui de parler des hommes qui vivent sur la mer et des femmes qui les aiment ...

L'ouvrage s'ouvre, en 1894, un jour de pluie, sur la fin d'une escale à Brest et se referme sur la mort tragique, pathétique et courageuse d'un jeune enseigne de vaisseau, piégé avec ses hommes dans sa tourelle par une charge qui s'était enflammée toute seule.

Entre les deux, Claude Farrère égrène, durant quelques 300 pages, un ensemble de souvenirs personnels, d'histoires entendues et de récits imaginés ...

Entre les deux, Fargue, le lieutenant de vaisseau canonnier, qui se repose des bombardements en traduisant Confucius, monte au quart et s'invite au rendez-vous galant qu'il a avec la vie ...

Au risque d'une fois encore me faire savonner, je vais écrire que la littérature de Claude Farrère est, ici, fine élégante et généreuse.

Mais que sa sensibilité ne lui enlève rien de la force dont elle empreinte.

Le recueil est articulé en quatre parties :

"leurs amies, grandes et petites", "ceux du gaillard d'avant", "ceux de la grand'chambre" et "service commandé".

Il se referme sur "comment ils meurent", le récit d'un tragique exercice de tir ...



"la double méprise de Loreley Loredana" :

Une jeune, belle et chaste chanteuse d'opéra comique est persuadée que l'enseigne de vaisseau Marcy, qu'elle aime, a fait naufrage sur "l'Ardèche" en sortant de Brest ...



"Idylle en masque" :

Un jeune enseigne de vaisseau a posé dans la rubrique "mariage" du journal une annonce afin de trouver l'ame soeur ...



"la capitane" :

Quel ne fut pas la surprise du capitaine Soria, embarqué sur "la Cérès" à la poursuite du brigantin pirate "le Corbeau" de découvrir, cachée dans la chambre de son capitaine, une belle et jeune dame, richement ajustée ...



"Perdu corps et biens" :

Une histoire de contrebande d'armes et de diplomatie ...



"L'invraisemblable ratière" :

Une bonne histoire, de celles qui se racontent la nuit à la passerelle et qui aurait pu s'intituler "la double, le rat et le commis" ...



"108 Le Duc, ambassadeur" :

Un matelot de 2ème classe du croiseur "la Pensée" est chargé, par son lieutenant de vaisseau, de porter, rue Parallèle à Smyrne, une lettre à Mme Erizan, la femme du riche armateur ...



"La crapule" :

464, le matelot Tiphaigne est incontestablement la plus sale bête du bord pourtant le lieutenant de vaisseau Fargue va, presque jusqu'à outrance, faire preuve d'indulgence ...



"La baleinière deux" :

304, Kerrec, matelot de 1ère classe, gabier breveté, est le patron de la baleinière deux sur le "Ça -Ira", au large de la côte marocaine ...



"La royale charité" :

Là où l'auteur en vint à pleurer d'un chagrin d'amour en montant au quart à la passerelle ...



"L'amoureuse transie" :

En 1904, à Fort de France en Martinique, l'horreur s'invite au rendez-vous galant ...



"Histoire de mannequin" :

Après l'horreur, place à la délicatesse. Le lieutenant de vaisseau Fargue, sur le contre-torpilleur "Ça-Ira", en rade de Mogador, s'offre 15 sous de galanterie ...



"Naissance de vaisseau" :

Aux Forges et Chantiers de la Méditerranée, à la Seyne, faubourg de Toulon, une cale attend de livrer un cuirassé de bataille, le le croiseur "le Paris" ...



"L'ex-voto de l'Acropole" :

C'est par un bijou, glissé, en guise d'offrande, dans la main d'une statue rendue jadis immortelle par un dieu reconnaissant, qu'Hartus obtint l'amour de tous les êtres que son désir effleurera ...



"La tourelle"

Le lieutenant de vaisseau Fargue fait le tour du propriétaire de sa tourelle double de 305 mm, l'arme la plus effroyable du cuirassé, sa meilleure chance de sortir vainqueur des batailles à venir ...



"Dix secondes" :

Dans le port de Safi, au Maroc, il n'y a, pour l'enseigne de vaisseau Olivier de Serres, que dix secondes pour choisir entre la guerre ou la paix ...



"Fontenoy" :

Le 25 septembre 1911, le cuirassé "Nation", ayant à son bord des poudres B brevetées avec garantie du gouvernement, explosa ...



"Comment ils meurent" :

Jean Scherrer, jeune enseigne de vaisseau, est pris au piège, avec ses hommes, dans sa tourelle, par l'explosion de ses munitions ...







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Fern-Errol

Claude Farrère, sur la fin de sa carrière d'écrivain, semblait tenir à "Fern-Errol" plus qu'à tout autre de ses livres.

Puisque, dans un de ses derniers romans, l'ayant placé sous le bras d'une jeune fille exaltée, il semble s'en féliciter et en tirer fierté.

Pourtant ... "Fern-Errol" ne s'avère être, en définitive, qu'un marivaudage morne, répétitif, et sans beaucoup d'intérêt.

Gérard Fern-Errol, à soixante ans, est un illustre chirurgien qui a pour "vieux" amis le compositeur et mari infidèle Amédée Montfermeil, ainsi qu'Eric Selva, scientifique touche-à-tout deux fois prix Nobel.

Gérard Fern-Errol va vivre, à l'automne de sa vie, une étrange histoire d'amour avec Mme D'Eyze, une amie de longue date que la vie n'a pas épargnée ...

La plume de Claude Farrère ne semble pas inspirée par l'histoire que lui sussure le désir du grand écrivain maritime.

Le récit manque de coeur et de souffle.

La prose, manquant de style, a vieilli.

Tout ce qui fait l'intérêt de la littérature de Farrère est ici absent.

Le lecteur s'ennuie et ne parvient pas à s'attacher aux personnages, à vibrer à l'unisson de leurs sentiments.

Ce roman est d'un autre temps.

Il ne parvient pas à s'en extirper.

Il résonne comme le dernier mouvement de révolte d'un écrivain vieillissant contre la course du temps l'éloignant d'un amour définitivement perdu.

Et sa plume en semble comme désemparée ...



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Florence de cao-bang

Voici donc le dernier roman de Claude Farrère qui, conservé par son ami et secrétaire Alfred Sexer, ne fut publié à la demande de son auteur qu'en 1960, trois ans après sa mort.

Il est préfacé par Pierre Chanlaine, alors président de "l'Association des Ecrivains Combattants" que Farrère avait désigné comme sa légataire universelle.

En 1901, sir Edward et lady Trelawney, venus des terres afghanes des Pathans, parviennent au poste français de Cao-Bang, au Tonkin, tout près de la frontière chinoise.

Juste à temps pour que Lady trelawney y donne le jour à une petite fille à qui, parce qu'elle est née le 5 juin, l'on va donner le prénom de Florence.

Le couple est en fuite et traîne derrière lui un secret dangereux.

La petite fille, pour sa sécurité, est confiée au docteur Colomer avec une lettre cachetée d'un sceau marqué d'armoiries et 20.000 livres sterling ...

Quelques douze ans et cinquante pages plus tard, un drame se prépare sur le quai de Tillsitt, à Lyon ...

Ce dernier livre n'ajoutera rien à l'oeuvre de Claude Farrère.

La plume s'est définitement émoussée.

Claude Farrère se perd ici dans des secrets mondains, médicaux et diplomatiques dont il semble faire grand cas, et mystère, mais qui ont peu de chance d'intéresser le lecteur d'aujourd'hui.

Rien n'est ici imaginé, a prévenu l'auteur, et peut-être, continue-t-il, si j'ai su les aimer assez, les personnages, dont j'ai changé les noms, vont-ils revivre ...

Mais le temps a déposé un voile d'ombre sur une tragédie dont aujourd'hui on ne sait plus rien.

Et le livre de Claude Farrère n'a pas su trouver les mots pour la rendre impérissable.

Ce roman, en substance, ne contient rien de ce qui a fait de Farrère un grand écrivain, de ce qui a mené le jeune officier de marine à L Académie Française.

Les rivages exotiques, les personnages hauts en couleur, les océans, les beaux portraits ont disparu.

Les mots de Farrère qui ont su si souvent passionner, étonner et parfois même irriter ou scandaliser ses lecteurs ne sont plus ici que de petites phrases mondaines dépourvues de style et de force.

Ce roman, moyen s'il eût été d'un autre, parce qu'il est de Farrère est à placer sous la pile de ses nombreux autres ouvrages à redécouvrir ...



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Fumée d'opium

A lire ce livre, à humer la "Fumée d'opium" qui s'en dégage, on le jurerait, son auteur, Claude Farrère, a fréquenté les bouges de Fou-Tchéou-Road, et s'y est dépouillé, durant quelques nuits troubles et enfumées, de sa grossière humanité.

L'opium l'a-t-il saisi un jour de ses griffes pour l'emporter au vol de ses ailes vénéneuses ?

L'opium est un magicien qui transforme et métamorphose.

Il a fait de ce livre un ouvrage magnifique, empreint de poésie, parsemé de visions démentes, où la frontière entre réel et merveilleux n'est plus aussi consistante qu'à l'ordinaire.

La préface est de Pierre Louÿs.

Elle est de celles que l'on aurait tort de négliger.

Claude Farrère, en choisissant le thème de son livre, se plaçait délibérément dans la génération ayant précédé la sienne.

Et tout, depuis 1830 et l'arrière-romantisme, semblait avoir été écrit sur le sujet.

Pourtant, l'art du récit, la souplesse du style, l'imagination et l'habileté de la composition balayent ici toute remontrance.

"Fumée d'opium" est un recueil de 17 nouvelles classées en six époques :

- "les légendes", "les annales", "les extases", "les troubles", "les fantômes" et "le cauchemar".

L'ouvrage est érigé sur le romantisme trouble de l'opium qu'il pousse très fugitivement jusqu'à être érotique et décadent.

Et ses pages sont fréquentées par de philosophes empereurs, de pirates lettrés et dédaigneux et par un célèbre professeur ayant autrefois vendu son âme à Diable ...

Elles sont emplies d'histoires trop originales, trop incroyable pour être complètement inventées.

Claude Farrère le jure, il a vu, sur la mer de Chine, de ses yeux vu, Hong-Kop le pirate que poursuivait Hai-Loung-Wang le serpent roi pour avoir blessé Yu-Tcheng-Hoa, sa fille sacrée ...

L'écriture du livre est splendide.

Le lecteur y ressent dans ses veines la poussée d'une drogue, celle de la belle littérature qui est faite de mots, de phrases et d'élégantes tournures.

Mais derrière le romantisme et la mythologie de l'opium, se cache les effets d'une drogue et la description en est ici bluffante de réalisme et de justesse.

Une aiguille qui grésille autour d'une flamme rouge ...

Le livre s'est ouvert et le plaisir a déjà quitté toute réalité pour s'envoler vers les troubles et ensorcelants rivages de la plus belle des littératures ...



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Histoire de la marine française

Cette imposante et lourde "Histoire de la Marine Française" est généralement admise comme la référence du genre. Son auteur, Claude Farrère, est un officier de Marine issu de la promotion 1899 de l’École Navale. Promu Capitaine de Corvette en 1918, il pose la casquette au lendemain de la grande guerre pour se consacrer pleinement à sa carrière d'écrivain.

Près de 80 ouvrages, dont "Les civilisés" superbe roman anti-colonialiste, vont amener cet auteur prestigieux d'abord au prix Goncourt, en 1905, puis, supplantant son malheureux rival Paul Claudel, à l'Académie Française où il entra en 1935.

Il s'inspire largement de ses voyage pour rédiger une œuvre dense et brillante.

En 1906, il écrit un recueil de nouvelles fantastiques dont certaines furent publiées dans "Fiction" et dans "l'homme qui assassina", vingt ans avant Agatha Christie, il fit d'un assassin le narrateur de son histoire....

"Histoire de la Marine Française" s'ouvre sur sur notre première marine qui, en l'an 47 avant Jésus-Christ en Armorique, opposa une très belle résistance aux troupes romaines et à leurs galères menées par Jules César.

Et l'ouvrage se ferme, près de 450 pages plus loin, sur la Marine Nationale Française du vingtième siècle et son porte-hélicoptère "la Résolue" (qui attend d'être rebaptisée "Jeanne d'Arc"), sur son arme sous-marine pas encore nucléarisé et sur ses deux porte-avions dont le tout récent "Foch".

L'ouvrage est imposant, passionnant et illustré de belle manière grâce à un nombre impressionnant de photos, de dessins, d'enluminures et de reproductions de tableaux.

Le texte est rédigé par un véritable marin doublé d'un talentueux écrivain. La documentation sur laquelle il s’appuie fait de cet ouvrage une véritable mine d'érudition et de savoir.

Sans cesse réédité et remis à jour par son auteur, depuis 1932, la dernière mouture date de la fin des années 50 et a été publiée en 1962.

J'ai, pour la petite histoire, la chance de connaître un vieux monsieur, résident de la maison de retraite où je travaille, qui faisait partie de l'équipage du contre-torpilleur "Bison" atteint*, en 1940, par une bombe d'avion sur la côte de Norvège. Cette nuit-là, ce vieux monsieur s'est retrouvé, brûlé au visage, à la baille deux fois, à quelques heures d'intervalle. Il a encore, lorsqu'il le raconte des trémolos dans la voix. Je lui ai demandé de signer mon livre. Il a accepté. Je l'en remercie, mon exemplaire n'en a que plus de valeur. Et je le salue...



*p391 reproduction d'une photo du musée de la Marine "le contre-torpilleur Bison atteint par une bombe d'avion sur la côte de Norvège pendant la campagne de 1940"
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Histoires de très loin ou d'assez près

Comme souvent, lorsque je ressens un certain ennui dans ma lecture, je me suis tout d'abord empêtré dans les mots, emberlificoté dans les phrases, m'attardant sans raison au détour de chaque chapitre.

Le premier texte, "l'île au grand puits", est long, très long, trop long :

C'est le gabier Kerrec qui a aperçu l'île au petit matin.

"La feuille de rose", un yacht luxueux, qui ne se refusait rien, dans l'impossibilité de mouiller, y vint s'abriter, sous le vent, de son pic et débarqua sa vedette.

Lord Nettlewood, histoire de déjeuner sur le plancher des vaches, emmena ses hôtes à terre avant qu'il ne soit midi, avant le déferlement sur toute l'île d'un ouragan fabuleux, avant que la "Feuille de rose" ne disparaisse....

"Histoires de très loin ou d'assez près" est un recueil de 13 nouvelles signées par Claude Farrère.

Je l'ai cru terminé à la fin du premier texte.

Il ne faisait que commencer.

Il est articulé autour de cinq concepts aussi larges que peuvent l'être les suppositions, les réalités, les mystères, les mœurs et les amours.

Il semble ainsi faire le tour de l'âme humaine.

La deuxième nouvelle, "Paradoxe à propos d'une bague", classée pourtant dans les suppositions, est restée pour moi un véritable mystère :

Une jeune fille marche sur le trottoir.

Elle porte, au petit doigt de sa main gauche, une bague...

...Je pense, sans vraiment en être sûr, qu'il s'agit là d'un texte féministe, stupéfiant de modernité.

L'intérêt du lecteur est relancé. Il ne sera plus à aucun moment trahi.

"Sid Mahdani, homme de grande tente", "les deux cheveux" et "Histoire de brigand" nous transportent au Maroc.

Non point au Maroc de sa très sainte majesté chérifienne, le Sultan,

mais au Maroc siba, lequel n'est soumis à personne, se moque de toute autorité et refuse de payer aucun impôt...

De "L'autre côté de la terre", c'est la Chine, des sampans grouillent, des jonques s'envolent, leurs voiles de bambou natté pareilles à des ailes d'extravagantes chauves-souris.

"Le missionnaire" est un magnifique texte émouvant sur un homme qui a choisi de vivre pour Dieu et pour l'opium...

Le voyage finalement passera aussi par le Japon, l'Espagne et l'Australie...

Ce recueil, s'il est alourdi par son premier texte, n'en est pas moins une réussite.

Claude Farrère raconte des souvenirs de très loin ou d'assez près.

Sa plume est, comme à l'accoutumée, une élégante source de bonheur et de dépaysement.





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Je suis marin

Il aurait été dommage d'attendre, jusqu'en 2050, le rendez-vous fixé dans sa préface par Bernard Gavoty pour redécouvrir ce petit ouvrage.

Car comme Jules Verne et Pierre Loti, Claude Farrère peut se flatter d'avoir entraîné vers le large bien des lecteurs.

Mon exemplaire, brûlé à demi, sauvé de l'incendie par une main inconnue, est dédicacé avec toute l'affection de l'auteur au docteur Marcel Chaumier.

Je l'ai acheté presque pour rien à un généreux brocanteur ...

"Je suis marin" n'est pas une biographie.

C'est un album souvenir où Claude Farrère évoque son métier.

Frédéric-Charles Bargone, avant de prendre comme nom de plume celui de Claude Farrère, a été marin durant vingt cinq ans.

De 1894 à 1916, il a mis son sac sur un peu plus d'une vingtaine de bâtiments.

Claude Farrère devint marin par vocation mais aussi par hérédité.

Il était l'arrière-petit-fils d'un corsaire célèbre au temps du Consulat.

Il était le fils d'un colonel d'infanterie de marine en retraite ...

"Ce qui importe c'est l'oeuvre, non l'ouvrier" nous dit-il.

Pourtant, si l'on peut admirer l'officier, l'homme de mer.

C'est l'écrivain qui, ici, prend toute son épaisseur.

Les souvenirs, les anecdotes affluent.

La plume est élégante, légère et brillante.

Le ton est badin.

La lecture est agréable.

Mais le récit, lorsque la mer se durcit, sait se faire tragique.

Claude Farrère raconte le naufrage du paquebot "Lamoricière".

Il rend hommage à son commandant, le capitaine Milliasseau, qui ne voulut quitter son bord que le dernier ... qu'il ne voulut pas quitter ... qu'il ne quitta pas.

L'écrivain rend aussi hommage aux fidèles compagnons de mer à qui il dédie ce livre.

Le bonheur de sa carrière, écrit-il, est de n'être tombé, pour ses débuts, que sur des marins de qualité qui étaient en même temps des hommes de sang-froid et des gentilshommes.

Claude Farrère a été marin vingt cinq ans.

Sa vieillesse s'en est trouvée illuminée.

Son livre, "Je suis marin", en est une magnifique et passionnante évocation ...















Paru en 1951
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JOB siècle XX

"Job siècle XX" est un roman de Claude Farrère de l'Académie Française.

Il est paru en 1949.

Il s'ouvre sur un moment inoubliable, un matin de 11 novembre, sur un serment de paix et d'amitié entre trois hommes, trois compagnons de tranchée :

Le capitaine français André Faverolles, le commandante italien Antonio Longiave et Beresford, un major anglais d’Écosse.

Ils sont tous trois ingénieurs spécialisés dans les explosifs nouveaux.

André Faverolles, ayant fait un rapide mariage de guerre avec Marguerite, jure de faire rapidement fortune dans l'industrie du parfum pour offrir, à sa femme et à leur enfant à venir, la plus belle des existences.

Trois mois plus tard, un soir de février 1919, le drame est consommé.

Marguerite, si elle a survécu, a perdu son enfant.

Fortune faite dans l'euphorie des années 20, le couple ne survit que pris dans un tourbillon de rendez-vous, de réceptions, de déjeuners obligatoires, de restaurants et de bars élégants.

Inéluctablement, André, au bout de quelques années, trompe sa femme.

Une lointaine nièce, Sylvaine, bientôt rebaptisée Sylve, est adoptée à sa naissance.

Bien des années plus tard, en souvenir du jour de sa première communion, ses parents offrent à la fillette un grand, un très beau voyage, une croisière, une immense croisière de quatre, cinq mois jusqu'au Japon....

Ce très beau livre, très lent, est fait d'une très riche littérature.

Le rythme de l'ouvrage est mesuré, réfléchi.

"Job siècle XX" est une poignante tragédie humaine.

Claude Farrère est un écrivain à la fois puissant et élégant.

De ses mots se dégagent les sentiments si mêlés, si complexes de ses personnages.

Les décors sont de ceux qu'il connaît et qu'il aime : la mer et le Japon.

Ce livre, un peu difficile d'accès, tissé d'une littérature un peu désuète, est un chef d’œuvre de sensibilité et de finesse.

Sa lecture est un véritable plaisir qui aime à s'attarder au détour des phrases, des sentiments et des émotions.







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L'Atlantique en rond

Dix fois, j'ai interrompu ma lecture, et posé ce livre.

Dix fois, je l'ai reprise.

"L'Atlantique en rond" est un ouvrage à ne pas mettre entre toutes les mains.

Son propos, qui heurte parfois, souvent même, vient entacher l'image d'un écrivain englué dans de graves contradictions.

Et, au final, je ne suis pas sûr d'avoir voulu y découvrir le vrai visage de l'officier de marine, de l'homme qui se cache derrière son élégante et riche plume.

"L'Atlantique en rond" embarque son lecteur, à bord d'une frégate à grandes voiles carrées, dans un superbe voyage au cours duquel le guide, même s'il sait se rendre indispensable par son érudition, se révèle pourtant au final être importun.

Quelques heures après le départ de Brest, de cette rude ville de granit gris, l'île de Sein, la baie d'Audierne et le phare géant d'Eckmühl déjà ont disparu.

C'est le grand large ... l'Atlantique ...

L'écrivain, dans ce voyage à travers le temps et l'espace d'un océan, mélange Histoire et Géographie.

Heureux qui, comme Ulysse, ou Claude Farrère, semble partir pour un beau voyage :

Porto-Santo, Madère, les Canaries, l'île de Ténériffe, les îles du Cap Vert, la Nouvelle-Orléans, le pays Basque, l'Andalousie ...

Il semble au lecteur qu'il n'a qu'à se laisser agréablement porter par les alizés ou conduire, dans le sens inverse, par le Gulf-stream, ce courant si cher à nos climats tempérés.

Le propos de l'auteur est riche, varié et passionnant.

Il n'oublie pas que le seul point de vue qui intéresse son lecteur est l'imaginatif.

Il évoque le vieux continent de l'Atlantide dont il pense apercevoir les derniers vestiges dans les îles volcaniques qui émergent de l'océan.

Il condamne la vieille civilisation européenne qui, après y avoir massacré les populations indigènes, porte une tache indélébile de sang.

Pourtant le propos est parfois poisseux.

Claude Farrère s'y déconsidère, s'y montre indigne.

Derrière l'élégant écrivain, le savant marin, se dessine la silhouette du sombre colonialiste, voire même de "l'esclavagiste".

L'affaire est grave.

Pour lui "le crime ne réside pas dans la traite mais dans les massacres qui l'ont précédé".

A de nombreuses reprises, le propos est martelé et répété.

Il salit gravement son auteur.

Il est parfois des bons livres que l'on aimerait mieux ne pas avoir lu ...



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L'autre côté :contes insolites

C'est un rendez-vous un peu spécial que nous donne Claude Farrère avec ce livre.

Immense auteur de littérature maritime, il s'aventure ici sur les rivages de l'étrange, de l'insolite.

Son propos n'est pas, à proprement parler, fait ni de science-fiction, comme souvent il a été dit, ni de fantastique, et pourtant ...

Ce recueil de nouvelles est composé de quatre parties : "Rêves", "Fantômes", "Hasards" et "Trois contes de Noël".

Les textes sont très courts et, alternant époques, lieux et personnages semblent rebondir entre eux.

Même si au milieu de l'ouvrage, un petit essouflement d'ennui se ressent dans sa lecture, "Lautre côté" est un livre magnifique.

Sur le contenu de tous ces petits récits, il ne faut point trop en dire.

Ce serait déflorer le plaisir du lecteur à venir.

L'étrange voyage, entre autres escales, appareillera vers la Chine, l'Ecosse, la Turquie et vers la baie d'Halong à la poursuite du grand serpent de mer durant une belle nuit de Noël ...

Claude Farrère nous invite ici à quelques insolites voyages dans le temps, l'espace et les rêves.

Qui pour cela serait plus indiqué qu'un marin doué d'une plume élégante, délicate et sûre.

Par un pur hasard, il y a peu, je suis tombé sur un article publié, ce mois-ci, dans un grand journal télévision se targuant généralement de grande culture.

Son titre était : "Trois raisons de (re) lire Claude Farrère, écrivain d'extrême-droite ... injustement oublié".

Injustement oublié ... certes !

Mais peut-on, aujourd'hui, accoler à l'homme, à l'écrivain qu'est Claude Farrère, né au XIXème siècle, l'étiquette "d'extrême droite" ?

A mon sens, L'article, très court, très synthétique, est flatteur pour la plume mais souffre, dans son positionnement politique de l'homme d'une manque de connaissance et d'un décalage de compréhension du contexte.

Ce qui est un défaut intellectuel très contemporain.

Je m'en excuse à l'avance auprès de lui, mais j'invite son auteur, Mr Prolongeau, à se plonger, plus profondément dans l'oeuvre de Farrère, et à éviter les titres un peu "démago".

Car Claude Farrère est, vu de notre époque, un homme complexe à saisir.

Pour revenir de "L'autre côté", où les textes ont parfois force de paraboles, on peut en dire que le style y est ciselé, que le propos n'est parfois dénué d' un fin humour, et que les récits sont imaginatifs et disparates.

Mais que toujours le marin retourne à la mer ...

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L'Europe en Asie

Analyse politique et historique de la situation chinoise du dernier siècle (depuis la guerre de l'opium) par la plume française Claude Farrère.



L'opuscule présente certains intérêts. L'auteur connaît l'Asie, la vit, et l'aime. Il entretient, au Japon comme en Chine, des amitiés qui le mettent très au courant des enjeux. Par ailleurs, le petit texte est écrit peu avant l'invasion allemande de la Pologne, en juillet 1939...



Il faut reconnaître quelques fulgurances, mais aussi ses obsessions. Autant il souligne l'importance à l'époque très sous-estimée des marchands de canons, autant il insiste sur la bizarrerie du cerveau chinois, parce qu'il serait le seul peuple à avoir migré d'ouest en est (?!), et sur le caractère purement (?!) occidental du Japonais.



Ce racisme latent, un biais ouvertement pro-japonais, et la conviction que l'occident a en Chine une mission humanitaire discréditent cependant ses conclusions.
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L'extraordinaire aventure d'Acmet Pacha Dje..

L'on dit que l'Histoire a souvent propension à se répéter.

Le siècle qui vient, pour ce grand pays qu'est la Turquie, ne semble pas s'annoncer sous les meilleurs augures.

Et déjà, le début du XXème siècle avait vu sonner le glas de l'Empire Ottoman.

Pourtant "turcophobe" en diable, lorsqu'en 1902, il sortit du collège, c'est "turcophile" de la tête aux pieds que Claude Farrère revint, pour la première fois, de Constantinople, deux ans plus tard.

Publié en 1921, mais écrite avant 1914, "L'extraordinaire aventure d'Achmet Pacha Djemaleddine pirate, amiral, grand d'Espagne et marquis" est accompagnée dans ce recueil de six autres singulières histoires.

L'ouvrage est tendu vers un but, faire comprendre à ses contemporains pourquoi Claude Farrère aimait tant la Turquie.

Le propos de l'auteur est d'en évoquer le jadis, le naguère.

Et de lui rendre un hommage venu de tous les temps !

Le premier texte, éponyme, est le chant d'Abdullah, fils d'Abdullah, chanteur par droit héréditaire de toutes sortes de contes et de dictons.

C'est le récit, aux moulures orientales, des aventures d'Achmet Pacha qui reçut, du Sultan Magnifique, la mission de délivrer seul le grand roi franc François des geôles de Don Carlos de Castille, cinquième du nom, roi des Espagnes et soi-disant empereur de toutes les Allemagnes ...

C'est un récit de jadis qui rapporte aux premiers temps de l'amitié franco-Turque.

Le second texte, venu de naguère, est un ensemble de sept lettres envoyées à Paris, pour Mme Simone de la Cherté, par la princesse Seniha Hâkassi-Zadeh ...

Il y est beaucoup question de politique, mais le propos principal en reste pourtant la condition féminine.

La troisième partie, qui se veut de tous temps, est un ensemble de cinq textes :

- "Conscience Turque" est une anecdote vécue par le yachtman Claude Farrère qui en dit long sur l'honnêteté et le sens de l'honneur Turcs ...

Puis viennent "une histoire de chat" et "une histoire de chiens" parce que sur les vaisseaux de la République, on est, comme dans les villes de Turquie, bon pour les bêtes ...

- "Tripolitaine", dédié au capitaine de vaisseau Pierre Loti, voit trois générations de soldats turcs jeter dans la panier ottoman leur courage, leur fierté et leur amour de la liberté ...

- "Celui qui est mort", Arif Bey, était un ami de Claude Farrère.

Le premier était capitaine d'état-major, aide de camp de sa majesté impériale, le sultan Abd-Ul-Hamid II, le second officier de quart à bord d'un vaisseau français.

Le second avait surnommé le premier "Portici", l'homme qui a fait parler la muette, car d'une adorable athénienne, dédaigneuse et silencieuse, il avait su délier la langue ...

Le livre se referme sur une magnifique et tragique histoire d'amour.

Il est écrit magistralement.

Si il est éminemment politique, engagé et partial, il est avant tout un cri d'amour vers le grand peuple de Turquie.

Et son propos est moderne, fin et sensible.

Il vient se replacer de lui-même dans une chaude actualité, car déjà, hier, comme aujourd'hui, la parole de l'Europe avait failli à cette Turquie qui se veut de notre continent ...





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L'homme qui assassina

Lu par daphné du maurier
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L'homme qui assassina

En avril 2013, dans son superbe ouvrage "un roman turc de Claude Farrère", Gisèle Durero-Köseoglu dit de "l'homme qui assassina" qu'il est le roman de l'ombre et de l'errance.

Claude Farrère, dans son livre, dit de Constantinople qu'elle est la capitale délicieuse de l'oubli.

Le colonel Renaud de Sévigné a quarante-six ans.

Il est attaché militaire français à Constantinople.

Il y a retrouvé Mehmed Djaleddin qu'il avait autrefois soustrait à un destin funeste en le faisant embarquer* à bord de"la feuille de rose", le bâtiment sur lequel il était alors officier en second.

Le fuyard d'hier est aujourd'hui devenu un homme puissant.

Renaud de Sévigné est une sorte d'espion mondain.

Ses soirées sont accaparées par les dîners et les corvées frivoles.

Mais jusqu'au "five o'clock, il peut longuement, par grandes flâneries fantasques, de la Porte du Sérail aux Murs, et de la Corne d'Or à Marmara, découvrir les beautés secrètes de "Stamboul".

Bientôt le voilà tout féru des turcs et de la Turquie.

Il est guidé dans ses vagabondages par lady Falkland avec laquelle il court, bras dessus bras dessous, les ruelles de la vieille ville.

Il y a ses coins préférés : l'esplanade de Suleïmanié-Djami, la cour cloitrée de la mosquée de Sélim, une arche d’aqueduc, toute habillée de lierre, qui enjambe une minuscule rue, à deux pas du fameux quartier d'Aboul Vefa, une vieille place dallée où se dresse une mosquée décrépite qu'on appelle la mosquée des Tulipes, et le plus adorable des petits cafés turcs, celui de la Mahmoud Pacha Djami, tout enseveli sous d'immenses platanes....

Mais sa compagne d'errance vit un drame, une triste histoire très banale.

Elle est mal mariée.

Elle ne daigne rien reprocher à son mari sinon qu'il la hait et qu'elle le hait.

Elle se moque de son propre sort mais elle est seule à aimer son enfant.

Son mari, par égoïsme et vanité de race, veut, avec l'aide d'une étrangère, lui enlever le dernier objet de son amour par un divorce ignominieux.

Ce drame va glisser inexorablement vers une tragédie...un meurtre sera commis...

Ce roman est un morceau important de notre littérature.

C'est un véritable tableau, une peinture saisissante de la Turquie du début de ce vingtième siècle.

Il est est à la fois très moderne - il montre une Turquie étranglée par l'Europe du fait d'une dette étouffante - et très classique - par son propos et dans sa forme.

Il exalte une Turquie ancienne.

Il fait une description flatteuse mais non complaisante du peuple turc.

Ce grand roman, au style élégant et vivant, a donné naissance à de nombreuses adaptations de tous genres : une pièce de théâtre écrite, en 1913, par Pierre Frondaie, un film, en 1930, avec dans les deux rôles principaux Marie Bell et Jean Angelo, une bande-dessinée, réalisée par rémy Bourlès et publiée de manière posthume en 2003...

Ce roman prouve une fois de plus, s'il en était besoin, que Claude Farrère, malgré qu'il soit un peu oublié, reste une des grandes plumes de notre littérature.



* voir "la sonate à la mer" - dans la première nouvelle "nuit turque, l'an 1322..." - Or, en fin de printemps, il advint, cette année là, à notre aviso "le Vautour" de mouiller, sans qu'on sût pourquoi sur rade de Corfou... -



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L'homme qui assassina

J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce roman. Pourtant l'écriture est là, opulente, érudite, comme l'est la description de ce monde disparu, une ville richement décrite (Stanboul, Istamboul, Costantinople) au début du 20ème siècle dans le monde feutré des ambassades, monarques, soldats et autres espions... Mais on est comme un touriste qui ne fait que passer, survoler les lieux et les ombres, sans émotions, extérieur même pas voyeur...

De mon point de vue, le roman commence avec la rencontre d'avec lady Falkland. C'est là le cœur du roman, là où battent les coeurs... C'est à ce moment que les personnages prennent vie, leur réalité, leur ampleur, que la méchanceté des uns et l'esprit chevaleresque des autres prennent corps. Et là où les longues descriptions du début me laissaient "au bord de la route", les décors se découvrent alors eux aussi une existence où l'on prend plaisir à s’abîmer, où on se surprend à éprouver de l’empathie pour cette pauvre mère et épouse...

Mais sans doute que l'auteur avait autre chose en tête. La mort évoquée dans le titre ne prend par exemple au final que moins d'une page.

Reste une jolie tragédie et une collection de personnages réellement romanesques.

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L'homme qui était trop grand

Mais quel personnage de l'Histoire de France peut donc être cet homme qui était trop grand ?

Ce livre est un roman historique écrit à quatre mains.

Deux grands écrivains puissant, en 1936, ont associé leur plume alerte et suggestive, se sont installés à l'écritoire : Claude Farrère et Pierre Benoît.

Octobre 1587, la reine Catherine de Médicis est une vieille dame.

Son fils, Henri III, le seul qu'elle ait vraiment aimé, règne sur un royaume rongé par les querelles, les fanatismes, les délires accumulés et déchaînés.

S'y livre une lutte féroce entre les catholiques et les huguenots, entre les hommes d'état et les hommes d'épée, entre les hommes d'intrigue et les hommes de cour.

Zita de Santarem, pupille du vieil ambassadeur d'Espagne et fille d'honneur de Catherine de Médicis, se lance sur la route d'Espagne escortée par François de Liancourt, un jeune gentilhomme lorrain qui est de fait un peu ligueur.

Leur route va croiser celle de Savinien de Reversac, gentilhomme gascon, appartenant donc au parti du béarnais Henri IV ...

Le livre est dédié à Alexandre Dumas.

Il sera dit qu'après lui, chaque ouvrage du genre comme semblant lui devoir droit d'auteur, devra lui attirer une dédicace.

Pourtant ici, pas d'excès, ni de tromperies.

Même si l'enfant est magnifique, il n'a pas été question de violer l'Histoire pour le concevoir.

Le récit est précis et fourmille de détails.

Mais il n'est posé que sur très peu de contexte.

Les deux auteurs sont en territoire connu.

Ils se lancent sans barguigner dans le coeur du sujet.

La reconstitution historique est flamboyante : la bataille de Coutras, celle qui fit du béarnais l'homme puissant du royaume ; la cour d'Espagne ; Paris en rébellion, Paris hérissée de barricades d'un genre nouveau ...

Les personnages sont peints de la meilleure huile, sont sculptés du meilleur ciseau.

Ils ont, pour l'instant de quelques pages, repris vie.

Claude Farrère et Pierre Benoît se permettent même de lancer un croche-pied : "pas un historien français n'a compris cette assez grande reine qu'était Catherine de Médicis".

Voilà qui est dit !

Voilà qui est expliqué ...

Le livre est dédié aux quarante-cinq,

à Monsieur d'Angleretz, dit Chicot, fou du roi qui, ni difforme, ni bossu, fût pourtant le meilleur et le plus hardi dans le rôle,

à Monsieur Maurice Maindron, spécialiste des costumes et des armes anciennes,

à Monsieur Alexandre Dumas, premier du nom,

et au longanime roi Henri, quatrième ...

Il n'a pas été dédié à Henri le balafré, montré comme un félon, un traître prêt à brader le royaume de France pour quelques milliers de livres ...

Des deux mêmes auteurs, en 1936, deux autres romans historiques, "Frère Jacques" et "Le cavalier sur le pont", étaient en "préparation", et qui ne semblent jamais être parus.

Quel dommage ...
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L'homme seul

Voilà un livre que l'on pourrait croire sorti tout droit du "grenier", l'antre où Edmond de Goncourt se plaisait à recevoir chaque dimanche les grands écrivains de son époque.

Claude Farrère n'y était pas un assidu.

Mais il est décrit comme un occasionnel dans le livre "Mes Goncourt" de Pierre Descaves.

De nombreuses années plus tard, en plein milieu de la seconde guerre mondiale, aurait-il écrit ce roman pour y réaffirmer son attachement ?

"L'homme seul" est l'histoire d'un écrivain.

C'est un roman composé de trois parties : "l'essor", "plein vol" et "la foudre".

Gilles Auxerre est né à l'improvisade.

Le siècle XIX est fini.

Le siècle XX commence à peine.

Le jeune homme veut, par amour, forcer la chance, et la lettre.

Il va écrire trois premiers livres qui comptent : "la chanson de la vie", "les combattants" et Féroce comédie".

Reconnu comme le premier de sa génération, il n'arrivera pas à écrire le quatrième qu'il désirait situer au delà de la matière et du mouvement ...

"L'homme seul" est l'histoire tragique d'une vie gâchée.

C'est un roman un peu long et fastidieux par moments.

On n'y ressent pas la force que Claude Farrère sait d'habitude insuffler à sa littérature.

De plus l'élégance semble avoir quitté sa plume.

On pressent derrière elle un écrivain fatigué, un homme vieillissant se rapprochant d'un dieu que jusqu'ici il avait dédaigné.

De plus, les personnages féminins ne sont pas épaissis, ce qui donne au récit comme un air bancal.

Le récit peut apparaître comme lent et monotone.

Mais la dernière page refermée, le lecteur que je suis s'est senti récompensé de ne pas avoir calé dans sa lecture.

Car, au final, malgré ses défauts, ce roman est un livre dense, une parabole tragique sur l'incertitude de la condition humaine.

Lorsque un destin trébuche toute sa vie durant contre une foule de menues trahisons, dont la somme empoisonnerait la vie du philosophe le plus stoïque ...

La dernière partie du roman est certainement la plus réussie des trois.

Son triste épilogue est de ceux qui relancent l'intérêt.

Et puis, de passage dans le Cotentin, dans sa dernière errance entre la Hague, Barfleur et Martinvast, Gilles Auxerre y rencontre un homme de nombres, de droites et de courbes, Vincent Tyrosse, professeur de mathématiques au lycée de Cherbourg ...

De retour au "pays" pourquoi alors bouder son plaisir ...





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