Jusque là, Claudine Desmarteau réservait son talent au monde de la jeunesse mais depuis avril, c’est avec son premier roman pour adultes qu’elle fait parler d’elle. Comme Cécile Coulon ou Adeline Dieudonné, c’est avec les éditions L’Iconoclaste que cette plume féminine prend son envol.
Comme des frères raconte l’histoire d’un groupe de potes comme il en existe tant. Ils s’appellent Kevin, Idriss, Ryan, Thomas, Lucas, Saïd ou encore Raphaël, notre narrateur. Une fine équipe de collégiens qui se débat avec les problèmes d’adolescents ordinaires : les amours, le sexe, la réputation, la coolitude, les devoirs…
Puis, y’a Quentin « Queue-de-Rat », celui dont on se fout à la récré ou à la fin de l’école pour sa coiffure de loser, celui qui pue des mains et qui comprend rien à la vie. Quentin et sa sœur jumelle, Iris, aux yeux d’abîmes.
Puis, y’a l’accident, la connerie qui reste sur la conscience et bousille l’existence.
Dans son premier roman, Claudine Desmarteau se met dans la peau d’un adolescent mal dans la sienne et rongé de remords. Raphaël ne nous dit pas tout, il tourne autour du pot, il esquive, il reporte à plus tard, il entretient le suspense jusqu’au bout.
Pour lui, le drame a détruit sa jeunesse, anéantit ses souvenirs d’un temps d’insouciance, de liberté et d’invincibilité. C’est un drame banal, pas un truc incroyable ou crade. Non, juste une connerie qui le prive d’un ami et, certainement, d’une autre vie.
Comme des frères, c’est le journal intime d’un collégien qui goûte la vie avec une bande de potes comme la nôtre. C’est l’écriture dans ce qu’elle a de plus brute et authentique, comme un coup de poing dans une porte.
C’est aussi un style qui sait s’adapter et changer, passer de dialogues crus et enlevés à des introspections lyriques qui débordent par le cœur et par les lèvres. Claudine Desmarteau, c’est tout ça à la fois.
Mais c’est aussi le scalpel. Le scalpel d’une plongée dans l’adolescence et dans ses drames, dans le harcèlement scolaire et la cruauté de cet âge-là, dans le fardeau parental et dans les rancœurs qui se terrent.
La force de Comme des Frères, c’est de capter l’adolescent dans ce qu’il a de tendre et de moche à la fois, sans faire le tri, en montrant tout. Les concours débiles à la Jackass aux émois amoureux qu’on ose pas dire en passant par les soirées-beuh loin du monde et des autres.
Au centre, Raphaël incarne tout ça. Avec le mal et le bien, avec un recul sur le chemin qu’il a emprunté et ceux qu’il a loupé. C’est le point de vue du harceleur qui s’ignore et du bon pote qui merde, c’est le point de vue de l’amoureux transi et du puceau qui utilise une fille pour devenir un homme.
Un personnage détestable ? Adorable ? Non, juste humain, comme tous les autres, tous ceux qu’on pourrait qualifier de ratés et de cancres, qui font rire et qui émeuvent mais qui, au fond, peuvent aussi être de sales cons.
Y’a de tout dans le roman de Claudine Desmarteau, mais surtout de la compassion pour la jeunesse, de la mélancolie pour l’innocence, de la tendresse pour les imbéciles.
Le remord, la beauté perdue et la simplicités des choses, tout se mêle dans la tête de Raphaël, entre Death Note et les voyages en Bretagne, entre son amour pour Iris et sa bande de potes qu’il pensait éternel.
Mais rien n’est éternel, tout passe.
Même la vie.
Exploration redoutable de l’adolescence, Comme des frères plonge tête la première dans les turpitudes de cet âge pour en extraire ce qu’il a de plus humain, de plus con et de plus sale, de plus beau et de plus mélancolique.
Claudine Desmarteau vole et virevolte, authentique et poignante, et nous fait redevenir gamin l’espace d’un roman et d’un mauvais tournant.
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