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Citations de Clément Rosset (218)


C’est le thème, à la fois stoïcien et nietzschéen, du retour éternel, qui vient paradoxalement combler le présent de tous les biens dont le prive la duplication métaphysique.
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[Selon Hegel] L’autre monde est invisible parce qu’il est précisément doublé par ce monde-ci, qui interdit de le voir. Si ce monde-ci différait un tant soit peu du monde suprasensible, ce dernier serait en quelque sorte plus tangible : on pourrait le repérer dans l’écart même qui le ferait différer du monde sensible. Mais justement, cet écart n’est pas.
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Il arrive toutefois […] que l’imitation soit si bien réussie qu’elle en vient à ne plus pouvoir se distinguer de son original, en sorte que l’autre monde n’est autre que ce monde-ci, sans qu’on renonce pour autant à l’idée selon laquelle ce monde-ci demeure bien la copie de cet autre monde, lequel n’en diffère pourtant en rien. Cette version particulière de l’autre monde définit assez précisément la structure de la métaphysique de Hegel, dont le nouveau est de faire coïncider ce monde-ci et ce monde-là, obtenant ainsi – au prix d’une réitération tautologique – un « concret » apparemment délivré de l’illusion métaphysique, puisqu’il contient déjà lui-même tous les caractères qui définissent également l’autre monde.
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[…] le platonisme n’est pas une philosophie du double, mais bien une « philosophie du singulier », fondée précisément sur l’impossibilité du double.
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En somme, la profondeur et la vérité de la parole oraculaire sont moins de prédire le futur que de dire la nécessité asphyxiante du présent, le caractère inéluctable de ce qui arrive maintenant.
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[…] c’est l’événement réel qui est, finalement, l’ « autre » : l’autre c’est ce réel-ci, soit le double d’un autre réel qui serait lui le réel même, mais qui échappe toujours et dont on ne pourra jamais rien dire ni rien savoir.
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Il est évident qu’il n’y a pas de destin ; il est également évident qu’il y a, en l’absence de tout destin, ruse, illusion et tromperie. Celles-ci ne pouvant être imputées à un destin irresponsable puisque non existant, il reste à en chercher l’origine dans un lieu plus responsable et plus tangible.
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Qui triche aux cartes triche en tout.

La réussite, p. 41
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L’une des grandes bizarreries de Freud est sa tendance à exonérer de toute responsabilité les pères. Freud, comme vous le savez, entretenait lui-même avec son père une relation complexe et insolite. Par exemple, il a mis des années avant d’oser voyager jusqu’à Rome, car il associait le pape au père, et redoutait de vouloir l’assassiner ; une fois, il a même été extrêmement troublé au bord du lac Trasimène, car il s’est identifié à Hannibal, qui avait remporté en ces lieux une victoire éclatante et voulait renverser César. Non seulement Freud a caviardé l’histoire d’Œdipe en ne mentionnant pas le crime de Laïos, mais il a fait la même chose dans un chapitre célèbre de ses Cinq psychanalyses à propos du du président Schreber.
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Autrement dit, l'accomplissement d'un désir n'a de sens que s'il est accompagné de la perspective de mille autres accomplissements du désir.
p.20
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Clément Rosset
Aujourd’hui on parle beaucoup de l'individualisme. C’est justement montrer que ce n’est pas chacun pour soi, mais de se demander qu’est-ce qui, chez nous, ne ressemble pas aux autres. C’est ce qu’il faut essayer de penser, avec le réel en général. La simplicité, c’est ce qu’il y a de plus difficile.
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Cette théorie du Vouloir manifeste une opposition directe avec la tradition intellectualiste de la philosophie antérieure et contemporaine de Schopenhauer, depuis Platon jusqu’à Hegel. Le primat du Vouloir sur les représentations intellectuelles représente une rupture d’importance inestimable dans l’histoire des idées. Non que cette rupture soit entièrement nouvelle : les philosophes et les écrivains classiques avaient déjà analysé tel ou tel aspect de la primauté de la « passion » sur le « jugement » ; mais Schopenhauer est le premier à fonder et à systématiser cette primauté du Vouloir sur l’« Esprit ». Auparavant, il s’agissait seulement d’« accidents » de l’esprit, de cas singuliers où l’esprit, victime de l’amour-propre ou de quelque autre puissance affective, perdait momentanément sa suprématie de droit. Pour Schopenhauer, au contraire, la suprématie de droit revient au Vouloir, qui gouverne tout, et toujours : ce qui était l’exception devient la règle. C’est là le premier de ces renversements de valeurs qu’allait instaurer la philosophie de Nietzsche, et Schopenhauer, très conscient de son originalité, s’explique lui-même de manière précise à ce sujet : « Je vais commencer, écrit-il au début des Suppléments au deuxième livre du Monde, par produire une série de faits psychologiques d’où il résulte que dans notre propre conscience la volonté se présente toujours comme l’élément primaire et fondamental, que sa prédominance sur l’intellect est incontestable, que celui-ci est absolument secondaire, subordonné, conditionné. Cette démonstration est d’autant plus nécessaire, que tous les philosophes antérieurs à moi, du premier jusqu’au dernier, placent l’être véritable de l’homme dans la connaissance consciente : le moi, ou chez quelques-uns l’hypostase transcendante de ce moi appelée âme, est représenté avant tout et essentiellement comme connaissant, ou même comme pensant ; ce n’est que d’une manière secondaire et dérivée qu’il est conçu et représenté comme un être voulant. Cette vieille erreur fondamentale que tous ont partagée, cet énorme πρώτον Ψεύδος, ce fondamental ΰστερου πρότερου doit être banni avant tout du domaine philosophique, et c’est pourquoi je m’efforce d’établir nettement la nature véritable de la chose ».

La philosophie de Schopenhauer est la première à poser comme absolu le conditionnement des fonctions intellectuelles par les fonctions affectives ; la première à considérer comme superficielle et comme « masque » toute pensée dont les termes veulent rester sur le plan de la cohérence logique et de l’« objectivité ». « Tout ce qui s’opère par le medium de la représentation, c’est-à-dire de l’intellect – celui-ci fût-il développé jusqu’à la raison – n’est qu’une plaisanterie par rapport à ce qui émane directement de la volonté ». La philosophie de la volonté inaugure l’ère du soupçon, qui recherche la profondeur sous l’exprimé, et la découvre dans l’inconscient.
(...)
La thèse de Schopenhauer selon laquelle « l’intellect obéit à la volonté » représente donc le point de départ d’une philosophie généalogique (Marx et Nietzsche), ainsi que d’une psychologie de l’inconscient (Freud). L’une et l’autre existent d’ailleurs chez Schopenhauer à l’état d’ébauche, un peu dissimulées mais présentes sous l’appareil conceptuel pseudo-classique.
(...)
De manière générale, il apparaît que la théorie du primat du Vouloir est riche d’une série infinie de prolongements, qui se confondent avec la meilleure part de l’histoire de la philosophie postérieure à Schopenhauer. L’idée qu’il n’y a pas d’intellectuel en tant que tel, pas de pensée qui ne se rattache à des motivations inconscientes, a son origine chez Schopenhauer. La multiplicité et la maladresse des emprunts à la philosophie classique ne doivent pas faire oublier cette originalité décisive. Si la théorie de la « représentation » est issue de Kant, celle de la « volonté » est entièrement neuve ; les seuls précurseurs de Schopenhauer en la matière ne sont pas des philosophes, mais deux physiologistes français de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècles, Cabanis et Bichat. Les théories « vitalistes » de ces deux médecins-philosophes rompaient, comme on sait, avec les interprétations mécanistes et quantitatives de la physiologie empiriste. Le génie de Schopenhauer est d’avoir découvert la portée de ces considérations physiologiques, en les introduisant dans le domaine philosophique. Au rationalisme succède, dès lors, un volontarisme irrationnel : c’est Schopenhauer qui inaugure la critique de la raison classique, en lui opposant cette intuition iconoclaste de la toute-puissance du désir, même dans le domaine des pensées. Intuition terrible, contre laquelle n’ont cessé de lutter, depuis Schopenhauer, toutes les philosophies soucieuses de sauvegarder l’indépendance de la raison et l’autonomie de la liberté, non pas, comme elles se le prétendent à elles-mêmes, par recherche sereine d’objectivité, mais par secrète volonté morale. Ce n’est pas par hasard que Sartre maintient dans sa philosophie le mythe de la responsabilité intégrale, ni que la plupart des idéologies progressistes se recommandent du rationalisme. Schopenhauer l’avait prévu, et découvert avant Nietzsche : pour bien servir la volonté, rien de plus utile que les idées. (chap. I)
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Dans le cas de Boubourouche, le fait qu'Adèle ait dissimulé un amant et le fait qu'il soit cocu deviennent miraculeusement indépendants l'un de l'autre. Descartes dirait que l'illusion de Boubourouche consiste à prendre une "distinction formelle" pour une "distinction réelle" : Boubourouche est incapable de saisir la liaison essentielle qui unit dans le cogito, le "je pense" au "je suis", liaison modèle dont une des innombrables applications apprendrait à Boubourouche qu'il est impossible de distinguer réellement entre "ma femme me trompe" et "je suis cocu".
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L’homme du remords croit qu’il « aurait pu » agir autrement, qu’il lui aurait été possible d’éviter l’acte qui hante sa conscience - alors qu’en réalité, dit Schopenhauer, c’est une voix sourde qui lui dit : « Tu devais être un autre homme !» De même, lorsqu’il hésite sur la conduite à tenir, il s’imagine avoir devant lui mille possibilités offertes ; mais c’est seulement parce qu’il ne sait pas encore l’homme qu’il est - et il ne l’apprendra qu’en agissant. Il sera toujours trop tard pour la liberté.
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Pourquoi y a-t-il de l’être et non pas rien ? Pourquoi cet être a-t-il des tendances ? Questions absurdes, mais surtout questions déplacées dans un monde où la causalité n’est que mirage : le monde est muet.
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P. 43 Il existe ainsi une espèce de nombreux faux sages qui n'accèdent à la paix de l' âme que par le fait d'une sorte d'anesthésie générale à l'égard de la réalité, d'une insensibilité au réel qui les rend incapables de craindre comme de désirer ; tel par exemple Paul Valéry, qui en convient lui-même : "Je confesse que j'ai fait une idole de mon esprit, mais je n'en ai point trouvé d'autre." On ne saurait mieux dire que l'intérêt porté à la seule intelligence est la traduction d'une incapacité à s'intéresser à quoi que ce soit, - incapacité dont Bouvard et Pécuchet font, avant Valéry, la dure expérience, propre à rappeler, encore une fois, le lien subtil mais tenace, qui rapproche, bon gré mal gré, l'intelligence pure de la bêtise absolue.
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On peut rêver contre la logique, mais aussi contre sa propre pensée.
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L’ensemble des événements qui s’accomplissent – c’est-à-dire la réalité dans son ensemble – ne figure qu’une sorte de « mauvais » réel, appartenant à l’ordre du double, de la copie, de l’image : c’est l’« autre » que ce réel a biffé qui est le réel absolu, l’original véritable dont l’événement réel n’est qu’une doublure trompeuse et perverse.
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Rien de plus fragile que la faculté humaine d'admettre la réalité, d'accepter sans réserve l'impérieuse prérogative du réel. Cette faculté se trouve si souvent prise en défaut qu’il semble raisonnable d’imaginer qu’elle n’implique pas la reconnaissance d’un droit imprescriptible – celui du réel à être perçu – mais figure plutôt une sorte de tolérance, conditionnelle et provisoire. Tolérance que chacun peut suspendre à son gré, sitôt que les circonstances l’exigent : un peu comme les douanes qui peuvent décider du jour au lendemain que la bouteille d’alcool ou les dix paquets de cigarettes – « tolérés » jusqu’alors – ne passeront plus. Si les voyageurs abusent de la complaisance des douanes, celles-ci font montre de fermeté et annulent tout droit de passage. De même, le réel n’est admis que sous certaines conditions et seulement jusqu’à un certain point : s’il abuse et se montre déplaisant, la tolérance est suspendue. Un arrêt de perception met alors la conscience à l’abri de tout spectacle indésirable. Quant au réel, s’il insiste et tient absolument à être perçu, il pourra toujours aller se faire voir ailleurs.
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Que la passion ne soit pas d’essence amoureuse, que l’amour ne soit qu’un cas particulier et marginal de l’empire des passions, c’est là un fait dont témoigne éloquemment ce catalogue des passions que constitue la Comédie humaine de Balzac, qui n’accorde qu’une portion congrue à la passion amoureuse.
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