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Critiques de Delphine de Vigan (5516)
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Rien ne s'oppose à la nuit

Je n'ai pas du tout aimé ce livre, à telle enseigne, — et vous m'accorderez que c'est un cas rarissime me concernant — que je n'ai même pas trouvé la force de le lire complètement. Ce que j'en ai lu m'a suffisamment déplu pour me pousser à le refermer à jamais sans espoir de retour.



Dès mon tout premier survol, j'y ai de suite retrouvé tout ce que je déteste chez Annie Ernaux : écriture plate dénuée de tout ce que j'aime en littérature, sujets volontiers racoleurs, dissertation creuse et pseudo métaphysique sur son puissant " travail d'écrivain ". Elle a donc sagement fait attention de bien tout recopier de son aînée, mais en prenant le soin d'aller encore un peu plus loin du côté obscur… (C'est normal, me direz-vous, rien ne doit s'opposer à la nuit…)



Comme je suis normalement hostile aux critiques qui disent juste J'AIME / J'AIME PAS sans rien argumenter ou sans rien éclaircir sur le pourquoi de ce ressenti, je vais tâcher d'argumenter. On pourra aisément me rétorquer à chaque argument — ce sera légitime —, que je n'ai aucun droit à me plaindre de tel ou tel élément m'ayant déplu puisque je n'aurai pas lu le texte dans son ensemble ni l'intégralité du contexte dans lequel cet élément textuel se situait. Et au sens strict, on aura raison de fustiger une telle critique.



J'ai fortement hésité à écrire une critique sur un livre que j'ai lâchement abandonné. En ai-je réellement le droit ? Pas évident. Cependant, ce sur quoi j'ai quelques droits et quelques certitudes, c'est sur mon ressenti de lecture, qui lui peut s'exprimer à n'importe quel stade de la découverte d'une oeuvre écrite, même si la découverte n'est que partielle. Un site de partage littéraire comme Babelio a toute sa raison d'être justement si tous les avis s'y expriment. Certes, je n'ai pas lu le livre en entier, mais d'un simple point de vue statistique, ce que j'ai éprouvé d'autres peuvent l'éprouver également. C'est pour eux que j'écris ce qui suit, pas pour les nombreux aficionados qui ont dévoré goulûment ce livre et qui ne changeront pas d'avis après avoir (éventuellement) lu cette contribution mineure.



Pour être tout à fait honnête, j'avais un a priori très négatif d'emblée sur ce livre. Si j'y suis venue, c'est par l'entremise de quelqu'un qui m'est aussi cher que proche et qui a beaucoup aimé Rien Ne S'Oppose À La Nuit. Un gros succès éditorial, des gens que j'estime qui sont conquis, cela méritait sûrement d'essayer de passer outre mes a priori. Voilà comment j'abordais cette lecture : direction bibliothèque municipale. (Pas folle la guêpe, pas envie de laisser le moindre centime là-dedans avant de m'être forgée ma petite idée. Si le livre est vraiment bon, il sera toujours temps de l'acheter ensuite.)



Me voici donc au sortir de la grande médiathèque, moi, petite, frêle, avec un gros pavé sous le bras. L'examen de la quatrième de couverture ne me laisse rien présager de bon. Je l'ouvre par hasard à la page 84. le passage que j'y ai découvert allait prendre une très grande importance dans mon ressenti général. Je vous le retranscris tel quel avec seulement des parenthèses où le NB signifie Nastasia-B :



« L'homme que j'aime, dont l'amour se heurte parfois à mes absences, s'est inquiété, il y a quelque temps, de me voir entreprendre ce travail. (NB : il s'agit donc d'un travail. Travail, au sens commun, rime avec rémunération et salaire, je tiens à le préciser.) C'est ainsi en tout cas que j'ai interprété sa question, posée avec une certaine prudence : avais-je besoin d'écrire ÇA ? (NB : normalement ce « ça » ainsi que le suivant est en italique, mais je n'ai pas la possibilité de le restituer.) Ce à quoi, sans hésitation, j'ai répondu que non. (NB : c'est donc qu'aussi bien elle que ses proches perçoivent le côté voyeur, racoleur, indécent ou impudique de la chose, comme le nez au milieu de la figure.) J'avais besoin d'écrire (NB : exutoire ou salaire ? That is the question.) et ne pouvais rien écrire d'autre (NB : tellement absorbée par le sujet ou en panne totale d'inspiration pour autre chose, un vrai roman par exemple ? That is another question.), rien d'autre que ÇA. La nuance est de taille ! (NB : effectivement, la nuance ou plutôt les nuances sont de taille, je confirme.)

« Ainsi en avait-il toujours été de mes livres, qui au fond s'imposaient d'eux-mêmes, pour des raisons obscures (NB : oui, très obscures) qu'il m'est arrivé de découvrir longtemps après que le texte eut été terminé. (NB : probablement en fonction des succès remportés par les ventes !) À ceux qui redoutaient les dangers que pouvaient représenter pour moi un tel chantier, si peu de temps après la mort de ma mère, je répondais avec assurance que non, pas du tout, mais enfin, pensez-vous. (NB : vous aurez remarqué au passage la grande richesse de plume de cette « auteure ».) Je sais aujourd'hui — alors que je ne suis même pas encore à la moitié du vaste chantier dans lequel je me suis empêtrée (j'ai failli écrire : du vaste merdier dans lequel je me suis foutue) — combien j'ai présumé de mes forces. (NB : là, pas d'erreur, vous êtes convaincus, nous avons affaire à une grande écrivaine au style incomparable qui imprimera de son sceau la littérature française pour des siècles et des siècles.) »



Après ce passage introductif, j'en viens aux deux points principaux qui me dérangent avec cette marchandise livresque. Premièrement, les motivations de l'« auteure ». (J'ai mis des guillemets, ce n'est pas une erreur de frappe, ne m'en veuillez pas.) En effet, à l'ère de l'internet, lorsqu'on a un gros truc sur la patate, un besoin irrépressible de partager avec autrui des moments forts ou pénibles, il y a un moyen phare, largement ouvert et diffusé sur la planète entière, totalement libre et gratuit qui s'appelle le blog (ou toute forme apparentée).



Si je cherche à faire éditer un livre, c'est que mes motivations sont différentes. Soit j'ai quelque aspiration à la gloire et à la renommée, soit je compte en vivre et donc me faire de l'argent avec, soit je considère que ce que j'écris est réellement une oeuvre d'art, soit — ce qui est pire encore — un mélange des trois. En fait ces motivations ne me dérangent pas à partir du moment où l'on a affaire à un véritable artiste, quelqu'un qui a un talent de plume rare, suffisamment exceptionnel pour justifier et de la renommée et des retombées financières.



Oui, excusez-moi de penser ce que je pense Delphine de Vigan, mais vous ne m'empêcherez pas de penser qu'il y a une motivation cruellement commerciale là-dedans. Si vous vouliez vraiment partager (je précise qu'en langue française le mot « partager » signifie prendre partie avec, en même temps que d'autres, comme un repas, une conversation…), le blog eût été le meilleur support. le respect d'une mère, est-ce de l'étaler sur la place publique et de se faire payer pour cet étalage ?



À partir du moment où vous émettez sans recevoir, ce n'est pas un partage, et à partir du moment où vous vendez ce que vous émettez, cela s'appelle du commerce. du commerce de quoi ? de vie privée. Vie privée de qui ? Même pas la vôtre seulement. C'est-à-dire que non seulement vous vous arrogez des droits sur la vie privée de votre mère (la vôtre vous en faites ce que vous voulez, libre à vous) mais aussi sur celle d'autres personnes de la famille. C'est-à-dire que leur vie privée à eux n'est plus privée mais publique, lue et répétée par des milliers de gens (et dans vingt-cinq langues nous précise la quatrième de couverture.)



Que dit votre pudeur ? que dit votre conscience ? que dit votre âme ? chère Delphine de Vigan quand vous vous rendez compte que vous gagnez votre vie sur les détails sordides de votre existence ou de celle de votre mère ? de votre famille ? (J'ai sous les yeux sur un autre onglet d'internet une photo de vous avec un gigantesque sourire tenant votre livre encerclée par des piles et des piles de votre ouvrage, et ça me fait froid dans le dos quand j'y pense.) Ici on fait tinter les trémolos du voyeurisme ordinaire, dont la presse à scandale fait ses choux gras, avec juste ce qu'il faut de retenue, juste ce qu'il faut de précaution et d'habileté mensongère pour faire croire à quelques scrupules, sous couvert d'expérience psychologique.



Pour moi c'est purement et simplement, dans le principe, répugnant et écoeurant. (Fasse l'avenir, ma pauvre maman, que jamais il ne me prenne l'idée de déballer en public tes pauvres travers et tes misérables secrets, ni ceux de tes pères ou frères.) Je vous assure, tous les détails sordides y sont. (Je n'ai pas tout lu heureusement mais quand j'ai survolé le passage de la croûte de camembert sur la joue bleue de la défunte, j'ai reçu mon quota d'irradiation aux rayons Gala, Voici et Closer pour une année complète.)



Mais surtout, ce qui est fort, c'est que Delphine de Vigan, par ces nombreuses considérations sur la gestation de son machin, sur la prouesse de parvenir à faire naître un tel chef-d'oeuvre en exhumant de la matière fétide en putréfaction, voudrait presque qu'on s'apitoie sur son sort d'écrivain, sur sa difficulté, sur son délicat labeur d'écriture, " ouh ! que c'est dur ma pauv' dame ", " oh ! là ! là ! que vous avez dû souffrir à affûter vos adjectifs et à régler tous vos verbes dans ce bourbier-là ! "



Le deuxième point qui me chagrine avec ce livre, je l'ai déjà vaguement évoqué plus haut, c'est son style. Aïe, aïe, aïe ! Que j'ai mal à ma littérature ! Rien Ne S'Oppose À La Nuit…

… effectivement, rien ne s'oppose à la nuit de la littérature française. Alors c'est donc ça la littérature française actuelle ! D'ailleurs j'en profite au passage pour faire une petite remarque aux éditeurs qui eux aussi n'ont que de nobles desseins et aucune vue financière.



Je ne sais pas pour la version de poche, mais sur celle de grand format, sous le titre, en première de couverture, est écrite l'appellation « roman ». Je suis désolée de pinailler de la sorte mesdames et messieurs les éditeurs de JC Lattès, mais à ma connaissance, ce type d'écrit doit être catégorisé sous l'étiquette « témoignage » ou « récit autobiographique » mais assurément pas de roman. Pardonnez-moi, mesdames et messieurs les éditeurs, mais cela vient du fait que j'ai une trop haute estime du roman pour le laisser salir ainsi. Un roman c'est autre chose que ça, parce qu'un roman, sachez-le une fois pour toute, un roman c'est écrit, un roman ça se compose, ça ne se rédige pas comme un rapport médical ou une note de service.



Je sais bien qu'en français le substantif « écriture » désigne aussi bien l'acte de faire une trace sur un papier comme ce qu'expérimentent les enfants de la maternelle qui apprennent à « écrire » que le travail d'un écrivain. Or ici, il ne peut certes pas s'agir de la seconde acception du terme écriture. Vous voulez un argument ? Okay, transportons-nous, si vous le voulez bien à la page 420 de l'édition grand format, c'est-à-dire à l'un des moments supposés être les plus forts de la narration, celui où l'« auteure » découvre le cadavre de sa mère :



« Lucile était allongée sur le côté, les bras pliés, hors de la couverture, j'ai voulu la retourner mais son corps était raide, résistait, j'ai voulu éteindre la radio branchée sur France Inter, comme depuis la nuit des temps, je n'ai pas trouvé le bon bouton, mes mains commençaient de trembler, j'étais gagnée par une panique progressive et silencieuse, je me suis relevée, je suis allée vers la fenêtre, j'ai ouvert les rideaux, j'ai enlevé mon blouson et mon écharpe, je les ai posés sur sa chaise, j'ai posé mon sac aussi, au pied de son bureau [… etc., etc…] »



Oooooouuuuuhhhhh ! Là ça dépote, les enfants ! Des phrases qui fusent, des verbes qui chantent, des figures de styles sur quatre étages ! Chapeau l'artiste ! Choderlos de Laclos et Flaubert, vous pouvez aller vous rhabiller, Racine et Verlaine, faites dans votre caisse et tremblez car la relève est assurée et c'est pas de la roupie de sansonnet ! Quelle indigence, mes aïeux, quelle indigence… les bras m'en tombent ! Stendhal aurait passé un mois entier à composer le paragraphe de cette découverte, à soupeser chaque gramme de mot chaque atome de syllabe et pourtant c'était un rapide en matière d'écriture. En fait, sur l'ensemble de l'ouvrage, j'avais trouvé le titre pas mal et elle nous révèle que même ça ce n'est pas d'elle, mais un emprunt à l'Osez Joséphine d'Alain Bashung. Aïe, aïe, aïe ! Que j'ai mal à ma littérature ! Rien, absolument plus rien ne s'oppose à la nuit… une nuit sans lune, sans étoile, sans rien.



En somme, l'« auteure » a utilisé sept mots pour donner un titre à sa mixture, je n'en ai pour ma part besoin que de six pour exprimer ce que j'en pense :

— déballage impudique dans un style insipide — Voilà, six mots, pas un de plus et j'ai dit tout ce que j'avais à en dire, tellement c'est beau et combien c'est dense dans l'analyse psychologique.



Des souvenirs me reviennent d'À L'Est D'Eden de John Steinbeck, qui lui aussi abordait beaucoup de points intimes et mettait en scène sa famille, je me souviens de la pudeur, du velours, de la dentelle d'écriture, de la magnifique ouverture et généralisation qu'il avait faite du cas particulier de sa famille à quelque chose de plus vaste et transcendant et c'est là que je mesure toute la différence, tout l'écart, tout l'abîme qui existe entre une oeuvre d'art, fruit du travail d'un authentique romancier et ce machin, cet édredon plat fourré aux vers fétides, cette émanation bassement commerciale sans la moindre parcelle de génie littéraire, ce truc qui passera comme une étoile filante dans les cieux du mois d'août, qui engrangera quelques substantiels bénéfices au passage et que tout le monde se dépêchera d'oublier avant dix ans d'ici.



Aïe ! Que j'ai mal à ma littérature ! Mon coeur se serre, mes jambes se fléchissent, mes genoux touchent le sol en soulevant un léger nuage de poussière qui vient masquer, pour quelques instants, ma tristesse d'avoir levé le voile et posé le regard sur un tel non roman. Bien évidemment, il en faut pour tous les goûts (sans quoi TF1, ARTE et Horse TV diffuseraient le même programme), nombreux(ses) sont mes ami(e)s qui ont adoré ce livre et qui y trouvent mille qualités, mais permettez-moi, en mon seul nom, de ne pas applaudir cette fois-ci.



D'ailleurs qui suis-je pour exprimer ce que j'exprime ? qui suis-je pour juger l'oeuvre d'autrui ? Alors certes, en ce qui me concerne c'est : rien ne s'oppose à l'ennui, mais ce n'est qu'un avis noir, nocturne, aussi ténébreux que l'âme de Judas, c'est-à-dire, pas grand-chose, soyez-en sûrs.



P. S. : je passe évidemment sous silence le fait que cette « auteure » soit la compagne de François Busnel et qu'elle ait accepté que celui-ci en fasse la promotion dithyrambique dans son émission " La Grande Librairie " en 2011. Tout ceci n'ayant aucune espèce de rapport avec un quelconque intérêt commercial de l'entreprise Rien Ne S'Oppose À La Nuit.
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D'après une histoire vraie

C'est parti. Calée devant mon PC.

Une clope. Un thé.

Critique du jour : D'après une histoire vraie.







… …





… … …





Hem…





Euh…



… …





Pfff…



… …



Beuuuh…



Pas inspirée…



La panne dis donc.



Manquait plus que ça.

… …





D'abord c'est la faute à Delphine.



D'après une histoire vraie qu'elle dit.



OK. Mais « vraie » jusqu'à quel point ?



Et puis comment ça « D'après »... Hein ??



Parce que tu vois Delphine, j'ai terminé la lecture de ton dernier roman là, et maintenant… je ne sais pas, je ne sais plus, je suis perdue – hommage fugace à Michel F, je m'égare décidément.



Tu vois Delphine, j'ai peur de n'avoir rien compris. J'ai peur de comprendre. Il se peut que je n'ai pas tout compris. Je ne sais pas si comprendre c'est important, et si c'est important dois-je savoir à quel point c'est important de comprendre ? Faut-il que je réfléchisse encore pour comprendre ? Faut-il tout relire pour comprendre ? Et si j'ai bien compris ce que je crois comprendre j'ai peur de ne plus savoir qui je suis tu vois ? Et puis de toute façon qui suis-je pour comprendre ? Tu comprends ?



Tu vois Delphine, c'est pas bien joli d'embrouiller la tête des gens. J'ai aimé ta prose harmonieuse, tes indiscrétions sur ta soi-disant vie privée, tes digressions séduisantes sur l'amitié, les enfants, la vie à deux, la féminité, l'inspiration de l'écrivain tout ça, mais n'empêche, c'est moche de manipuler comme ça tes contemporains Delphine.



Faut que je te laisse voilà l'ambulance.

Ils ont l'air bien gentil les petits hommes en blanc.



Quand même hein, tu l'as pas complètement volé ton Renaudot Delphine.



L.






Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Les loyautés

Des adultes qui n'en sont pas vraiment.



Et des enfants qui n'en sont plus.



Un livre contemporain. Qui traite de problèmes de notre époque. Réellement.



Ce livre, en peu de pages, parle de beaucoup de choses de manière juste. La maltraitance. L'amour maternel. le couple. L'amitié. L'éducation. Internet. Et surtout de loyautés.



Les loyautés. « Les tremplins sur lesquels nos forces se déploient et les tranchées dans lesquelles nous enterrons nos rêves. »

Cette réflexion sur les loyautés intimes qui sont l'essence de chacun d'entre nous m'a passionné. Chacun sa vision de par son éducation, son milieu social, son vécu. Ces liens intérieurs qui nous définissent et qui, à la fois nous élèvent mais nous ramènent également à la terre ferme, plus ou moins brutalement. Je me suis senti bouleversé par ces mots.



Delphine de Vigan est sacrément douée pour explorer l'intime. L'infime délicat. Ces choses qu'on ne savait pas ressentir avant qu'elle mette un mot dessus.



Un bien joli livre.


Lien : https://labibliothequedejuju..
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Rien ne s'oppose à la nuit

D’emblée, la femme de la couverture est belle. Sa blondeur sage, le col roulé noir, la cigarette à la main… un sourire à peine esquissé et puis ce regard, que vise-t-il ? Vers quel horizon se porte-t-il ?



Oui, d’emblée on est séduit par cette femme, et le titre du récit, Rien ne s’oppose à la nuit, finit de l’enfermer dans un mystère éternel.



Cette femme, c’est la mère de l’auteur, une mère particulière, comme elles le sont toutes pour leurs enfants.



Delphine de Vigan brosse le portrait de sa mère, et de sa famille, remontant les souvenirs comme on remonte un fleuve, avec ce qu’ils charrient de bon et de mauvais. Ces bagages, lourds, légers, qui font le portrait intime et réel des êtres à part.



Lucile est à part. Et l'est restée jusqu'ou jour où elle a décidé de se donner la mort.



L’auteur parle de trouble bipolaire, pour décrire les failles de toute une vie. Je ne sais pas si ce diagnostic filiale est juste, peu importe. Il s’agit du regard d’une fille qui porte le souvenir de sa mère, comme un testament, comme l’exécutrice légale d’une vie bleue-noire.



Il y a des couleurs dans ce récit. Je me suis rappelé Rimbaud avec ses correspondances. Bleue-noire, comme la musique de Bashung qui donne son titre au roman. Bleue-noire comme cette palette de couleurs qui s’impose à moi quand je pense à Lucile, racontée par sa fille. Bleue-noire la vie brûlée par les deux bouts. Bleue-noire comme la culpabilité et la souffrance, et ces épisodes terribles, qu’on lit en s’accrochant aux pages, le vertige accaparant le lecteur comme au bord d’un gouffre d’incompréhension.



Il est de ces récits qui n’entendent pas se laisser résumer. Que dire ? C’est l’exposé-discussion de toute une famille, un matriarcat imposant, une fourmilière de personnalités, joyeuses et débordantes, tristes et heureuses, et au milieu se dresse, lumineuse, la figure de Lucile.



J’ai eu du mal, longtemps après sa lecture, à trouver les mots pour en parler, et je les cherche encore. Je sais juste que j’ai une tendresse immense pour ces personnes qui ne savent pas comment vivre. Et l’on peut avoir toutes les meilleures raisons du monde d’être heureux et comblés, il y a de ces failles qui ne s’expliquent pas comme on le voudrait. Il est de ces failles qui font la beauté et la sensibilité des gens les plus intéressants. Mais qui font aussi leur malheur, ainsi que celui de leur entourage.



J’ai de l’indulgence pour ces failles, qui sont la marque des gens incapables de vivre dans ce monde sans ressentir l’inexplicable poids de toutes les misères humaines. Il n’st pire souffrance que celle qui ne trouvent pas de source rationnelle aux yeux des autres. Comprendre Lucile est la quête de l’auteur, comprendre et se pardonner, lui pardonner peut-être.



Lire ce récit m’a heurtée, parce que je me suis reconnue, toutes proportions gardées, dans quelques traits de Lucile. Cette incapacité à vivre, ces brusques bouffées d’espérances et de folie, avant de mieux sombrer, autant de raison de lui porter la même indulgence que j’ai à mon égard.



La différence, c’est peut-être que j’essaie de changer deux ou trois petites choses, pour ne pas laisser le galion sombrer totalement.



Un récit d’amour pour la Mère, comme la littérature nous en offre quelquefois.
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D'après une histoire vraie

C'est le quatrième livre de De Vigan que je viens de lire,les précédents étaient tous excellents, mais là, celui-là,en un seul mot est Génial.

L'histoire elle-même, est simple.L'écrivaine ,aprés le succès fulgurant de son dernier livre,"Rien ne s'oppose à la nuit",basé sur l'histoire "vraie " de sa mère, est assaillie par le doute,face aux questions du public et de son entourage sur ce qu'elle va bien pouvoir écrire, après un tel succès? Creuser plus encore dans son intimité ou pure fiction?

C'est là,qu'elle fait la rencontre d'une femme étrange,L.,d'à peu près son âge,qui travaille comme négre,dans la vie.Une femme, qui rappelle un personnage de Misery de Stephen King (l'auteur y emprunte notamment des exergues de chapitres qui enflamment d'autant plus l'histoire), qui va s'immiscer dans sa vie comme une sang-sue,à l'insu de toute sa famille et de son entourage, et va vite l'entraîner en panne d'écriture,voire la dépression.Je ne vais pas vous en dire plus,car c'est là le tour de force de l'histoire ,que De Vigan réussit à cent pour cent....

Un livre qui se lit d'un trait,bien que près de cinq cents pages,la tension monte peu à peu,super ambiance Hitchcockienne.Mais au fond il ne s'agit pas d'un roman de suspens,l'enjeu est tout autre, un enjeu intellectuelle et psychologique passionnant.

"Où est la vérité ? Où est la fiction?N'y avait-il pas toujours,dans la fiction une part de nous-mêmes ,de notre mémoire,de notre intimité ?"....

C'est superbement bien écrit dans le fond et la forme,à lire absolument!

Pour ne pas gâcher le plaisir de la lecture mieux vaut éviter les critiques de presse qui dévoilent l'enjeu.
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No et moi

Déjà plus de 150 critiques sur ce roman, il va donc être difficile pour moi d'être originale.

J'aime beaucoup Delphine de Vigan et son écriture, sa manière de décrire la misère et la souffrance de monsieur et madame tout le monde. J'ai retrouvé ça dans No et moi malgré le fait que j'ai lu ce roman en anglais (et qu'il avait subi une traduction).

S'agit-il ici d'un livre pour ado pas sur car Lou est d'une maturité incroyable et tous les adultes peuvent a mon sens apprécier ce livre. L'histoire nous montre le quotidien d'une SDF, ses souffrance et ses difficultés. J'ai été touché par ce thème car malheureusement les sans domicile font partis de notre quotidien, on les voit chaque jour dans les rues et le plus souvent on les ignore ou on tourne le regard en préférant très vite les oublier!

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Les gratitudes

“Michka a largué les amarres “, elle part en maison de retraite avec sa petite bouteille de whisky cachée sous ses pulls. L'attend une nouvelle vie rétrécie mais parfaitement réglée.

Elle a heureusement Marie, qui l'aime, la regarde, l'écoute. Mais la jeune femme est impuissante face à cette femme cultivée, intelligente, réduite par un âge qu'elle peine à accepter.

"Mais je t'ai apporté des livres en gros caractères, tu as essayé ?

-Lesquels ?

-Les livres que je t'ai apportés la dernière fois. Écrits en gros.

-En gros ? C'est pour les vieux ça… Je les ai prêtés au type."



Et puis arrive Jérôme , l'orthophoniste. Il vient aider Michka, car les mots "s'enfouillent... s'enfuitent", elle les perd la nuit, elle en réinvente le jour. Jérôme lutte pour les récupèrer , car "sans le langage, que reste-t-il ?"



Et il y a les gratitudes.....aux personnes qui nous ont vraiment aidés à vivre, à survivre, au prix de sacrifices.....



De Vigan trouve à nouveau un sujet lourd, délicat et émouvant, avec des touches autobiographiques, qu'elle traite avec subtilité et légèreté, agrémenté d'un zeste d'humour, juste ce qu'il faut. J'ai lu les derniers chapitres la gorge nouée, que vous dire de plus. J'aime ce qu'elle écrit.



Je terminerais sur une note personnelle que je partage avec De Vigan ( et sûrement avec beaucoup d'entre vous), puisque les citations ci-dessous sont du livre.

Je trouve injuste qu'on termine nos vies de la sorte, réduite, dépendante, une décrépitude qui fait mal, très mal à l'intéressé, mais tout autant à ses proches. le pire c'est la lucidité......et je sais malheureusement de quoi je parle.

"Comment est-ce possible ?

Est-ce vraiment ce qui nous attend tous sans exception ?

N'y a-t-il pas une déviation, un embranchement,un itinéraire bis qui permettrait d'échapper au désastre ? "

J'espère toujours, et je doute que nos enfants prendront autant soin de nous que nous en avons pris de nos grand-parents, et prenons encore actuellement de nos parents......



"Vieillir, c'est apprendre à perdre".
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Les enfants sont rois

Delphine de Vigan explore les dérives de notre époque en mettant en regard l'un de l'autre deux portraits de femmes. Mélanie et Clara étaient adolescentes au moment du Loft et de l'éclosion de Loana, mais elles viennent de milieux différents, ont reçu une éducation radicalement opposée. Mélanie recherche la célébrité et la lumière, elle adhère sans retenue ni réserve à l'exhibitionnisme ambiant en se réinventant comme influenceuse Youtube à succès. Chaque jour, elle met en scène des vidéos de ses enfants déballant des cadeaux sponsorisés, entre autres. Clara, elle, est en marge de tout cela, en retrait d'une époque qui lui fait peur, ce qui ne l'empêche pas d'être une policière procédurière hors pair. Les deux se rencontrent lorsque Kimmy, la fille de six ans de Mélanie, est enlevée.



On ne peut qu'être d'accord avec l'auteure qui dénonce les pratiques de ces influenceurs qui exploitent leurs enfants par vénalité ou narcissisme. Delphine de Vigan décrit parfaitement les violences invisibles engendrées par cette société du spectacle, dressant un tableau précis, glaçant, parfaitement disséqué. Elle interroge aussi sur la maternité avec pertinence.



Pour autant, je ressors très mitigée de cette lecture. Il me semble que le texte hésite beaucoup trop entre documentaire et fiction, sans vraiment trouver le bon équilibre. Soit cela ne va pas assez loin si l'on est familier des dessous de ces pratiques youtubesques, soit cela manque de romanesque. La partie polar est très plate, le personnage de Clara sans intérêt pour l'avancée du récit. Et au final, la deuxième partie, trop courte, qui aurait pu être très intéressante en nous projetant dans l'après, en 2030, pour voir ce que sont devenus ces enfants surexposés, ne décolle jamais vraiment.



Surtout, j'ai été dérangée par le regard de procureur qui plane au-dessus du texte, en permanence, et transforme le texte en réquisitoire un peu lourd et beaucoup trop moralisateur. Delphine de Vigan déroule sa thèse au bulldozer, sans réelle finesse, elle qui a été si fine dans de nombreux romans. En tant que lectrice, je n'aime pas qu'un roman impose un jugement binaire, j'aime trouver par moi-même, par ma réflexion une place dans le roman. Et là, je me suis sentie piégée, alors qu'encore une fois, je partage totalement le point de vue de l'auteure. Bref, ce roman manque terriblement de distance, de complexité, d'humour sans doute aussi pour lui enlever son aspect empesé.



Je précise que mon avis est à contre-courant des autres plutôt très positifs. Cela me déçoit d'autant plus de ne pas l'avoir apprécié alors que j'ai déjà eu de très beaux moments de lecture avec Delphine de Vigan ( No et moi, Les Heures souterraines, Rien ne s'oppose à la nuit ).







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Les enfants sont rois

Le dernier livre de De Vigan traite d'un sujet qui ne m'est malheureusement pas familier, bien qu'étant et ayant été d'une grande actualité tout aussi bien au passé qu'au présent : le voyeurisme et l'exhibitionnisme à travers les médias, Télévision,FB, Instagram, Youtube,....."Vivre pour être vu, ou vivre par procuration ", triste réalité d'un monde creux.

De Vigan attaque l'aventure avec deux filles Mélanie et Clara , biberonnées à "Loft Story", la première en famille, la seconde en cachette. Melanie qui se rêve flamboyante et incontournable mais reste cette jeune femme réservée à l'apparence discrète qu'elle déteste, quitte sa province à dix-sept ans pour tenter une vie d'adulte à Paris. Clara quitte aussi le domicile familiale en banlieue parisienne en deuxième année d'université pour s'installer en colocation dans le le XIIIe arrondissement. En phase terminale d'une licence de droit à La Sorbonne elle décide de s'inscrire au concours National de la Police, grosse surprise aux parents réacs, anti-flics. Deux profils de femmes en faites encore assez flous, mais qui semblent aux antipodes. À ce point je me demande ce que l'écrivaine nous concocte .....eh oui, dix ans plus tard , le chemin de ces deux jeunes femmes vont se croiser dans des circonstances sordides......Je vous laisse découvrir l'histoire que De Vigan mène comme toujours d'une main de maître.



Débutée comme la version littéraire d'un Fast Food , elle prend très vite un virage à cent-quatre vingts degré, c'est ce que j'appelle le talent. Quand le vrai monde, dont on cerne globalement les dangers, est victime d'un monde parallèle, un monde construit de toutes pièces, virtuel, un monde qui obéit à des règles dont on ignore tout, les choses deviennent hors contrôle......nous sommes en plein dans l'actualité. De Vigan à travers "une histoire criminelle" nous pointe les dangers et les dérives de ces mondes virtuelles qui peuvent vite tourner à des machines infernales. Mais la grande curiosité qu'on peut facilement généraliser ici c'est , pourquoi ces mondes virtuels arrivent à rendre leurs protagonistes si riches et si célèbres, pourquoi ça marche ? Et là on arrive aux deux faces du miroir, ceux qui regardent ceux qui veulent se faire regarder, et au bout du fric.....beaucoup, beaucoup de fric ( même pas besoin de "je traverse la rue 😁....", pénard de chez soi ), encore plus grave. Surtout qu'ici dans l'histoire il s'agit de deux gamins instrumentalisés, "les enfants youtubeurs" dont je n'aurais jamais pensé que ça pouvait exister, si bien que je suis même allée voir sur internet s'ils existaient vraiment ou c'était juste de la fiction. Sans l'ombre d'un doute il s'agit d'enfance volée, d'enfance violée. Un roman glaçant marqué de la touche autobiographique De Vigan présente dans presque tout ses livres, celle des adultes généralement trop préoccupés par leurs propres images et problèmes pour pouvoir se soucier de ceux de leurs progénitures . Un clin d'oeil aussi au monde après la pandémie Covid, avec lequel je suis absolument d'accord.

Roman fascinant que je recommande vivement !

"Il faut le voir pour le croire " dit Clara parlant des vidéos des enfants youtubeurs, "Il faut le lire pour me croire " dis-je parlant du livre de De Vigan 😊.







"La consommation est au coeur de la plupart des scénarios. Acheter, déballer, manger sont les principales activités des enfants......Toutes ces vidéos obéissent au même ressort dramaturgique : la satisfaction immédiate du désir. Kimmy et Sammy vivent le rêve de tous les enfants : acheter tout, tout de suite."











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Les loyautés

« Les fidélités silencieuses »



Suis-je loyal envers ma famille, mon passé, envers moi-même, c'est la question que nous pose Delphine de Vigan dans son nouveau roman. Texte court et incisif qui met en scène successivement quatre personnages, tous en prise avec eux-mêmes, en prise avec leurs « loyautés ».



Hélène, professeure de SVT dans un collège parisien qui remarque très vite en Théo, son jeune élève de 5ème, un mal-être qui lui rappelle tellement le sien : la maltraitance. Elle croit voir en sa fatigue permanente et dans son regard fuyant les stigmates des coups qu'elle-même a reçus à son âge.



Théo Lubin, 12 ans encaisse en effet les coups sur son corps, mais seulement ceux dont il s'inflige lui-même. Les cours de sciences naturelles d'Hélène aident à mieux comprendre le fonctionnement de la digestion. Pour lui, il s'agit d'améliorer les effets de l'absorption de puissances nocives. L'alcool, dans son tube digestif d'enfant. Boire à s'en faire « exploser » la tête.

Boire pour oublier, s'oublier, disparaître. Ne plus avoir à passer « d'un monde à l'autre » : une semaine chez sa mère, rongée par la déception et la haine de l'homme qui l'a quittée, son père ; une semaine chez cet homme qui n'en est plus tout à fait un, ravagé par la déchéance sociale qui le cloue au lit, incapable de toute responsabilité paternelle, impuissant.



Mathis Guillaume, 12 ans lui aussi, qui accompagne et soutient Théo. C'est son copain. Il vit chez ses deux parents dans un bonheur apparent, mais qui n'est que de façade.



Si chez Hélène et Théo, les « loyautés » sont trahies par les corps meurtris, chez Mathis et sa mère, Cécile, ce sont les mots qui enchaînent. Les mots que celle-ci a dûs apprendre pour paraître dans ce milieu bourgeois qui n'est pas le sien. C'est celui de William, le père de Mathis. Mais les mots qu'il lui a appris pour qu'elle parle un « bon français », lui servent en fait, grâce à une double personnalité sur internet, à exprimer ses haines « racistes, antisémites, homophobes et misogynes ».



Les corps qu'on aliène. Les mots qui enchaînent. Les « loyautés » sont difficiles à vivre pour Hélène, Théo, Mathis et Cécile. Quatre personnages pris dans la tourmente de notre monde d'aujourd'hui, entravés par ces « tranchées dans lesquelles nous enterrons nos rêves ».

Mais celles-ci peuvent aussi être « les tremplins sur lesquels nos forces se déploient »...C'est donc le souffle court, dans ce roman dense et intense que nous partirons à la recherche de cet espoir, à la recherche de notre « propre lumière ».

De la première ligne à la dernière, c'est seulement en tournant la dernière page, grâce à une narration implacable, que vous reprendrez votre respiration, face à ces « loyautés », face à vous même.



Après ses deux derniers livres à succès et largement récompensés : Rien ne s'oppose à la nuit, qui obtint notamment le prix du Roman Fnac en 2011, et D'après une histoire vraie, prix Renaudot et Goncourt des Lycéens en 2015, Delphine de Vigan, avec ce huitième roman, renoue avec la trame narrative des Heures souterraines, publié en 2009, sur « les violences invisibles d'un monde privé de douceur »...

Les Loyautés, ces « fidélités silencieuses », comme elle les définit elle-même, laisseront en vous des traces invisibles mais tenaces.



Lu en janvier 2018.



Retrouvez mon article sur Fnac.com/Le conseils des libraires :
Lien : https://www.fnac.com/Les-Loy..
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Les enfants sont rois

Voilà un livre glaçant et dérangeant au possible car Delphine de Vigan s’attaque de plein fouet à nos chers amis followers et abonnés en tout genre. Big brother vous regarde. Bienvenue dans la folie des réseaux sociaux où tout se voit, se dit, se sait. Un pouce en haut et c’est parti pour une nouvelle rengaine. Le pouce en bas, va voir ailleurs.



Mélanie depuis son plus jeune âge ne vit qu’à travers la télé réalité. Sa vie tourne autour de Loana et de tous ces êtres surexposés et célèbres pour avoir été traqués dans leur anatomie et intimité. Quand la routine s’installe des années plus tard, devant le joli minois de ses enfants, elle voit l’opportunité d’un regain existentiel.



S’engage alors le processus de valorisation nombrilliste à être aimé pour l’image qu’on véhicule. Une course effrénée aux followers dans une supercherie effarante à exposer faits et gestes de ses bambins sur YouTube et Instagram. Bienvenue dans Happy Récré.



Delphine de Vigan n’accorde pas ses violons pour servir un texte larmoyant ou accusateur. Son ton est tranché, clinique et fait froid dans le dos. Elle décrit au scalpel la lente descente aux enfers d’enfants vendus sur la toile en échange d’un grille pain et de Winnie l’ourson. Chacun est libre de ressentir ce qu’il voudra, d’aduler cette célébrité facile ou de la vomir. Pour ma part, j’ai ressenti une colère monstre contre cette mère aveugle et imbue de son petit trafic juteux sans la moindre compassion ni conscience ni remise en question envers ses enfants.

Ce livre n’est pas sans me rappeler le dernier roman d’Olivier Bourdeaut (Florida) avec sa jeune héroïne en proie à la folie d’une mère.



Le plus sidérant dans ce texte est certainement le côté ultra actualisé, miroir d’histoires similaires qui affluent à la pelle.

Un ami m’a dit un jour « internet c’est ouvrir une de ces deux portes : le paradis ou l’enfer ».



Avec Les enfants sont rois, nous avons ici un livre qui pose question, redistribue les cartes et pointe avec intelligence les dérives d’une société surdimensionnée conditionnée par des pantins de pacotilles ou des êtres innocents ne sont pas nés à la bonne époque.



Protégeons nos enfants. Exposons-les aux livres, à la culture, au grand air. Apprenons-leur que la seule richesse se trouve dans une émotion palpable nichée dans un monde réel et humain.
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No et moi

Autant le dire d’emblée : ce livre m’a bouleversé. Vous suivrez Lou, gamine insignifiante à la tête trop pleine, surdouée introvertie aux fesses et à la poitrine incapables de remplir jean et soutien-gorge, jeune prodige au crâne farci de projets farfelus et de statistiques abracadabrantes. Lou, trop petite, trop douée, et toujours en décalage par rapport aux autres, toujours en dehors de la conversation, toujours à côté… Pas étonnant qu’elle finisse par rencontrer une autre esseulée, elle aussi en dehors du cadre, elle aussi en dehors de tout. Elle se nomme No. Une vraie amputée de l’amour qui a quitté sa famille, ou ce qui en tenait lieu, pour vivre dans la rue. C’est un sans-abri à la peau grise et au regard méfiant, à l’image de ceux qui hantent nos rues et vivent à nos côtés « dans la ville invisible au cœur même de la ville ». Ces deux inaptes à la vie sociale ont bien plus de points communs que de choses qui les séparent. Elles s’entichent l’une l’autre, elles s’entraident, se nourrissent de leurs propres expériences, de leurs handicaps, de leurs tendresses. Et l’on rit de bon cœur de leurs facéties de gamines, de leurs rêves démesurés, de leurs confidences entre filles, du regard acerbe qu’elles jettent sur le monde des adultes. Lou décide alors de sortir No des territoires invisibles où elle est en train de mourir à petit feu. Elle affiche une détermination sans faille, emploie des trésors d’ingéniosité pour parvenir à ses fins. Et à certains moments, on croit que No va s’en sortir, on veut croire que la réalité va se faire tordre le cou par une valeureuse mouflette. Et on a le cœur plombé quand les évènements filent entre les doigts de Lou, malgré tout son courage, toute son opiniâtreté. C’est quelque-chose de grand ce qu’elle essaie de faire, de vraiment très grand. Seulement voilà ! La réalité a toujours le dernier mot, et No aura traversé la vie de Lou avec l’élégance et la brièveté d’une étoile filante une nuit d’été… Sur les dernières pages, on se retrouve un peu déçu, un peu amer… On aurait tant voulu y croire… On a quand même un petit sourire en coin, parce qu’avec tout ce qui lui est arrivée, elle est devenue plus forte notre Lou, et tellement plus grande…
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Rien ne s'oppose à la nuit

On ne peut que souhaiter bonne route à Delphine de Vigan après qu'elle se soit, on l'espère, allégée d'un pareil fardeau. Car au-delà de ce portrait en creux de Lucile, sa mère, c'est bien sûr aussi sa propre histoire qu'elle nous livre. Et cette famille hors-normes, moi, je ne l'ai trouvée ni touchante ni sympathique, n'y devinant que des individualités occultées, asphyxiées par l'égocentrisme, l'indifférence ou les non-dits, au prétexte d'une apparente unité familiale censée forcer l'admiration de tous.



C'est mon ressenti essentiel au sortir de ce livre.



Au-delà de ce sentiment inconfortable, on est touché par l'écriture de cette femme au passé si douloureux. Comme elle le dit si bien, il n'est pas très original d'écrire sur sa mère, mais la façon dont elle évoque ses recherches et ses découvertes, ses errances et ses doutes, en fait un récit plutôt atypique, humble, vivant, et surtout très attachant.




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Les gratitudes

D'abord, « merci » Delphine de Vigan d'avoir écrit ce livre.



Il y avait déjà LES LOYAUTES. Et cette première page gravée en moi.



Delphine de Vigan continue l'exploration de ces sentiments intimes et peu évoqués en littérature. Ici les gratitudes, celles qui nous construisent, celles qui restent intacte tout au long d'une vie. J'étais déjà déjà conquis par cette idée mais je ne m'attendais pas à ce déferlement d'émotions qui m'ont traversé à la lecture de cette pépite.



Michka est une vieille dame qui ne peut plus rester seule. Elle doit quitter sa vie et s'installer là où on va vivre lorsque la vieillesse frappe trop fort à la porte et entre dans nos vies par effraction. Avec pertes et fracas.



Auprès d'elle, il y a Marie, la petite voisine devenue femme, toujours présente, tellement précieuse. Et Jérôme, orthophoniste qui va tenter de l'aider à retrouver ses mots qui peu à peu se font la malle.



Je me suis fait cueillir. Je me suis senti trébucher. Je me suis fait toucher en plein coeur. Au beau milieu de ces choses que l'on ne dit pas. Ces choses qui en général ne se racontent pas. Sur la vieillesse. Sur le grand âge. Sur ce drôle de naufrage.



Les mots de Delphine de Vigan. Sincères et cruels comme l'existence. Cette écriture sans effets de manche, sans artifices. Précise, émotionnelle et universelle. Et tellement émouvante. Tellement forte.



Chacun d'entre nous porte en lui cette fameuse gratitude. Chacun d'entre nous ne s'est pas senti à la hauteur de ce qui lui a été offert. Chacun d'entre nous est éternellement reconnaissant à quelqu'un ou quelque chose.

Ce livre. Oh, ce livre. Ce livre est un immense coup de coeur. Un beau. Un vrai. Quel bonheur de lecture. Je vous parle souvent de livres que j'ai aimé. Celui-ci m'a bouleversé.



Car je porte, moi aussi dans mon coeur une Michka et cette gratitude infinie. Vous me pardonnerez Delphine de mêler quelques mots personnels à ce modeste billet.

Parceque parler d'un livre que l'on a aimé profondément peut mener à un peu parler de soi. Sans pudeur aucune.

Avec tellement de pudeur.



Car Michka, c'est peut être un peu aussi ma Janine. Là sur la photo. Je veux ici lui dédier ma liberté. Je lui dédie ma folie douce et mes éclats de vivre. Ce courage insensé de n'être que soi. Qu'elle soit écrit quelque part. Je lui dédie mes mots, ici et à venir. Qu'elle ne lira pas. Mais qu'elle inspirera.



Et surtout je dépose ici un peu de tout cet amour. Pour qu'il m'en reste encore un peu. Pour qu'il s'envole un peu plus haut. A la hauteur de ce qu'elle fut, de ce qu'elle reste. Pour moi et pour toujours.



Avec toutes mes gratitudes.



Merci mamie de la ferme.


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D'après une histoire vraie

« Que le roman soit certifié réel ou non ne le rend pas meilleur. »



Si Delphine de Vigan a un message à faire passer, c’est bien celui-là! De multiples situations l’amène à en débattre au cours du récit. Et fort à propos puisque la narratrice Delphine, en couple avec François, est une auteure célèbre, qui se heurte fréquemment à son auditoire de fans à propos de cette question : avez-vous dit ou non la vérité? Et le roman lui-même est une sorte de démonstration de ce débat : entre le réel est l’imaginaire, est-ce à l’auteur de faire le choix, ou plutôt au lecteur de décider à sa guise?



Le coeur du récit est fascinant : j’aime particulièrement les histoires de harcèlement, d’emprise, avec cette lente transformation de la relation dans le couple bourreau-victime, dont l’un manipule l’autre, dans une relation duelle mortifère. C’est, à un autre niveau, mais avec les mêmes mécanismes, le même phénomène que l’hameçonnage par une secte, dont le gourou joue ce jeu pervers qui enferme la victime dans une logique fermée et implacable.



Delphine, donc, un peu déstabilisée par les retombées médiatiques de son dernier roman, trop intime, trop réel, trop impudique, lasse de s’en expliquer en boucle, doit faire face à ses vieux démons : la crainte de ne pas être à la hauteur, de laisser transparaître ses failles, de ne pas être la personne parfaite pour tenir le rôle social éprouvant que confère le succès médiatique. Avec ses angoisses surgit une peur de la page blanche. C’est pour cela que l’irruption dans sa vie d’une jeune femme qui incarne le personnage idéal que voudrait être Delphine, arrive à point nommé. Une amie, une vraie, disponible, à l’écoute, aux petits soins, qui semble deviner ses pensées, et avec qui elle se découvre tant de points communs.

Sauf que l’effet escompté se fait attendre, Delphine finit pas ne plus pouvoir écrire ne serait-ce qu’une liste de courses…

Qui est L.? C’est toute la question, et c’est ce qui rend l’histoire captivante. Le lecteur se retrouve comme un funambule, oscillant sur une corde au dessus d’un gouffre avec un balancier qui hésite entre réel et fiction. Pris en otage aussi.



Quant à l’écriture, c’est encore une fois un régal. Elle incarne parfaitement le doute, la colère, l’épuisement, et tant d’autres sur la gamme des émotions et des sentiments. C’est ce qui avait sauvé, pour moi « Rien ne s’oppose à la nuit » dont l’impudeur m’avait perturbée.



C’est donc un excellent moment de lecture en cette rentrée 2015


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Les loyautés

Hélène s'inquiète pour Théo, son élève de douze ans et demie.

Théo, parents divorcés, vit en garde alternée, deux ennemis, deux mondes, deux langues différentes. Un gamin plus intelligent que ses parents, donc pire pour lui.

Hélène, une enfance maltraitée, un père sadique, une mère qui préfère ignorer.

Mathis, l'ami inséparable de Théo. Cécile, sa maman n'approuve pas la relation, surtout que d'autres problèmes plus graves se pointent à l'horizon.

Voici le préambule du nouvel opus de De Vigan. Un roman choral, à quatre voix.

Deux enfants et deux adultes en prise avec des circonstances dramatiques, et qui s'enfoncent. Des circonstances où les enfants jouent le rôle d'adultes vis à vis des parents et autorités de l'école.....de quoi vous serrer la gorge .

De Vigan va-t-elle les laisser couler ou leur accordera-t-elle une sortie salvatrice ? Et par ce biais nous apaiser.....car ce livre se lit la gorge nouée, du moins je l'ai lu ainsi, donc je vous conseille une période sereine pour sa lecture.

J'aime les personnages de De Vigan, tellement humains, touchants....je me serais comportée exactement comme Hélène, loyale à ses convictions, bien que socialement parlant son comportement ne serait pas considéré éthique; j'ai adoré le petit Théo qui se débrouille comme il peut; j'ai aimé Mathis pris entre deux feux de loyauté et Cécile,qui malgré le pétrin où elle se trouve, ne lâche pas prise.

J'ai apprécié le portrait de prof acerbe de la Berthelot, qui punit Théo sans aucune empathie, aucune sensibilité pédagogique, avançant la raison que le garçon ne lui plait pas, tellement courant même dans les institutions privées.

Delphine est aussi sans pitié pour les couples, la vie de couple et son après, une fois terminée,.....beaucoup de vérités déclamées à travers la fiction, rien de nouveau mais exprimées avec tellement de douceur et d'élégance.

La loyauté à soi-même, à l'ami , à la mère, au père, à l'élève, ne vont pas vraiment aider nos quatre protagonistes, ni eux-mêmes ni les sujets auxquels ils le sont , mais sa dimension humaine, pure, sans calcul fait chaud au coeur.

Bref encore une fois De Vigan me touche avec son sujet, son histoire et sa prose.

À votre avis, si on a lu un livre d'une traite et qu'on y a pris plaisir, même si lu la gorge serrée, est-ce le signe d'un très bon livre ? Si oui, et bien c'est le cas.



“Parfois, il se demande si cela vaut vraiment la peine d'être adulte. Si le jeu en vaut la chandelle,.....”
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D'après une histoire vraie

Après l'immense succès de son dernier roman consacré à sa mère, succès auquel elle ne s'y attendait pas, Delphine, en plein désarroi et quelque peu perdue, est confrontée à la page blanche. Qu'écrire après cela ? L'imagination s'est envolée, l'envie avec. Pour rassurer ses proches, elle feint un projet de livre et leur cache ces lettres de menaces qu'elle reçoit. Pour avoir écrit sur ses proches, notamment sur sa mère, on l'accuse d'avoir sali son nom et semé la haine. C'est dans cette période un peu confuse, alors qu'elle est malléable et fragile, qu'elle fait la rencontre de L. lors d'une soirée chez une amie. de suite, L. s'est approchée d'elle, lui a parlé, l'a mise à l'aise et a semblé déjà la connaître. de suite, Delphine l'a admirée et l'a laissée entrer dans sa vie...



Quelle est la part du vrai et du faux dans ce roman psychologique ? Jusqu'où Delphine de Vigan s'est-elle mise en scène et à la fois mise à nu? Toujours est-il que le lecteur curieux s'immisce dans cette relation d'abord amicale puis exclusive, presque vampirique et s'introduit dans les coulisses. Se mettant elle-même en scène, parlant de son compagnon François [Busnel], citant quelques auteurs connus ou encore parlant de son dernier roman "Rien ne s'oppose à la nuit", l'on a du mal à bien discerner la frontière entre la vérité et la fiction. La tension va crescendo et l'ambiance devient oppressante. Dans ce thriller psychologique, l'auteur offre de belles réflexions sur les rapports entre l'auteur et le lecteur, sur le travail d'écriture, sur ce que l'auteur donne de lui-même, les attentes des lecteurs mais aussi sur la folie et le doute. L'intrigue est impeccablement menée et l'écriture constructive. Les trois citations de Stephen King donnent le ton quant aux trois grandes parties de ce roman.



D'après une histoire vraie... FIN*
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Rien ne s'oppose à la nuit

Il y a quelques mois, j'avais consacré une petite chronique "a chaud" tout juste après avoir refermé ce livre. Aujourd'hui je pense encore à cette lecture. Le souvenir de ces pages est resté gravé au fer rouge dans mon esprit car malgré le côté intime du récit je pense que ce drame familial peut être universel et arriver à tous, la famille n'épargne personne et dans le cas de Delphine de Vigan qui couche sur le papier l'histoire de Lucile, sa mère, il s'avère que le passif est lourd. Je lui tire mon chapeau car il faut énormément de courage pour entreprendre une démarche qui risque de bouleverser à jamais les choses et les êtres.



Dans la famille de Lucile on fait illusion, on passe pour une grande tribu unie. Entourée de ses nombreux frères et soeurs, cette jolie petite fille fait des photos de mode qui mettent du beurre dans les épinards des parents. Plus tard c'est une Lucile silencieuse et renfermée sur elle-même, adulte, c'est une femme complètement déconnectée de la réalité, diagnostiquée bipolaire, mais si elle est folle, aux yeux de ses parents ,c'est forcément sa faute... Ajoutez à tout ça la mort qui vient frapper régulièrement à la porte de la famille et on comprends mieux pourquoi la petite Lucile en est arrivée là...



Pour que je lui consacre un nouveau billet il faut vraiment que cette lecture m'ai fait mal et me mette en colère. Malgré mon traumatisme des rapports familiaux, j'ai essayé de voir les choses avec neutralité mais en vain. J'ai vraiment souffert pour Lucile, je n'arrive pas à concevoir que des parents digne de ce nom puissent être si égoïstes. Ils font des enfants à la pelle et délaissent ceux qui sont déjà là sans se soucier le moins du monde des conséquences morales que cela peut engendrer. Au fur et à mesure des pages, quand les membres de la famille s'ouvrent peu à peu à Delphine de Vigan on se rend compte qu'ils ont tous gardé des séquelles de ces parents irresponsables qui leur offraient peut-être le confort matériel mais pas l'essentiel. Comment, quand on ose porter le titre de parent, on peut rester comme ça à côté de la plaque et continuer à se regarder dans une glace alors que les enfants morflent moralement?

Plus je pense à ce livre et plus je suis révoltée car dans le fond certaines familles détruisent plus qu'elles épanouissent et quand les dégâts deviennent irréparables, c'est toujours ceux qui sont réellement à blâmer qui retirent leurs billes.

Je n'essaie même pas d'imaginer ce que Delphine de Vigan a ressenti quand elle a commencé à gratter la couche de vernis, je comprend les moments de pause et de remise en question entre chaque chapitre car ça n'a pas du être évident pour elle de remuer un tel sac de noeuds. Ce livre ne ramènera pas Lucile mais néanmoins il continue de la faire exister, telle qu'elle était et malgré ses déviances. J'ai ressenti une profonde affection pour cette femme qui a seulement été la victime malheureuse de parents, qui selon moi, ne méritent même pas de l'être...

Ce livre met une véritable claque dans la gueule et fait réfléchir sur la complexité des rapports familiaux. Je le conseille à tous et pour les lecteurs sensibles comme moi, et bien, préparez les mouchoirs !

A lire !

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Rien ne s'oppose à la nuit

Ce livre laisse des traces. Je l'ai refermé la larme au coin de l'oeil.



Cette recherche d'une mère …



Cette recherche d'une certaine forme de vérité littéraire. Pour raconter, reconstruire cette mère imparfaite. Tant aimée.



Ce livre a beaucoup été critiqué. Je ne comprends pas bien pourquoi. de faux procès car écrire pour exorciser, pour comprendre, combien l'on fait avant elle sans s'attirer les foudres des critiques en tous genres.



Delphine de Vigan m'a emporté avec elle.



Delphine de Vigan est un auteur qui compte pour moi. Car elle donne de toute son âme et il en faut en tout cas du courage pour écrire un tel roman, cette folle fuite en avant.



Ce livre est un cri d'amour. Que dis-je, un hurlement.



Dans la nuit.


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Les gratitudes

On devrait pouvoir dire merci à tous ces gens qui ont compté, traversé notre route, ceux qui passent pour nous faire contourner le talus épineux et nous offrent des roses comme un bouquet de sourires.



On devrait recevoir un sms qui nous avertirait, demain ton père, il va mourir. Pour pas te dire ah c’est dommage.



Michka c’est une vieille dame, non, pas une personne âgée, elle préfère faire partie des vieux Michka, c’est plus fier. Elle est tendre, intelligente, sensible, un peu maladroite parce qu’elle fait tomber les mots dans le trou. Elle n’en peut rien, elle souffre d’aphasie, les mots se perdent en chemin, ils se carambolent l’un contre l’autre, ils rigolent entre eux les coquins, tiens tu veux un merci et bien non, voilà merdi, tu veux un d’accord, nous on préfère d’abord, t’es en cloque non t’es en cloche, tu veux un fauteuil roulant, prends plutôt un fauteuil croulant mais si tu me parles d’un film qui s’appelle la merditude des choses, on t’offre la mercitude, tu le mérites bien Michka.



La petite vieille avec tous ces trous dans la mémoire, toutes ces choses qu’elle perd et qu’elle ne retrouve plus, elle finit par avoir la frousse d’être toute seule chez elle. C’est Marie, une aide à la personne qui va lui trouver une place dans une maison de retraite. Avec Jérôme l’orthophoniste, ils vont être au petit soin pour Michka. Ils vont apprendre surtout à écouter l’aïeule car même si ses mots trébuchent, elle a le cœur au bout des lèvres Michka.



On n’a plus le temps pour les regrets, les rancœurs, les histoires qui finissent mal. Michka elle veut du bonheur.



Et puis va pour la merditude, va pour la mercitude, va pour les gratitudes. Le temps passe trop vite, faut pas les oublier nos vieux, faut tendre ses bras, faut sourire, faut pas pleurer surtout, non gamin reviens, tu lis Delphine de Vigan et tu en as plein la figure de cette tendresse toute dégoulinante, de cet amour moelleux comme un cœur au soleil. Et ça fait un bien fou. Tu donnes, tu reçois, c’est pas plus compliqué. On essaie les gratitudes ?
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Delphine de Vigan

Delphine de Vigan a écrit son premier roman "Jours sans faim" sous un pseudonyme. Quel est-il ?

Agnès Dantzig
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