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Critiques de Edmund Husserl (17)
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La Crise des sciences européennes et la phénoméno..

La crise est due à la spontanéité toujours renouvelée de l'être humain avec laquelle il se plonge dans la naïveté de l'objectivisme, cette tendance à tout considérer à la manière de choses, à s'oublier dans les choses, à tout prendre "au premier degré". Cette tendance a trouvé sa méthode depuis quatre siècles dans les travaux de Galilée qui le premier eut l'idée de considérer que la nature était un système clos sur lui-même, dissocié de celui qui la regarde et d'envisager que l'on puisse la modéliser. La naissance des sciences modernes, avec la physique de Galilée, prépare le terrain pour le dualisme cartésien.



Descartes inverse violemment la tendance traditionnelle de la philosophie à l'objectivisme en conservant le dualisme de Galilée, mais en travaillant sur son autre face. Il prétend fonder la connaissance sur l'expérience du Cogito. C'est la naissance concomitante du rationalisme moderne et de l'empirisme comme réaction à cette voie nouvelle de la philosophie. Le scepticisme de Hume pointe ce dont Descartes ne s'est pas occupé : comment l'individu constitue-t-il le monde comme unité cohérente, sur la seule base de données sensibles ? Mais l'empirisme humien reste un scepticisme : le philosophe écossais n'a pas cherché à résoudre les paradoxes qu'il avait lui-même levés. Après lui, Kant fonde une philosophie transcendantale systémique mais a déjà abandonné l'impulsion intuitive cartésienne et ne perçoit pas le sens du questionnement de Hume qu'il ne reprend donc pas : il pose que le monde existe déjà d'avance et ne s'intéresse pas aux données de l'expérience. Sa philosophie se passe de l'intentionnalité, de la volonté et des sens. Il a utilisé la méthode scientifique pour poser son système plutôt que de fonder cette méthode elle-même ; sa philosophie est mythique et il a freiné la possibilité de la fondation d'une connaissance qui synthétise toutes les autres. De fait, l'objectivisme, qui n'est ni intégré, ni dépassé, mais seulement ou refusé ou affirmé, est toujours ancré dans la philosophie.



Il faut pour l'en évacuer démontrer que la science positive de Galilée n'est pas tombée du ciel mais s'est développée dans un cerveau humain. C'est alors que la science positive elle-même trouve des fondements humains plus profonds et plus évidents que les formules mathématiques. Mais comment démontrer que l'objectivité évidente des mathématiques n'est que l'objectivation d'une subjectivité, que la science positive objective puisse reposer sur la subjectivité ?



Il faut en revenir à Descartes. Mais son Cogito est encore une "âme", c'est-à-dire un concept qui préexiste au Cogito. Il faut aller plus loin, dit Husserl, si l'on veut fonder une science humaine qui repose sur une vérité ultime de l'individu et montrer que le Cogito lui-même est une évidence moins profonde, une évidence "ressentie" par une intentionnalité première, fondatrice. Il faut donc mener le projet cartésien à son terme, plus loin que son fondateur ne l'a mené lui-même, ne l'a interrompu. Puis il faudra ensuite expliquer comment cette subjectivité transcendantale est capable de mener à une objectivité (la science, les objets autour de nous, le monde). Alors seulement, le penseur pourra se dire philosophe.



Husserl entame alors une épochè par une réduction transcendantale dont il remarque l'effet d'isolement du monde de qui la pratique. L'individu rentre en lui-même, se sépare du monde, mais se sépare aussi de lui-même. Il se voit lui-même et dit "je" mais ne sait pas à quoi correspond ce "je" sinon à ce qu'il voit, là, devant lui, ou en lui. Force est alors de constater que l'ego est double, ce dont on s'aperçoit également par la remémoration : me souvenir, c'est me rappeler le "je" que j'étais. Qui voit ce "je" que j'étais sinon une partie, une partie seulement de mon ego ? Il existe donc un ego ultime et un ego transcendantal, ce "je" que je suis sans savoir au juste ce qu'il est. C'est ainsi que se réalise l'intersubjectivité, la reconnaissance de l'existence d'autrui : nous n'avons jamais accès à l'ego ultime, mais toujours à l'ego transcendantal. Le monde est donc un réseau d'egos transcendantaux dont fait partie le mien propre. Je "vois" donc le monde objectif où "je" me trouve moi-même et toutes les formes de vie possible et imaginable ; car il est dans ma nature d'inférer un ego transcendantal à toute "chose" où je perçois une intentionnalité, enfants, animaux, choses, y compris.



Depuis cet ego ultime, je peux alors définir ce que je suis "objectivement" : "je" est une historicité qui entre dans une historicité plus vaste, humaine, puis universelle. De là, je peux aussi prendre les attitudes qui sont requises dans l'existence : l'attitude naturelle (je prends les choses comme elles viennent en oubliant mon ego ultime, en le fusionnant avec le "je" transcendantal, je perds tout recul sur la réalité), l'attitude scientifique, je fais alors référence à l'idéalisme inhérent de mon cerveau qui me fait imaginer des lignes droites et des cercles parfaits là où mes sens ne rapportent que des traces tremblantes, et de vagues lignes fermées, etc. Dans tous les cas, ma "conscience" n'est qu'une visée et non un état, un cheminement qui n'aboutit jamais mais me fait toujours progresser.



La naïveté objectiviste est donc dépassée par le fait que j'en prends conscience. Il m'est toujours possible de revenir à l'attitude "naïve", mais je reste transformé : je sais que c'est artificiel, je me sais agir à travers un filtre, celui de mon ego transcendantal ; je ne peux plus arguer mon "innocence" car il m'est toujours possible d'entrer à nouveau en moi-même et d'interroger la connaissance, l'objectivité qui me parvient pour, le cas échéant, tenter de l'expliquer. La science positive et les mathématiques n'expliquent jamais rien, ne font jamais rien comprendre, c'est l'explication ultime qui met en oeuvre l'évidence qui me fait "comprendre", qui donne un sens. Ainsi, l'humanité est libérée de l'illusion de l'objectivisme et n'a plus de prétexte à ne pas s'auto-responsabiliser et l'être humain est enfin devenu philosophe. Il reste à la psychologie à opérer le même travail et d'expliquer comment ce double ego est possible, plutôt que de rester enfermée dans son monde idéaliste qui refuse l'interaction avec l'extérieur et entretient, à son niveau, la naïveté objectiviste.



On peut reprocher au texte de Husserl d'être assez peu intuitif, malgré l'importance que prend l'intuition dans sa philosophie et les reproches qu'il formule lui-même sur ce plan à la philosophie kantienne. Il explique, commente, détaille et décrit certes l'épochè, mais ne parvient pas en trois cents pages à en donner une connaissance intuitive. A titre de comparaison, il n'a fallu que trois pages à Descartes pour faire vivre à son lecteur le Cogito. Cependant, et bien qu'issu d'une conférence de 1935, le texte de Husserl donne des ouvertures fantastiques pour envisager des réponses aux difficultés contemporaines : on peut comprendre l'impression de "second degré" du monde contemporain par le savoir que nous avons d'une connaissance ultime fondée en nous mais notre abandon souscrit de la mettre en jeu, l'acceptation de "laisser filer". On peut aussi comprendre les questions identitaires comme une nécessité de réécrire notre rapport au monde à une époque où les idées universelles se sont ancrées dans les esprits mais peinent à trouver une réalisation politique, économique. Enfin, on peut envisager une politique écologique puisque l'humanité est réintégrée par l'intersubjectivité dans le monde et n'en est plus séparée.



Reste qu'il sera bien nécessaire de mettre en oeuvre des structures de diffusion et d'enseignement de ces grandes idées qui devraient rencontrer (ont déjà ?) des obstacles de taille, politiquement et, sans doute, surtout, économiquement : comment justifier des niveaux de vie différents à l'échelle de la planète si l'universalisme triomphe ? Comment justifier les pôles d'attraction économique sans constituer des "histoires" singulière pour justifier des différences de "valeurs" (des historicités ou identités des "je" transcendantaux et des communautés d'appartenance) ? Faut-il entrer dans une ère ludique où les existences des individus sont scénarisée dans une vaste agglutination d'histoires singulières pour justifier la répartition des richesses ? Est-ce que cela ne rejoint pas, à un niveau privé (ou politique) les nationalismes et romans nationaux du passé ? ou bien faut-il insérer l'individu dans une historicité universelle pour le monde entier fondée sur l'universalisme, c'est-à-dire sur les égo ultimes ? Mais sommes-nous prêts à nous fondre nous-mêmes dans le grand tout du monde ? La première solution semble mener à la post-vérité et autres stupidités. Husserl penche bien sûr pour la seconde, mais on note la difficulté d'opérer ce changement "radical", cette "révolution copernicienne", dans le fait que les annexes montrent un Husserl prêt à défendre dans un combat la "culture" et la "philosophie" qu'il dit "européenne" : nous pensions que sa pensée était universelle...

Et oui, encore un obstacle : comment diffuser une pensée sans véhiculer l'historicité (individuelle, culturelle) à laquelle elle appartient, c'est-à-dire sans créer par avance des arguments de refus de sa validité, avant même de l'avoir énoncée ? Cette difficulté est peut-être la plus difficile à surmonter parce que la plus quotidienne : c'est celle de la subjectivité qui s'oppose à d'autres subjectivités et qui ensemble peinent à faire naître l'objectivité...

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L'idée de la phénoménologie

« Une vue ne se laisse pas démontrer ; l’aveugle qui veut parvenir à voir n’y parviendra pas par des démonstrations scientifiques ; des théories physiques et physiologiques des couleurs ne fournissent aucune clarté intuitive sur le sens de la couleur tel que possède celui qui voit. »

L’idée de la phénoménologie part d’une critique de la connaissance naturelle, des sciences naturelles, et tente de développer « une méthode et une attitude de pensée spécifiquement philosophique ».

« Tout ce qui est transcendant (tout ce qui n’est pas donné de façon immanente) doit être pourvu de l’indice de nullité » jusqu’à la réduction au phénomène pur…Une attitude idéaliste qui ne m’a pas convaincu et pourtant le livre a bien une vocation didactique puisqu’il s’agit d’une série de leçons à l’usage des étudiants.

Ce que j’ai aimé c’est une philosophie de plein pied dans la modernité, qui se situe après la théorie de l’évolution et qui tente de se départir du psychologisme ambiant.
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Méditations cartésiennes

Husserl reprend Descartes et scinde, comme lui, sa réflexion en "méditations" (cinq). Il s'agit toujours de déterminer les conditions de la fondations d'une philosophie ultime. Malheureusement, les chapitres, très peu intuitifs, portent assez mal leur titre de "méditations". Ils présentent en effet plutôt des explications étriquées et érudites qui feraient passer les "Ideen" pour un roman à suspens qu'ils n'offrent l'agrément envoûtant de méditations éthérées. Par ailleurs, en assimilant le cogito à une monade leibnizienne, Husserl s'est peut-être rapproché de Descartes, mais ne convainc pas dans le cadre d'une philosophie moderne.
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Idées directrices pour une phénoménologie

Le réel est le flux de mon vécu qui accède à ma conscience par le biais de mes intuitions perceptives (pour les objets "réels") et éidétique (pour les essences). La réalité est le remplissage de ce flux de vécu qui complète, affirme, modifie ou annule les précédentes constitutions de réalité et ce, sans fin. Je ne pourrai fermer le sens de ce qui est que lorsque je serai parvenu à percevoir d'une essence la totalité des possibilités d'apparence qu'elle recèle. Ceci étant impossible puisque ces apparences s'inscrivent dans une infinité d'esquisses possibles, il s'ensuit que la réalité absolue est une Idée au sens kantien, un absolu vers lequel je tends mais n'atteins jamais. Au contraire, au jour le jour, je constitue par la multitude d'esquisses de choses réelles que je perçois et d'intuition "en pensée" la réalité du monde, c'est-à-dire la mienne, la seule qui, pour moi, soit vraie. La vérité de ce monde, c'est la validité des énoncés que je peux tenir sur lui et un énoncé n'est valide que s'il coïncide avec l'essence de la chose décrite. Pour atteindre celle-ci, je dois procéder à la réduction phénoménologique ou époché, c'est-à-dire la mise entre parenthèse de tout ce que ma conscience contient qui ne réfère pas à l'intuition (connaissances scientifiques, souvenirs, etc.). En observant sous ce mode intuitif le monde autour de moi, je peux constituer en pensée son essence. Pour ce faire, tout être constituant possède en lui-même a priori les notions d'espace, de matière, de temps, mais aussi la thèse du monde. Celle-ci pose que ce que je perçois a nécessairement un sens, une cohérence. Il s'ensuit que la réalité ne peut pas être fausse, puisque je donne nécessairement et intuitivement un sens aux choses, à mon vécu.



Enfin, puisque la réalité se constitue au niveau de la conscience de mon vécu, il s'ensuit que les variations imaginative, ou fictions, en font partie. La fiction est même un moyen privilégié pour démultiplier les possibilités d'apparence des essences, c'est-à-dire de constituer la "réalité". Lisons donc des livres (à condition qu'ils suscitent notre intuition ; pas des textes qui reproduisent des images anciennes ou qui présentifient des souvenirs, ces livres-là referment le sens plutôt qu'ils ne l'ouvrent).

Petit problème cependant, puisque la réalité est constituée subjectivement, qu'est-ce qui fait alors que nous vivons dans un monde "objectif" ? Husserl n'en dit rien (ou presque)...



En résumé, l'invitation à se laisser aller à se contenter de ce que nous donne l'intuition est grande et d'oublier que la phénoménologie ne nie pas l'importance des sciences et du savoir empirique, elle se contente, pour cerner le fonctionnement de la conscience, de les mettre "entre parenthèses". Il ne faut pas oublier, que la phénoménologie se présente comme une science, et donc, après une "époché" d'enlever les parenthèses... sauf à vivre au second degré dans un monde que l'on se contente de percevoir intuitivement et dans lequel nous n'aurions rien "à faire"...
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Logique formelle et Logique transcendantale

Chez Husserl, la logique est aussi une véritable théorie de la science : elle a un aspect proprement transcendantal, tourné vers l'objectité et l'évidence. Elle a un aspect subjectif, qui ne revient pas à un quelconque relativisme ruineux ou à un psychologisme absurde, mais à une véritable constitution transcendantale des objets. Logique et ontologie, ici, se rapportent l'une à l'autre. La logique ne se réduit donc pas à cette pure "logique de la conséquence" : elle est aussi une théorie de la vérité, une recherche sur l'évidence phénoménologique. C'est pourtant bien de la logique formelle que Husserl va partir, car c'est le chemin de cette logique à la logique transcendantale (qui n'est pas une "autre" logique mais la logique elle-même) qu'il s'agit de montrer : mais une logique formelle n'est pas encore une ontologie formelle (l'objet-en-général) si elle n'est pas tournée vers les objets. L'analyse de la logique formelle, ici, cherche à montrer l'évidence phénoménologique et la référence à l'objet, à la chose même, que cette logique elle-même impose, et qu'elle semble pourtant ignorer dans une apophantique aveugle, quoique l'apophantique en général ait du mérite, où l'orientation à l'objet est omise. Il restera ensuite encore une ontologie matérielle à fonder : et, pour cela, une démarche phénoménologique s'impose.

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La Crise des sciences européennes et la phénoméno..

Dans ce livre, Husserl ne veut pas montrer qu’il y a une crise de la scientificité au sein même de la scientificité. Il veut montrer au contraire qu’il y a une crise de la science objective en tant qu’elle ne semble pas expliquer comme il convient la Lebenswelt. Pourtant, ces sciences objectives se fondent sur la Lebenswelt en tant que sol : il appartient à la phénoménologie de pratiquer la réduction afin de retourner à l’esprit et saisir sa véritable nature, que le cartésianisme a contribué à objectiver (bien que le cartésianisme, il est vrai, soit aussi à l’origine d’un point de départ essentiel à la philosophie transcendantale), et à plus forte raison l’empirisme naïf. Là, la distinction entre sciences de la nature et sciences de l’esprit est essentielle : il appartient à la psychologie de se détacher du modèle objectiviste, de subir la réduction transcendantale, pour comprendre la nature propre de l’esprit, dans l’immanence de l’esprit, sans pour autant se confondre avec la phénoménologie. Husserl montre en outre, dans une longue déconstruction, les racines du modèle objectiviste.



L’argumentation est solide et fine. Il s’agit sans doute de l’un des trois ouvrages majeurs de Husserl, après les Recherches logiques et les Ideen.
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Sur l'histoire de la philosophie

Petite lecture de Noël, qui doit s'inscrire dans le spectre de la Krisis, puisque la réflexion tourne autour de la supposée impossibilité pour les sciences (y compris l'histoire) de s'éclairer elles-mêmes dans leur visée. Il s'agit d'étudier la possibilité de la philosophie dans la question de son histoire et de ses institutions, notamment son institution originaire grecque. Husserl est explicite : il n'y a qu'une philosophie derrière l'apparence de multiplicité qui doit laisser place à une analyse intentionnelle de cette incroyable nouveauté qu'est et qu'a été la philosophie, dont l'entreprise se reprend chaque fois. L'histoire de la philosophie n'est pas ainsi présentée comme un ensemble de faits doctrinaux, elle n'est pas mise sous la forme d'une étude d'exemples particuliers. Elle est comprise à partir de l'unité intentionnelle qui caractérise la philosophie elle-même, qui se déploie à partir de son institution originaire et qui est aussi une unité téléologique, c'est-à-dire une unité de fins recherchées. Husserl oppose le préscientifique et le scientifique (étant entendu ici que le scientifique est la philosophie telle qu'elle se vise, telle qu'elle se donne à elle-même ses buts), mais il ne considère pas qu'il faille mépriser la doxa du monde de la vie, puisque c'est à partir de Lebenswelt que la fondation s'opère. Ce qu'il cherche ici, c'est de mettre à nu l'unité intentionnelle et téléologique de la philosophie et de son histoire.

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Méditations cartésiennes

Je viens de le relire. Il est rare qu'une pensée aussi complexe soit présentée d'une manière aussi limpide (du moins pour celui qui connait, au moins de loin, la phénoménologie ou la philosophie allemande). Husserl semblait considérer lui-même ce livre comme son meilleur essai. Ne le prenez pas comme un manifeste de la phénoménologie : si c'est "introduction" c'est surtout du fait d'une méthode néo-cartésienne de réduction phénoménologique (on se retrouve à un "point de départ" de toute "science universelle") et il s'agit d'un vrai essai - essai qui reprend certes les points fondamentaux de la pensée husserlienne dans son "tournant transcendantal" et qui permet une certaine entrée en matière dans le mouvement.

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Leçons sur la théorie de la signification

Husserl se demande comment s'opère la compréhension d'un ensemble de sons et ce qui fait que, répétés plusieurs fois, nous comprenons toujours la même chose. La signification est-elle indépendante des sons, des choses, puisqu'elle est saisie même en l'absence des choses ; mais alors où se tient-elle ? Husserl dissocie alors l'acte de saisir le contenu de l'expression et ce contenu de l'acte. A chaque fois nous reproduisons l'acte, ou bien nous rappelons à nous le jugement acccepté des actes précédents, selon la situation. Quand au jugement en lui-même, il est lié à une perception nette de l'acte. Il m'a semblé que le vocabulaire employé n'était pas définitif parce qu'on pouvait le remplacer par celui utilisé dans les Idées directrices, publié ultérieurement. Du moins la réflexion est-elle la même.
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Leçons pour une phénoménologie de la conscience i..

Husserl reconnait le mérite de Brentano quand celui-ci décrit le présent comme modification du passé, mais celui-ci tombe encore dans une impasse psychologique empiriste lorsqu'il se contente d'envisager le temps comme une succession de contenus. Sa théorie est la suivante : la conscience du temps est une succession de moments qui chassent le moment qui précède, de telle sorte que ce moment-ci ne soit plus réel (seul le présent l'est). Husserl le refuse précisément : non seulement ces contenus sont réels, mais sa théorie ne permet pas de rendre compte des différentes unités temporelles. Dans l'exemple bien connu d'une mélodie, on ne pourrait avoir conscience de la mélodie si la forme d'un son en chassait un autre, mais on ne peut pas non plus supposer que les contenus des différents sons soient présentés tout à la fois (ce qui donnerait une cacophonie et même une contradiction). Sa phénoménologie lui permet de développer une conception de la conscience intime du temps assez subtile mais assez claire. En fait, Brentano ne distingue pas clairement la forme temporelle et les contenus temporels : dans l'immanence de la conscience intime du temps, la rétention d'une perception (ou impression originaire) n'est pas la sauvegarde d'un contenu dans le présent, mais une forme intentionnelle qui vise passivement ce qu'il vient de se produire à titre de contenu passé. La rétention n'est pas un acte à proprement parler. En tant qu'intention (passive), elle est vide de contenu : elle est conscience de ce qu'il vient de se produire, elle ne représente pas le passé dans un présent, mais est conscience du passé comme tel. La protention, tournée vers le futur, suit également ce schéma. de rétentions en rétentions, l'on obtient une continuité immanente. le temps immanent peut ainsi s'écouler sans que les contenus temporels ne se chevauchent contradictoirement et sans que les unités temporelles deviennent impossibles. C'est différent pour le ressouvenir (et, vis-à-vis du futur, l'attente), qui est précisément une telle re-présentation, une telle re-production. le ressouvenir fait encore partie de l'immanence de la conscience intime du temps. Mais il est autonome par rapport à la perception et à l'impression originaire : il s'agit d'un tout autre type d'intention, qui suppose néanmoins au préalable la rétention. le ressouvenir assure une unité objective au sein de la conscience du temps (au même titre que l'attente). le jugement est un cas intéressant. Quand je juge que 2 fois 2 font 4, ce qu'il se forme dans l'immanence de ma conscience du temps n'est pas l'ensemble du jugement, mais le 2 fois 2. le 4 n'apparait là qu'en tant que visée.

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Notes sur Heidegger

Ce livre comporte les notes prises par Husserl sur Heidegger, une conférence dans laquelle il semble faire allusion à Heidegger, les articles de l’Encyclopedia Britannica témoignant de leur collaboration, une lettre de Heidegger à Husserl et une excellente explication de Denise Souches-Dagues.

Dans l’ensemble, c’est un ouvrage très utile pour s’imprégner simplement des différences qui opposent ces deux penseurs (le « revirement anthropologique », etc).
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Recherches logiques, tome 2-1 : Recherches ..

Dans cette partie des Recherches logiques on reste dans une perspective relativement transcendantale bien qu'elle ne s'y entend pas comme métaphysique. Au contraire, l'ouvrage analyse de sa propre manière des concepts fondamentaux comme le rapport du tout aux parties, etc. La cinquième recherche doit vraiment être considérée : cette réflexion sur les vécus intentionnels et leurs contenus me semble être la plus caractéristique de la phénoménologie husserlienne.
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La crise de l'humanité européenne et la philoso..

Ce discours de Husserl est peu accessible car le propos reste obscur. On comprend que Husserl s'interroge sur la raison et l'histoire, que la raison scientifique ne peut pas être objective puisqu'elle est elle-même définie et empêtrée dans des raisonnements subjectifs posés par des scientifiques subjectifs, car produits des influences de l'histoire. A lire si vous êtes vraiment passionné par la philosophie. Sinon passez votre chemin.
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Normativité et déconstruction : Digression dans..

Un petit livre écrit avec une rigueur et une clarté de méthode fort enviables. A l'origine, il s'agissait de digressions de Leçons sur l'éthique, mais on y parle davantage de sciences normatives que d'éthique (qui ne retrouve sa centralité qu'à la fin, dans laquelle l'éthique est désignée comme reine des sciences normatives). Husserl cherche à démontrer que les sciences de l'esprit sont normatives et objectives tandis que les sciences naturelles sont seulement objectives, c'est-à-dire que les sciences normatives (qui jugent logiquement les normes à apposer à un discours sensé en vertu de critères phénoménologiques) se rapportent nécessairement aux actes de l'esprit, aux actes de jugement par exemple – ces actes sont toujours sensés (les intentions orientées vers l'objectivité ont toujours un sens) et la prédication normative ne porte que sur du sens, et ainsi un acte de sens intentionnel, et ne constitue ainsi pas une proposition objective en soi en dehors de la normation que la science normative vise comme objet. Il y a une autonomie de la science du sens : on peut envisager une proposition qui manque d'effectivité sans que cela ne lui enlève le moindre sens. Mais, dans une science des actes, on va adopter un tempérament normatif sur un tel sens. Cependant, une science de l'esprit peut être non-normative. Husserl cherche à fonder, en plus de la psychologie naturaliste dont il ne nie pas l'importance, une psychologie phénoménologique. Quid de la déconstruction ? La déconstruction, telle qu'elle est entendue ici, est bien différente de la déconstruction au sens moderne du terme. Il s'agit en effet de dépouiller l'expérience pour en arriver à l'expérience pure, qui n'est rien d'autre que l'expérience physique et animale pure. On voit donc que, pour Husserl, la déconstruction – que l'on distinguera ainsi de la réduction phénoménologique – n'est pas proprement philosophique. On voit que, pour lui, la déconstruction ne revient pas à soumettre le naturalisme au social, puisqu'il s'agit au contraire d'en venir à une expérience physique pure, en procédant par le dépouillage de couches de sens surajoutées à cette expérience pure.

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Méditations cartésiennes et les conférences de Pa..

Après la remarquable mais ancienne traduction de Pfeiffer et de Levinas (1931), qui a eu le mérite de présenter au public francophone un exposé important et influent de la méthode phénoménologique (ce texte devenu avec les Ideen I, la Bible des phénoménologues et existentialistes français) ; voilà depuis 1994, aux PUF, la version française du texte définitif paru dans l'édition de référence des Husserliana.

Il s'agit donc d'une édition scientifiquement mieux établie, référencée et plus rigoureuse philologiquement que la précédente (chez Vrin). Bien qu’à destination des universitaires, on ne peut que la recommander, y compris à tout un chacun qui aurait l’immense et génial projet de lire Husserl.

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Idées directrices pour une phénoménologie

Très exhaustif cet essai est le plus complet qu'a pu écrire Husserl. Si les Recherches logiques initient la phénoménologie ce sont bien les Ideen qui offrent les fondements les plus décisifs pour la phénoménologie française qui suivra. L'ouvrage est fort conceptuel mais les concepts sont typiques de la phénoménologie. On y découvre dans l'ordre : la possibilité de la réduction phénoménologique (qu'il faut d'abord montrer), la réduction elle-même (qui met entre parenthèses le monde et la thèse de son existence, sans rien nier, pour se concentrer sur l'immanence transcendantale du sujet et des essences qui lui apparaissent en personne- celles-ci n'étant pas l'objet qui au contraire transcende la conscience mais se retrouvent plutôt à chaque esquisse d'objet en sorte qu'on puisse parvenir à saisir, parfois par abstraction, leur pureté eidétique par le phénomène lui-même), la corrélation entre le sujet transcendantal et l'essence qui se présente dans le vécu et l'intuition venant remplir l'intention, la différence de la noèse (orientée vers le sujet immanent et l'acte réflexif) et du noème (orienté vers l'objet se consistuant par des esquisses compréhensibles par lois eidétiques et typologiques et se stabilisant selon elles, bien que le noème ne soit pas lui-même l'objet transcendant, réduction oblige) et leur nécessaire parallélisme, la différence entre la neutralité (qui, puisque ne permettant pas de considérer le sujet noétique dans le même "espace" que celui du noème, ne permet pas de jugement doxique en l'absence de corrélation noético-noématique) et le positionnement noématiques, la phénoménologie appliquée à la raison, la manière dont le sens noématique se concrétise en noyau, etc

Index très pratique
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Recherches logique, tome 1 : Prolégomènes à la lo..

Husserl pose ici les fondements de la saine pratique phénoménologique, qui s'entend comme "scientifique" : si ce n'est pas le lieu des Méditations cartésiennes, c'est déjà le lieu de la critique du "psychologisme", critique qui sera commune au positivisme. Le livre est structuré, réfléchi, rationnel. On peut parfois se demander, à certains moments, quel rapport entretient Husserl avec certains de ses successeurs allemands et français (on rappelle sa critique de Heidegger) mais c'est pourtant toute une remise en cause qui est en place dans ce livre en arrière-fond, qui dépasse une simple critique du "psychologisme" en participant à la fondation de la phénoménologie. Bien, qu'in fine, on se retrouve dans une analyse logique transcendantale tout à fait pertinente.

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