Citations de Fiodor Dostoïevski (3113)
Par une matinée de fin novembre, vers neuf heures, en plein dégel, le train de Varsovie approchait à toute vapeur de Pétersbourg. L'humidité et le brouillard étaient tels que le soleil avait peine à percer à dix pas, à droite et à gauche de la voie, il était difficile de discerner quoi que ce fût par les fenêtres du wagon. Parmi les voyageurs, certains revenaient de l'étranger ; mais les compartiments de troisième, les plus pleins, étaient remplis de gens de condition modeste se déplaçant pour affaires et ne venant pas de loin. Naturellement, tous étaient fatigués, transis, les yeux alourdis par l'insomnie, les visages blêmes, d'un jaune de brouillard. Dans un compartiment de troisième, deux voyageurs s'étaient trouvés face à face, depuis l'aube, près de la fenêtre. Jeunes tous les deux, au visage assez marquant, ils n'avaient presque pas de bagages et étaient vêtus sans grande recherche.
Ce qu'il y a de plus odieux dans l'argent, c'est qu'il confère même des talents.
A mesure que vous progresserez dans l'amour, vous nous convaincrez que Dieu existe et que l'âme est immortelle.
Ce n’est pas quand il a découvert l’Amérique, mais quand il a été sur le point de la découvrir, que Colomb a été heureux.
Mettre à mort un meurtrier est une punition sans commune mesure avec le crime qu’il a commis.
Nous rabaissons trop la providence quand, par dépit de ne pouvoir la comprendre, nous lui prêtons nos idées.
L'amour abstrait de l'humanité est presque toujours de l'égoïsme.
Essayez de concevoir la seconde, que dis-je, le quart de seconde pendant lequel le criminel entend glisser le couperet qui doit le décapiter. Il n'y a rien de plus hallucinant.
La nuit était merveilleuse - une de ces nuits comme notre jeunesse seule en connut, cher lecteur. Un firmament si étoilé, si calme, qu’en le regardant on se demandait involontairement : Peut-il vraiment exister des méchants sous un si beau ciel ? - et cette pensée est encore une pensée de jeunesse, cher lecteur, de la plus naïve jeunesse. Mais puissiez-vous avoir le cœur bien longtemps jeune !
Incipit : Au commencement de juillet, par un temps extrêmemement chaud, un jeune homme sortit vers le soir de la mansarde qu'il sous-louait, ruelle S..., descendit dans la rue et se dirigea lentement, comme indécis, vers le pont K..
Vivre sans espoir, c'est cesser de vivre.
Une vraie douleur est capable de donner de l'intelligence à un imbécile, toujours pour un temps, naturellement.
Il n'y a qu'un moyen de salut: prends à ta charge tous les péchés des hommes.
Il faut croire qu'il est vrai que toute la seconde moitié de la vie humaine n'est faite d'ordinaire que des habitudes contractées pendant la première.
... c'est extraordinaire que l'on puisse vivre en ce monde sans se douter qu'il existe, à proximité, un livre où toute notre vie se trouve contée comme par un témoin.
incipit :
En entreprenant de raconter les récents et si étranges événements survenus dans notre ville qui jusqu''alors ne s'était distinguée en rien, je suis obligé, faute de savoir-faire, de remonter un peu en arrière, c'est-à-dire de commencer par quelques détails biographiques sur le talentueux et très honoré Stepan Trofimovitch Verkhovenski. Que ces détails servent seulement d'introduction à la présente chronique ; l'histoire proprement dire que j'ai l'intention de raconter ici est encore à venir.
Avertissement de l'auteur :
En abordant la biographie de mon héros Alexis Féodorovitch karamazov, j'éprouve quelque perplexité. En effet, quoique je donne à Alexis Féodorovitch le nom de héros, je sais bien qu'il n'est nullement un grand homme, de sorte que je prévois des questions inévitables dans le genre de celles-ci : en quoi votre Alexis Féodorovitch est-il remarquable pour avoir été choisi pour héros ? De qui est-il connu et en quoi ? Pourquoi moi, lecteur, dois-je perdre mon temps à étudier les circonstances de sa vie ?
La dernière question est la plus épineuse, car je ne puis y répondre que ceci : "Peut-être le verrez-vous vous-même dans le roman."
En théorie, encore, on peut aimer son prochain, et même de loin : de près, c’est presque impossible. Si, du moins, tout se passait comme sur la scène, dans les ballets où les pauvres en loques de soie et en dentelles déchirées mendient en dansant gracieusement, on pourrait les admirer. Les admirer, mais non pas les aimer...
A présent chacun aspire à séparer sa personnalité des autres, chacun veut goûter lui-même la plénitude de la vie ; cependant, loin d’atteindre le but, tous les efforts humains n’aboutissent qu’à un suicide total, car, au lieu d’affirmer pleinement leur personnalité, ils tombent dans une solitude complète. En effet, en ce siècle, tous sont fractionnés en unités. Chacun s’isole dans son trou, s’écarte des autres, se cache, lui et son bien, s’éloigne de ses semblables et les éloigne de lui. Il amasse de la richesse tout seul, se félicite de sa puissance, de son opulence ; il ignore, l’insensé, que plus il amasse plus il s’enlise dans une impuissance fatale.
Car il est habitué à ne compter que sur lui-même et s’est détaché de la collectivité ; il s’est accoutumé à ne pas croire à l’entraide, à son prochain, à l’humanité et tremble seulement à l’idée de perdre sa fortune et les droits qu’elle lui confère. Partout, de nos jours, l’esprit humain commence ridiculement à perdre de vue que la véritable garantie de l’individu consiste, non dans son effort personnel isolé, mais dans la solidarité. Cet isolement terrible prendra certainement fin un jour, tous comprendront à la fois combien leur séparation mutuelle était contraire à la nature, tous s’étonneront d’être demeurés si longtemps dans les ténèbres, sans voir la lumière. Alors apparaîtra dans le ciel le signe du fils de l’Homme...