Citations de Fiodor Dostoïevski (3099)
- C'est du moins heureux, observa-t-il, que la souffrance soit courte au moment où la tête tombe.
- Savez-vous ce que je pense ? rétorqua le prince avec vivacité. La remarque que vous venez de faire vient à l'esprit de tout le monde, et c'est la raison pour laquelle on a inventé cette machine appelée guillotine. Mais je me demande si ce mode d'exécution n'est pas pire que les autres. Vous allez rire et trouver ma réflexion étrange; cependant avec un léger effort d'imagination vous pouvez avoir la même idée. Figurez-vous l'homme que l'on met à la torture: les souffrances, les blessures et les tourments physiques font diversion aux douleurs morales, si bien que jusqu'à la mort le patient ne souffre que dans sa chair. Or ce ne sont pas les blessures qui constituent le supplice le plus cruel, c'est la certitude que dans une heure, dans dix minutes, dans une demi-minute, à l'instant même, l'âme va se retirer du corps, la vie humaine cesser, et cela irrémissiblement. La chose terrible, c'est cette certitude. Le plus épouvantable, c'est le quart de seconde pendant lequel vous passez la tête sous le couperet et l'entendez glisser. Ceci n'est pas une fantaisie de mon esprit: savez-vous que beaucoup de gens s'expriment de même ? Ma conviction est si forte que je n'hésite pas à vous la livrer. Quand on met à mort un meurtrier, la peine est incommensurablement plus grave que le crime. Le meurtre juridique est infiniment plus atroce que l'assassinat. Celui qui est égorgé par des brigands la nuit, au fond d'un bois, conserve, même jusqu'au dernier moment, l'espoir de s'en tirer. On cite des gens qui, ayant la gorge tranchée, espéraient quand même, couraient ou suppliaient. Tandis qu'en lui donnant la certitude de l'issue fatale, on enlève au supplicié cet espoir qui rend la mort dix fois plus tolérable. Il y a une sentence, et le fait qu'on ne saurait y échapper constitue une telle torture qu'il n'en existe pas de plus affreuse au monde. Vous pouvez amener un soldat en pleine bataille jusque sous la gueule des canons, il gardera l'espoir jusqu'au moment où l'on tirera. Mais donnez à ce soldat la certitude de son arrêt de mort, vous le verrez devenir fou ou fondre en sanglots. Qui a pu dire que la nature humaine était capable de supporter cette épreuve sans tomber dans la folie ? Pourquoi lui infliger un affront aussi infâme qu'inutile? Peut-être existe-t-il de par le monde un homme auquel on a lu sa condamnation, de manière à lui imposer cette torture, pour lui dire ensuite : « Va, tu es gracié! » Cet homme-là pourrait peut-être raconter ce qu'il a ressenti. C'est de ce tourment et de cette angoisse que le Christ a parlé. Non ! on n'a pas le droit de traiter ainsi la personne humaine.
Mais le trait le plus caractéristique du Français, c'est l'éloquence. L'amour de l'éloquence est en lui inextinguible et cet amour s'enflamme de plus en plus. J'aimerais beaucoup apprendre à quel moment exact est né en France cet amour de l'éloquence. Bien entendu il a surtout commencé à se développer sous Louis XIV. Il est curieux que tout en France ait commencé sous Louis XIV, c'est vrai. Mais le plus curieux de tout, c'est que dans toute l'Europe, tout a commencé sous Louis XIV. Et comment ce roi les a-t-il séduits, - je ne puis le comprendre ! N'est-ce pas, il n'est pas très supérieur à tous les autres rois qui l'ont précédé ? Si ce n'est qu'il a dit le premier : L’État, c'est moi. Ce mot a plu infiniment, il a retenti à ce moment-là dans toute l'Europe. Je crois que c'est ce mot seul qui l'a rendu célèbre. Même chez nous on le connut étonnamment vite.
L'homme est un despote par nature et il aime être un bourreau.
Savez-vous que je vous tuerai un jour ? Non par jalousie, ni parce que j'aurais cessé de vous aimer, non ; je vous tuerai comme ça, parce que j'ai parfois envie de vous dévorer ! Vous riez...
Par exemple, elle sait fort bien que je l'aime à la folie, elle me permet de lui parler de ma passion ; certes, rien n'exprime mieux son mépris que de me laisser ainsi l'entretenir sans réserve de mon amour.
Le vrai gentleman ne doit pas s'émouvoir, même en perdant tout se fortune.
Et maintenant, une fois de plus, je me posai la question : est-ce que je l'aime ? Et, une fois de plus, je ne pus y répondre ; ou plutôt, pour la centième fois, je me dis que je la détestais. Oui, je la détestais. Par moment, je sentais que j'aurais donné la moitié de ma vie pour l'étrangler (cela, à la fin de toutes nos conversations). Si la possibilité m'était donnée de lui enfoncer lentement un couteau dans la poitrine, je jure que je l'aurais empoigné ce couteau , avec une satisfaction intense. Et pourtant, je le jure par tout ce qui est sacré, si sur le Schlangenberg, cette montagne à la mode, elle m'avait dit pour de bon : "Sautez !", je l'aurais fait immédiatement, et même avec volupté, j'en étais sûr.
Ce qui compte : aime ton prochain comme toi-même, voilà ce qui compte
Qu’est-ce qu’un rêve ? Et notre vie, elle n’est donc pas un rêve ?
les hommes peuvent être beaux et heureux sans perdre le pouvoir de vivre sur la terre
Hélas, j’avais toujours aimé le malheur et la douleur, mais seulement pour moi-même, pour moi-même, et, sur eux, je pleurais, je les plaignais
Ils riaient même de la possibilité de ce bonheur passé, et ils l’appelaient “un songe”
Quand ils devinrent criminels, ils inventèrent la justice
L’amour que j’éprouvais pour eux contenait lui-même une souffrance : pourquoi n’arrivais-je pas à les aimer sans les haïr ?
Mais leur savoir était plus profond et plus haut que celui de notre science ; car notre science cherche à expliquer la vie, elle cherche à la saisir par la raison pour apprendre à vivre aux autres ; eux, même sans la science, ils savaient comment ils devaient vivre
Sur notre terre, nous ne pouvons vraiment aimer qu’avec la douleur, et seulement par la douleur !
Si je me suis fâché, c’est suite à cette conclusion que, si j’avais pris ma décision de me suicider cette nuit, alors, tout devait m’être égal dans le monde — à ce moment-là plus encore que jamais. Pourquoi donc avais-je, tout à coup, senti que ça ne m’était pas égal, et que j’avais pitié de la petite fille ?
Je n'avais même pas compris qu'elle faisait exprès de se masquer dans l'ironie, que c'était là le dernier refuge courant des gens au cœur pudique et droit quand, d'une manière grossière et insistante, vous voulez pénétrer dans leur âme - des gens qui, par fierté, résistent jusqu'au dernier instant et craignent d'exprimer devant vous ce qu'ils ressentent.
Qu'est-ce que ça peut bien faire que ce soit une tension anormale, si le résultat lui-même, si la minute de sensation, quand on se souvient d'elle et quand on l'examine en pleine santé, est, au degré ultime, de l'harmonie, de la beauté, et si elle vous donne un sentiment de plénitude invraisemblable, insoupçonné, un sentiment de mesure, d'apaisement, celui de se fondre, en prière extatique, dans la synthèse supérieure de la vie ?
Et que vais-je rêver maintenant que je suis heureux auprès de vous, en réalité ?