Elles ont accompli loffice des embaumeuses..., François Emmanuel
lu par l'auteur
oh je voudrais te dire que ce n'est pas grave au fond, pas si grave, que mon temps est venu simplement, comme le temps de chacun doit venir, toi qui te souviens que nous sommes éternels, dans cette vie où tout est passage, nous sommes éternels et nous passons.
Il y a des moments dans la vie où une décision qui tranche est plus opportune que bien des atermoiements...
amour qui me revient par vagues, m'inonde puis me déserte, me remplit à nouveau, je ne savais pas que c'était cela mourir, passer d'un instant à l'autre par toutes les mains de la vie...
Prendre conscience du très vieil embarras, de l'immémoriale difficulté, à relier raccorder conjoindre le ciel du dehors et le ciel au-dedans de soi. Entre le dehors et le dedans, appréhender confusément ce quelque chose de barré, encombré, obstrué, ce ramas, cet agglomérat, cet enchevêtrement de choses, appareils, écrans, projections, voiles, pellicules, images, images, mots, mots, mots..., empêchant le ciel du dehors de communiquer avec le ciel au-dedans...
[...]
L'encombrement passe, poursuivait impassible la voix d'Eleanor, les filtres mollissent, les murs silencieusement s'effondrent, les écrans se désagrègent, les films, les projections, les images, tombent en miettes,
voyez comme elles tombent,
tout tombe,
visualisez le grand délitement des choses...
(et là d'un coup c'était puissant : déferlante soudaine de papier déchiqueté, dégueulis de Deletor-Nexa, grandes coulées de bouillante documentaire, procès verbaux en miettes, allocation key, alloction ky, allcton ky, alcton k... volumineux dossier crème fondant sur dossier crème, liasses de feuilles boursouflées par les flammes, investment failure, invetment filur, invetent flur, invten fur, inv fr..., mes mots, mes propres mots, aspirés à chaque klonk par ma machine à désécrire...)
(p. 264)
[J]'étais dans le grand ascenseur au milieu de tous les collègues qui semblaient très bien savoir où les portait la cage. Ils entraient et sortaient par groupes à l'étage 2, 3, 7, 9, 11 dont les chiffres rouges clignotaient puis se fixaient un temps au-dessus des portes coulissantes. Juste avant que les portes ne s'ouvrent, une note de cristal tintait pour sonner une alarme douce, et ponctuer de ce carillon la chorégraphie des hommes et des femmes qui montaient et descendaient dans les étages de la tour. Moi je n'arrivais plus à sortir de la cage, ni au 2, ni au 9, ni au 11. L'ascenseur poursuivait sans fin ses navettes, les hommes et les femmes rentraient, sortaient, les corps ne se touchaient pas, les parfums, les haleines se mêlaient, les regards demeuraient fixes. Je me blottissais sans me blottir dans ces groupes toujours nouveaux, toujours indifférents, toujours semblables.
(p. 99)
Il faut dire que nous faisons beaucoup de bruit, nous les hommes. Et nous pensons que les oiseaux chantent malgré l'enfer sonore que nous leur imposons. Nous avons aussi une vision cadastrée du mot territoire, nous croyons qu'il leur reste toujours l'un ou l'autre lotissement dans le grand ciel. Imaginez un mandoliniste amoureux dans une ville où tambourinent en permanence quatre-vingt-huit marteaux-piqueurs...
(p. 201)
Est - ce qu'une absence peut un jour devenir douce ?
[Les séminaires que j'animais] étaient inspirés par cette nouvelle culture d'entreprise qui place la motivation des employés au coeur du dispositif de production. Les méthodes y usaient indifféremment du jeu de rôle, des acquis de la dynamique de groupe, voire d'anciennes techniques orientales où il s'agissait de pousser les hommes à dépasser leurs limites personnelles. Les métaphores guerrières y prenaient une grande part, nous vivions par définition dans un environnement hostile et j'avais pour tâche de réveiller chez les participants cette agressivité naturelle qui pût les rendre plus engagés, plus efficaces et donc, à terme, plus productifs. (p. 7-8)
Il y a dans tout perfectionnisme une effroyable peur du vide.
La soif
qui séchait ma gorge la soif
étanchée d'eau blanche ou de lait devenait
peu à peu soif d'elle
lorsqu'elle pressait le verre contre ma lèvre et
je buvais alors ses yeux sentant le breuvage
gagner de proche en proche les cavités de mon
corps tandis qu'elle pénétrait en moi en longues
salves parfumées et j'étais englouti par
elle et c'était son premier baiser,
Boire, j'aimerais boire