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Critiques de Gaëlle Josse (1924)
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Une femme en contre-jour

Une femme en contre-jour - Gaëlle Josse - Éditions J'ai lu - Lu en janvier 2021.



Je viens de le terminer, là, à l'instant et j'ai le coeur serré pour Vivian Maier, qui après une enfance malheureuse, est devenue une nounou pour enfants aux Etats-Unis, juste pour avoir un toit et se nourrir.



Mais sa vie ne s'arrête pas à ce travail, car sa passion, c'est la photographie, pas n'importe quelles photos, celles de la rue, celles de la pauvreté, celles des démunis, celles des regards blessés , celles des enfants, des femmes des hommes qui ne sont que des ombres dans le monde. Attirée comme un aimant par ces vies qui n'en sont pas, comme le fût la sienne.

"Chez Vivian Maier, il y a la crasse de la rue, la saleté des vêtements tachés, déchirés, il y a des chaussures trouées et des enfants qui jouent dans le caniveau. Des femmes épuisées et des hommes à terre." Page 31



Jamais Vivian Maier n'a tiré profit de ses photos, était-elle consciente de leur valeur ? Elle restait dans l'ombre.

Jusqu'au jour où....



Comme beaucoup d'artistes, Vivian Maier ne connut la célébrité qu'après son décès.



C'est au hasard d'une vente aux enchères (Vivian ne payait plus le loyer du garde-meubles) de ses cartons remplis de photos,négatifs... , qu'un agent immobilier à la recherche de photographies pour son travail a acquis le lot de cartons, sans savoir qu'il tenait entre ses mains toute la vie de Vivian Maier.



John Maloof a fait des recherches sur la vie de Vivian Maier aux États-Unis, femme aux multiples personnalités, née le 1er février 1926 à New York d'une mère Française et d'un père Autrichien, décédée le 21 avril 2009 à Chicago à l'âge de 83 ans



Qui était-elle vraiment ?



C'est au fil de la plume de Gaëlle Josse que j'ai découvert ce qu'a été la vie de Vivian Maier, une vie faite de précarité et de solitude, de silences, avec pour seul ami toujours pendu à son cou, son appareil photo. Elle parviendra à force de ténacité à traverser les États-Unis, se rendre au Canada et en Amérique Latine, avec aussi des allers-retours en France dans le Champsaur, la vallée d'origine de sa famille maternelle, dans les Hautes-Alpes.



"Faire passer un peu de lumière dans l'opacité des êtres, dans leur mystère, leur fragilité, dans leurs errances, et dire ce qu'on entrevoit, ce qu'on devine, ce qui se dérobe"- page 153 - c'est ce qu'a fait Gaëlle Josse dans ce roman sur Vivian Maier, une femme qui se fichait du qu'en dira-t-on, qui était libre , qui se concentrait sur l'essentiel et la photographie. C'est probablement cette passion qui l'a sauvée et l'a aidée à vivre, elle jetait un regard humain sur le monde d'en bas.



C'est le premier livre de Gaëlle Josse que je lis, et ce ne sera pas le dernier.



Continuez à prendre soin de vous.
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Une longue impatience

Année 50, un village de Bretagne,

Un fils qui disparaît, celui d’Anne,

Un creux,

Un vide,

“Depuis, ce sont des jours blancs.”



“Tu n’aurais pas dû......

Oui, il n’aurait pas dû. Pas dû dégrafer sa ceinture en cuir et en frapper Louis jusqu’à avoir mal au bras.”. Il, c’est Étienne, le mari, Louis, c’est son beau fils, le fils d’Yvon.

Détresse d’une mère, un malheur, ça ne se partage pas......



Que dire de cette écrivaine qui me subjugue....une prose sublime qui illumine un texte dont le fond est pourtant des plus banals ; en un court paragraphe, elle est capable de nous aller droit au cœur avec la simple description du calvaire d’une pension pour garçon, descriptions pourtant déjà faites dans moult récits, “Il y avait le dortoir inhospitalier, avec les draps pleins d’humidité, la couverture trop mince, les ronflements et les halètements obscènes des plus âgés, sous le regard d’un Christ immense, visage de supplicié accroché à son bois,...”.

Le temps d’une lecture, elle m’a fait vivre avec Anne dans ce village, sentant au plus profond de moi-même, ses joies, ses peines, sa longue attente et sa souffrance indicible, qu’on ne peut que partager quand on est mère soi-même.

J’ai adoré Anne , j’ai adoré la fin, sublime !

Ce doit être ça le talent, nous hypnotiser, nous émerveiller, nous lectrices et lecteurs.



« ......cette grotte où nous vivons seuls, où personne ne peut entrer, à cette part obscure et inavouable que nous portons en nous. »







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La nuit des pères

Quel bonheur de retrouver la plume et la noirceur de Gaëlle Josse, oui sa plume noire si singulière, celle qui a su déjà avec « Une longue impatience » m'étreindre pour ne plus me lâcher, celle qui trace des mots nerveux et authentiques, des mots vrais et à vif, en creusant des ombres violines de plus en plus brunes au fil du récit. Ondes concentriques autour d'un centre névralgique qui fait surface peu à peu. Croute grattée au sang jusqu'à la prochaine cicatrisation.

Si « Une longue impatience » dressait un formidable et troublant portrait de femme écorchée vive, c'est le père, cette fois, qui est au centre des attentions. le père dont la nuit étend ses couleurs sombres et son emprise sur la famille. Cendres pétrifiantes sur âmes rose tendre.

Je trouve la couverture du livre à ce propos très bien choisie, la vision de cet homme surplombant et avançant malgré tout sur cette masse sombre, compacte, un obstacle à franchir ce passé trouble, fardeau pour tous.



Héritons-nous toujours de la nuit de nos parents, de leur part obscure, de leurs secrets inavoués, de leur part non révélée ? Est-ce dans nos gènes, dans la singularité des dysfonctionnements propres à chaque famille, dans ce que nous ressentons intuitivement sans pouvoir le nommer, dans ce que nous haïssons parfois et subissons, usant nos forces toute notre vie à créer une histoire à contre-courant, en opposition ? Chacun d'entre nous y réagissons de façon différente mais sommes-nous les résultats des traumatismes de nos ainés ? Notre quête éternelle porte-t-elle toute notre vie sur ce que cette nuit a pu créer en nous comme manques ?

J'ai tendance à le penser du fait de ma propre histoire et de la psychogénéalogie suivie pour tenter de comprendre cette course de relais perpétuel. Je me suis toujours demandé si vieillir, ou s'épanouir tout simplement, c'était précisément arriver à comprendre cette part inavouable transmise, l'accepter, l'accueillir et ainsi savoir pardonner. En déceler même la part lumineuse, malgré et contre tout, des clairières dans toute cette forêt. Mais avant cette compréhension, sans doute nous-même, avons-nous transmis ce que cette nuit a fait germer dans notre inconscient. Comme un poison qui se transmettrait de génération en génération. Et la parole, l'écriture, les mots constituent comme autant d'antidotes possibles.



Gaëlle Josse fait de toutes ses interrogations le thème central de son dernier livre « La nuit des pères », faisant vibrer douloureusement l'intime en moi. La nuit des pères, la nuit des mères, celle des parents, cette nuit pouvant être ténue, infime ou infinie.

Elle axe son propos sur le père d'Isabelle et Olivier. Appelée par son frère Olivier, Isabelle rejoint le village des Alpes où ils sont nés. La santé de leur père, ancien guide de montagne, décline, il entre dans les brumes de l'oubli.

Après de longues années d'absence, elle appréhende ce retour. C'est l'ultime possibilité, peut-être, de comprendre qui était ce père si destructeur, si difficile à aimer. Trois jours dans la maison de l'enfance qu'Isabelle a quitté très jeune, traversée par l'urgence de la fuite, par l'impatience des ailleurs, tournant le dos à la montagne pour descendre au fond des océans. Trois jours durant lesquels les souvenirs affluent, sans relâche. Un père très difficile pour ne pas dire odieux, une mère quasi invisible, mais si douce, tentant de faire rempart entre ce mari dont elle connaissait les secrets et qu'elle aimait et les deux enfants. Au contact de ce père désormais amoindri, la colère, voire la haine, fait place progressivement à l'indulgence, puis au pardon lorsque les deux enfants enfin comprennent l'horreur vécu par le père.



« Voilà où j'en suis. Et toi mon père qui avance à pas lents vers les ombres qui vont t'ensevelir vivant, où en es-tu ? Je m'aperçois que je ne te connais pas. Je me sens perdue moi aussi. Chacun dans sa pénombre. La tienne me fait une peine infinie. Je ne m'attendais pas à éprouver cela. Que puis-je faire pour te retenir parmi nous ? »



L'écriture de Gaëlle Josse est une merveille. Tout d'abord dans sa façon de parler directement au père, de s'adresser à lui, lettre écrites durant ces trois jours, non envoyées, reflets d'un journal troublant. Cette interpellation convoque l'intime, le profondément enfoui, ne met aucune distance entre elle et son père. Ensuite dans l'écriture même, à la fois délicate et puissante, ciselée et poétique, envoutante et obsédante, avec ses phrases courtes au rythme hypnotisant, une écriture dense qui creuse son sillon pour remonter à contre-courant, retour aux sources des douleurs enfantines. Des redondances, il est vrai, comme autant d'obsessions à peler, à creuser, à mettre à nue. Nécessaire. Des fulgurances de douceur et de tendresse aussi, parfois.



« Maman, impératrice des écorchures soignées et des beignets aux pommes, maman raconteuse de Roule galette et de Boucle d'or, chuchotés à l'orée du sommeil, tu es là, avec nous, bien plus que sur cette photo installée sur la cheminée, avec son cadre argenté, avec mise en plis et rouge à lèvres exprès pour la photo. Bien présenter toujours. Sourire, toujours. Se tenir. La peau si fine de tes bras dévorés de tâches de son. Ai-je connu plus grande douceur ? ».



Un petit livre poignant, bouleversant, débouchant sur un apaisement, une note d'espoir. J'aime profondément sa façon d'écrire, sa façon de creuser, sa façon d'interroger si paradoxale, à la fois délicate et obsessionnelle. Une auteure qui arrive à me toucher comme peu d'auteurs y parviennent. A ce point.



« Face à nous, le soleil se levait, éclairant peu à peu l'espace, repoussant la nuit. L'aurore aux doigts de rose, a-t-il murmuré, la voici. Autour de nous, de l'or et du rose, en longs filaments lumineux. Tu vois nous renaissons chaque jour ».

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L'ombre de nos nuits

On est parfois subjugué en admirant un tableau, en écoutant quelques notes de musique ou en lisant un livre. Par quelle alchimie parviennent-ils à toucher notre sensibilité, à nous faire monter les larmes aux yeux, à nous renvoyer à des moments intimes et forts de notre existence ?

C’est un de ces moments particuliers, si beau, si douloureux, que connaît une femme en découvrant dans un musée ce tableau du XVIIème siècle : « Saint Sébastien soignée par Irène » de George de La Tour.

Notre héroïne ne cherche pas à analyser cette attirance presque physique. Elle se laisse engloutir par le regard rayonnant de la jeune femme du tableau, par la légèreté de ses mains posées sur la blessure de Sébastien. Et son amour perdu lui saute alors au visage. Elle se souvient de ses moments miraculeux où elle ne touchait plus terre, où elle vivait plus fort, plus haut. Où sans lui, elle se sentait incomplète. Elle était éblouie, ou plutôt aveuglée par cet homme à qui elle avait offert la meilleure part d’elle-même.

Un amour unique, un amour banal, comparable à celui que Laurent, jeune peintre apprenti sorti du ruisseau par George de La Tour, entretient pour la belle Irène. Un amour impossible qui le fait souffrir autant qu’il le fait grandir.

Une passion qui transcende comme celle de George de La Tour quand il se lance dans la réalisation de son chef-d’œuvre. Arrivé au sommet de son art, il a l’orgueil démesuré de vouloir « peindre le silence, le temps arrêté, l’appel d’une voix dans la nuit, la lueur qui nous guide ».

Au-delà des siècles, un roman à trois voix : celle du vénérable et contemplatif George de La Tour, du jeune et bouillonnant Laurent, de notre belle inconnue égarée dans le clair-obscur du tableau.

Un roman qui parle d’amour et de passion ; un roman qui chasse les ombres et toutes les insignifiances de la vie quotidienne.



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Ce matin-là

C'est l'histoire d'une chute, d'un effondrement soudain, d'une débâcle intime. Clara ne savait pas qu'elle marchait au bord du gouffre. Elle, la princesse de ce royaume, menton levé, hauts talons qui claquent, tailleur ajusté, et toute cette flopée de certitudes brandie comme un étendard.

Elle travaille dans une entreprise performante, avec un vrai projet et un vrai esprit de corps. Collaboratrice dynamique, solide, qui ne compte pas ses heures… On peut tout vivre dans une entreprise : on peut s'y épanouir, s'y ennuyer à mourir, y pantoufler, ou bien y découvrir l'enfer…

Clara eut bien quelques moments d'incertitudes, de brusque fatigue, mais ces alertes furent vite balayées par ses inébranlables certitudes. Jusqu'à ce mauvais souvenir et cet évènement anodin de la vie quotidienne la contraignant à arrêter cette épuisante course de fond sans point d'arrivée.

Vient alors pour Clara le temps de la grande déchirure. La chute infernale dans un puit noir sans fond. La princesse de ce royaume se transforme en femme hagarde et transparente. « Une invisible égarée dans la foule ».

Esprit vide. Semaine lente. Existence à l'arrêt. « Vie de paramécie ». « Immobilité d'iguane ». La famille, les amis, l'homme qu'elle aime ne comprennent pas ce qui lui arrive. Ils l'aident, la soutiennent, l'engueulent, se retirent désappointés sur la pointe des pieds, reviennent. Rien n'y fait. Clara s'enfonce dans sa nuit, s'enferme dans sa terrifiante immobilité.

Il lui faudra revenir en arrière, loin derrière, presque aux origines, pour retrouver ce carrefour et emprunter cette fois le bon chemin. Puis recommencer à vivre. Tout doucettement.

Un roman âpre, dur, qui fait mal parfois. Un roman difficile à lire parce qu'il nous renvoie à nos propres incertitudes, à nos propres interrogations, à la vacuité de nos existences modernes. À notre marathon intime.

Un roman qui ne s'oublie pas.





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Ce matin-là

Il y a douze ans, Clara assiste presque impuissante à l’effondrement de son père.

Douze ans plus tard, ce matin-là, c’est Clara qui s’effondre.

Gaëlle Josse dédicace ce livre « À tous ceux qui tombent ».



Je suis tombée.

Il y a trois ans.

Effondrée dans ma cage d’escalier. Le corps en miettes. L’esprit vidé et aspiré par du trop plein.

Le corps en lambeaux.



Ce matin-là est un roman qui mériterait d’être souligné de long en large tant il n’est que prose et verve.

Mais, effondrés à lécher le sol, avez-vous accès à ces montagnes de prose ?

Je vous réponds en mon âme et conscience : non. Vous n’avez plus accès qu’à un monde en noir et blanc.

Alors pourquoi toutes ces couleurs dans ce livre ? Ces couleurs m’ont sauté aux yeux très vite. Gaëlle Josse décrit tout comme si elle écrivait avec des pinceaux de couleur. Du jaune ici, du vert par là, du bleu.

Éblouissant.

Étourdissant.

Évanescent.

Et puis quoi encore ?



Un petit tour à la mer parce que l’envie de voir l’océan vous prend soudainement ?

Ou un détour chez le fleuriste pour acheter un bouquet de tulipes ?

Vous croyez vraiment qu’effondrés par terre, on ait l’envie d’une escapade à la mer ou de bouger chez le fleuriste ?

Non. C’est comme l’été. Il fait peur quand il arrive. Il fait honte et horreur. Car effondrés par terre, on pleure de ne pouvoir toucher ces gens heureux, de ne pouvoir marcher jusqu’au fleuriste du coin, de ne pas suivre le bonheur léger des vagues au loin berçant l’océan.



J’ai lu ce livre par envie et intérêt personnel. Je n’y ai vu que du talent stylistique et très peu d’humanité.

L’effondrement pour Gaëlle Josse est introspectif, impalpable, silencieux. Et très lyrique, presque chantant, très arc en ciel aussi.



J’ai lu ce livre et je n’ai qu’une envie, crier, hurler. Tout mais pas ça. Pas ces couleurs partout. Pas ces phrases imagées métaphoriques à souhait qui enrobent la souffrance. De la simplicité pour que tous ceux qui tombent s’y retrouvent. Parce que la nuit pour beaucoup est parfois très longue. On n’a pas besoin de tulipes, de mer, de chemises jaunes fleuries. Quelqu’un qui pleure et qui a mal peut être très simple. Elle parle avec son cœur, ses tripes et son corps. Le cerveau est verrouillé. Ce matin-là fut trop cérébral et lyrique pour me convaincre.
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La nuit des pères

Avec beaucoup de pudeur et de sensibilité, Gaëlle Josse conte une histoire familiale bâtie autour de ce père qui commence à souffrir de « la maladie de l’oubli ».

L’histoire débute le vendredi 21 août 2020 lorsque la narratrice principale, Isabelle, revient dans le village de montagne où elle a grandi. Là, Olivier, son frère, médecin, vit toujours près de leur père.

Olivier attend sa sœur en gare de Chambéry. Avant de se retrouver dans ses « bras enveloppants, tendres et légers », Isabelle s’est adressée à son père, mentalement, pendant son voyage depuis Paris.

Elle se dit brouillonne, pressée, curieuse et compare son caractère avec celui d’Olivier, qui est patient et généreux. Leur père, guide de montagne réputé, a quatre-vingts ans. De sérieux symptômes de cette maladie de l’oubli n’ont pas manqué d’alerter Olivier. Ce dernier était revenu au village à la mort de leur mère survenue dix ans auparavant.

Les confidences, les réflexions d’Olivier et d’Isabelle sont toujours d’une extrême délicatesse. Leur respect mutuel est parfait et Gaëlle Josse mène admirablement échanges et réflexions sans jamais lasser. Ainsi, j’apprends que ce père, considéré comme un héros dans la vallée, est colérique et qu’il a surtout négligé sa fille qui lui en veut toujours. Il ne s’occupait que d’Olivier, si bien qu’Isabelle encore petite, avait décidé d’être un garçon. Pour cela, elle avait coupé elle-même ses cheveux avec une paire de ciseaux : un désastre ! Avant que sa mère ne tente de masquer un peu les dégâts, elle avait déjà reçu deux claques de son père.

Autre élément important du récit, pas le moins émouvant : la mort de Vincent, le mari d’Isabelle. Celle-ci est une réalisatrice réputée de reportages sous-marins – peut-être par opposition à cette montagne qu’elle hait – et Vincent plongeait pour filmer ce qu’elle demandait. Hélas, un jour…

Avec ça, Isabelle continue à confier ses souvenirs, ses regrets, les vexations et les punitions venant toujours de ce père qui, pourtant, la reçoit bien, paraissant en parfaite possession de ses moyens mais qui, subitement, oublie ce qu’il veut faire alors qu’il vient juste d’en parler. Il demande même des nouvelles de Vincent, mort depuis un an !

Fête des Pères rejetée par le principal intéressé, inspection sévère des chambres des enfants, lecture indiscrète et traumatisante du journal intime de sa fille, les exemples de mauvais souvenirs remontent à la surface. Malgré tout, il a veillé sur elle pendant ses dix jours de coma, suite à une grave chute avec son vélo rouge offert à Noël.

Surtout, il y a cette montagne qui cannibalise la vie familiale, ces colères subites, violentes, inexpliquées et ces hurlements, ce long cri de terreur que le père poussait chaque nuit.

Gaëlle Josse donne enfin la parole à cet homme qui, face à ses deux enfants, se met enfin à raconter son embarquement, à Marseille, le 9 mars 1960, à bord du Sidi Ferruch. Lui qui, sursitaire, se préparait à être prof de lettres, a fait partie de tous ces appelés du contingent envoyés en Algérie. On lui parlait d’événements et d’une indispensable pacification…

Il s’est trouvé qu’au moment où je lisais La nuit des pères, la chaîne de télévision LCP a diffusé un formidable documentaire réalisé par Georges-Marc Benamou et Benjamin Stora : C’était la guerre d’Algérie. Bien conseillé par mon épouse qui n’avait pas manqué les présentations dans Télérama, j’ai pu voir et revoir tous les éléments d’un drame qui a causé d’innombrables victimes et laissé des traces indélébiles.

La nuit des pères et C’était la guerre d’Algérie se sont complétés et enrichis mutuellement.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Le dernier gardien d'Ellis Island

En près de 60 ans d'existence, les guichets d'Ellis Island ont accueilli 12 millions de candidats à l'immigration fuyant la misère ou les persécutions de leurs pays.



L'île des 29 questions, auxquelles était soumis chaque migrant, fait face à Miss Liberty que tous les passagers des bateaux bondés voyaient comme l'entrée rêvée de cet Eldorado tant convoité. De ses fonctionnaires plus ou moins zélés, plus ou moins trafiquants, plus ou moins voleurs, plus ou moins voyeurs, se dégage la figure de John Mitchell, dernier occupant d'un bâtiment en fin d'activité, comme lui-même.



Des souvenirs très précis de ses 45 années de service, consignés dans son livre-journal, sont la trame de ce roman à l'écriture parfaite et maîtrisée qui insinue les détails historiques dans les personnages imaginaires.



Ce directeur, intègre en apparence, vit marqué par une tache indélébile et par une prophétie fatale. Il vaut mieux ne rien en dévoiler.



Cette histoire aurait très bien pu être le prélude à une sorte d'"Il était une fois en Amérique" mais l'auteure en a décidé autrement. 167 pages seulement mais intenses et vibrantes. A suivre assurément.



God bless America !













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Une longue impatience

Comment décrire l'émotion qui m'a submergée à la lecture de cet ouvrage de Gaëlle Josse dont j'ai pourtant lu tous les livres?



Elle donne la parole à une mère déchirée, dévorée , coupée en deux par la souffrance et l'attente, Anne Quemeneur, veuve le Floch, dont le fils Louis, seize ans a fugué , dans les années 50 dans un petit village de Bretagne ....



Contrairement à mon habitude je ne m'étendrai pas sur l'histoire que chacun peut découvrir , ce qui m'a touchée au plus profond, c'est la douleur ,la tristesse infinie , le déchirement comme si nous le vivions nous-mêmes, de cette mère , l'immensité de son amour inconditionnel pour son fils.



Le portrait de cette femme est bouleversant , poignant, douloureux.Toute en retenue , pudique, aimante ,sensible,douce, attentive, elle vibre intensément de chagrin à l'intérieur sans en rien montrer aux autres. Elle se réfugie dans son ancienne maison, tiraillée entre l'amour pour son deuxième mari Étienne, ses deux enfants nés de cette union, et l'incompréhension liée au geste de son mari qui l'aime trop .....



L'auteur, avec une sensibilité rare, hors norme, une subtile délicatesse, une écriture ciselée comme un diamant, lumineuse, fine, travaillée à l'égale d'une toile de maître, nous touche au coeur, dévoile les sentiments comme elle sait si bien le faire !





On sent les matinées glacées, l'odeur des hortensias, des embruns, la couleur ambre du sable des sentiers, les cris des mouettes, les odeurs de gazole , des flaques d'huile, dans un encombrement de tôles, de fer, de métal, de caisses, de treuils au milieu des hommes qui crient avec de grands gestes sur le port....

Ces douleurs intimes, une espèce de gouffre, de puits sans fonds ,ne vont -elles- pas dévorer -miner- user-cette mère secrète, généreuse, courageuse et fière, qui délivre et soulage sa souffrance au sein de magnifiques billets , en décrivant les festins à venir si ce fils fantôme revenait un jour.?

Anne incarne et préfigure toutes les mères qui tiennent debout contre vents et marées....

" Je suis seule , au milieu de la nuit, au milieu du vent.

Je devine que désormais, ce sera chaque jour la tempête ."



Un portrait de femme bouleversant, intense, de chagrin et d'amour et une écriture magnifique .La Grâce! Lu d'une traite .



Les mots sont à leur juste place !

Merci madame Gaëlle-Josse . quel talent ! On aimerait vous connaître !

Je remercie ma libraire , Marie !
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Le dernier gardien d'Ellis Island

Il y a « trop d’amour, trop de peine dans ces pages ».

Ce John Mitchell, je l’ai aimé tout de suite ! Un homme droit qui ne transige pas sur les principes. Un homme solide sur qui l’on peut compter. Un serviteur zélé de l’état. Un homme fragile aussi, avec ses fêlures et ses doutes. Un homme seul, incompris des autres, et mis un peu de côté. Un homme vaillant, capable par amour, par passion, de transgresser les règles et d’entrer de plein pied dans des zones obscures, dangereuses. Un homme qui a deux femmes au « creux du cœur ». Deux femmes qu’il a perdues.

En ce début du vingtième siècle, John Mitchell est cette sentinelle qui, de sa tour de guet d’Ellis Island, contrôle les innombrables vagues d’émigrants qui veulent pénétrer en Amérique pour en chasser les indésirables. Un combat de tous les instants, un corps à corps brutal contre ces hommes, ces femmes, ces enfants qui fuient la misère, viennent des quatre coins de l’Europe, ont tout abandonné, tout perdu, et rêvent en Amérique d’un avenir flamboyant.

Au soir de sa vie, John Mitchell se raconte avec amertume et sans concessions. Il tombe les masques, et cours se réchauffer auprès de ses moments de joie.



PS : Pour les personnes qui sont intéressées par ce livre, je leur conseille d’aller sur le site « derniergardiendellis.tumblr ». Vous trouverez des photos d’Ellis Island, ainsi que de ces longues files de migrants qui ont quitté leur pays. Vous les verrez dans leurs costumes traditionnels. Certaines sont saisissantes. Vous trouverez aussi de jolis poèmes et des chansons bien tristes qui racontent l’exil et la séparation.



“L’exil est rond

Un cercle, un anneau :

tes pieds en font le tour,

tu traverses la terre,

Et ce n’est pas la terre

Le jour s’éveille et

Ce n’est pas le tien,

la nuit arrive :

Il manque tes étoiles

Tu te trouves des frères,

Mais ce n’est pas ton sang.”

Pablo Neruda, Chants libre d’Amérique latine













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Le dernier gardien d'Ellis Island

Il lui reste 9 jours et 9 nuits. 9 jours à errer dans les couloirs vides d'Ellis Island, à entendre ses pas résonner dans les couloirs vides. 9 jours avant que les hommes du Bureau fédéral de l'immigration débarquent ici et le ramènent à la terre ferme. 9 jours avant de devenir un retraité anonyme dans un petit appartement de Brooklyn. 9 jours pour coucher sur papier ses quelques souvenirs. Brûlants. Vertigineux. Parfois encombrants.

Il lui reste 9 jours et 9 nuits pour se rappeler ces hommes et ces femmes, voyageurs au long cours qui ont tout laissé derrière eux. Vêtus de leurs plus beaux habits, le ventre vide mais des rêves pleins la tête devant cette porte dorée...



Gaëlle Josse signe là un roman passionnant et percutant, mêlant adroitement la petite histoire dans la grande. John Mitchell, personnage intègre, droit et amoureux, se livre dans ce carnet de bord. De son épouse tant aimée, Liz, à son interprète italien Luigi Chianese, en passant par tous ces anonymes, italiens ou hongrois, désireux de poser le pied sur cette terre pleine de promesses, il sera l'éternel témoin des vies et de la politique d'immigration des Etats-Unis. L'auteur nous offre un témoignage sensible, émouvant et ô combien utile de tous ces exils. Ellis Island, personnage à part entière, domine tout au long de ce roman, hautaine et intransigeante. Gaëlle Josse, ayant écrit ce récit à son retour d'Ellis Island, a su parfaire cette ambiance si troublante. De son écriture poétique, tout en finesse et en justesse, elle nous émeut, nous happe et nous transporte bien au-delà des mers.



Rencontrez Le dernier gardien d'Ellis Island...
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Ce matin-là

Juillet 2006. Premier chapitre. Événement banal, un AVC, un renoncement, pourtant tout de suite happée. C’est le nouveau roman de Gaëlle Josse....



8 octobre 2018. Ce matin-là, la voiture ne démarre pas. La goutte d’eau qui fait déborder le vase, Clara trente cinq ans, lâche tout, victime du burn-out, ce nouveau mal du siècle. "Clara la vaillante, vacillante. Une lettre en plus qui dit l’effondrement.

Une lettre qui se faufile au milieu de la vaillance, la coupe en deux, la cisaille , la tranche . Une lettre qui dessine une caverne, un trou où elle tombe, un creux, une lettre qui l’empêche de retrouver celle qu’elle était, entière , debout."

Un trou noir où son énergie vitale est anéantie. Travail, amour, famille, amis, plus rien ne suit, le néant.

Comment retrouver la lumière ? Le chemin de la sortie ? Une des questions les plus posées dans notre monde actuel . Le psy ? Les pilules pour voir la Vie en rose ? Une main tendue au bon moment ? Seul l'humain peut sauver l'humain , l'amour, l'amitié, la chaleur humaine le remède efficace de tout malheur.



Une histoire universelle de nos sociétés modernes, orchestrée telle une partition musicale sous la plume magnifique de Josse. La minutieuse harmonie secrète de ses mots tout simples, qui s'approche au plus près des sentiments, illumine ce récit émouvant sur l'univers sombre de la dépression, accompagnant son personnage sur son chemin de croix pour tenter d'"appartenir à nouveau au souffle de la vie."

Son dernier livre m'avait déçue, là je suis à nouveau reconquise ! Plus que l'histoire elle-même, ceux sont les petits détails, le miroir de Gazaleh, une photo, les souvenirs, le titre d'un livre entraperçu, la lumière qui danse sur les murs....qui en font un des petits bijoux littéraires de cette rentrée !



"Au fond, aimer sans i devient amer".
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Le dernier gardien d'Ellis Island

Choix réalisé à la suite d’ une flânerie dans une de mes deux librairies préférées , attirée par le sujet et par la photographie en noir et blanc, choisie par l’auteure, en bande-annonce, je me suis décidée…



Une grande émotion à cette lecture , et je fais chorus aux critiques existantes, élogieuses, largement justifiées



Premier texte de Gaëlle Josse que je lis en deux soirées, prise « aux tripes » tant le style fluide, sobre, rend l’histoire terriblement poignante. Derniers jours de ce gardien d’un lieu ou « non-lieu » que représente Ellis Island… Il raconte ces plus de 40 ans de fonction et de responsabilités sur cette île, à « accueillir »,organiser le « contrôle » de ces millions d’émigrants, aux histoires déchirantes, et remplies de courage, aux « portes de l’Espoir »…



Je ne reviens pas sur l’intrigue, largement décrite déjà. Le procédé narratif nous prend de plein fouet. John Mitchell, dernier « gardien » et responsable de ce centre de transit écrit son journal, son vécu dans ce lieu si unique et « dérangeant » ; il fait le récit de sa vie solitaire dans ce cadre qui l’a mis au carrefour de millions d’existences sur lesquels il avait un certain pouvoir. Il s’est barricadé dans ses fonctions la majeure partie de ces décennies, où ayant perdu prématurément son épouse adorée, il va se réfugier dans sa « coquille » et l’obéissance stricte aux consignes qui lui sont transmises…





Poste étrange à la fois dans la Vie et hors du monde, dans une sorte de no-man’s land…Deux histoires bouleversantes où John Mitchell outrepassera ses fonctions, dérogera aux ordres, pour aider un homme à recommencer une vie dans cette Amérique si convoitée…l’autre histoire est plus troublante et dramatique, concerne la rencontre d’une femme malmenée par l’existence…vers lequel il sera irrésistiblement attiré…Cette femme partie, elle continuera de le hanter, se sentant rempli de culpabilité et de honte, d’avoir involontairement abusé de circonstances de désarroi et de précarité….



Parmi les nombreux passages soulignés, je retiens celui-ci , qui signifie subtilement les déchirements, les douleurs , les résignations, renoncements inhumains des deux côtés : les immigrants qui subissent, et les « fonctionnaires » du bon côté de la barrière, qui obéissent… mais où un jour inévitablement, toutes les souffrances qu’ils ont entrevues ressurgissent et hantent leur conscience:

« Les immigrants, dans le chaudron d’Ellis, dans ces fonts baptismaux gigantesques, ressortaient sous forme de citoyens américains, libres et égaux, priés de travailler dur, de parler anglais et d’utiliser des dollars en lieu et place de lires, de zlotys ou de roubles. Il est pourtant illusoire de penser que les hommes et les femmes qui oeuvrent à la bonne marche de cette entreprise ne sont que des pièces anonymes et substituables, et qu’à trop vouloir oublier ce qui appartient en propre à chacun, c’est un peu de notre âme que nous laissons en chemin » (p.116)



Après l’émotion de cette lecture, j’ai « obtempéré » au conseil de l’auteure, donné au tout début du livre d’aller prolonger ce texte avec des photos, des musiques qui ont précédé, accompagné l’écriture de son livre. Gaëlle Josse nous donne ainsi la possibilité de les partager, sur cet espace numérique, et de nous immerger plus avant dans l’univers qu’elle a déjà su magnifiquement créer avec ses mots.



http://www.derniergardienellis.tumblr.com





Ce très beau texte m’a donné envie d’aller plus loin et d’acquérir les travaux réalisés par Georges Perec, sur ce lieu si particulier, et le sujet délicat de tous les déracinements humains , toujours dramatiquement « actuel »…



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Une longue impatience

Avril 1950, dans un petit village de Bretagne. Ce soir-là, Louis n'est pas rentré. Anne, sa maman, fait comme s'il n'allait pas tarder, s'occupant de ses deux plus jeunes enfants. Lorsque son mari, Étienne, rentre de son officine, elle l'informe aussitôt. Malgré les heures à sillonner le village et les alentours, il ne l'aura pas retrouvé. Veillant toute la nuit, sursautant au moindre bruit, Anne espère. Désespérément. le lendemain soir et les jours suivants, Louis ne rentrera pas. Les gendarmes, peu inquiets, supposeront une petite fugue. Après l'espoir vient la colère. Anne reproche alors à son mari son attitude. Parce qu'Étienne n'aurait pas dû frapper son beau-fils cette fois encore. La fois de trop puisque Louis s'est envolé. Pour Anne commence alors une interminable attente...



Quel portrait de femme touchant... Parce que son fils, né d'un premier mariage, s'est enfui, Anne ira guetter, par delà les horizons, son retour, certaine qu'il s'est embarqué sur un cargo. Malgré l'attention d'Étienne, l'amour de ses deux jeunes enfants, Gabriel et Jeanne, elle n'aura de cesse de l'attendre, de l'espérer, se réjouissant par avance de son retour et de la fête qui lui sera donnée en son honneur. Au cours de ces jours interminables, elle se rappelle sa rude jeunesse, son premier mari décédé en mer, son mariage avec Étienne, l'impossible place qui sera faite à Louis. Dans ce roman émouvant, Gaëlle Josse dépeint avec émotion le portrait à vif d'une mère éplorée, écorchée, malheureuse. Elle décrit avec justesse l'espoir infini, l'amour incommensurable, l'attente languissante. Un roman intense et tragique servi par une plume poétique et fragile.

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La nuit des pères

En août 2020, à la demande de son frère Olivier, Isabelle revient avec beaucoup d’appréhension dans ce village des Alpes où ils sont nés tous les deux afin de revoir son père. Ce père ancien guide de montagne est aujourd’hui octogénaire.

À cette phrase prononcée par son frère, au téléphone deux mois plus tôt : "Ça serait bien que tu viennes, depuis le temps. Il faut qu'on parle de papa", elle s’est entendue dire « d’accord », pensant qu’elle était en fuite depuis trop longtemps.

C’est ainsi que nous allons entrer dans l’intimité de cette famille.

Olivier, lui, après avoir exercé comme kiné en ville pendant vingt ans, était revenu au village, dix ans plus tôt, à la mort de leur mère, pour être près du père.

Après des années d’absence, Isabelle affligée par un deuil récent, appréhende ce retour et « ce retour, elle l’accomplit à reculons. »

Elle reste marquée par l’indifférence, la rudesse et la colère de ce père destructeur, muré dans le silence, qu’elle n’a jamais pu approcher. Elle a pourtant tenté d’attirer son attention à plusieurs reprises, tant elle avait besoin de son regard, de son amour, mais en vain…

Pour ne plus vivre avec cette tension sans fin, pour ne pas être enterrée vivante sous ses emportements, dès le Bac, elle a fui, est devenue documentariste, passionnée par le monde sous-marin. Au cœur de ce monde bleu, elle n’entendrait plus crier son père.

Ce que son frère a à lui dire c’est que leur père, s’il est toujours en excellente forme physique a la maladie de l’oubli, sa mémoire commence à lâcher.

Isabelle restera quatre jours et c’est elle qui, en s’adressant au père sera la narratrice. Vont s’entremêler passé et présent. Passé avec l’évocation de ses souvenirs d’enfant blessée et présent avec l’altération de la mémoire paternelle. Sa voix ne sera interrompue qu’une seule fois par ce père et fera l’objet d’un chapitre. Il va enfin réussir à parler et à exprimer « ce regret, cette honte qui ne l’a jamais lâché » et raconter « la seule fois où il a eu froid la nuit, c’était là-bas ». Gaëlle Josse laissera la parole au frère pour le dernier, celui de la conclusion.

La nuit des pères est un roman qui m’a profondément touchée.

J’ai été bouleversée par cette histoire familiale, par la colère de cette gamine en soif d’amour paternel qui se heurte perpétuellement soit au silence de son père soit à ses emportements. L’histoire du vélo rouge ou celle du sacrifice des belles mèches brunes m’ont profondément remuée.

Gaëlle Josse réussit avec beaucoup de pudeur de sobriété et de poésie à évoquer cette terrible maladie d’Alzheimer, qu’elle préfère nommer avec beaucoup de tact et d’exactitude la maladie de l’oubli.

Avec la prise de parole du père, c’est un moment extrêmement fort que nous donne à vivre l’auteure. Un seul chapitre résume à lui seul un sombre épisode de l’histoire de France avec ce qu’ont pu vivre ces jeunes arrachés parfois à leurs études et envoyés en mission de pacification pour ce qu’on a toujours appelé « les évènements ». Ce sera grâce à cette confession inespérée qu’Isabelle et Olivier vont enfin trouver l’amour de leur père.

C’est avec justesse, délicatesse, beaucoup de sensibilité et d’humanité que Gaëlle Josse dépeint les relations entre les membres de cette famille meurtrie et comment peu à peu ces ultimes retrouvailles vont réussir à adoucir cette tension.

La nuit des pères de Gaëlle Josse, est un livre poignant qui m’a emportée dès les premières pages et que je qualifierais de long chemin vers l’apaisement.

J’ai été ravie de découvrir le talent de cette auteure déjà récompensée par de grands prix pour ses ouvrages antérieurs.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Une longue impatience

Un roman sur l’amour maternel ; cet amour inconditionnel, absolu, et souverain ; cet amour de toute une vie, des petits riens et des grands moments de l’existence ; cet amour qui protège, soigne, console, transmets et encourage ; cet amour empli de vigilance et d’inquiétudes, de caresses, de rires, de nuits blanches…

Un roman sur la douleur de l’attente. Cette souffrance insupportable durant les moments de longs silences et de solitude, qui vous grignote le cœur, vous étouffe, occupe toutes vos pensées, finit par vous rendre fou…

Un roman sur le remord, sur la faute commise qu’on ne peut réparer, qui ruine une vie, poursuit, harcèle, blesse, laisse les bras ballants, désarme, rend impuissant…

Un roman sur le retour arrivé bien trop tard, sur les souvenirs qui vous poignent le cœur, font couler des ruisseaux de larmes et trembler les mains…

Un roman sur les regrets, et tous ces moments à jamais perdus, envolés aux quatre vents…

Le roman de toute une vie, avec ses flamboyances, ses drames, ses broutilles et ses zones d’ombre.

Un roman qui m’a subjugué et m’a « parlé » bien au-delà du raisonnable.







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L'ombre de nos nuits

Lunéville, 1639. Un atelier sombre. Une toile vierge qui attend le geste. Des bâtons de fusain à côté de lui. Terre de Sienne, ocre, carmin, vermillon. Le Maître demandera à son fils, Étienne, et son apprenti, Laurent, de commencer à préparer les pigments. Maintenant qu'il a en tête sa composition, il est prêt. Il a demandé à sa fille, Claude, de poser pour lui. Elle sera parfaite pour prêter son visage à Irène, la femme qui a soigné et guéri saint Sébastien...

Rouen, 2014. Une jeune femme, au détour d'une salle sans charme particulier du musée des Beaux-Arts de la ville, s'attarde sur une copie du tableau de Georges de La Tour et, comme hypnotisée par l'attitude et le visage d'Irène, se remémore son ancienne histoire d'amour désormais révolue mais toujours gravée en elle...



Gaëlle Josse donne la parole, à tour de rôle, à cette jeune femme se rappelant avec émotion et douleur son histoire d'amour, au Maître, lors de la création de son tableau et à Laurent, son apprenti, nous offrant par ce procédé ingénieux un roman habilement construit. Par delà le temps et l'espace, entre ce musée rouennais et cet atelier lorrain, ce tableau unit ces trois personnes. Au cœur de ce roman envoûtant, l'amour, ses tourments et ses blessures. Gaëlle Josse évoque brillamment, avec douceur, finesse et émotion les sentiments qui les animent. Elle sonde les âmes de chacun, décrit avec sincérité l'art et la création. Pas un mot de trop dans ce court roman. Chaque phrase est ciselée, l'écriture douce, poétique et d'une grande justesse. Gaëlle Josse évoque brillamment, avec finesse, force et émotion les sentiments et l'amour, et d'un coup de pinceau, donne vie à ce tableau.
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L'ombre de nos nuits

Quand littérature rime avec peinture ça donne " L'ombre de nos nuits" de Gaëlle Josse. Ma première lecture de cette auteure. J'ai été fortement impressionné par son écriture, une certaine douceur que l'on retrouve dans une aquarelle, une couleur délicate, fragile bref un clair obscur littéraire.

Une jeune femme assise devant le tableau de Georges de La Tour," saint Sébastien soigné par Irène".

Elle est perdue dans ses pensées, elle se souvient de lui, de son amour à sens unique, aveuglée par cette lumière qui tire les larmes et cette part d'ombre qui n'autorise aucun écart. " L'amour, c'est donner ce qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas".

Autre temps autre époque, tout aussi douloureux.

Dans le Duché de Lorraine sous le règne de Louis XIII, la guerre de trente ans fait rage, amenant son cortège de vols de viols, de massacres de famines. Georges de La Tour las et fatigué de ces crimes ne peindra que des clairs obscurs. Fuir la lumière du jour et sa violence pour rendre à la nuit cette douceur et cette part de mystère.

Les phrases de Gaëlle Josse sont aussi douces que la lanterne éclairant le visage d'Irène.

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L'ombre de nos nuits

Je dois être passée à côté de ce roman qui avait pourtant tout pour me plaire. L’écriture est belle, sensible, raffinée, féminine à souhait, de beaux passages,... mais je n’ai pas compris ni perçu ce lien entre le peintre et son apprenti et cette femme plongée devant ledit tableau.

La femme nous raconte avec prestance l’ombre de ses nuits, de sa rencontre amoureuse à sa séparation, c’est beau sans conteste mais est-cela l’amour ? Se fourvoyer avec un égoïste mal léché, se pendre au cou sans rien recevoir en retour, souffrir et souffrir encore d’aimer? Je n’en suis pas certaine.



J’avais beaucoup aimé Une longue impatience pour cette écriture fine mais avec un lien et une histoire à vous retourner le cœur, ici dans l’ombre de nos nuits, je n’ai pas compris le voyage...

Rendez-vous manqué.
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La nuit des pères

"Tu ne seras jamais aimée de personne"



"Tu vas rater ta vie"



Comment se construire sur de telles injonctions ? Quel autre choix que de couper les ponts et mettre de la distance, même si celui qui a proféré ces sentences est l’auteur de vos jours ?



Et pourtant des années plus tard, Isabelle revient sur les lieux de son enfance, où vit encore son père. Son frère le lui a demandé, le temps effectue un travaille de sape sur les souvenirs du vieil homme. Avant qu’il ne soit trop tard, la rencontre est nécessaire.





Les lieux ressuscitent les images de l’enfance, des jours heureux et des heures qui blessent. Mais surtout enfin, le vieil homme parviendra à livrer ce qu’il a tu toute sa vie, et qui pourrait sinon excuser, du moins éclairer son caractère taciturne et l’apparente haine qu’il vouait à sa fille.





Tout à tour, Isabelle, Vincent et le père nous livrent leurs états d’âmes, la violence des secrets, d’autant plus virulents qu’ils restent enfouis sous des années de mutisme.

Autour du père affaibli, se rafistole les bases d’une famille aux liens distendus. Pas de reconstruction mais l’amorce d’une suite apaisée.



Comme toujours, c’est avec sobriété et élégance que se construit ce récit intimiste et émouvant.

Un roman qui vient s’inscrire avec harmonie dans l’œuvre de l’autrice.



173 pages Notabilia 18 Août 2022


Lien : https://kittylamouette.blogs..
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