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Critiques de Gaëlle Josse (1934)
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Une femme en contre-jour

Destin étonnant que celui de Vivian Maier. Aujourd'hui considérée comme une des plus grandes photographes du vingtième siècle, elle fut de son vivant totalement ignorée des experts, et donc inconnue du grand public.



C'est l'extraordinaire parcours d'une solitaire, née à New-York dans une famille franco-américaine totalement dysfonctionnelle, qui travailla ensuite comme nurse pour de riches familles de Chicago, avant d'être sortie de la clochardisation totale grâce au soutien de trois des enfants dont elle s'était occupée, que nous raconte ce petit livre de Gaëlle Josse.



L'appareil photo de Vivian Maier remplace pour nous ses yeux. C'est à partir de la découverte, posthume et tout à fait par hasard, de ses dizaines de milliers de clichés, dont la plupart n'avait jamais été développée, qu'elle est devenue célèbre et que son parcours artistique a pu être reconstitué.



L'auteure apporte ici une pierre à la reconnaissance de l'artiste. Cette biographie romancée, accessible au plus grand nombre, éclaire les principales étapes de la vie de Vivian Maier, et en fait ressortir les zones d'ombre.



Un livre écrit avec simplicité, plus riche en informations qu'il pourrait y paraître, et qui se lit avec beaucoup de plaisir.
Lien : http://michelgiraud.fr/2021/..
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Noces de neige

Noces de neige déroule le temps d'un trajet en train deux magnifiques portraits croisés de femmes à plus d'un siècle d'intervalle.



Alors qu'en 1881 Anna est soulagée de quitter enfin la villégiature d'hiver de sa famille à Nice pour retourner à St Pétersbourg vers ses chevaux et … Dimitri, en 2012 Irina fait le trajet inverse et embarque dans le Moscou-Nice avec ses espoirs et ses doutes, à la rencontre de cet homme avec qui elle échange sur internet depuis quelques mois. Deux portraits, deux destins, deux époques, que le hasard des circonstances va bouleverser de manière inattendue.



J'aime décidemment beaucoup l'écriture de Gaëlle Josse. Je me suis laissée bercer par le roulis des mots, j'ai tangué sous les secousses. J'ai eu l'impression d'évoluer dans un environnement ouaté, assourdi, un peu comme le crissement des pas sur un manteau neigeux fragilisé par les aspérités et crevasses qu'il dissimule. Mais gare à la chute !



Gaëlle Josse a l'art d'effeuiller avec beaucoup de délicatesse, dans un soupir, un murmure, un silence, un gémissement, un cri, le mal-être de ces deux jeunes femmes que tout sépare et que l'essentiel unit. Elle nous fait partager leur solitude, leurs désillusions, leurs tourments intimes mais aussi leurs rêves et leurs désirs, ces rêves enfouis qui ne vivent qu'au fond d'elles. Que seraient-elles prêtes à risquer pour les protéger ou pour saisir l'occasion de leur donner une chance d'exister ?

Un voyage envoutant dont j'aurais bien aimé qu'il dure un peu plus longtemps.

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Noces de neige

Anna, Irina

Deux destins

Deux époques

Un même train...



Un livre court mais intense. Deux vies sur le fil, au rythme ferroviaire, entre Nice et Moscou.



Anna, jeune aristocrate russe, revient , en cette année 1881, avec soulagement chez elle, il lui tarde de retrouver la résidence familiale d'été et les chevaux. Et Dimitri... Le beau visage de Mathilde, la gouvernante française, lui est une souffrance...qui entraînera le drame.



Irina, quitte, elle, en 2002, sa Russie natale pour une aventure risquée, elle avait entretenu une relation virtuelle avec un Français, vivant à Nice, et, sur un coup de tête, elle a décidé de le rejoindre. Mais le voyage ne se passera pas comme prévu.



Que j'ai aimé suivre les tourments, les désarrois intérieurs de ces deux jeunes femmes, émouvantes dans leurs désirs, leur désenchantement aussi! Les mensonges, les chagrins cachés pèsent fort sur leur existence.



Gaëlle Josse sait comme personne nous imprégner de ces vies en suspens, ballottées par les hasards, dans le balancement lancinant des wagons, le glissement des rails vers l'inconnu...Délicate et sensible, en quelques phrases, elle nous transporte vers ailleurs.



Et l'on découvre à la fin le lien entre ces destins féminins. Un lien masculin qui exprime avec une telle passion ardente et solitaire l'imaginaire russe qui sommeille en chacun de nous:" J'ai rêvé de longues plaines de bouleaux et de troïkas dans la neige, de gestes et de regards furtifs échangés dans les couloirs des palais du bord de la Neva. J'ai rêvé d'amour et d'exil, moi qui n'ai jamais connu l'amour et qui ne suis jamais parti."



Je n'ai qu'un mot: magnifique!

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Le dernier gardien d'Ellis Island

Ce « Gardien d'Ellis Island » le dénommé John Mitchell est bien touchant. Passage obligatoire de l'immigration en cette fin d'année 1954, le phare vit ces dernières heures. L'occasion pour son directeur, resté seul, de relater sur un cahier les moments importants du phare, son histoire d'amour avec Liz, son intégrité mis à mal, ces décisions assumées.

Immigration, deuil d'une histoire d'amour, déchirement de l'exil, culpabilité et devoir du travail bien fait, le personnage de Gaëlle Josse revient sur ses décennies, passage obligé vers un monde nouveau.

C'est écrit avec beaucoup de justesse, de poésie, la petite musique de Gaëlle Josse est bien entêtante.

Chacune des histoires contées est unique mais aussi universelle, Josse en dit énormément sur le sort des réfugiés, l'espoir d'un Eldorado et d' une vie meilleure.

Autant vous dire que celui-là peut rejoindre votre PAL sans hésitation.

Très beau roman.

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Les heures silencieuses



A partir d’un tableau d’Emmanuel de Witte, dont l’édition de poche ne donne malheureusement que la partie centrale, Gaëlle Josse, sous le prétexte de faire raconter sa vie à Magdalena Van Beyeren peinte de dos, dans sa chambre, jouant de l’épinette, nous donne un éventail de la Hollande de la fin du XVII siècle.

Trois tableaux sont évoqués : celui de De Witte, celui de Vermeer, la femme à la balance, et un troisième d’un peintre inventé je crois : Johan De Voogd, qui aurait peint le mari de Magdalena, entouré de cartes marines, d’instruments de navigation et de sacs de muscade et de cannelle à ses pieds. On croirait un Vermeer.



En quelques pages, Gaëlle Josse a le génie de nous présenter un monde : celui du siècle d’or hollandais, ses peintres, son commerce réputé, sa puissance sur les mers, due à ses bateaux plus maniables, et la liberté sur les terres.

« Nos provinces offrent l’asile à ceux qui ne peuvent vivre en paix dans leur pays. Juifs, catholiques ou réformés demeurent ici en bonne intelligence, et chacun apporte sa pierre à l’édifice commun. »



Effectivement, Descartes, qui a choisi la liberté de penser de la Hollande, puis Spinoza dont la famille juive marrane séfarade avait fui l’Inquisition hispanique, se sont réfugiés, ainsi qu’Érasme, deux siècles auparavant, avec beaucoup d’autres, dans ce Nord acceuillant.



Le mari de Magdalena est administrateur de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales à Delft, sa sœur, faute de mettre au monde, cultive son jardin : des roses, des iris, des lys et des jacinthes bleues, enfin des tulipes, dont on sait qu’elles viennent d’Istanbul, qu’elles ont donné lieu à une inflation suivie d’une crise financière au milieu de XVII siècle.

Nous suivons, en plus de la présentation de ces produits venus de Chine ou de Japon, dont les porcelaines décorées d’oiseaux et de fleurs, et les soieries, et les verreries, la vie de notre héroïne, qui se confie au papier, c’est-à-dire à nous : la chambre carrelée de noir et de blanc, symbole repris souvent par les peintres hollandais, son mariage d’amour, ses émois, ses enfants, et la crainte qu’elle a qu’une de ses filles trop arrogante n’inspire pas l’amour, enfin la servante , qui lave le sol dans le fonds du tableau.

Puis la reconversion des Pays-Bas ayant appris l’art de la porcelaine, la rivalité avec la Compagnie des Indes française, le crack de la muscade et l’idée de Magdalena, qui aurait pu, en un autre siècle, être elle-même administratrice de la compagnie des Indes, remplacer les épices par le thé.



Petit livre grandiose, en ce qu’il présente, à travers un tableau, la vie entière de son modèle, jusqu’à sa vieillesse (36 ans, sans doute était-ce une durée de vie honorable à cette époque) ainsi que le monde entier rapporté par bateau depuis les contrées lointaines, contenu dans le tableau de De Witte et évoqué par Gaëlle Josse.

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Le dernier gardien d'Ellis Island

Dès les premières pages, je me suis retrouvé plongé dans l’ambiance glauque du vaste hall d’arrivée aux murs lavasses d’Ellis Island où les immigrants étaient accueillis venant du monde entier.

De ma mémoire, instantanément, une ahurissante vision palpable m’est revenue :

Des dizaines de malles marrons sales étaient empilées comme à Auschwitz les souliers.

Les mêmes foules, j’imagine, étaient venus ici pour vivre et non pour mourir.



Et pourtant…

L’homme qui raconte, a tout vu, tout fait dans cette île-caillou à quelques encablures de Battery Park à Manhattan. C’était John Mitchell, le gardien.

Bien que son existence soit devenue quasiment ascétique par une épreuve qui l’a désarçonné, cet homme relate à l’aube de sa retraite quarante-cinq ans de souvenirs et de rencontres dans ce microcosme où se présente chaque jour des centaines d’êtres désorientés souhaitant franchir la « porte d’or ».



« L’Amérique que nous avions tant désirée se réduisait à un camp de fonctionnaires empressées et frileux, chargés de tenir à distance toute tentative d’approche d’une pensée divergente, tous les germes d’une possible déviance intellectuelle. L’Amérique savait ouvrir grand les bras, elle nous a montré qu’elle savait aussi brutalement les fermer. »



Je me suis laissé emporter par l’écriture élégante, légère et fluide de Gaëlle Josse.

Objet, verve, compliment. C’est un réel plaisir de lecture quoique le sujet soit lourd, les verbes souvent douloureux et les compléments de sujets directs, cruels et captivants.

Le personnage principal est attachant, authentique rigoureux et humain, il sait prendre ses responsabilités et faire face à ses contradictions.

Les personnages secondaires sont touchants dans leurs attentes et leurs espoirs sachant que pour intégrer cet eldorado chimérique ils devront laisser en plus du mince matériel qu’ils leur restent, le spirituel auquel ils sont profondément attachés : leurs langues, leurs chants, leurs traditions, leurs convictions et surement leurs illusions.



Un roman instructif et émouvant.





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Une femme en contre-jour

Au départ il y a cette anecdote incroyable, poignante et véridique : en 2007, au hasard d'une vente aux enchères à Chicago, le jeune John Maloof se portait acquéreur d'un lot de photos et de centaines de négatifs, planches contact ou pellicules non développées. Déçu de ne pas y trouver ce qu'il cherchait, ce n'est que deux ans plus tard qu'il découvrira la stupéfiante valeur artistique de ces clichés anonymes.



Ses recherches le mèneront à une certaine Vivian Maier, hélas décédée juste avant qu'il l'ait identifiée comme étant l'auteure de ces oeuvres saisissantes. Quand ça veut pas, ça veut pas… l'énigmatique photographe amateure d'origine franco-américaine aura achevé ses quatre-vingt-trois ans d'existence dans une quasi indigence et l'anonymat le plus complet.



Vivian Maier sera néanmoins passée post-mortem au statut d'artiste de renommée planétaire puisque depuis 2009 Maloof s'emploie à la révéler au monde à partir des milliers de documents qu'il a pu rassembler. Jetez-y un petit noeil, la vigueur et la sensibilité de ces prises de vue sont étonnantes.

http://www.vivianmaier.com/



C'est donc le parcours de cette femme insaisissable que Gaëlle Josse a entrepris de retracer dans son roman, tentant de combler les zones d'ombre d'un destin chaotique et d'une personnalité pour le moins ambivalente. Mais son écriture que je découvre ici m'a toutefois beaucoup moins conquise que l'histoire qu'elle entend servir, l'auteure semblant en outre osciller entre données factuelles et biographie romancée sans parvenir à choisir, d'où le sentiment d'un récit un peu trop inconsistant à mon goût.



Il n’en reste pas moins qu’«Une femme en contre-jour» m’aura permis de découvrir une artiste singulière que, honte sur moi, je ne connaissais pas.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Une longue impatience

Anne vit en Bretagne. En 1946, elle a perdu Yvon son mari, marin pêcheur, en pleine mer.

Elle élève seule son petit Louis dans la petite maison familiale, travaille à la conserverie jusqu'au jour où Etienne Quémeneur, le pharmacien du coin vient la demander en mariage et lui promet d'élever son fils.

Tout va bien jusqu'au jour où elle met deux autres petits au monde et Louis devient le souffre-douleur de son beau-père.

Personnellement, j'ai vécu ces moments où l'enfant était battu trop difficilement.

A partir de ce moment, Anne vit à côté de sa vie et ne cesse d'attendre Louis.

Elle retourne dans son ancienne maison et lui écrit des lettres où elle lui promet une vie agréable. Je l'ai crue sans hésitation.

Toute cette histoire se termine bien mal sauf pour la fin ultime où l'espoir renaît.

Gaëlle Josse exprime magnifiquement la souffrance d'Anne même si en tant que lectrice , c'est un roman très dur.
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Une longue impatience

Anne, fragile rêve

Au bord de la falaise

Le trou du Diable te hante

Mais tu t'agrippes à l' attente

Longtemps...



Louis, l'enfant parti

Et ton coeur en charpie

Tu lui écris des mots si tendres et fous

Lui promets un festin, des baisers doux

Longtemps...



S'effiloche une vie

Écartelée, meurtrie

Les tempêtes, les marées désenchantées

Les espoirs trahis ont tout dévasté

Longtemps...



Étienne voudrait adoucir

La peine qui te chavire

En vain...



Et j'ai tremblé de cette existence broyée

Et j'ai été tant émue, bouleversée !



Encore une fois, je reste émerveillée de la délicatesse des sentiments exprimés , de l'écriture fine et poétique de Gaëlle Josse, ce livre est une vague d'émotions, de tendresse et de douleur, qui nous emporte. Coup de coeur absolu!









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Le dernier gardien d'Ellis Island

Rien que des souvenirs. Et bien encombrants. Ils s'agitent autant qu'ils peuvent, à croire que toutes les ombres de mon existence se sont réveillées dès qu'elles ont su que je partais, et qu'elles ne seront en paix qu'une fois leur histoire racontée.

p13





A partir du bord des fleuves de Babylone,

psaume dans un désert qu'on centre à Sion

l'auteure s'interroge sur les migrations,

et cette eau "bénie" qu'on verse à Sion.

Ex-île d'Ellis, délices d'exil , la Terre promise,

les portes de l'Amérique

romantisme et les mots SION du cantique.



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L'ombre de nos nuits

Gaëlle Josse nous offre un roman au sujet d'un tableau de Georges de la Tour exposé au musée des beaux-Arts de Rouen.

Je l'avais lu dès sa sortie en 2016 et j'en avais écrit l'appréciation.

Je l'ai relu à Rouen après l'avoir acheté à la merveilleuse librairie L'Armitière, située pas loin du musée.

Je n'avais pas le livre car je l'avais emprunté à la bibliothèque.

La découverte du tableau dans le musée et la deuxième lecture du livre ont été pour moi un excellent moment.

Le récit se partage entre trois narrateurs :

- Georges de la Tour peintre de Lorraine , vit à une période tourmentée par les guerres de Trente ans, les épidémies de peste. Il nous confie qu'il préfère peindre les scènes à l'intérieur ou bien la nuit car le monde extérieur est horrible.

Il choisit d'ailleurs de se rendre à Paris et rencontrer le roi.

Là-bas, la vie est plus calme.

Il parle à la première personne et nous conte les différentes étapes de l'élaboration de son tableau "Saint Sébastien soigné par Irène".

Son voisin servira de modèle pour Sébastien, sa fille Claude pour Irène , la jeune servante pour tenir la lampe.

Le tableau en clair obscur est magnifique. Comment un peintre fait-il pour faire jaillir de la lumière hors de peintures. On ne peut douter qu'il se soit inspiré de la technique de Caravage mais ici, c'est très fin très subtil, très gracieux.



- Son apprenti, jeune orphelin décrit l'élaboration du tableau et son parcours personnel. Il est secrètement amoureux de la fille de l'artiste.

Le maître lui fait confiance pour préparer les tons mais après, c'est lui qui en décline les nuances.

L'apprenti exécute aussi des copies de l'œuvre.



- Une visiteuse s'arrête longuement devant le tableau au point de rater son train. Elle est subjuguée par le personnage d'Irène et le tableau au point de faire un rapprochement avec sa vie.

Elle vit une fin d'histoire d'amour avec un homme à qui elle a tout donné dans l'espoir vain que la situation s'améliore. La visiteuse incarne l'ombre de la nuit comme le titre qui peut être interprété de plusieurs façons.

Le roman se termine avec nos trois narrateurs qui prennent des chemins différents mais quel livre, quelle écriture intense et poétique .

J'ai découvert la peinture en situation réelle lors de ma visite à Rouen ces derniers jours et j'ai décidé de supprimer mon ancienne appréciation pour la remplacer par celle-ci.



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Ce matin-là

Un roman sur le burn out, quand le corps et l'esprit disent stop. Une petite goutte d'eau qui fait déborder le vase, et tout se renverse, tout s'arrête. La peur de ne pas se sortir de cette descente, le regard des autres, le regard de soi sur soi, l'estime de soi qu'il faut retrouver.

Un roman de Gaëlle Josse tout en douceur. Un petit aperçu de ce que peut être un burn out. Cela reste un roman qui évoque un peu en surface, mais il a l'avantage de ne pas être plombant. C'est une approche délicate de cet état.
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Ce matin-là

Ce matin-là, la voiture de Clara ne démarre pas. Rien de grave a priori. Un coup de fil au travail pour prévenir de son retard, un autre au garage pour le dépannage et tout sera réglé. Mais ce matin-là, de retour dans son appartement, Clara s'effondre dans l'entrée. Elle n'est pas capable de régler cette situation anodine, elle ne veut pas se relever, elle ne veut pas se rendre dans l'agence bancaire où elle gère les demandes de crédits. Elle n'en peut plus des heures supplémentaires, des chiffres qui s'alignent, de la pression de sa supérieure. Elle veut juste restée là, ne plus bouger, ne plus parler, ne plus s'occuper de rien. Ce matin-là, Clara est victime d'un burn-out…



‘'Une véritable caresse sur l'épaule du lecteur''…

Une caresse, c'est doux, bienveillant, réconfortant, amical ou sensuel. Alors, où François Busnel est-il allé chercher cette idée de caresse pour qualifier ce livre qui est plutôt une chappe de plomb sur l'épaule du lecteur.

Clara s'est épanouie dans un métier qu'elle n'a pas choisi mais au fil du temps, l'amertume et les scrupules se sont immiscés dans sa vie de battante. A partir de là, c'est l'immobilité qui va régir ses heures. Sa famille, ses amis, son compagnon sont impuissants à l'aider, tout comme la compassion ou les sermons.

C'est d'elle-même que viendra la guérison. En déroulant le fil des ses souvenirs, en explorant les non-dits familiaux, en trouvant le point précis où son chemin a dévié pour la mener vers la raison plutôt que la passion. Il lui faudra un temps bien court pour se relever et nous assistons à cette résurrection avec plus ou moins d'intérêt. Un petit séjour à la campagne chez une amie d'enfance où elle se confronte aux problèmes des gens de la terre et là voilà prête à changer de vie…Ok mais c'est un peu expéditif et peut-être même irrespectueux envers les personnes qui souffrent de dépression ou d'un burn-out…

Un sujet grave tout juste survolé, un thème traité sans la noirceur, la souffrance qu'on pouvait y attendre. Passable.

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La nuit des pères

Isabelle rentre chez son père qu'elle n'a pas vu depuis des années.C'est son frère qui s'en occupe, alors que la maladie semble laisser peu d'espoir au père. Isabelle appréhende beaucoup ce retour, auprès d'un père qui ne lui a pas rendu l'enfance toujours facile.



Ce roman est un concentré d'émotions . De part sa structure , il nous permet de louvoyer dans les arcanes familiales et de bien appréhender chaque personnage.Comme dans toutes les familles , les secrets ont ce défaut de rendre inexplicables certains comportements et d'engendrer au mieux des malentendus , au pire des déchirures.



C'est le cas ici, dans une famille peu épargnée et où les traumatismes ont du mal a trouver un échappatoire.



De plus, la montagne offre ici sans doute ce qu'elle a de plus beau, une porte vers la liberté , un bien être qu'aucun médicament ne pourrait apporter.

Tout est beau dans ce livre .les personnages, l'histoire, la nature , les éclairages portés sur la fin de vie , le deuil, la guerre et les liens familiaux.

Bravo.



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Le dernier gardien d'Ellis Island

Confessions amères chez l'oncle Sam

*

Un très court roman qui m'a été pioché dans le cadre du challenge "pioche dans ma PAL" de ce mois.

Attirée par le sujet sur les migrants américains du fin du 19eme siècle, j'ai choisi ce roman dans la production de Galle Josse.



Je suis pourtant mitigée. J'ai eu l'impression de lire le résumé certes détaillé, du sujet énoncé sur Wikipédia. Bien sûr, l'auteure ne peut pas inventer des faits historiques, puisqu'elle part de faits divers. Mais avec cette écriture froide et sèche, elle n'est pas arrivée à me faire vibrer. Me renseignant en amont sur cet endroit mythique - Ellis Island - , j'en savais autant finalement et avec les confessions du gardien, je n'ai pas eu d'émotions. J'ai eu du mal avec ce retour dans le passé et ses regrets inavoués. Le peu qu'il a dévoilé effectivement sur cet endroit mystérieux et symbolique m'a laissé sur ma faim. En fait, j'ai eu de l'antipathie pour ce personnage. Cela n'a pas aidé :)



C'est peut-être moi qui ai eu trop d'attentes. J'ai peut-être raté des éléments importants tels l'abus de pouvoir, la faiblesse des migrants , la dénonciation. Mais je ne vais pas m'appesantir sur ma déception, je lirais probablement un autre roman de l'auteure;

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Une longue impatience

Gaëlle Josse nous offre un roman magnifique et pudique sur l’absence.

L’absence d’un fils et l’attente d’une mère.



Lorsque sa mère refait sa vie avec Etienne, Louis ne se sent pas à sa place dans cette famille, il ne retrouve pas le père qu’il espérait, lui qui a si peu connu le sien.

Un soir, le garçon ne rentre pas. C’est sur un cargo que sa mère retrouve sa trace. Le garçon s’est embarqué et pour Anne commence l’attente et l’espoir.

Elle s’accroche et résiste à l’incertitude et à la peur, comme accrochée à une bouée de sauvetage, mais chaque retour de bateau sans Louis la mine, le mal torture comme une destruction à petit feu.

Pour résister Anne écrit un journal où elle retrace le fil de sa vie, mais aussi des lettres qu’elle adresse à son fils, comme des bouteilles que l’on jette à la mer.

Gaëlle Josse a su trouver les mots pour décrire le chagrin d’une mère perdue dans l’attente et l’incertitude.



J’ai lu tous les romans de Gaëlle Josse. La retrouver est chaque fois une promesse de grand plaisir littéraire, tant sa plume est élégante toute en finesse, pudeur et délicatesse.

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Nos vies désaccordées

François, pianiste de renommée internationale, est toujours dans un avion entre deux concerts. Sur son site internet, les gens qui l’aiment et apprécie son talent lui envoient des messages pour le remercier, ou le féliciter.

Un jour, c’est un infirmier qui lui laisse un message curieux, expliquant qu’il a découvert sa musique grâce à « une de nos jeunes patientes qui écoute les CD à longueur de journée, ceux de Schumann en particulier ».

C’est ainsi que Sophie, le premier amour de François refait surface et entre dans sa vie par effraction une nouvelle fois après trois ans de silence durant lesquels il n’a jamais pu reprendre contact avec elle.

C’est ainsi que tout l’univers qu’il s’était construit va se trouver chamboulé.



Ce que j’en pense :



Ce roman est très court (123 pages pour être précise), mais très dense. Il secoue en profondeur, l’air de rien, l’auteure assenant des phases choc, brèves mais qui percutent.



On passe par tous les états en voyant évoluer François, avec parfois l’envie de lui donner une gifle pour qu’il se secoue et cesse de se regarder le nombril, regarde un peu plus loin que sa vie dorée qu’il subit. Puis, il s’anime, et devient plus adulte, admet tacitement qu’il ne connait rien, et doit tout apprendre de la vie, la sienne et celle des autres.



Il est parti pour une tournée au Japon laissant Sophie désorientée fragilisée. Il le savait intimement, mais il a préféré la fuite car il ne semblait pas y avoir de solution. Et, à ce moment-là Sophie a implosé et son frère l’a fait admettre en hôpital psychiatrique, dans un endroit tenu secret pour éloigner François qu’il jugeait irresponsable…



François comprend brutalement ce qu’est la solitude, la perte de l’être cher. « Je n’avais pas imaginé, non plus, que l’être dont on partage la vie puisse vous être enlevé ainsi. Il me restait beaucoup à apprendre ». P 37

Il apprend que les actes ont des conséquences tout autant que le fait de ne rien faire pour regarder la réalité en face. « J’ai réalisé ensuite qu’on entend uniquement ce qui nous convient ou nous rassure ». P 38



Que dire de ce frère peu sympathique qui m’a fait penser à Claudel faisant interner sa sœur Camille qui lui faisait de l’ombre. La folie, on la cache, ainsi elle n’existe pas.



Sophie n’a plus prononcé une parole depuis le jour de son internement, elle écoute les CD de Schumann en boucle et « peint une toile de deux mètre sur deux, installée dans sa chambre. Elle la peint en blanc et quand elle a fini, elle la recouvre de noir. Puis, de blanc. »



Sophie, on se l’imagine dans le regard que lui porte François, jeune femme fragile, hypersensible, artiste (elle travaille dans l’atelier d’un luthier lors de leur rencontre, elle est peintre), on perçoit ses fêlures, ses chagrins…



Les personnages sont bien étudiés, la démarche de François pour revoir Sophie, en quittant tout brutalement (sa compagne, ses engagements professionnels…), essayant de convaincre le psychiatre de sa bonne foi, de son désir de faire passer l’autre avant lui, même si ce n’est pas toujours très réaliste… toute l’histoire est belle.



Gaëlle Josse fait une place importante à la musique, le rythme de l’écriture, la tristesse… on se laisse porter, on sent les touches du piano, sous les doigts, les notes qui s’égrènent, rendant un hommage à Schumann qui est omniprésent… les touches noires et blanches comme ce que Sophie peint sur sa toile, comme la mélancolie ; les couleurs ont-elles disparu avec la vie ?

Une lecture émouvante, dans laquelle j’aime replonger pour en sortir des petites phrases que je cite plus bas… j’ai bien aimé. Gaëlle Josse a su me convaincre par sa sensibilité, sans mièvrerie, car elle ne dilue jamais l’émotion, elle la laisse nous pénétrer et me donne envie de continuer à explorer sons univers.

Note : 8,2/10




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Et recoudre le soleil

J'ai découvert Gaëlle Josse avec Une femme en contre-jour, biographie romancée de Vivian Maier, et je m'étais laissé séduire par son écriture. Quand elle a publié Et recoudre le soleil, j'ai naturellement eu envie de le lire. Envie amplifiée par l'avis de ma libraire, qui avait beaucoup aimé, m'a t'on dit.

L'attente devait être trop ambitieuse ; je suis déçu...



L'autrice le dit en 4ème de couverture : "J'ai écrit ces textes dans des carnets, des cahiers, sur des pages volantes (...) J'ai eu envie de vous offrir aujourd'hui cette moisson de mots (...)" Le problème, c'est que cela ne ressemble qu'à ça, une moisson de mots et de phrases, collectés un peu au hasard.

Le résultat m'a paru décousu, sans unité, pire, sans âme. Il y a, certes, de belles fulgurances, comme ce :



"un livre

une chambre

les rais de soleil entre les volets

la vie qui bruisse dehors un aboiement

un ballon des cris

une radio plus loin encore

toutes les vies mêlées"



Mais il y en a trop peu !
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Et recoudre le soleil

On ne sait pas toujours que Gaëlle Josse , avant d'écrire des romans, a d'abord publié des recueils de poèmes. Mais on ne s'en étonne pas vraiment car sa plume est si subtile, délicate...



Dans ma librairie préférée à Lille, je me suis précipitée vers une table complète consacrée aux poètes ( le printemps n'est pas loin...) et j'ai saisi ce livre, il ne m'a fallu que quelques vers parcourus pour comprendre qu'il était fait pour moi.



On retrouve le goût de Gaëlle Josse pour les textes courts, ce qu'on lui reproche d'ailleurs parfois en matière de romans. Elle explique en prologue que ces poèmes ont été écrits sur des petits carnets, des tickets, des listes et qu'elle s'est décidée à les rassembler.



L'épure, la simplicité caractérisent ces mots jetés sur le papier. L'auteure convoque les petits bonheurs du jour, mais aussi les angoisses, la tristesse , et les transfigurent par l'écriture. Elle s'imprègne du vent, des herbes, de la nature qui ouvre le coeur et réconforte. Les images sont belles, émouvantes.



" adossés à l'épaule du temps

chaque jour renaître

ouvrir les volets



au jardin jeter une poignée de graines

la part de la terre

la part des oiseaux



et attendre ce qui est à venir"



Ses poèmes me sont un baume au coeur, ils adoucissent ma peine. Mots vibrants, chaleureux, perles de vie et de lumière, au- delà des ombres du chemin:



" Quand il faut tout rassembler

autour de soi

le courage les vêtements le sourire

et qu'on n'est pas très sûre de vouloir sortir

dans le tranchant du jour



le corps perdu

le coeur perdu

marcher sur le fil du silence

guetter quelques mots de passage



prémices d'un éveil

échos d'une lampe allumée

à la fenêtre

de l'autre côté de la rue



les jours à pas comptés "



Un recueil à découvrir, assurément!
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Le dernier gardien d'Ellis Island

« Je suis aujourd'hui le capitaine d'un vaisseau fantôme livré à ses propres ombres. »



Ellis Island recueille tous les fragments d'exil, elle est la porte qui ouvre vers un rêve à construire. Les familles arrivent là, usées du voyage, avec leurs maigres bagages et leurs rêves au milieu.

Le dernier gardien d'Ellis Island, John Mitchell, nous livre les souvenirs sombres qu'il a récoltés du côté de sa barrière.



Un roman comme un défilé d'images, d'amoncellement de bagages, de portraits d'hommes et de femmes, de couleurs fanées d'ailleurs, d'une multitude de voix, comme une tour de Babel qui vient s'échouer là tout près de la statue de la Liberté et des buildings de Manhattan.



Un autre témoignage bref de Giòrgy Kovàks avec son roman « Fragments d'exil », nous dessine cette porte d'or, qu'est Ellis Isand pour tous les naufragés ou aventuriers de l'Europe, comme une herse d'acier, comme un lieu où un nom de famille risque d'être amputé de ses accents par un fonctionnaire d'une autre culture. Et ces accents-là, ce sont leur identité, leur bagage intérieur, un morceau de nostalgie qui aide à rester debout.

«Pour Esther et pour moi la porte d'or demeurera à jamais une herse d'acier.»



Tant de drames dans ces bagages, tant de rêves dans ces regards épuisés, tant d'épreuves encore à accomplir alors qu'on se croyait au bout du voyage. Et au centre de cette histoire, un gardien qui ne fait que suivre les ordres, qui offre aux voyageurs las et perdus, le visage d'un fonctionnaire méticuleux, qui se barricade derrière son devoir.

Par deux fois il s'égare. Il en découle deux histoires dont l'une profondément touchante, nous rend le personnage ambigu.

Des hommes et des femmes qui n'ont fait qu'une escale dans la vie du gardien, mais qui ont fracassé son bouclier, sa profonde solitude, son îlot de dossiers trop bien rangés. Lui aussi est un naufragé d'un voyage immobile.



Des fragments de vie, des fragments d'exil, que l'on retrouve en images en suivant le lien de cet espace numérique proposé par Gaëlle Josse : http://www.derniergardienellis.tumblr.com.

Ellis Island n'est plus l'entrée principale qui accueillait tant bien que mal les immigrants de 1892 à 1954, mais elle résonne encore dans l'actualité, en d'autre lieux.





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