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Critiques de Gaëlle Josse (1932)
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Une longue impatience

Trouvé par hasard sur une étagère de la bibliothèque de mon village, la couverture de ce livre m'a interpellée (ou appelée !!!!). La 4ème de couverture m'a littéralement clouée sur place. Il me fallait emprunter cet ouvrage... indéniablement.

Je ne savais pourtant pas si je pourrais lire cette histoire, arriver jusqu'à la dernière page.

Cette histoire, c'est la mienne (excepté l'époque).

Gaëlle Josse a su mettre des mots sur un départ inexpliqué, sur une absence qui n'a pas de fin, sur une douleur...

Pour ceux qui me connaissent, voilà...

Il n'y a que ces mots qui soient vrais, elle a mis les bons mots sur un ressenti. Une longue impatience est pour moi une évidence. Je l'ai lu les larmes aux yeux. J'ai été tenté de refermer ce petit livre plusieurs fois... Tout est tellement vrai.

Donner mon avis sur ce livre de façon neutre est impossible pour moi...
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La nuit des pères

Une histoire qui pourrait sembler presque banale magnifiée par l'écriture de Gaëlle Josse, écriture si belle et si sensible qui a su me toucher encore une fois, me bouleverser par moments.

Une fille Isabelle, exilée du lieu de sa jeunesse, fuyant un père sauvage, enfermé dans une colère dont elle ne connait pas la cause, un fils resté au village, le père qui vieillit et sa mémoire qui commence à faire défaut. Elle va revenir pour quelques jours et affronter ses souvenirs, essayer de retrouver son père tant qu'il n'est pas complètement parti. Cette fille, qu'il n'a jamais su voir, va nous raconter en s'adressant directement à ce père, sa souffrance, celle de l'enfant qu'elle était, celle de la femme qu'elle est devenue, en la présence affectueuse de ce frère en apparence solide, mais blessé lui aussi.



Je disais donc une histoire presque banale, une famille qui ne fonctionne pas, un quotidien rythmé par les colères du père, et ses cris la nuit. Cette peur au ventre, pour les enfants, ne jamais savoir comment se passera la soirée, si elle sera calme ou non. Ce ne sont pas les coups qui sont craints, mais une atmosphère sombre, étouffante, qui pèse, qui détruit la légèreté de l'enfance. Un père dont le passé sera expliqué pendant ces quelques jours de retrouvailles un père qui n'aura jamais su surmonter les évènements qui l'ont changé à jamais et dont la souffrance sera celle de toute sa famille. Sa femme ne réussira pas à le sauver, elle saura seulement parfois amortir la dureté, réconforter les enfants.



Une histoire cependant plus originale par la forme, celle d'une longue lettre qui dit tous les mots qui n'ont jamais été échangés. Ces deux là ne se parlaient pas. le retour d'Isabelle va raviver tous les souvenirs, et les écrire va lui permettre face à ce père amoindri de dépasser sa rancoeur. Elle l'aimait ce père, qui ne la voyait pas.

« C'est un perpétuel jaillissement de beauté, ta montagne. Je comprends que tu l'aies tant aimée. Mais moi, c'est toi que j'aimais. »



Beaucoup de noirceur dans ce livre, beaucoup de colère, beaucoup de dureté. Mais tout cela exprimé d'une écriture poétique, précise, envoutante. Un livre qu'on ne peut lâcher tant les mots nous happent. Et qui se termine sur une note plus légère, une promesse de mieux-être.

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Une femme en contre-jour

2007 Chicago, un jeune agent immobilier, John Maloof cherche des anciennes photos pour illustrer un livre qu'il projette d'écrire sur un quartier de la ville. Au détour d'une vente aux enchères, il achète pour quatre cent dollars des cartons remplis de photos, planche-contacts, pellicules non développées négatifs et paperasses. Mais grosse déception ! Rien dans ces cartons qui puisse lui servir. Pourtant curieux, mais ignare sur la photo, il poste quelque deux cents clichés sur internet, pour avoir une idée de ce qu'il a dans les mains. Vu les réactions, il se rend compte qu'il tient quelque chose de rare......Ainsi débute la célébrité, la gloire et la reconnaissance posthume de l'oeuvre de Vivian Maier, photographe américaine d'origine française, sujet du dernier livre de Gaëlle Josse.



Viviane Maier personne ne l'a vraiment connue à part ses employeurs, chez qui elle travailla comme nounou . le reste c'est presque le néant. Un néant que Josse va combler à partir de ses photos, quelques témoignages et manuscrits et surtout avec son imagination.



Des photos en noir et blanc, surtout de l'Amérique d'après guerre, de nombreux portraits de clochards, ouvriers épuisés, ivrognes ramassés par la police, enfants, nourrices, vieilles femmes, enfants de la rue, couples, adolescents,......bref une majorité de démunis. Et surtout beaucoup d'autoportraits. Ce personnage complexe à la personnalité ambivalente, cette solitaire, vieille fille au passé familial désastreux, semble tenir par le biais de ces photos, jamais vues et exposées aux yeux d'autrui, un carnet intime d'une histoire qu'elle “tente de s'inventer, de se construire, elle qui ne possède rien, ni biens ni famille”.



Qui est la vraie Vivian Maier ? Vu les témoignages contradictoires, personne n'en saura rien, “seules ses photos parleront pour elle “. Et Josse ajoute « Peut-être sommes-nous tous condamnés, dans le regard de l'autre, à être, selon le mot pirandellien, un, personne et cent mille. »



J'ai un avis mitigé sur ce livre. Aprés la découverte de son histoire et le tapage médiatique autour, j'étais allée voir deux de ses expositions , différents lieux et dates. Personnellement j'aime beaucoup la photo comme art plastique, ca me fascine, c'est tout, aucune compétence particulière. J'ai trouvé les photos de Maier non dénuées d'intérêt, mais aprés un moment on s'en lasse. À mon avis elles n'ont rien d'exceptionnel pour mériter tout cet acharnement sur son oeuvre. Dans le livre de Josse, aussi j'ai senti comme un creux, un vide que même l'imagination et la prose de l'écrivaine que j'aime beaucoup, n'arrive pas à combler, surtout dans la première partie où on se perd dans des histoires de familles aux détails à mon avis sans intérêt. Dans la deuxième moitié du livre elle se rattrape insérant ses propres réflexions et instiguant un parallèle entre Meier et elle. Elle, écrivaine, Meier photographe, même travail, "faire passer un peu de lumière dans l'opacité des êtres, dans leur mystères, leur fragilité, dans leurs errances, et dire ce qu'on entrevoit, ce qu'on devine, ce qui se dérobe."

Bien que Josse a finalement réussi un livre intéressant sur un personnage quasi invisible, malheureusement il ne m'a pas touchée, émue pour autant. Je le conseillerais quand même, vu sa prose ( ayant un peu perdu ici de sa verve) et nos sensibilités différentes aux divers lectures.



Un grand merci à NetGalley et aux éditions Notabilia pour l'envoi de ce livre !

# Une Femme En Contre-Jour #NetGalleyFr



"L'oeuvre, nourrie de la vie, plus grande que la vie".
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Les heures silencieuses

Ce qu'il faut d'imagination pour extirper d'un tableau à l'apparence somme toute fort austère, cette petite pépite qu'est ce roman de Gaëlle Josse, "les heures silencieuses ". Les heures silencieuses, celles qui s'égrènent lorsque Magdalena, fille d'une famille de riches armateurs, peine à trouver dans le sommeil la paix dont son âme a besoin. Alors elle pose sur le papier le bilan de sa vie, faite de joies, de peines, et de regrets aussi. Gaëlle Josse ne nous propose nullement un "page turner", selon l'expression consacrée, mais brosse, avec l'élégance que lui connait le lecteur, la condition des femmes au XVII e siècle. Par le biais du personnage principal, elle évoque les multiples facettes de l'âme humaine, sa beauté, sa "laideur", son ambivalence, mais aussi ce qu'elle comporte de secrets que notre conscient est loin de soupçonner ; ce qu' elle sait de nous, et qu'elle choisit de nous révéler, ou pas... Ce livre, bien trop court hélas, et qui se termine de manière quelque peu abrupte, est une invitation à la sagesse, et à la résilience aussi. "Dieu donne, et il reprend"... Un ouvrage par lequel je me suis laissée porter, parceque l'écriture de cette auteure est fine, nous berce et nous enchante, le langage est chatié, et nul besoin, quand on a pareille plume, de chercher à aiguiser la curiosité du lecteur, car reconnaissons tout de même que l'histoire en elle-même n'a rien d'exceptionnel, mais la seule plume de Gaëlle Josse fait sa force.
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Une longue impatience

Même si j'ai adoré et lu le dernier roman de Gaëlle Josse la nuit dernière, je n'en suis pas moins très embarrassée pour en parler...

Magnifiquement écrit, cette histoire ressemble à une tragédie antique; j'ai "dévoré" cette histoire, mais quelle tristesse, quelles douleurs endurées par cette mère, tiraillée entre l'amour de son second mari et l'adoration pour son fils...



Situons un minimum l'intrigue: une veuve de marin, Anne, se retrouve seule et démunie pour élever décemment son unique fils, Louis., en 1943...



Elle ira à l'usine, gardera dignité et réserve. "Une Mère Courage"... qui se voit demander en mariage après un temps décent de veuvage par Etienne [ Deux années respectées par le soupirant], fils unique du pharmacien. Nous apprenons qu'Etienne, l'un des plus beaux partis du village n'a d'yeux et d'amour que pour Anne, la veuve du marin le Floch, depuis toujours.!



Ils ne sont pas du même milieu social, les villageois cancanent...mais ils s'aiment, l'amour d'Etienne est toutefois trop fort, il ne supporte pas le partage avec son beau-fils, Louis, qu'il a pourtant promis de protéger et d'aimer comme son fils... mais Etienne a présumé de lui-même, et de son attachement exclusif envers Anne...



Il maltraitera, frappera, disputera Louis; Anne essaye de temporiser, de compenser cette exclusion, car elle est tiraillée entre ses deux amours... Et puis un jour, elle arrive trop tard; une correction de trop... et Louis part, prend la mer comme son vrai père et restera absent durant des années interminables où la mère est littéralement déchirée en deux...



Elle assume sa nouvelle vie avec Etienne, ses deux autres enfants, Jeanne et Gabriel...au prix d'efforts inimaginables...



Grâce, entre autres à son jardin secret, qui atténue quelques instants cette douleur insupportable de l'absence de son aîné, Louis... Elle essaye de taire le manque, en écrivant , en imaginant des retrouvailles "merveilleuses" avec son fils adoré, un jour prochain !.



Ce jardin "secret" ce sont des retraits "solitaires" dans son ancienne petite maison de pêcheur, modeste mais contenant l'essentiel ,le "noyau" de ce qu'elle est en profondeur... même si elle devenue l'épouse respectable et aisée du pharmacien ... son coeur et son âme sont contenus "ailleurs"...

Même si elle continue d'aimer Etienne, elle se sent étrangère dans sa propre demeure... Seuls les câlins, la tendresse déployée pour Jeanne et Gabriel l'aident à "rester debout envers et contre tout !



Toujours une émotion personnelle intense à lire les paysages, les odeurs, les embruns, les couleurs de la lande et des horizons bretons...



...Et on ne peut être que bouleversé par l'immensité de cet amour maternel, amour infini, difficilement exprimable...Il en faut du talent pour écrire, garder en haleine le lecteur sur un sujet, que l'on pourrait traiter de "banal", d'ordinaire...



Un sujet si ténu, universel que les liens uniques entre une mère et son enfant... Un très beau portrait de femme...fière, aimante ,discrète et courageuse...dans un style inégalable, d'une poésie , d'une légèreté et d'une émotion , à nulle autres pareilles !



"Car toujours les mères courent, courent et s'inquiètent, de tout (...)

Elles s'inquiètent dans leur coeur pendant qu'elles accomplissent tout ce que le quotidien réclame, exige, et ne cède jamais. Elles se hâtent et se démultiplient présentes à tout, à tous, tandis qu'une voix intérieure qu'elles tentent de tenir à distance, de museler, leur souffle que jamais elles ne cesseront de se tourmenter pour l'enfant un jour sorti de leur flanc." (p. 147-148)

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Une femme en contre-jour

Les photographies réalisées sa vie durant par Vivian Maier, Américaine d’origine française et autrichienne née en 1926, n’ont été découvertes qu’après sa mort, tout à fait par hasard. Désormais au panthéon des plus grands photographes de son siècle, cette gouvernante d’enfants issue d’un milieu modeste, voire misérable, grandie sans amour auprès d’une mère dysfonctionnelle, mena une existence solitaire et étrangement libre pour l’époque, centrée sur l’obsession de sa collection d’images qu’elle n’a jamais cherché à faire connaître, qu’elle n’a parfois même jamais vues elle-même, faute de moyens suffisants pour développer ses plaques et pellicules. Elle a laissé la trace de son regard sur le monde et sur elle-même, au travers de scènes de rues croquées sur le vif où elle s’intéresse aux failles de ses sujets, souvent marginaux et laissés-pour-compte, et d’auto-portraits sans coquetterie où elle ne se profile que sous la forme d’ombres ou de reflets. Son personnage reste un mystère, que Gaëlle Josse tente d’approcher au travers de son histoire, étonnante à plus d’un titre, et qu’elle nous restitue fidèlement, avec sensibilité et élégance.





Ce qui frappe chez Vivian Maier est sa volonté de ne pas exister et de s’effacer, qui la fait se transformer en témoin quasi invisible, en regard qui traverse le monde sans se donner le droit d’y laisser sa marque ni d’y devenir quelqu’un : dans ses images d’êtres souvent misérables et marqués par la vie, ces invisibles anonymes qui la fascinent, on est tenté de voir une projection d’elle-même, elle qui assiste au naufrage de ses proches dans le dénuement, la violence, les addictions et la folie, et qui, privée d’amour dans une famille où chaque naissance engendre honte et rejet, ne se reconnaît aucune valeur et préfère se faire discrète pour moins souffrir.





Au fur et à mesure que l’on devine les failles de la personnalité de Vivian, que certains témoignages viennent même teinter d’une suspicion de pathologie quasi psychiatrique, l’on perçoit aussi l’importance vitale qu’a pu revêtir pour elle la prise quotidienne d’images. Loin d’un hobby, la photographie est chez elle un acte salvateur, un moyen qui lui permet sans doute, inconsciemment, d’exprimer et de mettre à distance sa souffrance, de vivre sous la protection de reflets qui la dévoilent et la masquent en même temps. L’appareil-photo de Vivian devient une sorte d’instrument de camouflage, qui en la transformant en miroir réfléchissant, lui permet d’exister au travers de ses sujets, sécurisée par son invisibilité.





L’on ne peut désormais plus que s’émouvoir de la trace fantomatique laissée par cette artiste, et frémir à l’idée que son œuvre aurait bien pu disparaître corps et bien avec elle.





Gaëlle Josse a donné à son récit un équilibre parfait : sans ajouter aux prédispositions romanesques de cette biographie, avec fidélité, sobriété et discrétion, elle réussit à faire revivre cette femme et son histoire de façon crédible et vivante, dans un style élégant, sensible et soigné qui hypnotise de la première à la dernière ligne. Il ne reste plus ensuite qu’à courir découvrir les clichés de Vivian Maier, et à éternellement s’interroger sur la manière dont elle aurait considéré sa notoriété posthume. Coup de coeur.


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Une femme en contre-jour

Quelle belle idée de rendre hommage à cette femme au destin si particulier! La photographe célèbre s’inscrit au coeur d’une histoire d’exils, de fuites, de rencontres déjà remarquable. Mais ce qui est plus frappant est l’incroyable rôle du hasard qui a permis d’exhumer cette oeuvre magnifique, qui, de portraits en scènes de vie dresse un état des lieux remarquable des Etats-Unis d’après guerre.



Totalement inconnue de son vivant, elle n’a jamais cherché ou peu insisté pour faire connaitre ses travaux, et n’en a pas tiré profit. Plus étrange encore, elle n’a pas vu toutes ses photos, comme si l’instant même de la scène captée comptait plus que le résultat.



Si les âmes peuvent assister en spectateur à la suite de ce qui fut leur film, combien elle doit se réjouir de ce succès posthume. Encore que la part de mystère qui entoure sa personnalité puisse permettre d’en douter. Car peu d’éléments permettent d’affirmer avec certitude qui elle fût. Pas de journal, pas de commentaires des clichés, pas d’avis de son entourage, qui s’est limité longtemps aux familles qui l’ont employée en tant que nurse. Sa propre famille est trop bancale ou en dérive pour aider à construire le portrait de l’artiste. Monstre ou ange gardien? Les témoignages font parfois douter du fait que l’on parle d’une personne unique.



C’est avec la plume élégante et délicate que l’on connait que s’esquisse la silhouette inachevée, avec sa part d’ombre, sans romancer ce qui reste nébuleux, laissant la part au doute et aux questions.



"Entrer dans une vie, c’est brasser les ténèbres, déranger des ombres, convoquer les fantômes. C’est interroger le vide et tendre l’oreille vers les échos perdus."





Très bel hommage à cette artiste qui a sans doute elle-même ignoré son talent.



#UneFemmeEnContrejour #NetGalleyFrance


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Les heures silencieuses

Le grand art d'un bon écrivain c'est qu'il a les mêmes mots que nous mais ses phrases vont beaucoup plus loin que les nôtres.



Gaëlle Josse est de ces écrivains qui proposent un texte où le récit personnel se mêle au vécu universel, capable de toucher les lecteurs de toutes les générations et de tous les horizons.



Dans Les heures silencieuses l'auteure évoque la fragilité des êtres, la mobilité de nos certitudes, les apprentissages et les leçons de la vie. Dans un exercice d'introspection elle se questionne sur les élans du coeur mais aussi sur les jours heureux qui s'assombrissent et sur les angoisses qui empoisonnent, la culpabilité qui ronge et qu'on porte comme une croix de plomb.



Par petites touches fugaces Gaëlle Josse s'interroge sur ce que nos actes disent des vides de nos vies et de na nécessité d'apprendre à se satisfaire de la vie telle qu'elle est, d'accepter notre sort et faire le deuil de certains de nos rêves.



Ce livre se lit comme un long poème, dont s'échappe une musicalité douce, aux accents mélancoliques.





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Une longue impatience

Poignant et déchirant, ce roman respire en moi tout l’amour porté à mon fils, il fait écho à cette longue impatience qui un jour, habillera les jours vides de son absence. Comment ne pas être touchée en plein cœur par cette plume déchirée de Gaëlle Josse... Elle résonne et ouvre les portes de ces maisons où l’amour n’est pas partagé de manière égale, faute à ces ménages recomposés dont le passé n’est pas forcément accepté. Avec des enfants mal-aimés. C’est sur ce triste tableau que le fils premier d’Anne, Louis, s’enfuit en mer. Fuir le rejet du beau père, le mal d’amour, la douleur. Anne se prend de plein fouet ce départ, la culpabilité du portrait de famille écorchant son cœur de mère éprise de ce fils Louis.

Une longue impatience, ce sont ces heures qui vont s’agglutiner en cette mère, lui rappelant tout de son fils aimé.

Tiraillée, en manque, apeurée, c’est tout un amour tenu en laisse par les erreurs des uns et des autres. Un beau père qui peine à l’accepter ce sang étranger, une mère qui peine à réagir, à faire réagir.

Moi qui élève seule mon fils, bientôt en âge de ce Louis, comment ne pas être bouleversée par ce manque...

Un enfant porté dans son ventre, dans sa chair, le sang de son sang, un amour immortel, Gaëlle, vous m’avez touchée en plein cœur.
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Une femme en contre-jour

En 2007, John Maloof achète, aux enchères, tout un fatras de photographies, de planches-contacts, de pellicules non développées, de négatifs et de papiers entassés. Malheureusement, rien de tout cela ne peut lui servir pour son projet d'écrire sur Chicago. Ignare en photographie, il poste parfois, sur internet, quelques photos. Ces clichés font l'unanimité. On lui propose d'en acheter, un professeur d'art attire même son attention sur le travail exceptionnel de l'auteur. Mais qui, justement, est l'auteur ? Et qui est cette femme qui apparait dans d'innombrables clichés ? En 2009, il finit par découvrir un nom, à peine lisible sur une enveloppe. Vivian Maier. Sur internet, il tombe avec stupéfaction sur son avis de décès, rédigé par les frères Gensburg. Il les contacte et apprend que Vivian était nurse et qu'elle ne se séparait jamais de son appareil. John Maloof en est alors certain : il a découvert un trésor...



Vivian Maier, c'est cette femme sur la couverture du livre. Une femme discrète, androgyne, presque austère. Les cheveux courts, retenus par une barrette, les lèvres bien dessinées, une silhouette solide. Le regard grave, concentré, jamais un sourire. C'est cette femme à qui Gaëlle Josse rend un vibrant témoignage... De son enfance chaotique, de la France aux États-Unis, à son travail de nurse en passant par ses nombreux voyages, l'auteure retrace, à travers cette biographie, certes romancée, la vie de celle qui ne quittait jamais son appareil-photo. Méconnue de ceux qui l'ont côtoyé, Vivian Maier laisse derrière elle des milliers de clichés, la plupart en noir et blanc, qu'elle n'a jamais eu l'occasion de voir. Des clichés pris sur le vif, pleins de vie, d'humanité mais aussi mélancoliques. Des scènes de l'Amérique d'après-guerre au cœur desquelles elle dévoile tous ses talents. Des auto-portraits si brillamment mis en scène. Artiste unique, femme insaisissable et indépendante, Vivian Maier prend vie et âme à travers la plume sensible de Gaëlle Josse.



Pour en savoir plus : un documentaire coréalisé par John Maloof et Charlie Siskel, intitulé "Finding Vivian Maier", le site de l'Association Vivian Maier et le Champsaur (www.association-vivian-maier-et-le-champsaur.fr), le site "officiel" réalisé par John Maloof (www.vivianmaier.com).



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Ce matin-là

En ce soir du 2 juillet 2006, alors qu'elle s'apprête à quitter ses parents pour rentrer chez elle, elle assiste presque à la chute de son père. Sa mère, hébétée, figée sur place, ne fait rien. Clara prend tout en charge. Après le terrible trajet dans le camion des pompiers, l'attente, interminable, dans la salle d'attente de l'hôpital, le diagnostic est posé : un AVC. Dès lors, la jeune femme, qui prévoyait de partir enseigner à l'étranger, décide de rester...

En ce matin du 8 octobre 2018, Clara, apprêtée pour une nouvelle journée de travail, s'engouffre dans sa voiture. Malheureusement, celle-ci ne démarre pas. Rien à faire. La jeune femme s'agite. Pense à tout ce qu'elle a à faire. Les minutes passent. Elle regagne le hall de son immeuble en titubant. Monte machinalement les marches. Et glisse, le dos collé à la porte. Des larmes, des spasmes, des frissons qui durent indéfiniment. Ce matin-là, Clara n'ira pas travailler...



Ce matin-là, Clara n'est plus que l'ombre d'elle-même. Effondrée, physiquement, psychologiquement. Sans raison apparente, si ce n'est cette voiture qui ne voulait pas démarrer. La goutte de trop qui a fait vaciller la jeune femme. Démunie, dans l'incompréhension totale, dans l'incapacité de mettre des mots sur ce qui lui arrive. Une fois le diagnostic posé par son médecin, à savoir un burn-out, il s'agira pour elle d'analyser, de comprendre pour tenter de se retrouver, de trouver son chemin. Gaëlle Josse traite, avec beaucoup de sensibilité et au plus près des émotions et ressentis, du burn-out, maladie malheureusement de plus en plus fréquente de nos jours. Tout en finesse, elle en relate les origines, les syndromes (repli sur soi, perte d'appétit, déconsidération...), les étapes de la lente reconstruction et réussit parfaitement à se glisser dans la peau de Clara. De sa plume, lyrique, poétique, subtile, elle interroge sur les choix de vie (intime, professionnel), les désirs, les frustrations et sur la vie qui, immanquablement, bat toujours...
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Une longue impatience

Il est des textes que l’on hésite à commenter , dans la crainte de les profaner, tant l’écriture est belle. Si l’on y ajoute une histoire dramatique et terriblement émouvante, le pari est gagné et le roman fera partie de ceux que l’on oublie pas .



Dans les années 50, sur les côtes bretonnes qui ont vu tant de femmes attendre l’arrivée de leur mari, sans nouvelles depuis de nombreuses semaines, Anne guette les voiles qui signifieraient le retour de son fils, parti après une violente altercation avec son beau-père .

Elle aurait pourtant mérité un peu de répit, cette jeune femme, après une enfance de misère et de violence, et un veuvage précoce. Les cieux semblaient plus cléments lorsque le pharmacien du village, épris d’elle depuis toujours, lui demanda sa main. Alors pourquoi cette nouvelle épreuve?



Le récit est rythmé par les magnifiques lettres qu’Anne rédige à l’intention du fils disparu, dans une prose émouvante. Sans mièvrerie, car la vie l’a suffisamment éprouvée :



«  Je sais pourtant que c’est ce qu’on appelle la vie, dévorer ceux qui sont plus faibles que nous, s’en nourrir pour se donner de la force, c’st ainsi depuis la nuit des temps »





Impossible de ne pas ressentir une profonde empathie pour cette jeune femme atteinte dans ce qu’elle a de plus cher. Comme à une amie proche, on voudrait lui prendre main pour tenter de la convaincre qu’elle n’a pas démérité, qu‘elle n’a pas usurpé sa place, et que le malheur n’est pas inéluctable. En vain sans doute.



Dans ce récit, tout prend une dimension poétique , jusqu’à la description d’une simple clé :



«  C’est une clé rustique, en fer vieilli, avec des taches de rouille, un objet d’un temps révolu qui raconte des histoires de mer, de marins perdus, de récifs, de tempêtes, de brouillards, des histoires de femmes qui attendent , toujours. »



L’écriture est aussi simple que la trame narrative, sobre et efficace, élégante et subtile. C’est par cette délicatesse que l’auteur nous atteint et déclenche des flots d’émotions et de compassion.



Prix public du salon de Genève
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L'ombre de nos nuits

Une jeune femme d'aujourd'hui se rend à la gare, sans doute est-elle en déplacement à Rouen… Il lui reste du temps avant de prendre le train qui doit la ramener chez elle. Elle pénètre dans le musée des Beaux Arts où elle va s'alléger de ses bagages, de son manteau qu'elle dépose à l'entrée. Au cours de cette visite improvisée un tableau va la happer : une copie de Saint Sébastien soigné par Irène de Georges de la Tour



La vue du tableau l'entraîne, la met hors temps, hors champ comme l'a fait une douloureuse liaison qu'elle se remémore ; une passion mortifère, désormais révolue, dont le souvenir reste toujours vif.

Georges de la Tour et son Irène vont lui permettre de revivre ce bouleversement amoureux, de l'apaiser en lui en restituant la beauté lumineuse et sombre, beauté transfigurée par le silence et la profondeur du tableau tout en clair-obscur.

« Je n'arrive pas à détacher mon regard du visage de la jeune femme du tableau. Ni de la légèreté de ses mains sur la blessure, comme des ailes bienveillantes qui emporteront la douleur au loin et la laisseront se dissoudre dans la nuit. »



"L'ombre de nos nuits" ce sont trois voix qui se répondent par delà l'espace et le temps, par le truchement d'un tableau et la magie de l'écriture de Gaëlle Josse qui permet leur dialogue : celle du peintre Georges de la Tour, celle de Laurent l'apprenti dont on peut imaginer qu'il ait pu faire une copie de ce tableau où Claude la fille de Georges de la Tour incarne Irène, et l'inconnue qui contemple. Ils sont tous unis par la beauté douloureuse de leur passion.



Ainsi de la Tour qui se prépare dans l'isolement de son atelier :

« Je regarde les bâtons de fusain posés à côté de moi, alignés, pour l'esquisse de la scène. À chaque fois, cette hésitation. La trace de la main, le contact avec la toile. Éternelle initiation. Comme on approche un corps qui s'offre pour la première fois. Découvrir comment il va réagir, frissonner, trembler, gémir. Deviner quel est son secret, sa joie, sa blessure. Éprouver cette sensation qui ne peut être qu'une seule fois et disparaît dans le geste qui l'accomplit. le geste de la connaissance.

(…) J'aime le silence qui accompagne la nuit, j'aime le feu, l'ombre et leur danse, ils se cherchent, s'évitent, s'enlacent. le silence qui accompagne nos vérités. Je n'ai pas besoin de grand-chose d'autre, quand j'y pense.



et la jeune femme, comme en écho, parlant de celui qui va l'isoler dans sa passion :



« Dès l'instant de notre rencontre, j'ai découvert un état nouveau, du moins inconnu dans cette intensité, comme si je prenais conscience pour la première fois de la profondeur et du relief d'un paysage familier, soumis à un éclairage d'une violence nouvelle, dessinant des contours aigus et creusant des ombres insoupçonnées. Un état de tension, éprouvé dans chaque partie du corps, dans le ventre, les épaules, au fond de la gorge, comme un appel incessant et muet. L'attente. S'y joignaient les efforts surhumains pour ne pas la montrer, à la manière dont on isole dans une pièce un animal domestique trop bruyant ou trop turbulent pour un visiteur. Il me fallait la discipliner, la travestir pour ne pas t'effrayer d'un amour trop grand.



Il va leur falloir après s'être brûlés, poursuivre jusqu'au bout leur chemin amoureux et « Alléger. S'alléger. le plein naît du vide. Simplifier. Densifier. Nous n'emporterons rien avec nous dans notre ultime voyage. »
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Le dernier gardien d'Ellis Island

" Ellis island Ellis island terminus du voyage, vérifier de n'avoir rien oublié dans le bateau !!!"

Comment oublier d'où l'on vient, des milliers d'hommes de femmes d'enfants ont franchi la fameuse "porte d'or", l'ile aux vingt neuf questions.

John Mitchell le directeur en a vu passer des migrants, dans cinq jours le centre fermera ses portes ouvertes depuis 1892.

Le narrateur seul sur Ellis island écrit ses souvenirs dans son journal, ces longs convois descendants du bateau, ces cris, ces larmes , l'angoisse de l'inconnu, Liz sa chère femme infirmière au centre, et Nella l'étrangère aux mystérieux pouvoirs.

Le dernier gardien D'Ellis island de Gaëlle Josse est une petite merveille, même si le roman parle peu de ce que fût l'accueil au centre, de la façon dont furent traité ces expatriés la magnifique plume de l'écrivaine réussit à rendre John Mitchell sympathique malgré la détresse de l'homme ses défaillances et ses regrets.

Comment ne pas penser à travers ce livre aux migrants du 21ème siècle qui n'ont pas croisé John Mitchell et qui pour les plus chanceux finissent dans des centres de rétentions et d'autres qui périssent en mer comme le petit garçon mort sur une plage.
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La nuit des pères

Sommes-nous le résultat des traumatismes de notre enfance (si petits ou si grands soient-ils), à la recherche continuelle de ce qui nous a manqué, comme ici l'amour et la reconnaissance d'un père ? Gaëlle Josse tente une réponse avec Isabelle, son héroïne, qui déroule dans une litanie sans fin la douleur de n'avoir pas été aimée par son père. Un homme qu'elle retrouve alors qu'atteint d'une maladie de la mémoire il semble enfin apaisé, prêt à lui donner ce qu'elle a toujours attendu, et incidemment à révéler le traumatisme fondateur de son attitude passée.

Un roman attractif au début qui m'a paru ensuite bien long malgré ses seulement 192 pages. La redondance et le manque de crédibilité du propos, le style parfois artificiel et emphatique du récit ont fait que ne parvenant pas à le pénétrer sa lecture m'a lassée. Pourtant il existe des moments forts qui m'ont touchée comme quand Isabelle évoque Nietzsche : « Un jour, j'ai lu une histoire qui m'a fait trembler. Turin, le 3 janvier 1889, piazza Alberto. le jour où Nietzsche s'est jeté à la tête d'un cheval de fiacre épuisé, frappé jusqu'au sang par son cocher, jusqu'à s'écrouler au sol, jambes brisées. Nietzsche a enlacé le cheval comme un frère humain, il l'a embrassé dans un geste de consolation impossible, désespéré. Ensuite, il s'est écroulé, a perdu conscience. La grande absence. Tout a lâché, le corps et l'âme, la maladie mentale ne l'a plus quitté, jusqu'à la fin, dix ans plus tard. Humain, trop humain, je crois que j'ai compris là ce que ça pouvait vouloir dire. »
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Les heures silencieuses

Magdalena Van Bayeren, épouse de Pieter Van Beyeren, l'administrateur néerlandais des Indes orientales à Delft, se confie à son journal. Fille de Cornelis Van Leeuwenbroek, elle s'est intéressée très jeune aux affaires de son père nouant avec lui une relation particulière, lui trouvant en elle le fils qu'il n'a pas eu. En épousant Pieter, elle lui permet de reprendre l'entreprise de son propre père, rôle qu'il ne lui est pas possible de tenir en tant que femme. Elle se livre dans son journal et couche sur papier ses émotions, ses ressentis, loin des regards, dans la lumière du matin...



Magdalena Van Beyeren, c'est elle que l'on voit de dos, sur ce tableau d'Emanuel De Witte, "Intérieur avec une femme jouant du virginal". Elle a voulu qu'on la représente ainsi, de dos, face à l'épinette, dans la lumière du matin de sa chambre. Se livrant dans son journal intime, on l'écoute doucement, sans l'interrompre, nous raconter sa vie, marquée par les joies mais aussi les peines, ses souvenirs et ses tourments, l'on prend connaissance des coutumes de l'époque, avec cette impression doucereuse de l'écouter jouer à l'épinette. Gaëlle Josse nous livre un roman délicat, dépaysant et d'une grande richesse. En quelques jours, allant du 12 novembre au 16 décembre 1667, à l'instar de Magdalena, l'on s'évade pendant ces heures silencieuses, paradoxalement enfermé dans cette chambre. L'écriture poétique et gracieuse nous berce de jolies notes.



Les heures silencieuses résonnent encore...
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Un été à quatre mains

Mai 1824. Après plusieurs années marquées par la maladie et les échecs, Franz Schubert est appelé auprès de la famille du comte Esterhazy comme maître de musique pour les deux enfants, Marie et Caroline. Pour quelques mois loin du tumulte de Vienne, le jeune prodige de 27 ans veut profiter du calme de la campagne de Zseliz pour composer l'opéra et la symphonie qu'il a en projet. Le jeune homme, timide et un peu gauche, se révèle dès qu'il se met devant son clavier. Il prend la plume et compose, dans le secret de sa chambre, d'autant qu'il sera inspiré par la présence de la cadette, une jeune fille harmonieuse, gracieuse dans ses gestes, sensible et qui se révèle dès qu'elle joue. Franz voit en elle une âme sœur mais aussi un amour impossible...



Mélomane depuis toujours, Gaëlle Josse, à partir d'un mystère dans la biographie de Franz Schubert, imagine, avec subtilité et délicatesse, les quelques mois passés auprès de la famille Esterhazy. D'abord heureux puis tourmenté, le compositeur quittera précipitamment Zseliz sous un étonnant prétexte. Au cœur de cet été étouffant et sec, Franz composera une série d'oeuvres pour piano à quatre mains. L'auteure imagine, non sans mal, le rapprochement entre Caroline et Franz, l'effleurement de leurs mains sur le clavier, les regards empreints d'admiration et d'amour. Que d'harmonie et de délicatesse dans les mots, que de sensibilité dans les sentiments, que d'évidence dans ces silences et que d'amour mais aussi de douleur dans ces regards... Gaëlle Josse nous plonge dans une ambiance intimiste, gracile, presque fragile. Sa plume, vibrante et mélodieuse, rend grâce à la musique de Schubert.
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Ce matin-là

Très investie dans son travail au sein d’une société de crédit, Clara, la trentaine, ne comprend pas ce qui lui arrive quand survient le burn-out. Du jour au lendemain incapable de poursuivre le cours de son existence, la jeune femme se retrouve durant des semaines, puis des mois, face au vide, alors que tout, subitement privé de sens, s’effrite autour d’elle. Seule son amie de toujours semble capable de lui prêter main forte...





Gaëlle Josse décrit avec la plus grande clarté la soudaine coupure d’électricité qui empêche soudain le corps de fonctionner, la brutale plongée dans un abîme où plus rien n’a de sens et où tout élan vital semble mort. L’entourage ne comprend pas, s’impatiente et se lasse. Entre médicaments, introspection et long tâtonnement dans une obscurité sans fond, il faut trouver seul la porte de sortie, l’étincelle qui permettra de se réinventer une vie. Peu à peu se dessine la trajectoire d’une vocation manquée, d’un enfermement progressif dans un emploi où la pression croissante rend bientôt insupportable un profond conflit de valeurs.





Si, indéniablement maîtrisé et superbement écrit, le récit rend parfaitement limpide le mécanisme du burn-out, l’on pourra néanmoins regretter un parti-pris narratif très optimiste et lumineux, comme si, soucieuse de ne pas trop plomber un texte construit sur une thématique si sombre et si difficile, l’auteur s’était à la fois gardée d’une trop forte charge émotionnelle et hâtée de regagner au plus vite la rive ensoleillée de l’existence. Intellectuellement séduit par la réflexion de l’écrivain, le lecteur comprend, mais sans la ressentir, une émotion trop prudemment tenue à distance, tandis qu’un certain scepticisme l’envahit quant à la rapidité et à l’évidence du nouveau choix de vie de Clara.





Après mon grand coup de coeur pour Une femme en contre-jour, ce livre intéressant et agréable, où l’on retrouve avec plaisir la jolie plume de l’écrivain, m’a relativement laissée sur ma faim. Si elle ne manque pas de charme, son histoire, un peu trop miraculeuse pour convaincre totalement, reste aussi trop sagement à la lisière de l’émotion pour laisser entrevoir la véritable profondeur du gouffre de la dépression.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Une longue impatience

Le manque du fils.

Comment rester insensible à ce magnifique roman ? Difficile.

Bretagne. Avril 1950.

«Ce soir Louis n’est pas rentré. Je viens d’allumer les lampes dans le séjour, dans la cuisine, dans le couloir. Leur lumière chaude et dorée celle qui accompagne la tombée du jour, si réconfortante, ne sert à rien. Elle n’éclaire qu’une absence ».

Le roman s’ouvre sur une disparition, celle de Louis, seize ans. Ces mots, sont ceux de sa mère Anne.

Né d’un premier mariage, souffrant de l’absence de son père mort en mer il y a longtemps, Louis peine à trouver sa place dans cette nouvelle famille auprès de ses deux jeunes frères et sœurs et de son beau-père d’autant qu’il ne s’entend plus avec ce dernier « entré par effraction dans sa vie ». Un soir après avoir reçu des coups, il disparaît.

Rongée d’inquiétude Anne apprendra qu’il s’est embarqué sur un cargo.

Commence alors pour elle, un long calvaire, une attente qui la consume. L’absence devient omniprésence.

Elle parcourt la Lande, la grève, le port, « la maison aux volets bleus » pour le ressentir. Elle le cherche, le sent, le voit en toutes choses.

Chaque battement de son cœur lui est dédié, chaque pensée, chaque geste est marqué de lui, de son souvenir.

« Absente aux autres » déconnectée de son entourage, reliée à Louis de façon exacerbée elle s’enfonce dans le mutisme, intériorise son chagrin car elle n’est pas de ces femmes qui se plaignent, non, Anne est digne, solide, fière, taiseuse, du moins en apparence.

Dans ce chaos calme elle affronte le quotidien de façon mécanique avec des gestes robotisés.

Epiée par les gens du village elle fait l’objet de commérages.

Elle, la roturière qui a épousé un bourgeois s’est difficilement adaptée à ce milieu conventionnel. Cette « sauvageonne » au passé difficile est si différente de son époux, pharmacien, fils de bonne famille, l’ayant sortie de sa condition de veuve et de prolétaire mais en même temps phagocytée.



Gaëlle Josse dépeint un portrait éblouissant de femme, gangrenée par le manque et la culpabilité, avec une écriture sensitive, pleine de lyrisme et de finesse alternant entre monologue intérieur et lettres.



Superbe.

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Le dernier gardien d'Ellis Island

Qui peut rester insensible à ce récit tendu, qui touche à la fois à l'intime et l'universel, poétique et historique, de l'île d'Ellis Island, située face à Manhattan, par son dernier gardien et directeur John Mitchell?, hanté par ses souvenirs, ces vies croisées, écrasées par leur destin, ces immigrés arrivés aux USA,aprés une traversée d'enfer, chassés de leur pays par la faim, la misère, la dictature ou la guerre! Cet homme remonte le cours de sa vie, écrit un journal commencé le 3 novembre 1954 pendant neuf jours, afin d'alléger et soulager sa mémoire.....il est solitaire, face à lui même, singulier, isolé, comme son île avec laquelle il a longtemps fait corps, un peu en-dehors du monde, en fin de parcours.....

Ellis Island, "La Porte d'Or rêvée", le passage obligé pour des millions d'immigrants, attirés par la fameux Rêve Américain"....des "rues pavées d'or": informations données, colportées, interprétées à l'envie dans les rues de la lointaine Naples...John Mitchell en est la mémoire vivante.. Un être avec son sens inné de la droiture, sa rigueur, sa vie de travail, sa gestion avisée et attentive mais aussi ses manques, ses deuils, ses faux pas, ses regrets , ses erreurs,un regard aiguisé à la fois mélancolique et terriblement coupable à la suite d'événements tragiques...

Comme d'habitude avec Gaëlle Josse on ressent une émotion intense à la lecture de son écriture exigeante, sans aucun pathos, fluide, précise, éclairée, sensible, fine, poétique, sobre....tout à la fois légère et travaillée....

Une lecture bouleversante , un écrit sur le passé et le présent, l'exil, le déracinement, l'immigration et le peu que nous sommes, au fond,, un beau roman d'amour et un éclairage brut sur l'arrachement, la peur de l'inconnu, sur le thème des racines familiales , la perte d'indentité, le deuil , la séparation " la nostalgie d'un monde oú la fraternité tient lieu de patrie, " toutes ces vies juxtaposés"......

Une auteure talentueuse ,qui nous touche, décrit et explore à merveille nos passions humaines..... apres Noces de neige" , "les heures silencieuses" et "Nos vie désaccordées"!

Je remercie les amis de Babelio qui me l'ont fait connaître!

Un regret , des livres trop courts .....mais ciselés .....







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