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Critiques de Geneviève Brisac (272)
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Petite

À 13 ans, Nouk décide qu'elle n'aurait plus jamais faim et qu'elle ne grandirait plus. Elle ne mangerait que le minimum pour durer. Fini les bouts de mimolette dans ses poches d'anorak, les galettes bretonnes à la récré, la crêpe aux amandes en rentrant de la piscine. Son plan marche à merveille. Elle arrête de manger en toute discrétion et ses parents ne remarquent rien. Très bonne élève, ses notes augmentent tandis que son poids diminue. Mais peu à peu, les choses deviennent visibles. Ses parents remarquent qu'elle ne touche quasiment rien à ses repas. Ils l'emmènent voir un médecin qui lui dit qu'elle est en danger. Un contrat est passé avec lui: elle doit s'y rendre deux fois par mois pour la pesée. Ses parents surveillent alors ses repas. Mais, Nouk a trouvé une parade: elle découvre qu'elle peut se faire vomir...



Geneviève Brisac, alias Nouk, se livre avec émotion sur ses années d'anorexique. Elle exprime aujourd'hui, avec le regard de l'adulte qu'elle est devenue, sa maladie, son mal-être et ses états d'âme et souligne le fait qu'elle n'était ni folle ni ne voulait faire souffrir sa famille. Dans les années 60, l'on ne cherchait visiblement pas la cause de cette maladie et les soins apportés ne semblaient pas adéquats. L'écriture est épurée et le style original, passant de la première à la troisième personne du singulier, comme si elle semblait se détacher ou prendre du recul par rapport à la petite fille qu'elle était. Un récit émouvant et sensible sur l'anorexie...
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La bataille du rail : Cheminots en grève, écriv..

36 auteurs pour autant de nouvelles, illustrés par les dessins de Mako.

36 auteurs engagés, car cet ouvrage polyphonique n'a qu'une seule ligne éditoriale : celle de défendre les services publics, un certain « idéal de solidarité »

concrétisé ici par le train dans la tourmente de cette nouvelle « bataille du rail ».



36 pierres apportées à l'édifice d'une lutte, puisque les droits d'auteurs sont entièrement reversées aux caisses des grévistes contre cette réforme ferroviaire 2018.

À chacun d'en juger la nécessité bien sûr, mais il fallait le préciser, car il ne s'agit pas ici d'un don seulement caritatif, mais profondément politique.



Bien sûr, ces nouvelles sont très différentes, et parfois inégales, mais toutes réussissent la gageure de parler à nous tous, qui avons en commun cet « imaginaire du rail».

Comme Didier Daenincks dont « le sang noir du monde ferroviaire coule dans [s]es veines. »



Lu en juillet 2018.
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Les enchanteurs

J'ai trouvé peu d'intérêt à cette lecture qui évoque les gloires fugaces et les déboires d'une jeune fille, devenant jeune femme, puis femme, employée dans le monde de l'édition.



Elle illustre sa carrière finalement malheureuse au travers de deux patrons différents qui pratiquent aussi bien l'un que l'autre le harcèlement, même pas sexuel car elle couche avec eux de son plein gré, donc toutes formes de harcèlement qui existent peut-être dans les ambiances de l'édition, mais qui n'iraient pas bien loin dans une vraie entreprise dotée d'organisations syndicales efficaces qui suicideraient ces deux machos sans difficulté.



On a quand même quelques réflexions sur le management pas forcément idiotes, par exemple sur l'incurie des réunions, sur la nécessité trop souvent rencontrée d'écouter ceux qui finalement n'aiment que s'écouter eux-mêmes.



Pour le style, rien de transcendant, des dialogues stéréotypés, des états d'âmes exprimés sans susciter la moindre empathie, pas de vraie création littéraire et une conclusion qui n'engage que son auteur : "Tout est bien".



Sauf ce livre...



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Petite

L'auteure nous livre la douloureuse expérience de son anorexie quand elle avait 14 ans.

Je ne savais pas que c'était aussi douloureux physiquement. Je suppose qu'il existe des cas plus graves que d'autres.

Elle décrit vraiment bien ce qu'elle vit et voici encore un récit qui nous amène à comprendre sans juger.

Nouk (Geneviève) utilise la première personne et puis, au cinquième chapitre, au moment de l'hospitalisation, c'est la troisième personne qui est employée pour parler d'elle. Une prise de distance ou trop de douleur?

Quand elle se rapproche ou se supporte, le "je" revient et au huitième chapitre, lors de sa rencontre bienfaisante avec son grand-père.

Très beau récit, poignant.

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Dans les yeux des autres

Anna et Molly sont soeurs. Il y a quelques décennies, elles étaient coude à coude dans les manifestations, les distributions de tracts, les fabrications de banderoles... le militantisme se composait à deux, l'une galvanisant l'autre, l'autre admirant l'une. L'une tout à l'action et l'autre encore avec quelques volutes de rêveries dans la tête, pas assez organisée ou volontaire, se laissant plutôt porter par les sentiments, les émotions...



Anna et Molly, bien sûr, mais aussi Boris et Marek pour faire quatuor et être plus déterminés, plus forts dans l'adversité, s'exaltant l'un l'autre pour une cause ou une idée.

Et aussi Mélini, la mère d'Anna et Molly, qui préfère l'une de ses filles et bouscule l'autre… Mélini excentrique et insupportable jusque dans ses derniers instants. Mélini source avouée et assumée de discorde entre les deux soeurs.



Molly est devenue médecin, Boris s'est remarié avec elle. Marek est mort, Anna a été écrivaine mais peut-on parler de cet art au passé ? Simplement pour dire qu'Anna a perdu l'inspiration, ou l'a enfouie dans un coin de son esprit pour vivre en paix et ne pas se quereller parce que faire un récit des luttes partagées, en extraire les vérités peut amener des scissions, des rejets...

Alors, solitaire et désoeuvrée, Anna relit ses carnets, ces pages où elle a tout consigné et elle digresse, s'échappe, réécrit presque les années passées.





A Côté des thèmes qui s'entrecroisent dans le roman, ce qui attire et retient, c'est la plume de Geneviève Brisac, trempée dans un zeste d'acide, qui vrille, qui fustige, les attitudes d'avant... mais aussi celles d'aujourd'hui...et quelque part celles de toutes les époques. C'est la plume qui parle de ces idéaux qui ont été la charpente des existences et sont devenus des regrets, des souvenirs nostalgiques. Que reste-t-il de la révolte des deux soeurs, quelles fleurs ont germé sur les idées d'entraide et de révolution, sur les cris ou les slogans scandés, sur les coups reçus, sur les amours vécues ou imaginées ?

On pense au "Carnet d'Or" de Doris Lessing - que j'ai une folle envie de relire peut-être pour l'apprécier davantage - pour les personnages – Anna et Molly -, pour les carnets d'Anna, les engagements, les désillusions et les interrogations.

On croise des libertaires, des écrivains, Franz Kafka et Milena Jesenska, Bakounine, et bien d'autres, et des poètes ou plutôt des vers de poésie qui ponctuent fort à propos le récit et les réflexions des personnages…

On court au fil des lignes, au fil des pages. le style est entraînant, je dirais sautillant, mais toujours cinglant qui ausculte les travers, les faiblesses, les lâchetés d'hier et d'aujourd'hui.

On intègre la lutte , celle des opprimés de tout pays et des femmes pas toujours écoutées, celle des fratries et des familles, on caracole au fil des pages et on se prend d'amitié pour certains personnages quand on en déteste presque d'autres. C'est cela la littérature : entrer dans les phrases d'un livre, s'en draper, et avoir le coeur qui tressaute aux rythme des vies que l'on y côtoie



Un livre qui ne se raconte pas vraiment, un livre qui part dans toutes les directions, qui entraîne le lecteur dans son sillage, le secoue, le fait rencontrer une galerie de personnages tous plus hauts en couleurs les uns que les autres, qui se bousculent et se télescopent dans les premières pages pour mieux être rencontrés au fil du récit, pour mieux bâtir un roman sur l'engagement, le politique et aussi l'intime. Un livre qui parle d'écriture, des écrivains, des idéalistes, des engagés pour mieux en extraire la réalité, les rêves, la vérité, les illusions, l‘hypocrisie et la vanité, la sincérité.



A lire pour être bousculé...
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Petite

A l'orée de l'adolescence, Nouk décide de ne plus grandir et arrête progressivement de s'alimenter convenablement. Jeune fille de 14 ans jusqu'alors sans histoires, à la fois excellente élève et/mais très angoissée, elle entre bientôt en conflit avec ses parents lors des repas. Elle cède alors et avale quelques bouchées qu'elle s'empresse d'aller vomir ensuite. Ses subterfuges ne font pas illusion longtemps, elle est hospitalisée lorsque son poids atteint 27 kg. Les "remèdes" proposés à l'hôpital sont vécus comme autant de punitions, de tortures, aussi Nouk joue-t-elle le jeu pour sortir au plus vite et retrouver sa vie, ses proches.



Un magnifique témoignage sur l'anorexie. D'une plume légère et fluide, l'auteur relate cette expérience éprouvante trente ans après l'avoir vécue. C'est poignant, douloureux, effrayant. Le processus d'auto-destruction est terrifiant, mais les méthodes psychiatriques face à l'anorexie semblent révoltantes et inhumaines à l'égard du patient et de ses proches.
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Vie de ma voisine

Entre roman et récit l'auteur met ses pas dans ceux de Jenny-Plocki, Eugènie , dite "Nini, née en 1925, dont elle retrace le portrait intime et le destin .....

Leurs voix se mêlent, se croisent, se répondent avec grâce, d'une manière fort émouvante, convaincante, intense, qui prend aux tripes.

Au coeur de ce "roman vrai ", en forme de traversée du siècle, l'auteur cède la parole à Jenny, au hasard d'un déménagement !



Celle -ci l'a reconnue et l'invite chez elle pour parler de Charlotte -Delbo l'auteur de "la trilogie d'Auchwitz" dont j'ai déjà parlé ailleurs......



Jenny dit:" Je ne suis personne,pourquoi parler de moi? Et pourtant nous parlons d'elle .

De la rafle du Vel d'Hiv à laquelle elle a échappé le 16 juillet 42......

Geneviève .B écoute attentivement la parole de Jenny , l'histoire de ses parents émigrés juifs polonais , déportés, jamais revenus, puis ses années de survie dans la capitale occupée, la peur, la faim, les humiliations, une merveilleuse amitié avec Monique, l'engagement politique à gauche, les crimes du stalinisme, la guerre d'Algérie, mai 1968.

L'auteur concentrée, questionne , réinvente "le plus loyalement possible la vie de Jenny", confronte leurs passions littéraires, interroge sa propre vie, ses engagements, le deuil de ses parents.

On passe d'un temps à l'autre, d'un lieu à un autre;

Pas de sensiblerie, aucune noirceur, pudeur et sobriété donnent un ton authentique , inédit, une puissance infinie à ce "récit - témoignage ."

Un texte tissé serré, économe, d'une intensité rare, beau et touchant , (des faits palpables, implacables,), étonnant de maîtrise , vivant, précieux, la petite histoire dans la "Grande," par le pouvoir évocateur des mots .



Ce récit mélange de façon subtile celui de la narratrice et celui de Jenny, - ne jamais renier ses convictions, - lutter contre l'anéantissement -ne jamais renoncer à ses idéaux malgré les tragédies et les deuils ......

L'auteur rend justice à ces" Héros de l'ombre" , leur redonne vie comme au père de Jenny , qui , dans le train qui le conduisait vers la mort a écrit ces mots à ses enfants: "Vivez et Respirez "....

Un texte pour lutter contre l'anéantissement et l'oubli !

Mais ce n'est que mon avis , bien sûr !
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Les enchanteurs

Quand les maisons d'édition étaient des harems



Geneviève Brisac raconte le parcours d'une jeune femme dans deux maisons d'édition à la fin du siècle passé. Un roman autobiographique qui est aussi une réflexion mordante sur le jeu du sexe et du pouvoir.



Ceux qui suivent le milieu littéraire parisien se souviennent de quelques affaires retentissantes après les révélations de #metoo au cinéma et la libération de la parole qui s’en est suivie. L'ironie de l'histoire veut que les maisons d'édition, qui ont relayé la parole des femmes agressées, se sont à leur tour retrouvées montrées du doigt. Geneviève Brisac ne brise pas un tabou en racontant l'histoire de Nouk, mais elle met en lumière des pratiques trop longtemps occultées. Quand les éditeurs jouaient de leur pouvoir pour aligner les conquêtes.

On entre dans la vie de Nouk dans les années 1970, au moment où elle découvre l'École Normale Supérieure de Fontenay. Mais elle ne se sent pas du tout à l'aise dans la prestigieuse école et s'enfuit très vite pour s'engager pour des causes plus nobles comme par exemple celle les Chiliens pris sous la botte de Pinochet.

C'est alors qu'elle croise la route d'Olaf qui, comme ce nom ne l'indique pas, est un Breton qui publie des livres de mer et de marins. Il l'engage au sein de son harem, comme le soulignent sans aucune ironie ses deux acolytes. Nouk aura le droit de s'asseoir à côté du patron, puis de coucher avec lui jusqu'au jour où un autre «petit cul» vient prendre sa place et où elle est invitée à faire ses cartons. Exit l'assistante. Elle va alors retrouver du travail chez un amateur d'art contemporain, passer d'Olaf à Werther. D'un harem à un autre, en quelque sorte. Car Werther n'est différent d'Olaf que dans le fait d'avoir une maîtresse officielle. Pour le reste, il aligne lui aussi les conquêtes comme autant de trophées de chasse. «Werther m'avait entraînée chez lui, un jour, je dirais presque pour la forme, par principe, et je n'avais pas dit non, allez savoir pourquoi, il prétend que nous avons recommencé, je crois qu'il se trompe. Je n’ai jamais aimé monter chez lui. Ce jour-là, j'ai eu l'impression comique d’être un lièvre dans la gueule d'un chien.»

Ici pas de problème de consentement, pas davantage d’accusation d’agression sexuelle et encore moins de viol. Mais c’est sans doute toute la subtilité du récit. Ce machisme est tellement ordinaire qu’il ne vient même pas é l’esprit des victimes de s’en plaindre. Au contraire, les filles du harem en viendraient plutôt à se jalouser.

Geneviève Brisac raconte avec un semblant de détachement le quotidien des maisons d’édition il y a quelques décennies. Et en la lisant, on se pose inévitablement la question de savoir ce qui a changé depuis.

Si Nouk, le personnage de fiction que la romancière a mis en scène à de nombreuses reprises depuis Les Filles, choisit de s’émanciper – un peu contrainte il est vrai – elle laisse derrière elle quelques proies plus dociles et quelques interrogations sur l’intégrité d’un univers dont la misogynie est désormais plus qu’établie. Gageons que la plume aussi délicate que virulente de Geneviève Brisac aura quelque écho dans le petit cercle des maisons parisiennes bien établies.




Lien : https://collectiondelivres.w..
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Dans les yeux des autres

Portées par leur idéal de justice, Mollie et Anna Jacob ont été, dans les années 70, de tous les combats, de toutes les manifs. Différentes mais unies, les deux soeurs rêvaient d'un monde meilleur et d'une révolution qui jamais n'arrivèrent. Avec Boris et Marek, compagnons de lutte, à la fois amis et amants, il fut donc décidé de poursuivre cet idéal au Mexique. Mollie, les garçons et Mélini, la mère des filles, étaient du premier voyage, Anna, abandonnée à Paris pour régler les détails administratifs.

Des années plus tard, Mollie est devenue le Docteur Jacob, elle vit avec Boris qui milite toujours, cette fois dans une association pour le droit au logement. Anna, quant à elle, est une femme brisée. Elle a raconté ses années d'engagement et la période mexicaine dans un livre qui a eu un succès fulgurant mais que ses amis et sa famille ont vécu comme une trahison. Depuis sa plume s'est tarie, ses illusions se sont envolées, elle se noie entre l'impression d'avoir tout perdu et celle de n'avoir jamais rien possédé. Pour tenter de reprendre pied, elle replonge dans son passé en lisant les carnets qu'elle remplissait dans sa jeunesse : le rouge pour la politique, le bleu pour les autres, le noir pour sa mère.





Un roman à deux, trois, quatre voix même. Anna, idéaliste et rêveuse qui n'est plus qu'une blessure béante, celle d'avoir été trahie par son amant, par sa mère, celle d'avoir été rejetée plus tard et qui cherche dans ses carnets à refaire le parcours qui fut le sien. Celle de Mollie, la pragmatique, qui recueille sa soeur malgré sa rancoeur, qui se dit toujours militante mais peine à concilier ses idées gauchistes et la vie de nantie que lui procure son métier. Celle de Mélini, mère excentrique, égoïste qui ne sait pas aimer ses filles, mais aime à attirer l'attention, à être le centre du monde. Et de temps en temps, celle de Geneviève BRISAC qui intervient, pour préciser un détail, pour recadrer ses personnages, pour prendre le lecteur à parti. Cette construction originale qui mêle les parcours, les textes anciens consignés dans les carnets d'Anna, les poèmes dont elle se souvient, déboussole de prime abord, on se perd dans les lieux, les personnes, les dates. Mais très vite, on se laisse porter, on apprend à connaître les deux soeurs et ceux qui les entourent, on s'imprègne de l'atmosphère particulière aux cellules d'extrême gauche, un idéal romantique, un enthousiasme plein de fraîcheur qui se prennent de plein fouet les exigences du fonctionnement rigide et hiérarchisé d'une organisation politique.

D'ailleurs, la lutte révolutionnaire n'est qu'un prétexte pour évoquer des histoires de vie où jalousie, désamour, rivalité, tous ces sentiments petits-bourgeois, peinent à laisser la place aux grands idéaux désintéressés. L'humain est donc au coeur de ce roman qui touche aussi au besoin d'écrire pour exorciser le passé, pour en guérir...peut-être. Une belle réussite.
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Petite

Petite, un tout petit mot pour un tout petit roman. Petit au sens court, j'entends. Car Geneviève Brisac rédige ici un récit dont la force et la densité dépassent, et de loin, les cent et quelques pages de l'édition poche.



Thème terrible, grave et qui se heurte souvent à beaucoup d'incompréhension ou de méconnaissance : l'anorexie mentale. Une fichue saleté que cette maladie qui mène doucement à la mort par dénutrition. Geneviève raconte et se raconte, vingt-cinq ans après les événements relatés eux-mêmes. Sa décision à treize ans de ne plus manger. De se délester de ce qu'elle considère comme superflu. La nourriture devient l'ennemi qu'elle rejette car source de salissure pour son corps de plus en plus éthéré.



Pour avoir côtoyé longtemps une personne tombée dans l'anorexie autour du même âge que la narratrice, j'ai reconnu les ruses pour donner le change. J'ai retrouvé les ambiances délétères et tendues dans le reste de la famille, les crises terribles à table... J'ai revu cette fierté euphorique qui porte la personne malade pour qui le problème n'en est pas un, bien au contraire. C'est terrifiant et atroce d'être le témoin. Et l'hospitalisation-incarcération...

Cette lecture, quoique courte, a donc remué nombre de souvenirs. Forcément. Comment aurait-il pu en être autrement?



Ce récit est certes difficile et douloureux à lire, il permet cependant de découvrir et de voir "de l'intérieur" les avancées et les effets de la maladie sur la malade elle-même. Pour ce faire, l'auteure passe du "je" à "elle" ou "Nouk", son surnom, au gré des chapitres. Distanciation sans doute nécessaire au processus d'écriture et de replongée, pour elle, dans une période noire et toujours perturbante a posteriori. Du moins, j'imagine. Car si la personne anorexique peut s'en sortir, il reste une marque aussi indélébile qu'invisible souvent aux yeux d'autrui. Il faut admettre que ce comportement de lente auto-destruction heurte quiconque n'en souffre pas. Caprices d'enfant gâté? Redoutable effet de mode dû à des mannequins squelettiques? Souvent difficile de découvrir le fait générateur. Surtout que la malade subit des altérations de la personnalité et devient un as de la dissimulation et de la ruse.



En conclusion, une centaine de pages à l'effet uppercut, difficiles à lire tout en permettant une meilleure compréhension de l'anorexie. Je salue le courage de Geneviève Brisac d'être parvenue à guérir et d'être revenue par l'écriture sur cette adolescence marquée par la recherche de la maigreur/pureté.
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Le chagrin d'aimer

Geneviève Brisac réussit dans cet ouvrage un beau portrait de femme. C'est le portrait de sa mère, une femme qui a mal aimé sa fille. L'auteure a dû se construire sans l'amour de sa mère. Elle raconte sa mère mais aussi les générations précédentes. Elle tente de répondre aux questions qu'elle se pose quant aux comportements de sa mère. Un livre bouleversant à lire absolument.
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Le chagrin d'aimer

Après avoir lu de ce même auteure un ouvrage très personnel sur l' accompagnement de son père, dans "ses vieux jours"...: " Une année avec mon père", nous voilà plongés dans la branche maternelle de Geneviève Brisac Une enquête généalogique sur les racines de l'histoire familiale de la mère, gréco-arménienne; femme fantasque, narcissique, aussi fascinante qu'éblouissante....



Geneviève Brisac se rend compte en écoutant sa voisine âgée, qu'elle ignore tout de ses racines maternelles, qu'elle ne connaît quasiment rien de cette femme qui lui a donné la vie !!.



On ressent de la part de l'écrivaine autant d'amour que d'exaspération, de

frustration vis-à-vis de cette mère, plus séductrice, plus femme que

"Mère" !! [ D'ailleurs, elle formule elle-même sa détestation, et même

de haine, envers les bébés et les enfants, comme elle a en "horreur"

tous ces imbéciles d'adultes qui "bêtifient" devant eux !!!]



Cette femme ne vit et ne revit que lorsqu'elle est le centre de toutes les

attentions... Un hommage aussi aimant que très lucide et acéré, de

l'auteure, cette fille aînée, attentionnée, mais s'étant toujours trouvée

impuissante à satisfaire cette femme " féroce et vaillante"... [p. 160]



J'achève cette rapide note de lecture par deux extraits très significatifs ,

dont une phrase des plus minimalistes résumant infiniment bien, cette destinée peu banale... mais ne se trouvant pas au Panthéon des "Mères aimantes et protectrices" !!!



"Comment écrire la vie d'une personne qui a choisi de la rêver ?" (p. 156)



"Si elle était un animal, ce serait une louve, si elle était une fleur, ce serait une orchidée déguisée en ortie, si elle était un vêtement, une cape de Fantômas..." (p. 125)
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Les enchanteurs

Malgré le ton souvent malicieux et les confettis de poésie qui voltigent ici et là dans le prosaïsme, cette autofiction échoue à matérialiser de vrais personnages qui sont surtout là pour servir de porte-étendard à cette critique acerbe du milieu éditorial. Parfois fable, Les enchanteurs est en outre un tourbillon narratif désordonné, le "je" et le "elle" se mélangeant tandis que des commentaires viennent s'intercaler dans le récit qui, au début, peine à établir une chronologie claire (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/01/28/les-enchanteurs-genevieve-brisac/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Vie de ma voisine

Avec « Vie de ma voisine », Geneviève Brisac nous propose un court roman émouvant qui nous fait parcourir les principaux évènements du XXe siècle.



La narratrice qui vient d’emménager dans un nouvel appartement fait la connaissance d’Eugénie Plocki, dite Jenny, sa voisine. Celle-ci lui propose de lui parler de Charlotte Delbo qu’elle a bien connue. Commence alors un long dialogue entre les deux femmes ou Jenny se raconte.

L’histoire de ses parents juifs, polonais et athées, arrivés en France dans les années 20. Sa naissance en 1925, la vie et les petits boulots de ses parents qui vendaient des chaussettes par lots de six paires ou trois sur les marchés.

Les années 30 et le Front Populaire, la trahison de la politique de l’Union Soviétique.

Arrive la guerre, les mesures anti-juives, le recensement des Juifs et l’obligation de porter l’étoile jaune. « Il faut aller chercher les morceaux de tissu imprimés de couleur jaune dans les commissariats et les échanger contre un ticket de vêtements……. Ensuite les découper selon les pointillés. Replier les bords et les coudre sur les vêtements. Il y a trois étoiles obligatoires par personne ». Les rafles. La famille est arrêtée, parquée dans une villa de banlieue, on leur annonce que les enfants Français pouvaient partir : « Mes parents se regardent, ils n’échangent pas un mot, ils décident ensemble que nous allons sortir. Ils sont les seuls à avoir pris cette décision. Les autres parents préfèrent garder leurs enfants avec eux, ils pensent qu’ainsi ils pourront les protéger ». « Les autres enfants sont restés. Et tous sont morts. On peut lire leurs noms sur les plaques des écoles».

Le temps de la survie, la fin de la guerre et ce deuil impossible. Et puis ce message de son père écrit en Yiddish, lancée du train qui les porte à l’abattoir :

« Zayt ruhik kinder - Soyez tranquilles les enfants

Mame un ikh - Maman et moi

Mir forn avekh - Nous partons

Tsuzamen tsu - Ensemble

Papa

Lebt un hoft - Vivez et espérez ».

C’est ce qu’elle fera.



D’une écriture simple, fait de courtes phrases sans fioritures, « Vie de ma voisine » est un témoignage fort sur la Shoah, parfois un peu brouillon, mais bouleversant.

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Une année avec mon père

Un coup de téléphone, comme chacun d'entre nous peut le redouter: vos parents ont eu un accident de voiture, votre mère est morte et votre père semble grièvement blessé. C'est ce qui est arrivé à Geneviève, un cauchemar en pleine nuit. Et puis, il faut se réveiller. S'occuper de l'enterrement, aller au chevet de son papa qui ne pourra pas assister aux obsèques de sa femme, l'assister pour qu'il se remette de ce drame. Une fois sorti, c'est sa fille qui décide de s'occuper de lui, et ce pendant une année. Un peu maternelle, attentionnée, parfois maladroite, soucieuse d'en faire trop, elle essaie de le protéger, lui, cet homme, un peu bourru et opiniâtre, qui tient à garder son indépendance et ne veut pas qu'on s'occupe ni qu'on s'inquiète pour lui, parce que, évidemment, il a passé l'âge. Et, pourtant, c'est tout au long de cette année que sa fille va se rendre compte de ses faiblesses et de ses moments d'égarement. C'est cette merveilleuse année qu'elle aura passée à ses côtés qu'elle nous raconte, évoquant les liens formidables et indissociables qui lient un père et sa fille...



Geneviève nous livre, dans ce roman, une partie de sa vie qu'elle semble avoir appréciée au plus haut point, tant la présence de son père est grande dans son coeur et dans sa vie. Le ton est donné dès les premières pages puisqu'il n'est jamais question de la maman qui est morte. Ici, on se concentre sur la relation père-fille, une relation intime et ô combien importante.

Le récit joue sur les non-dits, les secrets, les peurs cachées et les sentiments parfois inavouables. Extrêmement sensible et pudique, Geneviève Brisac nous fait partager cette merveilleuse année, d'une écriture simple, subtile, émouvante et attachante.



Une année avec mon père... une autre, et une autre si cela m'était possible....
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Petite

Geneviève, alias Nouk, a 14 ans lorsqu’elle décide de ne plus manger.

La longue descente vers une anorexie profonde.

Récit autobiographique, j’ai admiré la manière dont l’auteur se souvient de ce passage de sa vie, comment elle décrit le processus.

Elle a beaucoup d’autres choses à écrire dit-elle, mais cette histoire s’impose à elle.

Jamais larmoyante, jamais dramatique, elle raconte, tout simplement.

Magnifique qu’elle s’en soit sorti ! D’autant qu’à l’époque, les méthodes de soin n’étaient pas très au point.

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Une année avec mon père

Déjà de nombreuses critiques sur ce récit pudique, plein de tendresse qui parle de la relation forte entre une fille (l'auteur) et son papa brutalement veuf, seul et vieillissant.

L'accompagner en respectant son indépendance, sa personnalité, adapter cette nouvelle relation, avec sa propre vie, ses activités... tout l'éventail des sentiments complexes, et remises en questions lorsque nos plus proches deviennent vulnérables...Un texte d'autant plus attachant et percutant qu'il ne tombe jamais dans le larmoyant...Une complicité père-fille qui doit se construire, se vivre autrement....



.... Ce qui ressort parmi tant d'autres choses dans ce récit, ce sont les exigences de respect et de dignité quoi qu'il advienne:



- Je le regarde rassembler ses affaires, je me souviens de cette inquiétude, de ce doute qui parasitent chaque mouvement quand on est (soudain) vieux et malade, je me surviens de les avoir si souvent observés le cœur serré, observés en faisant toujours semblant de ne rien voir, de ne pas sembler attendre. Nous dissimulons nos trébuchements, nos faiblesses, et n'avons pas d'indulgence pour qui nous les fait remarquer. (p.118)



- Mon père a toujours été hostile à la retraite des objets aussi bien que des êtres humains. Comme je le comprends. (p.125)



Un récit très sensible et vivant... qui parle d'un des sujets les plus délicats de notre société... l'existence et le quotidien de nos grands seniors...où nous n'avons pas à être très fiers du présent, à leur égard...

- Il ne veut pas me faire attendre. Il veut me montrer combien il est autonome, comme disent les journaux et les prospectus. Un homme libre, qui a envie qu'on le laisse vivre en paix. Un homme. Pas un animal domestique. Ou un vieillard infantilisé.- (p.62)



-Lu en 2010-
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Vie de ma voisine

Une rencontre, lors du déménagement de Geneviève BRISAC dans son nouvel immeuble, va se produire avec Jenny PLOCKY. Leur lien : Charlotte DELBO.



Une amitié va naître entre elles et Jenny va se confier à Geneviève. Mais sans mièvrerie, sans apitoiement sur ce qu’a été sa vie. On remonte le temps avec Jenny, on fait un tour d’horizon des années 1900 à nos jours.



Un petit livre très court qui se lit facilement, tout en pudeur. Je l’ai lu en une soirée. Pour ne pas oublier, surtout en ces périodes troubles. « Vivez, espérez », voilà le message que nous délivre Jenny PLOCKY.

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Les enchanteurs

« Pour survivre, il ne faut ni obéir, ni désobéir, il faut ruser. »

Un récit, une autofiction, tout en distance, non sans implication mais en retenue, j'ai trouvé, comme si l'exercice de pleinement se livrer avait été compliqué. Pas évident à expliquer, mais c'est un peu comme si on m'avait, oralement, raconté une histoire sans me regarder droit dans les yeux. La technique de narration du double y est certainement pour quelque chose, ce mélange de "je" et de "elle" demande un peu de concentration et je ne l'étais certainement pas assez ;-) Je n'ai pas totalement adhéré à la détresse de Nouk. Je l'ai entraperçue mais je n'y ai pas toujours cru.

Donc j'étais plutôt mitigée en refermant ce livre, mais cette lecture a fait son chemin, et je me dis que c'était plutôt astucieux finalement d' embarquer le lecteur dans ce mélange de "je", de "elle", dans ce tourbillon de la vie , à l'instar des thèmes abordés qui donnent le tournis, d'alléchants sujets qui me parlent et qui peuvent clairement donner le vertige : le féminisme, l'univers misogyne dans certains milieux (ici dans le monde de l'édition avec les trophées de chasse des éditeurs de l'époque, on est en 1970 (et d'aujourd'hui ?)), l'engagement militant pour de nos nobles causes, l'abus de pouvoir, le management du pouvoir en entreprise et ses déceptions, ses désillusions ...

Le fond est intéressant, nécessaire. La forme, pas si mal in fine, avec un peu de recul ;-)

Geneviève Brisac est une auteure prolifique d'après ce que j'ai pu voir ; je me suis notée "Petite" pour poursuivre ma découverte de l'auteure.
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Les enchanteurs

Brillante, Nouk milite, réussit l’agrég., fait des enfants, a un Jules et mène de front sa carrière d’éditrice au sein d’un monde machiste. Femme de tête sans vague et sans preuve, elle mène ses projets, sa vie et la suite, toute à la simplicité d’une tache qu’elle remplit avec passion. Mais les chiffres ne sont pas l’humanité ; les rendements, les projets, tous ces trucs qui parasitent et frottent les égos, ces machins qui font courber l’échine et piétiner les voisins. Voilà, on y est, Nouk prend tout dans la face. On la trahit, elle se redresse.

Nouk ne serait-elle pas toutes les femmes dans ce monde où la masculinité tient le haut du panier, s’y roule et s’y accroche ?

Roman aux multiples messages – de la féminité à ne pas enterrer au droit d’être ce que l’on est, aux plis et aux virages, à l’adaptation toute féminine, aux beaux discours et à la réalité, au succès et à la dépréciation, à la mode, aux mensonges – roman actuel et sincère, « Les enchanteurs » secoue l’immuable et percute l’évidence : femme, femme, femme, quelle gageure pour celle « qui en veut sans en être, mais qui en est quand même sans oublier le vrai. »

J’ai aimé cette lecture simple et complexe comme la vie de Nouk – fiction et réalité dans un monde de brutes. Elle se lit vite, se mâche et résonne. Le monde est-il différent ? Les consciences évoluent-elles ? On courbe, on assume, on fait face et on sourit ; vous avez dit « rendement » ?

Une lecture très actuelle qui frappe.


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