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Citations de Georges Banu (143)


La stabilité traverse comme un leitmotiv cette œuvre ayant au cœur le changement. C’est la phrase qui résonne comme s’il s’agissait de la pensée fondatrice de cette communauté, phrase reprise par des personnages aux positions entièrement opposées.
Lopakhine conseille à Douniacha : « Reste à ta place ».
Lioubov prodigue le même conseil à Gaev : « Reste donc à ta place ».
Firs, lui aussi, affirme que l’on doit « rester à sa place ».
L’idée d’un équilibré hérité, d’un ordre institué, garant de la bonne marche et de la bonne conduite, semble être consensuelle et pourtant, malgré l’avis unanime, celui-ci s’écoulera. Comme si les convictions des êtres ne pouvaient en rien affecter le cours de l’histoire qui, lui, les ignore et balaie la stabilité tant propagée. Si les professions de foi se confondent, les agissements diffèrent. Là où tout le monde s’accorde pour que « chacun reste à sa place », personne ne le restera.

(p. 26)
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J’ai alors compris le hurlement de Lopakhine qui s’enorgueillit d’avoir acheté “La cerisaie… la plus belle du monde.” Parce qu’elle s’ouvrait sous nos yeux, concrètement, nous étions éblouis : voir et non pas suggérer. Grâce à Stein, j’ai vu la cerisaie, comme, plus tard, j’éprouverais le bonheur de voir des cerisiers en fleurs à Kyoto, en me souvenant de leur splendeur sur le plateau de Salzbourg. Mais, à cela s’ajoute le souvenir de la carte postale trouvée à l’entrée du théâtre où l’on surprenait le bonheur des femmes perdues parmi les branches des cerisiers qu’elles installaient sur le plateau. Cerisaie du théâtre… double matériel de l’Autre. Alors le théâtre rendait plus que jamais visible l’invisible… ni le voile de Strehler, ni l’espace vide de Brook, ni les arbres épars d’Andrei Şerban n’ont restitué le pouvoir éblouissant de la cerisaie. Sauf, peut-être, chez Felix Alexa où on la retrouvait métaphoriquement, convertie en pots de confiture disposés sur les rayonnages de la maison.

(pp. 165-166)
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Avec étonnement j’ai ressenti l’affection de Pippo, mais je ne parvenais pas à deviner sa motivation jusqu’au jour où il a lancé le diagnostic d’une justesse extrême dans lequel je me suis reconnu : “Georges, on t’aime parce que tu n’es ni tout à fait français, ni tout à fait roumain.” Je me suis reconnu dans un tel statut et j’ai accepté cet entre-deux d’une hybridation assumée… sans aucun terme occulté, mais les deux associés dans une union impure, comme ses spectacles.

(p. 225)
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Après les recherches sur les temps tchékhoviens de ces dernières années, le tempo juste de La Cerisaie semble être allegro ma no troppo.

(p. 152)
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Alexandru Tocilescu, metteur en scène roumain, provocateur et séducteur, m’a dit lors d’une nuit prolongée et arrosée à la vodka Stolichnaya : “J’aime jouer avec les temporalités. Lors du duel dans Hamlet, j’aurais voulu que l’on entende le sifflement d’un train pour dire : les temps ont changé, nous sommes ailleurs. Pourtant, rien n’a changé.” C’était il y a trente ans. Depuis, les metteurs en scène ont souvent procédé à cette hybridation. Ni actualité abusive ni archéologie poussive. “Ce qui m’a procuré du plaisir au Louvre, poursuivit Tocilescu, c’était de pouvoir regarder en même temps les tableaux accrochés aux murs et voir par la fenêtre la circulation agitée, l’intérieur et l’extérieur ! Le passé et le présent, simultanément.”

(pp. 255-256)
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Le Territoire intérieur

A regarder les portes jour après jour, un motif se détache: celui de la femme. Ici elle trouve refuge, près de la sortie, ou au coeur de l'intime. Les hommes sont absents, tandis que les femmes se retirent dans les foyers qui les protègent ou...les enferment. Une lecture historique peut être esquissée, qui renvoie à la domesticité féminine imposée plusieurs siècles durant : le dehors revient à l'homme et le dedans à la femme. (p. 64)
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Le français en est arrivé à oublier ses variantes dialectales, à penser même qu'elles n'existent pas, ce qui est faux. L'italien sait, lui, qu'il est multiple, même s'il existe un italien de référence. Il y a également le problème des "grandes" et des "petites" langues. Je suis convaincu qu'on ne traduit pas dans (ou d')une petite langue comme dans (ou d')une grande. Ce sont des questions politiques. Le problème de la traduction n'est pas seulement technique, il est lié à des valeurs historiques.
(Antoine Vitez)
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[...]
Brook évite les commémorations parce qu'il craint qu'elles soient à l'origine d'une immobilité, d'une stagnation car, depuis toujours, il a érigé aussi bien le mouvement, physique, extérieur, le mouvement du voyageur, que l'autre, intérieur, en condition de survie. Bouger, dans le monde et au sein de son œuvre, est synonyme d'exister. Cette mobilité, soigneusement cultivée, apparaît comme le premier garant contre la sclérose qu'il déteste, pour lui autant que pour le théâtre [...]

[chapitre : Le cycle du cerveau, page 291]
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Le grand danseur de butô, Tanaka Min, reçoit des fleurs, immobile, le dos voûté, mais il ne sort pas. On reconnaît ainsi le final, mais sans admettre pour autant la circulation entre le plateau et les coulisses, entre la vérité et le néant.
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la reconnaissance de soi dans l'autre.... Le butô apparaît telle une expression jaillie du présent. Il ne s'appuie pas sur une grammaire gestuelle rigoureuse, communicable, il accorde le droit au cri originel, à la confession de groupe, à l'anéantissement de la norme, bref à tous les interdits du pays de la tradition..... affirme un désordre, une saleté, un labeur... le déchet humain et matériel
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L'exil est une révolte autant qu'un délit de fuite.

(p. 53)
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Doutes sur l’enseignement du théâtre. En Occident, la mémoire est meuble, inapte à conserver les pratiques anciennes. Signe de faiblesse, par rapport à l’Orient où tout se trouve répertorié, et en même temps signe de liberté.
Voici quelques phrases disparates qui confirment cette hésitation… enseigner, voilà le défi !
Serguei Eisenstein : “Dans l’art, on ne peut pas enseigner, on ne peut qu’apprendre.”
Yoshi Oida : “On doit refuser ce que l’on sait.”
Jérôme Deschamps : “Il n’y a pas d’enseignement du théâtre, il n’y a que des maîtres qui dispensent un enseignement ; point d’enseignement d’acteur en général…”
Krzysztof Warlikowski : “Je n’aime pas les jeunes et d’ailleurs qu’est-ce que j’aurais à leur enseigner ?”
Valeriu Moisescu : “On n’a qu’une seule chose à enseigner : comment rester ouvert !”
Lucian Pintilie : “À dix-sept ans, quand j’ai commencé à travailler, j’avais le même rapport avec le corps des comédiens que maintenant, à cinquante ans. Rien n’a changé… la relation à l’humain est innée, ce qui se modifie est le savoir du metteur en scène. Mais si, un jour, on renonce à ce savoir, la relation, sans doute, changera.” Giorgio Strehler : “Au théâtre c’est uniquement avec le temps que l’on apprend quelque chose. Le savoir n’est acquis que par le travail…”
Peter Brook : “Je n’ai rien à enseigner, j’enseigne de l’intérieur, par le travail.”
Ariane Mnouchkine : “Enseigner, c’est d’abord apprendre la liberté de l’improvisation… en groupe.”
Dans d’autres domaines que le théâtre, on formule les mêmes conseils de prudence :
Gilles Deleuze : “Je ne veux pas enseigner ce que je sais, mais ce que je cherche.”
Roland Barthes : “Le meilleur enseignement consiste à vouloir convaincre sans vaincre.”
Umberto Eco : “Tout professeur-maître soit dispense une méthode, soit érige ses activités en modèle.”

(pp. 245-246)
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Le théâtre est un lieu où les lois de l’art rencontrent le caractère accidentel de la vie.

(p. 139)
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Les portes de Hammershoï

Du peintre danois Hammershoi, j'admets une longue ignorance. J'en ai eu la révélation tardive lors de la rétrospective du musée d'Orsay, il y a une vingtaine d'années. Elle prendra le sens d'un événement biographique : j'avais trouvé là ce qui me manquait, ce que j'attendais et ne parvenais pas à voir matérialisé, le grand théâtre de la mélancolie que Maeterlinck avait écrit (....) (p. 103)
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La porte mémorielle

Autre motif mythique dans -Le retour d'Ulysse- de Giorgio de Chirico , où l'espace est encore un lieu familier, mais dont la porte est entrouverte. Dans un salon presque clos se dessine le contour scénographique d'une mer qui renvoie à une île imaginaire, île grecque d'un bleu enivrant. On ne rêve que derrière des portes à la serrure bloquée, dit Chirico ! La solitude est extrême et la liberté absolue. (p. 148)
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Richard Peduzzi, grand scénographe, raconte que Patrice Chéreau, dont il a été le partenaire de travail, avait l'habitude de laisser une porte et une fenêtre entrebaillées pour faire passer un courant d'air frais. Une manière de battre en brèche tout enfermement abusif sans pour autant le refuser tout à fait. Le rapport avec la porte est le plus explicite symptôme de la relation que l'on entretient avec le dehors et le dedans. (p. 125)
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secrètement elles parlent et révèlent des modes d'être au monde : vivre à l'abri des portes closes ou être prêt à s'enfuir en empruntant des portes ouvertes. (p. 28)
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Dans le buraku, par contre, la sueur du récitant fait partie de la beauté même de sa prestation. Il crie, chante, pleure, se lamente, jouant tour à tour les jeunes et les vieillards, les pères malheureux et les femmes abandonnées... N'étant pas assimilable à un seul personnage, sa sueur ne pénétrera jamais dans la fiction, pour rester seulement de ce côté-ci, du côté du travail du conteur. Si elle est extérieure à la situation jouée, elle n'est nullement extérieure au spectacle. Elle en accroît la puissance...
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Il y a là une forte dépense corporelle, mais le visage peint dissimule la sueur dont les gouttes perlées s'estompent dans le blanc du maquillage. On peut les apercevoir seulement si on est tout près. Le visage qui camoufle les traces de l'effort s'apparente alors à l'oeuvre d'ar
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Je m’approche de la fin sans avoir connu réellement l’âge adulte, sa plénitude rigide m’est restée étrangère. Je n’ai jamais été à même de diriger ou de prendre une décision, j’ai dérivé. C’est pourquoi je suis resté un “second”, prêt à servir, tout en conservant la possibilité de me départir, de chercher ailleurs, de ne pas m’immobiliser. Incertitude et insoumission conjointes !

(p. 263)
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