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Citations de Georges Perec (860)


Il leur semblerait parfois qu’une vie entière pourrait harmonieusement s’écouler entre ces murs couverts de livres, entre ces objets si parfaitement domestiqués qu’ils auraient fini par les croire de tout temps créés à leur unique usage, entre ces choses belles et simples, douces, lumineuses. Mais ils ne s’y sentiraient pas enchaînés : certains jours, ils iraient à l’aventure. Nul projet ne leur serait impossible. Ils ne connaîtraient pas la rancœur, ni l’amertume, ni l’envie. Car leurs moyens et leurs désirs s’accorderaient en tous points, en tout temps. Ils appelleraient cet équilibre bonheur et sauraient, par leur liberté, par leur sagesse, par leur culture, le préserver, le découvrir à chaque instant de leur vie commune.
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Ce serait une pièce du soir. Alors l’hiver, rideaux tirés, avec quelques points de lumière — le coin des bibliothèques, la discothèque, le secrétaire, la table basse entre les deux canapés, les vagues reflets dans le miroir — et les grandes zones d’ombres où brilleraient toutes les choses, le bois poli, la soie lourde et riche, le cristal taillé, le cuir assoupli, elle serait havre de paix, terre de bonheur.
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Georges Perec
Vivre, c'est passer d'un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner.

• 'Espèces d'espaces', 1974
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Tu attends, tu espères. Les chiens se sont attachés à toi, et aussi les serveuses, les garçons de café, les ouvreuses, les caissières des cinémas, les marchands de journaux, les receveurs d'autobus, les invalides qui veillent sur les salles désertées des musées. Tu peux parler sans crainte, ils te répondront chaque fois d'une voix égale. Leurs visages maintenant te sont familiers. Ils t'identifient, ils te reconnaissent. Ils ne savent pas que ces simples saluts, ces seuls sourires, ces signes de tête indifférents sont tout ce qui chaque jour te sauve, toi qui, toute la journée, les a attendus, comme s'ils étaient la récompense d'un fait glorieux dont tu ne pourrais parler, mais qu'ils devineraient presque.[...]

Non. Tu n'es plus le maître anonyme du monde, celui sur qui l'histoire n'avait pas de prise, celui qui ne sentait pas la pluie tomber, qui ne voyais pas la nuit venir. Tu n'es plus l'inaccessible, le limpide, le transparent. Tu as peur, tu attends. Tu attends, place Clichy, que la pluie cesse de tomber.
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La psychanalyse ne ressemble pas vraiment aux publicités pour chauves : il n’y a pas eu un « avant » et un « après ». Il y a eu un présent de l’analyse, un « ici et maintenant » qui a commencé, a duré, s’est achevé. Je pourrais tout aussi bien écrire « qui a mis quatre ans à commencer » ou « qui s’est achevé pendant quatre ans ». Il n’y a eu ni début ni fin ; bien avant la première séance, l’analyse avait déjà commencé, ne serait-ce que par la lente décision d’en faire une, et par le choix de l’analyste ; bien après la dernière séance, l’analyse se poursuit, ne serait-ce que dans cette duplication solitaire qui en mime l’obstination et le piétinement : le temps de l’analyse, ce fut un engluement dans le temps, un gonflement du temps : il y a eu pendant quatre ans un quotidien de l’analyse, un ordinaire : des petites marques sur des agendas, le travail égrené dans l’épaisseur des séances, leur retour régulier, leur rythme.
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CHANSON PAR UN FILS ADOPTIF DU COMMANDANT AUPICK

Sois soumis, mon chagrin, puis dans ton coin sois sourd
Tu la voulais, la nuit, la voilà, la voici
Un air tout obscurci a chu sur nos faubourgs
Ici portant la paix, là-bas donnant souci.

Tandis qu'un vil magma d'humains, oh, trop banals,
Sous l'aiguillon Plaisir, guillotin sans amour,
Va puisant son poison aux puants carnavals,
Mon chagrin, saisis-moi la main; là, pour toujours...
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Où était le vrai ? Où était le faux ? Lorsque j’essayais de me taire, de ne plus me laisser engluer dans ce ressassement dérisoire, dans ces illusions de parole affleurante, le silence, tout de suite, devenait insupportable. Lorsque j’essayais de parler, de dire quelque chose de moi, d’affronter ce clown intérieur qui jonglait si bien avec mon histoire, ce prestidigitateur qui savait si bien s’illusionner lui-même, tout de suite j’avais l’impression d’être en train de recommencer le même puzzle, comme si, à force d’en épuiser une à une toutes les combinaisons possibles, je pouvais un jour arriver enfin à l’image que je cherchais.
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Nous ne pouvons être toujours dans cette convulsion de l’âme dont les abattements qui la suivent sont la mort. Travaille, pense à autre choses. Toi qui as tant d’intelligence, emploies-en un peu à être plus tranquille.
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Un de mes amis conçut un jour le projet d'arrêter sa bibliothèque à 361 ouvrages. L'idée était la suivante : ayant, à partir d'un nombre n d'ouvrages, atteint, par addition ou par soustraction, le nombre K=361*, réputé correspondre à une bibliothèque, sinon idéale, du moins suffisante, s'imposer de n'acquérir de façon durable un ouvrage nouveau X qu'après avoir éliminé (par don, jet, vente ou tout autre moyen adéquat) un ouvrage ancien Z, de façon à ce que le nombre total K d'ouvrages reste constant et égal à 361 :
K+X > 361 >K-Z
L'évolution de ce projet séduisant se heurta à des obstacles prévisibles auxquels furent trouvées les solutions qui s'imposaient : on en vint d'abord à envisager qu'un volume – mettons de la Pléiade – valait pour un (1) livre même s'il contenait trois (3) romans (ou recueils de poèmes, ou essais etc.) ; on en déduisit que trois (3) ou quatre (4) ou n (n) romans d'un même auteur valaient (implicitement) pour un (1) volume de cet auteur, comme fragments non encore rassemblés, mais inéluctablement rassemblables d'une Œuvres Complètes. [...] […] on en arriva ainsi à l'idée d'une bibliothèque limitée à 361 thèmes – le mot est vague mais les groupes qu'il recouvre le sont parfois aussi – et cette limite a, jusqu'à présent, rigoureusement fonctionné.

*361 étant bien sûr le nombre d'intersections d'un jeu de go
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Je parcourais allégrement les chemins trop bien balisés de mes labyrinthes. Tout voulait dire quelque chose, tout s’enchaînait, tout était clair, tout se laissait décortiquer à loisir, grande valse des signifiants déroulant leurs angoisses aimables. Sous le miroitement fugace des collisions verbales, sous les titillements mesurés du petit Œdipe illustré, ma voix ne rencontrait que son vide : ni le frêle écho de mon histoire, ni le tumulte trouble de mes ennemis affrontables, mais la rengaine usée de papa-maman, zizi-panpan ; ni mon émotion, ni ma peur, ni mon désir, ni mon corps, mais des réponses toutes prêtes, de la quincaillerie anonyme, des exaltations de scénic-railway .
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Qu'il nous montre son bras minion
Pour qu'on nian fasse un monion
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Georges Perec
Mes espaces sont fragiles : le temps va les user, va les détruire : rien ne ressemblera plus à ce qui était, mes souvenirs me trahiront, l'oubli s'infiltrera dans ma mémoire, je regarderai sans les reconnaître quelques photos jaunies aux bords tout cassés.
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Ottavio Ottaviani, ajustant son lorgnon, raclant son pharynx, s'adoucit la voix, prit son inspiration, puis lut, sur un ton plutôt froid :

" Ondoyons un poupon, dit Orgon, fils d'Ubu. Bouffons choux, bijoux, poux, puis du mou, du confit ; buvons, non point un grog : un punch. Il but du vin itou, du rhum, du whisky, du coco, puis il dormit sur un roc. L'infini bruit du ru couvrit son son. Nous irons sous un pont où nous pourrons promouvoir un dodo, dodo du poupon du fils d'Orgon fils d'Ubu.
Un condor prit son vol. Un lion riquiqui sortit pour voir un dingo. Un loup fuit. Un opossum court. Où vont-ils ? L'ours rompit son cou. Il souffrit. Un lis croît sur un mur : voici qu'il couvrit orillons ou goulots du cruchon ou du pot pur stuc.
Ubu pond son poids d'or. "

- Hum, dit Savorgnan, cachant mal son imbitation.
- Quoi ! scandalisa Aloysius, n'as-tu pas vu qu'il y avait ici un l'on sait quoi tout à fait fascinant ?
- Ma foi non, avoua Savorgnan.
- Mais voyons, Savorgnan, il n'y a pas un "a" dans tout ça !
- Nom d'un Toutou, mais tu dis vrai ! fit Savorgnan, arrachant l'adroit manuscrit à Ottaviani.
- Mirobolant, dit la Squaw.
- Fascinant, tout à fait fascinant, confirma Savorgnan.
- Par surcroît, ajouta Aloysius, il n'y a qu'un "y" : dans " Whisky" !
- Confondant ! Saisissant ! Inouï !
Ottaviani voulut ravoir la communication. Savorgnan la lui donna. Il la lut, pour lui, à mi-voix. On aurait dit qu'il n'avait pas compris quand il avait lu d'abord.
- Alors, Ottaviani, ironisa Swann, dis-nous si tu saisis ?
Ottaviani paraissait souffrir. Il s'agitait sur son pouf. Il suait. Il transpirait, ahanant.
- Dis-donc..., dit-il tout à trac.
- Quoi ? insista Aloysius Swann.
S'affaissant, Ottavio Ottaviani murmura d'un ton mourant :
- Mais il n'y a pas non plus d'
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Dès que tu fermes les yeux, l'aventure du sommeil commence.





Quelle merveilleuse invention que l'homme! Il peut souffler dans ses mains pour les réchauffer et souffler sur sa soupe pour la refroidir.



L'indifférence ne t'as pas rendu différent.
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A partir de la première moitié du XIXe siècle, un formidable espoir secoue l'Europe: pour tous les peuples écrasés, opprimés, oppressés, asservis, massacrés, pour toutes les classes exploitées, affamées, ravagées par les épidémies, décimées par des années de disette et de famine, une terre promise se mit à exister: l'Amérique, une terre vierge ouverte à tous, une terre libre et généreuse où les damnés du vieux continent pourront devenir les pionniers d'un nouveau monde, les bâtisseurs d'une société sans injustice et sans préjugés. (p.13-14)
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Ecrire : essayer méticuleusement de retenir quelque chose : arracher quelques bribes précises au vide qui se creuse, laisser, quelque part, un sillon, une trace, une marque ou quelques signes.
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Leur appartement serait rarement en ordre mais son désordre même serait son plus grand charme. Ils s’en occuperaient à peine : ils y vivraient. Le confort ambiant leur semblerait un fait acquis, une donnée initiale, un état de leur nature. Leur vigilance serait ailleurs : dans le livre qu’ils ouvriraient, dans le texte qu’ils écriraient, dans le disque qu’ils écouteraient, dans leur dialogue chaque jour renoué. Ils travailleraient longtemps. Puis ils dîneraient ou sortiraient dîner ; ils retrouveraient leurs amis ; ils se promèneraient ensemble.
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Cette vérité que je cherche n'est pas seulement codée dans le livre, mais aussi dans les circonstances de sa fabrication.
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Celui qui pénétrera un jour dans la Forteresse n’y trouvera d’abord qu’une succession de pièces vides, longues et grises. Le bruit de ses pas résonnant sous les hautes voûtes bétonnées lui fera peur, mais il faudra qu’il poursuive longtemps son chemin avant de découvrir, enfouis dans les profondeurs du sol, les vestiges souterrains d’un monde qu’il croira avoir oublié : des tas de dents d’or, d’alliances, de lunettes, des milliers et des milliers de vêtements en tas, des fichiers poussiéreux, des stocks de savon de mauvaise qualité…
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Mon propos dans les pages qui suivent a plutôt été de décrire le reste : ce que l'on ne note généralement pas, ce qui ne se remarque pas, ce qui n'a pas d'importance : ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages.
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