Citations de Gérard de Nerval (508)
Tout vit, tout agit, tout se correspond ; les rayons magnétiques émanés de moi-même ou des autres traversent sans obstacle la chaîne infinie des choses créées ; c’est un réseau transparent qui couvre le monde, et dont les fils déliés se communiquent de proche en proche aux planètes et aux étoiles. Captif en ce moment sur la terre, je m’entretiens avec le chœur des astres, qui prend part à mes joies et à mes douleurs !
NAPOLÉON.
Au milieu de la mer qui sépare deux mondes,
Un rocher presque nu s’élève sur les ondes,
Et son sinistre aspect remplit l’âme de deuil :
C’est là que tant de gloire est par la mort frappée ;
Et l’on y voit un nom, une croix, une épée,....
Tous trois jetés sur un cercueil !
Ce nom pourra long-temps résonner dans l’histoire,
Car naguère, semblable au bronze des combats,
Qui marque tour-à-tour un triomphe, un trépas,
Il annonça la mort, ainsi que la victoire :
Dès qu’il retentissait comme un signal lointain,
L’un frémissait de crainte, et l’autre de courage,
On volait à la gloire, on volait au carnage,
Et les mères pressaient leurs enfants sur leur sein !
La Croix, tant qu’il vécut, fut l’étoile des braves,
C’était par ses nobles entraves
Qu’il s’attachait des défenseurs ;
Elle rendit la France en grands hommes féconde ;
Et, quand elle éclatait au ciel et sur les cœurs,
Dans ce nouveau soleil qu’il jeta sur le monde,
L’œil put distinguer trois couleurs.
Je suis le ténébreux, - le veuf, - l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie
Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.
*El Desdichado
Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.
Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène...
Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.
Gérard de Nerval
Quelle est cette folie qui fait voir clair dans les âmes ?
Le coucher du soleil
Quand le Soleil du soir parcourt les Tuileries
Et jette l’incendie aux vitres du château,
Je suis la Grande Allée et ses deux pièces d’eau
Tout plongé dans mes rêveries !
Et de là, mes amis, c’est un coup d’œil fort beau
De voir, lorsqu’à l’entour la nuit répand son voile,
Le coucher du soleil, – riche et mouvant tableau,
Encadré dans l’arc de l’Etoile !
Odelettes
Fantaisie
Gérard de Nerval
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Or, chaque fois que je viens à l’entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C’est sous Louis treize ; et je crois voir s’étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,
Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;
Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que, dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue… – et dont je me souviens !
Gérard de Nerval
Une femme aime à donner plus qu’elle ne reçoit, et ce n’est pas de son côté que doit être la reconnaissance.
Quelle folie, me disais-je, d’aimer ainsi d’un amour platonique une femme qui ne vous aime plus!
Je ne regrettais pas de m'être fixé pour quelque temps au Caire et de m'être fait sous tous les rapports un citoyen de cette ville, ce qui est le seul moyen sans nul doute de la comprendre et de l'aimer ; les voyageurs ne se donnent pas le temps, d'ordinaire, d'en saisir la vie intime et d'en pénétrer les beautés pittoresques, les contrastes, les souvenirs. C'est pourtant la seule ville orientale où l'on puisse retrouver les couches bien distinctes de plusieurs âges historiques.
Le sommeil occupe le tiers de notre vie. Il est la consolation des peines de nos journées ou la peine de leurs plaisirs ; mais je n’ai jamais éprouvé que le sommeil fût un repos. Après un engourdissement de quelques minutes, une vie nouvelle commence, affranchie des conditions du temps et de l’espace, et pareille sans doute à celle qui nous attend après la mort. Qui sait s’il n’existe pas un lien entre ces deux existences et s’il n’est pas possible à l’âme de le nouer dès à présent ?
La tante de Sylvie habitait une petite chaumière bâtie en pierres de grès inégales que revêtaient des treillages de houblon et de vigne vierge ; elle vivait seule de quelques carrés de terre que les gens du village cultivaient pour elle depuis la mort de son mari. Sa nièce arrivant, c’était le feu dans la maison. « Bonjour, la tante ! Voici vos enfants ! dit Sylvie ; nous avons bien faim ! » Elle l’embrassa tendrement, lui mit dans les bras la botte de fleurs, puis songea enfin à me présenter, en disant : « C’est mon amoureux ! » J’embrassai à mon tour la tante, qui dit : « Il est gentil… C’est donc un blond !... - Il a de jolis cheveux fins, dit Sylvie. – Cela ne dure pas, dit la tante ; mais vous avez du temps devant vous, et toi qui es brune, cela t’assortit bien
Chœur d'amour
Ici l'on passe
Des jours enchantés !
L'ennui s'efface
Aux cœurs attristés
Comme la trace
Des flots agités.
Heure frivole
Et qu'il faut saisir,
Passion folle
Qui n'est qu'un désir,
Et qui s'envole
Après le plaisir !
Une perle d'argent brillait dans le sable; une perle d'or étincelait au ciel... Le monde était créé.
Sur l'autre rive, on aperçoit Gizeh, et le soir lorsque le soleil vient de disparaître, les pyramides déchirent de leurs triangles gigantesques la bande de brume violette du couchant. Les têtes des palmiers-doms, des sycomores et des figuiers de Pharaon se détachent en noir sur ce fond clair.
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini,tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux,languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets!
Le point noir
Quiconque a regardé le soleil fixement
Croit voir devant ses yeux voler obstinément
Autour de lui, dans l'air, une tache livide.
Ainsi, tout jeune encore et plus audacieux,
Sur la gloire un instant j'osai fixer les yeux:
Un point noir est resté dans mon regard avide.
Depuis, mêlée à tout comme un signe de deuil,
Partout, sur quelque endroit que s'arrête mon oeil,
Je la vois se poser aussi, la tache noire! -
Quoi, toujours? Entre moi sans cesse et le bonheur!
Oh! c'est que l'aigle seul - malheur à nous, malheur! -
Contemple impunément le Soleil et la Gloire.
La mélancolie est une maladie qui consiste à voir les choses comme elles sont.
Les illusions tombent l'une après l'autre, comme les écorces d'un fruit, et le fruit, c'est l'expérience.
Je m'imaginai d'abord que les personnes réunies dans ce jardin avaient toutes quelque influence sur les astres, et que celui qui tournait sans cesse dans le même cercle y réglait la marche du soleil. Un vieillard, que l'on amenait à certaines heures du jour et qui faisait des nœuds en consultant sa montre, m'apparaissait comme chargé de constater la marche des heures. Je m'attribuai à moi-même une influence sur la marche de la lune, et je crus que cet astre avait reçu un coup de foudre du Tout-Puissant qui avait tracé sur sa face l'empreinte du masque que j'avais remarquée.