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Citations de Gérard de Nerval (508)


Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

El Desdichado,
Les Chimères
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Les papillons
I

De toutes les belles choses
Qui nous manquent en hiver,
Qu'aimez-vous mieux ? - Moi, les roses ;
- Moi, l'aspect d'un beau pré vert ;
- Moi, la moisson blondissante,
Chevelure des sillons ;
- Moi, le rossignol qui chante ;
- Et moi, les beaux papillons !

Le papillon, fleur sans tige,
Qui voltige,
Que l'on cueille en un réseau ;
Dans la nature infinie,
Harmonie
Entre la plante et l'oiseau !...

Quand revient l'été superbe,
Je m'en vais au bois tout seul :
Je m'étends dans la grande herbe,
Perdu dans ce vert linceul.
Sur ma tête renversée,
Là, chacun d'eux à son tour,
Passe comme une pensée
De poésie ou d'amour !

Voici le papillon "faune",
Noir et jaune ;
Voici le "mars" azuré,
Agitant des étincelles
Sur ses ailes
D'un velours riche et moiré.

Voici le "vulcain" rapide,
Qui vole comme un oiseau :
Son aile noire et splendide
Porte un grand ruban ponceau.
Dieux ! le "soufré", dans l'espace,
Comme un éclair a relui...
Mais le joyeux "nacré" passe,
Et je ne vois plus que lui !

II

Comme un éventail de soie,
Il déploie
Son manteau semé d'argent ;
Et sa robe bigarrée
Est dorée
D'un or verdâtre et changeant.

Voici le "machaon-zèbre",
De fauve et de noir rayé ;
Le "deuil", en habit funèbre,
Et le "miroir" bleu strié ;
Voici l'"argus", feuille-morte,
Le "morio", le "grand-bleu",
Et le "paon-de-jour" qui porte
Sur chaque aile un oeil de feu !

Mais le soir brunit nos plaines ;
Les "phalènes"
Prennent leur essor bruyant,
Et les "sphinx" aux couleurs sombres,
Dans les ombres
Voltigent en tournoyant.

C'est le "grand-paon" à l'oeil rose
Dessiné sur un fond gris,
Qui ne vole qu'à nuit close,
Comme les chauves-souris ;
Le "bombice" du troëne,
Rayé de jaune et de vent,
Et le "papillon du chêne"
Qui ne meurt pas en hiver !...

Voici le "sphinx" à la tête
De squelette,
Peinte en blanc sur un fond noir,
Que le villageois redoute,
Sur sa route,
De voir voltiger le s
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Ne pouvant pénétrer dans l'enceinte du palais de Méhémet-Ali, palais neuf, bâti à la turque et d'un assez médiocre effet, je me rendis sur la terrasse d'où l'on domine tout le Caire. On ne peut rendre que faiblement l'effet de cette perspective, l'une des plus belles du monde, ce qui surtout saisit l'oeil sur le premier plan, c'est l'immense développement de la mosquée du sultan Hassan, rayée et bariolée de rouge et qui conserve encore les traces de la mitraille française depuis la fameuse révolte du Caire.

La ville occupe devant vous tout l'horizon, qui se termine aux verts ombrages de Choubrah ; à droite, c'est toujours la longue cité des tombeaux musulmans, la campagne d'Héliopolis et la vaste plaine du désert arabique interrompue par la chaîne du Moka-tam; à gauche, le cours du Nil aux eaux rougeâtres, avec sa maigre bordure de dattiers et de sycomores.

Boulac, au bord du fleuve, servant de port au Caire qui en est éloigné d'une demi-lieue ; l'ile de Roddah, verte et fleurie, cultivée en jardin anglais et terminée par le bâtiment du Nilomètre, en face des riantes maisons de campagne de Giseh ; au-delà, enfin, les pyramides, posées sur les derniers versants de la chaîne libyque, et vers le sud encore, à Saccarah, d'autres pyramides entremêlées d'hypogées ; plus loin, la forêt de palmiers qui couvre les ruines de Memphis et sur la rive opposée du fleuve, en revenant vers la ville, le vieux Caire, bâti par Amrou à la place de l'ancienne Babylone d'Égypte, à moitié caché par les arches d'un immense aqueduc au pied duquel s'ouvre le Calish qui côtoie la plaine des tombeaux de Karafeh.
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Le rêve est une seconde vie. Je n’ai pu percer sans frémir ces portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l’image de la mort ; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l’instant précis où le moi, sous une autre forme, continue l’œuvre de l’existence. C’est un souterrain vague qui s’éclaire peu à peu, et où se dégagent de l’ombre et de la nuit les pâles figures gravement immobiles qui habitent le séjour des limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces apparitions bizarres : – le monde des Esprits s’ouvre pour nous.

Swedenberg appelait ces visions Memorabilia ; il les devait à la rêverie plus souvent qu’au sommeil ; l’Âne d’or d’Apulée, la Divine Comédie du Dante, sont les modèles poétiques de ces études de l’âme humaine. Je vais essayer, à leur exemple, de transcrire les impressions d’une longue maladie qui s’est passée tout entière dans mon esprit ; — et je ne sais pourquoi je me sers de ce terme maladie, car jamais, quant à ce qui est de moi-même, je ne me suis senti mieux portant. Parfois, je croyais ma force et mon activité doublées ; il me semblait tout savoir, tout comprendre ; l’imagination m’apportait des délices infinies. En recouvrant ce que les hommes appellent la raison, faudra-t-il regretter de les avoir perdues ?…
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EPITAPHE


Il a vécu tantôt gai comme un sansonnet,
Tour à tour amoureux insouciant et tendre,
Tantôt sombre et rêveur comme un triste Clitandre.
Un jour il entendit qu’à sa porte on sonnait.

C’était la Mort ! Alors il la pria d’attendre
Qu’il eût posé le point à son dernier sonnet ;
Et puis sans s’émouvoir, il s’en alla s’étendre
Au fond du coffre froid où son corps frissonnait.

Il était paresseux, à ce que dit l’histoire,
Il laissait trop sécher l’encre dans l’écritoire.
Il voulait tout savoir mais il n’a rien connu.

Et quand vint le moment où, las de cette vie,
Un soir d’hiver, enfin l’âme lui fut ravie,
Il s’en alla disant : « pourquoi suis-je venu ? »
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[…] je n’ai que la ressource d’entretenir la plus âgée, qui prend le café à ma gauche. Je commence par quelques phrases d’allemand assez bien tournées touchant la rigueur de la température et l’incertitude du temps. «Parlez-vous français ? me dit la dame allemande.
- oui, madame, lui dis-je un peu humilié ; certainement, je parle aussi le français. »
Et nous causons désormais avec beaucoup plus de facilité.
——-
Cette aventure m’amuse car je l’ai vécue aussi, il y a quelques années dans un train de Munich à Nuremberg. :-)
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Derrière son apparente simplicité, Sylvie est bien autre chose qu’une simple fille de la campagne. Son nom, sa comparaison avec une nymphe, font d’elle une sorte d’incarnation mythique du paysage.
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        Vers dorés

                Eh quoi ! Tout est sensible !
                Pythagore



Homme ! libre penseur – te crois-tu seul pensant
Dans ce monde, où la vie éclate en toute chose
Des forces que tu tiens ta main dispose
Mais de tous tes conseils l’univers est absent.

Respecte dans la bête un esprit agissant…
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose,
Un mystère d’amour dans le métal repose :
Tout est sensible ; – Et tout sur ton être est puissant

Crains dans le mur aveugle un regard qui t’épie
À la matière même un verbe est attaché…
Ne la fais pas servir à quelque chose impie.

Souvent dans l’être obscur habite un Dieu caché ;
Et, comme un œil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s’accroît sous l’écorce des pierres.
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Nous répétions ces strophes si simplement rythmées, avec les hiatus et les assonances du temps; amoureuses et fleuries comme le cantique de l’Ecclésiaste; nous étions l'époux et l'épouse pour tout un beau matin d'été.
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Nous vivions alors dans une époque étrange, comme celles qui d'ordinaire succèdent aux révolutions ou aux abaissements des grands règnes. Ce n'était plus la galanterie héroïque comme sous la Fronde, le vice élégant et paré comme sous la Régence, le scepticisme et les folles orgies du Directoire ; c'était un mélange d'activité, d'hésitation et de paresse, d'utopies brillantes, d'aspirations philosophiques ou religieuses, d'enthousiasmes vagues, mêlés de certains instants de renaissance ; d'ennuis des discordes passées, d'espoirs incertains, - quelque chose comme l'époque de Pérégrinus et d'Apulée.
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Elle a passé, la jeune fille
Vive et preste comme un oiseau
À la main une fleur qui brille,
À la bouche un refrain nouveau.

C’est peut-être la seule au monde
Dont le coeur au mien répondrait,
Qui venant dans ma nuit profonde
D’un seul regard l’éclaircirait !

Mais non, – ma jeunesse est finie …
Adieu, doux rayon qui m’as lui, –
Parfum, jeune fille, harmonie…
Le bonheur passait, – il a fui !
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Fantaisie
Gérard de Nerval

Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.

Or, chaque fois que je viens à l’entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C’est sous Louis treize ; et je crois voir s’étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,

Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;

Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que, dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue… – et dont je me souviens !

Gérard de Nerval
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Vous l'avez tous connue, ô mes amis! la belle Pandora du théâtre de Vienne. Elle vous a laissé sans doute, ainsi qu'à moi-même de cruels et doux souvenirs! C'était bien à elle, peut-être, - à elle, en vérité, - que pouvait s'appliquer l'indéchiffrable énigme gravée sur la pierre de Bologne : AELI LAELIA - Nec vir, nec mulier, nec androgyna, etc. "Ni homme, ni femme, ni androgyne, ni fille, ni jeune, ni vieille, ni chaste, ni folle, ni pudique, mais tout cela ensemble..." Enfin, la Pandora, c'est tout dire, - car je ne veux pas dire tout.
(Pandora)
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Tout ceci étant déduit, je crois qu'il est l'heure de tirer la toile, et, suivant l'usage de nos anciennes comédies, de donner un coup de pied par derrière à mons, le Prologue, qui devient outrageusement prolixe, au point que les chandelles ont été déjà trois fois mouchées depuis son exorde. Qu'il se hâte donc de terminer, comme Bruscambille, en conjurant les spectateurs "de nettoyer les imperfections de son dire avec les époussettes de leur humanité, et de recevoir un clystère d'excuses aux intestins de leur impatience"; et voilà qui est dit, et l'action va commencer.
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.
LENORE

(…) Contre une grille en fer le cavalier arrive,
Y passe sans l’ouvrir… et d’un élan soudain,
Transporte Lénore craintive
Au milieu d’un triste jardin.
C’était un cimetière. « Est-ce là ta demeure ?
Oui, Lénore; mais voici l’heure,
Descendons de cheval… Femme prenez ma main ! »
Ah Seigneur Dieu ! plus de prestige…
Le cheval, vomissant des feux,
S’abîme ! et de l’homme (ô prodige !)
Un vent souffle les noirs cheveux
Et la chair qui s’envole en poudre…
Puis, à la lueur de la foudre,
Découvre un squelette hideux !

« Hourra ! qu’on commence la fête !
Hourra ! » Tout s’agite, tout sort,
Et, pour la ronde qui s’apprête,
Chaque tombeau vomit un mort.
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.
MYRTHO

Je pense à toi, Myrtho, divine enchanteresse,
Au Pausilippe altier, de mille feux brillant,
A ton front inondé des clartés d'Orient,
Aux raisons noirs mêlés avec l'or de ta tresse.

C'est dans ta coupe aussi que j'avais bu l'ivresse,
Et dans l'éclair furtif de ton oeil souriant,
Quand aux pieds d'Iacchus on me voyait priant,
Car la Muse m'a fait l'un des fils de la Grèce.

Je sais pourquoi là-bas le volcan s'est rouvert...
C'est qu'hier tu l'avais touché d'un pied agile,
Et de cendres soudain l'horizon s'est couvert.

Depuis qu'un duc normand brisa tes dieux d'argile,
Toujours, sous les rameaux du laurier de Virgile,
Le pâle Hortensia s'unit au Myrte vert !
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En cherchant l'oeil de Dieu, je n'ai vu qu'une orbite
Vaste, noire et sans fond, d'où la nuit qui l'habite
Rayonne sur le monde et s'épaissit toujours;

Un arc-en-ciel étrange entoure ce puits sombre,
Seuil de l'ancien chaos dont le néant est l'ombre,
Spirale engloutissant les Mondes et les jours!
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Je crus comprendre qu’il existait entre le monde externe et le monde interne un lien ; que l’inattention ou le désordre d’esprit en faussaient seuls les rapports apparents, — et qu’ainsi s’expliquait la bizarrerie de certains tableaux semblables à ces reflets grimaçants d’objets réels qui s’agitent sur l’eau troublée.
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Elle me dit: « Vous êtes bien fou ; mais revenez me voir… Je n’ai jamais pu trouver quelqu’un qui sût m’aimer ». O femme, tu cherches l’amour… Et moi, donc ! Les jours suivants, j’écrivis les lettres les plus tendres, le plus belles que sans doute elle eût jamais reçues. J’en recevais d’elle qui étaient pleines de raison. Un instant, elle fut touchée, m’appela près d’elle et m’avoua qu’il lui était difficile de rompre un attachement plus ancien. « Si c’est pour moi que vous m’aimez, dit-elle, vous comprendrez que je ne puis être qu’à un seul ».
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Qu’avais-je fait ? J’avais troublé l’harmonie de l’univers magique où mon âme puisait la certitude d’une existence immortelle. J’étais maudit peut-être pour avoir voulu percer un mystère redoutable en offensant la loi divine ; je ne devais plus attendre que la colère et le mépris ! Les ombres irritées fuyaient en jetant des cris et traçant dans l’air des cercles fatals, comme les oiseaux à l’approche d’un orage.
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