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Citations de Günter Grass (223)


Pendant assez longtemps, je n’entendis que les plaintes de maman et un murmure voilé venu de la salle de séjour. Jan calmait Matzerath (mon père). Matzerath priait Jan de calmer maman. Le murmure maigrit, Jan pénétra dans la chambre à coucher. Troisième acte : il était debout devant le lit, il considérait alternativement maman et la Madeleine pénitente ; il s’assit avec précaution sur le bord du lit, caressa le dos et le séant de maman couchée à plat ventre, lui tint en kachoube des propos lénifiants et finalement – comme les paroles n’y faisaient rien – il lui passa la main sous la jupe jusqu’à ce qu’elle cessât de gémir et qu’il pût quitter du regard la Madeleine aux mille doigts. Il faut avoir vu Jan, son travail achevé, se relever et s’essuyer les doigts à son mouchoir, puis dire à maman, à haute voix et non plus en kachoube, afin que Matzerath pût le comprendre de la salle de séjour ou de la cuisine, énoncer en accentuant chaque mot : « Eh bien, viens, Agnès, nous allons maintenant enfin oublier ça. Depuis belle lurette Alfred a emporté les anguilles et les a balancées dans le chose. Maintenant nous allons taper un brave skat, au quart de pfennig ma foi, et quand nous aurons tout cela derrière nous, Alfred nous fera des champignons et des œufs brouillés avec des pommes de terre sautées. »
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Hier dans le public, plus de femmes que d'hommes. Il est vraisemblable que, sans lectrices, il n'y aurait plus de littérature.
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Quand au milieu des années quatre-vingts, alors que l’espèce humaine me semblait d’une fugacité définitive, j’inaugurai une pause dans l’écriture qui dura quatre ans, pendant laquelle tous mes doigts ne furent occupés qu’à transformer de la terre en sculpture, les trois lettera* se sentirent abandonnées. Elles se couvrirent de poussière, jusqu’au moment où, au pinceau d’abord, sur des feuilles de terre cuite blanche, puis griffonnés à la main dans un épais livre vierge, me vinrent des poèmes de fin du monde qui faisaient leurs adieux et qui par la suite furent couchés en lignes serrées sous le titre «La Ratte», puis tantôt ici, tantôt là, et ailleurs dans leur dernière version, voulurent être dactylographiés.
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[...] ... Par extraordinaire, Matzerath me marqua une affection qui, pour maladroite qu'elle était, ne laissait pas d'être cordiale. Oscar, étonné, s'accommoda de ce que cet homme jusque là indifférent le prît sur ses genoux pour le cajoler, le regarder, et même, une fois, pour l'embrasser ; les larmes en vinrent aux yeux de Matzerath et il dit, plus en aparté qu'à l'adresse de Maria [sa seconde épouse] : "Impossible. On ne peut pas donner son fils. Même si tous les médecins disent la même chose. On dirait qu'ils n'ont pas d'enfants."

Maria, assise devant la table, collant comme chaque soir des tickets d'alimentation sur des feuilles de journal, leva les yeux : "Calme-toi, Alfred. Tu fais comme si ça ne me faisait rien. Mais s'ils disent qu'aujourd'hui, on fait comme ça, alors, je ne sais plus ce qu'il faut faire."

L'index de Matzerath montra le piano qui, depuis la mort de ma pauvre mère, restait à court de musique : "Agnès n'aurait jamais fait ou permis ça."

Maria jeta un oeil sur le piano, haussa les épaules et ne les laissa retomber qu'en parlant : "Bien sûr, parce que c'était la mère et qu'elle espérait toujours que ça s'arrangerait. Mais tiens : il n'en est rien sorti, il est partout rejeté et ne sait ni vivre, ni mourir !"

Je ne sais si ce fut dans le portrait de Beethoven, toujours suspendu à notre mur au-dessus du piano et toisant d'un regard sinistre le sinistre Hitler, que Matzerath puisa sa force soudaine. "Non !" cria-t-il. "Jamais !" et il abattit son poing sur la table, sur les feuilles humides, collantes se fit donner par Maria la lettre envoyée par la direction de l'établissement, la lut, relut, la re-relut, puis la déchira et en dispersa les lambeaux parmi les tickets de pain, de matière grasse, d'alimentation, les tickets pour voyageurs, les tickets pour travailleurs de force, les super-travailleurs de force et parmi les tickets pour femmes enceintes et nourrices. Si, grâce à Matzerath, Oscar ne tomba pas entre les mains de ces médecins-SS, il garda dans l'esprit et voit encore aujourd'hui, à peine a-t-il aperçu Maria, une charmante clinique implantée dans l'air salubre de la montagne ; dans cette clinique, une claire salle d'opération, moderne, accueillante ; il voit, devant la porte capitonnée, Maria timide mais au sourire confiant, me remettre à des médecins de premier ordre qui, pareillement, sourient et inspirent confiance tandis que, derrière leurs blouses blanches aseptisées, qui inspirent confiance, ils tiennent dissimulées, aseptisées, de foudroyantes seringues. ... [...]
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Ce n’est pas lui, c’est le monde qui est mauvais.
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Après le baptême, on mangea. On avait poussé deux tables l'une contre l'autre. On commença par la soupe de tortue. Cuillère et bord de l'assiette. Ceux de la campagne lapaient. Greff écartait le petit doigt. Gretchen Scheffler mordait la soupe. Guste faisait un sourire large au-dessus de sa cuillère, Ehlers parlait par-dessus la sienne. Vincent visait en tremblotant à côté de la sienne. Seules vieilles femmes, la grand-mère Anna et la mère Truczinski étaient pleinement adonnées à leurs cuillères, pendant qu'Oscar tombait, pour ainsi dire, à côté de sa cuillère. Il s'en allait, tandis que les restants continuaient à enfourner, et il cherchait dans la chambre à coucher le berceau de son fils ; il voulait réfléchir à son fils, pendant que les autres, derrière leurs cuillères, se vidaient à mesure de leurs pensées et vidaient leurs assiettes à mesure qu'ils vidaient leurs cuillerées de soupe dans eux-mêmes.
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Günter Grass
Je ne veux pas vous ennuyer à décrire un panorama aux cent clochers carillonnants, prétendument traversé toujours par le souffle du Moyen Age, reproduit sur mille bonnes gravures, vous infliger la ville de Danzig en vue cavalière. De même, je n’insisterai pas sur les pigeons, bien qu’il soit dix fois admis que les pigeons sont matière à littérature.
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Tous rirent. Même Gryphius, sorti de son hypocondrie précédente, éclata de rire. Weckherlin voulait entendre re-péter ce tonnerre parti-du-culier.
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Dès l'époque de Mestwina, quelques Varègues déguisés en pécheurs pomorzes avaient tué Jagel dans son repaire. C'est seulement quand le duc des Polaques Boreslav Chrobi eut rejeté les Pruzzes sur la rive droite de la Vistule que la domination varègue fut remplacée par la polaque. A peine Mestwina en effet avait-elle assommé cet Adalbert que le duc de Pologne avait engagé comme propagandiste que nous devînmes sujets et le restâmes. Boreslav fit transporter le cadavre miraculeux à Gnesen, où il est encore vénéré à Gniezno. Notre pays fut érigé en province et, parce que nous habitions au bord de la mer, appelé en slave archaïque Pomorzanie : Pomérélie.
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La tête et les doigts de la femme me touchaient de plus près, à une fibre plus humaine que la beauté de la centrale thermique Fortuna-Nord […]. Admettons que le 220 000 volts m’inspirait un sens goethéen de l’universel ; mais les doigts de la femme touchèrent mon cœur.
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Oscar, aujourd’hui encore, ne veut pas croire pleinement aux présages. Pourtant il y avait alors assez de présages d’un malheur qui chaussait des bottes toujours plus grandes, marchait à pas toujours plus grands avec ses bottes toujours plus grandes et songeait à porter partout le malheur.
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On peut commencer une histoire par le milieu puis, d’une démarche hardie, embrouiller le début et la fin. On peut adopter le genre moderne, effacer les époques et les distances et proclamer ensuite, ou laisser proclamer qu’on a enfin résolu le problème espace-temps. On peut aussi déclarer d’emblée que de nos jours il est impossible d’écrire un roman puis, à son propre insu si j’ose dire, en pondre un bien épais afin de se donner l’air d’être le dernier des romanciers possibles. Je me suis laissé dire qu’il est bon et décent de postuler d’abord : il n’y a plus de héros de roman parce qu’il n’y a plus d’individualistes, parce que l’individualité se perd, parce que l’homme est seul, que tout homme est pareillement seul, privé de la solitude individuelle, et forme une masse solitaire anonyme et sans héros. Après tout, ce n’est pas impossible. Mais en ce qui nous concerne, moi Oscar et mon infirmier Bruno, je veux l’affirmer sans ambages : nous sommes tous deux des héros, des héros tout différents, lui derrière le judas, moi devant ; et quand il ouvre la porte, ça y est : malgré notre amitié et notre solitude, il ne reste plus de nous qu’une masse anonyme et sans héros.
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Il n’y avait pas longtemps qu’elle gisait au fond ; elle était dans le noir depuis l’automne précédent et paraissait déjà avancée […]. L’évacuée voulait regagner la grande ville où il se passe toujours quelque chose, avec dix-neuf cinémas en même temps.
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Nous nous embrassions dans la rue, ce qui à Paris ne tire pas à conséquence.
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Avez-vous déjà vu une tribune par-derrière ? On devrait familiariser tous les hommes – simple proposition – avec la vue arrière d’une tribune, avant de les rassembler devant.
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Si un jour nous goûtons de l’Enfer, un des tourments les plus recherchés sera d’enfermer ensemble dans une pièce l’homme avec les photos encadrées de ses jours terrestres.
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Ach Iselbill ! J’ai rêvé que le Turbot te parlait. Je vous entendais rire tous les deux. La mer était d’huile. Vous étiez en train de faire l’avenir. Et moi j’étais loin à l’écart, aboli. Existais encore à seul titre de référence. Un homme avec son histoire vécue : il était une fois...
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Comme si les idées écloses dans la fièvre pouvaient à température normale garder leur valeur d'idées.
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Le grenier offrait […] un panorama, une vue lointaine et cet illusoire sentiment de liberté que cherche quiconque monte en haut d'une tour et qui, d'un habitant de mansarde, fait un rêveur.
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En résumé, la tombe était l'ultime expression valable de l'homme.
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