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Critiques de Hans Fallada (255)
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Seul dans Berlin

« Là vous ne verrez rien. Tout est en ordre M. Bouillard. Tout est normal. Rien de particulier. On nous avait dit qu'Hitler tiendrait trois mois, six mois au maximum. Il a tenu, tout nettoyé ! Regardez les rues M. Bouillard, nos rues sont les plus propres d'Europe. Plus de musiciens, de syndicalistes, d'avocats, d'opposants. Tout est net. » Ces phrases dites par Anna Hellwig dans « la Passante du Sans-Souci » me sont venues à l'esprit lors de la fin de la lecture de « Seul dans Berlin ». A cet instant où Mme Anna Hellwig dit ces mots à Maurice Bouillard - négociant en champagne français, faisant affaire avec tout le monde - elle doit effectivement se sentir bien seule ; Femme de maître Hellwig, avocat juif berlinois à qui Maurice Bouillard demande à parler, elle lui montre l'urne qu'elle vient de recevoir et dit « Allez-y. Parlez ! Maître Hellwig est là, c'est tout ce qu'il en reste. Allez-y parlez lui ! » Bouillard la prend pour une folle comme il aurait pris pour des fous le couple Quangel. Car faut-il être fou pour se lancer, seuls dans cette distribution dérisoire et pourtant si nécessaire de tracts anti-Hitler.

Dans un Berlin qui sombre inexorablement quelques femmes et quelques hommes décident de résister. Par idéologie politique, religieuse, ou simplement par une conviction profonde qui ne fait appel à aucune idéologie particulière. Hans Fallada avec toujours cette justesse de ton et sans fioritures ni pathos nous raconte cette histoire magnifique et désespérée, par moment teintée d'humour et souvent monstrueuse.

Au lendemain de la guerre, Fallada, sur la demande du poète et écrivain Becher, et après une certaine réticence, écrit « Seul dans Berlin » inspiré de l'histoire du couple Hampel. En fait Becher lui a demandé d'écrire un livre sur la résistance allemande sous le régime nazi. Fallada écrira très vite, peut-être, inconsciemment sent-il la camarde se rapprocher de lui. Il mourra effectivement avant la publication de son livre. Ce qui permettra de l'éditer de façon expurgée pour ne pas heurter « certaines susceptibilités ». Rendons grâce aux éditeurs allemands d'avoir retrouvé du bon sens (même très tardivement) et de l'avoir rééditer en version non censurée.

Comme toujours chez Fallada, il y a la science des dialogues, de l'intrigue, le contexte historique, social et son humanité cabossée qui le rend si proche de ses personnages qu'il peut tous les faire vivre avec une égale authenticité.

En lisant Seul dans Berlin je pensais à un autre livre « Lti, la langue du IIIème Reich » de Victor Klemperer. Ce philologue dans sa description du quotidien et de la « manipulation » de la langue montre le lent processus de nazification de toute une population de la naissance à la mort. Comment résister alors ? Lorsque les mots sont détournés ou qu ils sont interdits ? Lorsque votre vie personnelle est codifiée jusqu'à la naissance de vos enfants pour sublimer et servir le IIIe Reich ? Je ne suis pas là pour parler du livre de Klemperer mais les deux offrent des passerelles de lecture.

Le roman commence en 1940, certains fêtent la victoire de l'Allemagne sur la France, d'autres se taisent, d'autres se cachent, d'autres ont déjà disparus dans tous les sens du terme. Dans une atmosphère ou l'étau de la délation, de l'intimidation, de la suspicion, de la terreur, de la propagande grandit de plus en plus que peut faire ce peuple ? S'épier ? Se dénoncer ? Faire comme si de rien n'était ? Que tout était normal ? Faire comme si le cours de la vie coulait sans chaos ? La vie d'Otto et Anna Quangel se déroulent dans un quotidien morne et gris ; Ils sont ouvriers, ils habitent un quartier populaire de Berlin ; Leur fils unique est à la guerre ; Anna a sa carte du parti comme tant d'autres ; Otto ne l'a pas mais c'est un pingre. Mais quelque chose grippe quelque part, dans un coin de leur cerveau, dans leur inconscient. Mais quoi ? La mort de leur fils au front est le déclencheur d'un processus irréversible : résister à un régime mortifère, ou personne ne semble à l'abri, ou personne ne semble ne pouvoir en réchapper. Otto, personnage peu aimable, avare, solitaire décide soudain d'affirmer son opposition à ce qui ce passe dans son pays. Même sa femme, Anna, au début se moque de lui. Que va-t-il faire, lui ? L'obscur tâcheron avec ses cartes postales ? Pourtant, elle le suit, elle participe. Embarqués tout les deux dans un bateau ivre qui court à sa perte. Ces cartes postales qu'ils disséminent dans Berlin au hasard paraissent tellement insignifiantes. Dessus des phrases simples, courtes mais qui disent toutes qu'Hitler est un imposteur, quelqu'un qui va détruire l'Allemagne, qu'il ne faut pas le laisser faire.

Hans Fallada nous fait participer à l'enquête menée par l'inspecteur Escherich mandaté par la SS pour retrouver ces traitres à la cause. Mais qui sont-ils ? Une organisation politique ? Syndicale ? de dangereux Rouges ? Comment pourrait-on soupçonner ce vieux grincheux et sa femme si terne. Personne en tout cas ne les soupçonne au 55 rue Jablonski. Dans cet immeuble populaire, où résident les Quangel, Hans Fallada nous présente les habitants ; Dans ces appartements il y a ceux qui se terrent, ceux qui continuent leur quotidien « en attendant que ça passe », ceux qui fanfaronnent car ils sont des membres actifs du parti nazi et sûr de monter en grade, ceux certains de leur puissance car il sont dans la SS, ceux qui traficotent, etc.

Hans Fallada nous dépeint une vie de ruelles, d'arrière-cours, de cafés, de petits commerces, d'usine ; Tout un monde populaire brossé d'une lumière dure, crue et parfois impitoyable. Un monde qui a peur : de son voisin, son collègue de travail, son client dans les échoppes et les bistrots, du passant dans la rue, même parfois de ses amis et sa famille. Toutes et tous ont peur de finir à la prison de Moabit, peur du camp de concentration, peur de la prison de Plötzensee. La peur gouverne tout le monde, on la dissimule, on la cherche chez les autres, les mouchards, les dénonciateurs en font commerce, les nazis en font leur force de frappe même si, comme le pense Otto Quangel eux aussi ont peur ; peut-être peur qu'un jour ce monde qu'ils ont forgé les engloutisse ?

Qui a lu « le Buveur » retrouve cette belle plume alerte, efficace dans la dramaturgie, les dialogues, l'art de décrire des scènes amples ou intimistes, le brassage de plusieurs personnages avec une clarté à les faire vivre sans écraser le propos principal. Fallada inscrit parfois, dans une même scène, la tragédie et la bouffonnerie. Jamais dans la réflexion intérieure des protagonistes, dans les voix multiples qui jalonnent cette histoire, dans la marche de chacun vers son destin, jamais Fallada ne perd le fil du coeur central de l'intrigue : la traque des Quangel.

Hans Fallada sans fioritures, sans détours, sans complaisance, de façon franche, brute, presque sèche parfois nous fait entendre un grand cri de désespoir et en même temps un grand cri d'espérance.

Je dois aussi parler d'un aperçu d'une réalité historique qui en 1946 n'a pas encore révélé toute son ampleur et parfois mettra longtemps à le faire. L'Histoire dans la fiction. En petites touches, parfois en quelques phrases, sans les nommer Hans Fallada parle des Einsatzgruppen, de l‘Aktion T4, du Volksgerichtshof.

Les Quangel, couple sans envergure, obstinément, accomplissent ce qu‘ils nomment “leur devoir“. Otto Quangel le dit lui-même, un jour ils seront pris au piège et il sera trop tard. C‘est une chose dont il est sûr. le pire est encore à venir. Mais Otto Quangel, pour peut-être la première fois de sa vie, se sent infiniment libre.





* dialogues de Jacques Kirsner pour La passante du Sans-Souci
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Seul dans Berlin

Il était sur mes listes depuis un bon moment déjà mais, comme c'est un bon gros pavé de 700 pages, je trainais les pieds pour me lancer dans sa lecture. Quelle erreur ! Ce gros roman non seulement se lit sans difficulté mais en plus c'est un magnifique roman, de ceux qui sont sur ma liste, livres à offrir .



Berlin pendant la seconde guerre mondiale racontée de "dedans", du côté allemand, du côté des civils qui essaient de survivre.



Un immeuble, des locataires, une vieille femme juive, un juge, un couple et quelques familles, les uns et les autres vont révéler des traits, des facettes de leur caractère en ces temps de guerre et de propagande. Tout ça n'est pas très beau, c'est même souvent glauque car finalement les grandes envolées en faveur du führer sont peau de balle et le vrai moteur est le plus souvent l'envie, la jalousie, la paresse...



Rien de très glorieux ne pousse ces hommes dans les bras de qui leur permettra d'utiliser leur voisin, aucune honte à dénoncer, tuer, piller, pour une bouteille de schnaps ou des cigarettes.



On évolue dans une petit milieu, des ouvriers , des bras cassés et ce n'est pas brillant. La vénalité les pousse à toutes les compromissions, toutes les lâchetés, tous les abus pour quelques marks. On comprend bien que la vie est difficile mais on voit aussi combien une partie de ces personnages étaient ainsi avant, la situation leur permet juste de donner libre cours à leurs tendances.



La terreur règne à tous les niveaux, ne rien dire, ne rien voir, ne pas contrarier les supérieurs et même celui qui a un peu de pouvoir peut se retrouver renversé et en salle de la torture en moins de temps qu'il ne faut pour le dire!



Peu d'espoir dans toute cette noirceur mais quel espoir pouvait-on avoir dans ces années monstrueuses et j'imagine que les premières années de paix n'ont guère été plus réjouissantes...



Un roman qui nous dévoile une partie de l'Allemagne nazie et comment la machine terrorisante réduit à rien l'être humain.
Lien : http://theetlivres.eklablog...
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Seul dans Berlin

"Ils n'ont qu'à obéir. C'est le Fürher qui réfléchit."

Il est trop facile et trop réducteur de penser que tous les allemands ont obéi et suivi aveuglément Hitler en cessant de réfléchir, lui accordant une confiance totale et prenant la moindre de ses déclarations pour parole d'évangile.

Non, tous les allemands n'ont pas été nazis, tous les allemands n'ont pas été antisémites, pourtant on se pose bien peu souvent la question de savoir ce qui se passait réellement en Allemagne à cette époque et quel était le ressenti de la population civile.

"Seul dans Berlin" a le mérite de lever le voile sur ces questions, de traiter du quotidien d'allemands et de leur prise de position par rapport au régime du IIIè Reich.



Bienvenue à Berlin en mai 1940, plus précisément dans l'immeuble du 55 rue Jablonski.

Il y a les Quangel qui viennent de perdre leur fils unique, Madame Rosenthal une juive qui se cache, les Persicke avec le benjamin jeune recrue des SS et faisant la fierté de sa famille, le conseiller Fromm un individu mystérieux ayant travaillé auparavant dans la justice.

A côté il y a aussi Enno Kluge qui vit aux crochets des femmes et pourrit la vie de sa femme Eva, factrice, et Emil Borkhausen, un individu particulièrement louche qui monnaye des informations.

Toutes ces personnes vont se croiser, s'observer, se dénoncer, faire affaire, entre ceux qui soutiennent le IIIè Reich comme les Persicke, les SS et la Gestapo : "Et pourquoi tant de raffut pour la mort d'une Juive ? J'ai assez à faire avec les vivants.", ceux qui choisissent de sombrer dans l'alcool et vivre d'expédients : "Nous sommes tous des hommes, mais nous différons en ceci que nous ne nous pendons pas tous quand nous avons trop bu.", ceux qui choisissent de résister et de dénoncer Hitler et son régime comme les Quangel qui vont se mettre à semer des lettres dans Berlin en espérant les faire circuler dans la population, cette idée ayant germé dans leur esprit grâce à l'action de résistance à laquelle participait la fiancée de leur fils, Trudel Baumann.

Et puis il y a quelques personnes neutres dont le lecteur ne sait pas trop la position comme le conseiller Fromm, un personnage secondaire mais qui intervient toujours à un moment critique.



La construction de ce livre est astucieuse et bien pensée.

L'histoire s'ouvre avec Eva Kluge et se termine avec elle, tandis que le milieu de l'histoire est ponctué par un intermède campagnard qui la met en scène.

Ce n'est pas un personnage clé de l'histoire mais il en est quand même la voûte et sert de repère au lecteur.

Les autres personnages interviennent tout au long de l'histoire, les points de vue s'alternant de l'un à l'autre, parfois ces personnages se croisent, s'observent et se craignent.

En dehors de la population hétéroclite de cet immeuble, il y a la police, la terrible Gestapo, qui fait peser sur toute l'histoire un climat de suspicion : "Dans son sous-sol obscur, elle avait cru passer complètement inaperçue; et voilà qu'elle venait de s'apercevoir qu'elle était constamment espionnée (comme tout le monde à cette époque, d'ailleurs).".

Cette peur qui habitait tous les allemands, ou presque, à cette époque est bien retranscrite dans le récit et les conflits intérieurs sont bien présents : certains choisissent de dénoncer le régime même s'ils doivent en payer le prix de leur vie, tandis que d'autres se jugent plus lâches car ils choisissent de ne pas entrer ouvertement en opposition avec le régime et de vivre leur vie le plus tranquillement possible, comme Trudel Baumann qui revient sur ses engagements premiers dans la résistance, et enfin il y a ceux qui collaborent avec le régime.

Certains peuvent juger que les actions des Quangel sont ridicules et sans impact, c'est d'ailleurs presque ce qui transpire du récit, mais pour moi il n'y a pas de petites actions et le battement d'aile d'un papillon peut avoir des répercussions bien grandes.

Ici, c'est le cas : même si la très grande majorité des lettres des Quangel ont fini entre les mains de la police sans avoir circulées ni même avoir été lues, elles touchent forcément quelques personnes, d'autant plus que dans le même temps d'autres actions de résistance ont lieu dans la population, comme des sabotages.

Le sort des Juifs est également abordé en toile de fond, il est beaucoup question des camps de travail au début du live où sont déportés les allemands qui s'opposent au IIIè Reich ou qui ne sont pas assez productifs, mais bien vite il circule dans la population que les Juifs sont arrêtés et déportés.

Ceci a d'ailleurs pour conséquence que certains allemands cessent de croire en Dieu : "Songe à tout ce qu'ils ont pu faire aux Juifs et à d'autres peuples sans en être punis ! ... Crois-tu vraiment que Dieu existe, mère ?".

A tout cela, il faut également ajouter le réalisme de toute la partie du récit retraçant les tortures par les SS pour faire avouer les personnes, l'emprisonnement dans des conditions plus qu'insalubres, les jugements expéditifs où même l'avocat de la défense enfonce plutôt qu'il n'aide l'accusé.

La multitude de personnages ne m'a pas dérangée, au contraire, elle permet d'avoir différents points de vue et de ne pas traiter la population allemande en la mettant dans un seul panier : celui du nazisme.

Du point de vue de l'écriture, c'est maîtrisé de bout en bout, mais j'ai trouvé que toutes les parties n'étaient pas égales du point de vue de la fluidité de lecture, certaines se lisant plus rapidement que d'autres.

C'est une histoire sombre et réaliste, j'ai apprécié de lire cette histoire qui parle de la résistance allemande, elle sort des sentiers battus et permet d'ouvrir ses opinions et de sortir du champ de la facilité.

De plus, le titre est particulièrement bien choisi, car si l'histoire fait se mêler une multitude de personnages au final chacun d'eux est seul face à lui-même et face au nazisme.

Je n'aurai qu'un petit reproche à faire au niveau des repères spatio-temporels, ils sont trop peu présents et sans s'en rendre compte le lecteur passe de 1940 à 1942, j'aurais aimé que l'auteur soit un peu plus précis à ce sujet, mais c'est bien le seul petit reproche que je peux lui faire.



"Seul dans Berlin" est le dernier livre écrit par Hans Fallada en 1947 et c'est une réussite, car à travers une multitude de personnages il traite de la résistance allemande et du quotidien des allemands pendant la Seconde Guerre Mondiale d'une façon très réaliste, un sujet bien rare en littérature et qui ne laisse pas le lecteur indemne la lecture achevée.
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Seul dans Berlin

En édition intégrale, mais je ne pense pas que le roman existe encore dans sa première version expurgée sortie en 1946 , c'est un gros pavé de plus de 700 pages et dont la lecture a été pour moi édifiante quoique parfois un peu laborieuse ...



Otto et Anna Quangel sont un couple de berlinois, honnêtes travailleurs, cohabitant en relative bonne harmonie dans un immeuble où se cotoient un vieux couple de juifs, un juge à la retraite, une famille dont le fils fait partie des jeunesses hitlériennes ... L'ambiance change déjà quand le vieux monsieur juif est arrêté et que sa femme craint pour sa vie et pour ses biens et surtout lorsque le fils unique de la famille Quangel est tué en combattant comme soldat.



A la douleur , bien légitime de ces parents, vient se rajouter la colère contre le régime et ses mensonges et Otto commence alors à écrire des petites cartes qu'il va déposer dans des couloirs d'immeubles de la ville pour mettre en garde les gens , les informer à leur façon de gens simples ayant retrouvé leur esprit critique , c'est pour eux leur seule façon de rester debout, vivants et de pouvoir se regarder dans les yeux .



On découvre au fur et à mesure des pages une réalité que , pour ma part, j'étais loin de m'imaginer : la peur viscérale de beaucoup d'allemands de la Gestapo, guettant la moindre réflexion négative, le moindre acte considéré comme contre-productif, la plus petite marque de rébellion , et cette peur rend beaucoup de gens passifs ou lâches .



Et c'est contre cela qu'Otto et Anna vont lutter , soudés , unis et debout alors qu'ils savent parfaitement comment cela va finir, c'est juste une question de temps ...



Bel hommage au peuple allemand résistant à la barbarie nazie et en particulier à ce couple de Berlinois fusillé dont Hans Fallada s'est inspiré pour écrire ce roman .

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Seul dans Berlin

Beaucoup a déjà été écrit sur ce livre dont le titre allemand aurait du être traduit par Chacun meurt seul?



De façon anecdotique, j’ai lu ce livre -dans le cadre séance de rattrapage- en même temps qu’un ami, échangeant nos impressions au fil de la lecture. Un jour, peu de temps avant le premier tour des élections municipales, il m’a écrit que quelqu’un lui avait tendu un tract politique pour un candidat, qu’il l’avait pris, mais que complètement dans l’ambiance du roman, il s’est senti très angoissé, ne sachant que faire du papier.. Je crois que c’est la qualité principale de ce roman, cette angoisse extrême que transmet l’auteur, cette oppression constante que l’on ressent vraiment et c’est là qu’on comprend à quel point c’était difficile, voire quasi impossible pour cette population d’opposer la moindre résistance. Tout le monde s’épiait, le moindre geste, la moindre parole suspecte, ils le savaient , pouvaient conduire à l’arrestation, la torture pour faire dénoncer des proches et la mort. Et combien il a fallu de courage à certains pour résister à cette terreur qui rend impuissant, et mène au pire dans les conduites humaines:

"Les Hergesell supportaient avec peine cette atmosphère dans laquelle il leur fallait vivre.Mais ils se répétaient que rien ne pouvait leur arriver , puisqu’ils n’entreprenaient rien contre l’Etat. Les pensées sont libres, disaient-ils. Mais ils auraient du savoir que ce n’était même plus le cas sous ce régime."



C’est un roman que l’on sent écrit rapidement , peut être Fallada qui est très mort très vite après la parution se sentait-il pressé de témoigner, de dénoncer.

Des petits chapitres, avec leurs titres assez anodins, qui donnent au départ un aspect feuilletonesque avec même quelques scènes qui pourraient relever du burlesque. En dehors du contexte.. Parodie comme le faisait Erika Mann dans un cabaret à Munich dès 1933 , ou plus tard à Zurich? Je ne sais pas, mais au début, certaines scènes font sourire. Pas très longtemps.



Hans Fallada fait appel à certaines figures représentatives de la population allemande ordinaire qu’il développe dans des portraits individuels ou familiaux, chacun représentant une sorte d’archétype de personnage , l’idée étant de les réunir dans une unité de lieu, un immeuble. On a la commerçante juive dont le mari a déjà été arrêté et qui vit cloitrée, de peur d’être dénoncée, la famille nazie pure et dure, mais là, tous les degrés depuis le fils qui terrorise tout le monde et grimpera la hiérarchie, jusqu’à la soeur qui a un bon emploi comme gardienne dans un camp de concentration. Le pourri de service , de ceux que l’on retrouve partout quand l’occasion se présente , prêt à sauter sur chaque occasion de s’enrichir, et tirer son épingle du jeu.

Ceux qui essaient .. dans la clandestinité, à plusieurs, ou seul, par des gestes individuels comme ceux de ce très beau personnage du conseiller Fromm.

Et puis, il il y a le couple Quangel, qui au départ, appartient à la majorité silencieuse. Travail, famille , on se tait et on ne pense pas. Mais le fils vient de se faire tuer sur le front russe, alors, tout commence.



J’ai lu sur Wikipedia qu’Hans Fallada s’était inspiré pour raconter cette histoire de Otto et Elise Hampel, exécutés le 8 avril 1943 pour actes de résistance. Je ne sais pas quels étaient ces actes de résistance, mais, en tout cas, la décision des Quangel, leur application à la tâche pour faire ce qu’ils peuvent faire, faire ce qui leur semble bon de faire , sachant très bien et le disant d’emblée, ce qu’ils risquent, tout cela force l’admiration. L’ironie noire sera de savoir à quoi ça sert., concrètement

A quoi ça sert? Fallada le dit dans un dialogue entre deux prisonniers , Otto Quangel, qui découvre là tout ce qu’il a manqué dans sa vie, et un chef d’orchestre, un des personnages les plus lumineux de cette histoire ( il y en a d’autres):

"Vous avez résisté au mal, vous et tous ceux qui sont dans cette prison. Et les autres détenus, et les dizaines de milliers des camps de concentration… Tous résistent aujourd’hui et ils résisteront demain

- Oui et ensuite, on nous fera disparaître ! Et à quoi aura servi notre résistance ?

-A nous, elle aura beaucoup servi, car nous pourrons nous sentir purs jusqu’à la mort. Et plus encore au peuple, qui sera sauvé à cause de quelques justes, comme il est écrit dans la Bible. Voyez-vous, Quangel, il aurait naturellement été cent fois préférable que nous ayons eu quelqu’un pour nous dire : « Voilà comment vous devez agir. Voilà quel est notre plan. » Mais s’il avait existé en Allemagne un homme capable de dire cela, nous n’aurions pas eu 1933. Il a donc fallu que nous agissions isolément. Mais cela ne signifie pas que nous sommes seuls et nous finirons par vaincre. Rien n’est inutile en ce monde. Et nous finirons par être les vainqueurs, car nous luttons pour le droit contre la force brutale.

- Et quel avantage en tirerons- nous, couchés dans la tombe?

- Préféreriez- vous vivre pour une cause injuste ou mourir pour une cause juste? Il n’y a pas de choix possible, ni pour vous, ni pour moi. C’est parce que nous sommes mous-mêmes que nous avons dû suivre cette voie.



Je connaissais déjà un peu l’histoire de la résistance allemande ( la famille Hammerstein , la famille Scholl, ), mais là, c’est un témoignage tout à fait unique de quelqu’un qui a vécu cela de très près et le décrit de façon assez magistrale.







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Seul dans Berlin

Titre : Seul dans Berlin

Auteur : Hans Fallada

Editeur : Denoël

Année : 1947

Résumé : Mai 1940, la France vient de tomber. Adolf Hitler multiplie les victoires militaires et le troisième reich semble pouvoir durer mille ans. À Berlin, un immeuble de la rue Jablonski est peuplé de gens du peuple, chacun des locataires vaque à ses occupations et tente de trouver sa place dans cette nouvelle Allemagne où le parti nazi est omnipotent.

Mon humble avis : Hans Fallada, de son vrai nom Rudolf Ditzen, mourut à peine un an après la parution de Seul dans Berlin, son titre majeur. Morphinomane, alcoolique, dépressif, l’auteur Allemand ne vit donc pas son ouvrage devenir un best-seller international, il n’eut pas non plus le déplaisir de voir son texte expurgé par les censeurs de l’ex RDA. Aujourd’hui, nous avons la chance de pouvoir découvrir le texte original, un texte fort, un véritable pamphlet contre la société nazie et toutes les sociétés autoritaires de ce monde. Evidemment j’avais beaucoup entendu parler de ce roman, j’ai même eu l’occasion de visionner l’adaptation cinématographique plutôt falote qu’en fit Vincent Perez. Mais oublions tout cela pour nous concentrer sur le texte de Fallada, un texte assez étonnant au premier abord, je dois bien l’avouer. En effet j’attaquais ce roman avec pas mal d’aprioris, je m’attendais à un texte grave, lourd et j’ai été tout d’abord très étonné par l’écriture simple, presque naïve de l’auteur. Dans les premiers chapitres l’auteur passe d’un personnage à l’autre et beaucoup sont truculents, drôles, souvent pathétiques. Il est beaucoup question d’alcool et de dépravation et les personnages principaux tels qu’Enno Kluge ou Emil Barkausen sont des êtres vils que l’auteur n’hésite pas à ridiculiser jusqu’à l’excès. Et puis intervient Madame Rosenthal, une vieille juive qui vit terrée dans son appartement, et puis la cruauté éclate au grand jour, et puis la peur s’installe au fil des chapitres, et puis l’ignominie, l’indicible. Dans ce texte Fallada plonge dans la petite histoire, celle des oubliés du régime, des laissés pour compte, ceux sur qui le sort s’acharne, ceux qui tremblent en croisant un uniforme brun. De combines minables en odieux larcins, de dénonciations calomnieuses en pitoyables aveux, c’est dans la fange de l’âme humaine que Fallada trempe sa plume. C’est pathétique et désespérant jusqu’à ce que les époux Quangel décident d’agir et entrent en résistance. Ici, il ne s’agit pas de résistance armée, rien de spectaculaire, juste un homme et une femme qui disent non et tentent de gripper, à leur niveau, la machine implacable qui écrasa l’Europe. Vous l’aurez peut-être compris à travers ces quelques lignes, j’ai beaucoup apprécié ce roman. J’ai aimé la description d’une ville oppressée, l’étude minutieuse des rouages qui permettent de museler tout un peuple, j’ai aimé cette tension qui devient presque insoutenable au fil de la lecture, j’ai aimé le courage de ceux qui résistent, ceux qui donne envie de croire que rien n’est jamais perdu. Roman de la petitesse mais aussi de la grandeur d’âme, Seul dans Berlin est surement aussi le cri de douleur d’un homme désespéré par le monde qui l’entoure, un témoignage déchirant. Pour cela et pour de longues heures de lecture passionnée, je ne peux que m’incliner devant la mémoire de feu Rudolf Ditzen.

J’achète ? : Certains romans sont essentiels à la compréhension du monde. Seul dans Berlin fait partie de ces textes rares et incontournables. Tu ne peux décemment passer à côté d’un tel bouquin.
Lien : https://francksbooks.wordpre..
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Quoi de neuf, petit homme ? (Et puis après ?)

"Quoi de neuf, petit homme? " conte la vie quotidienne de deux Berlinois, dans les années 30. Emma Mörschel, dite "Bichette", vingt - deux ans, fille d'ouvriers,lumineuse, droite, courageuse, tombe amoureuse de Johannes Pinneberg, dit le "Môme ", comptable de son état, âgé de vingt -trois ans.

Il s'aiment d'un amour infini, attendent un enfant, se marient tout de suite.

Commence alors un douloureux apprentissage, celui de la vie de famille dans une société Allemande à la dérive où les dirigeants économiques commettent des erreurs et humilient les plus pauvres, les plus durs au mal être et les plus courageux.....Où le chômage, la précarité , l'angoisse de subsister obligent le Môme et Bichette à compter chaque Mark, oú il n'y a pas de loisir , ni de superflu....

Lui, comptable rapidement licencié, devient vendeur de vêtements,confronté à la jalousie entre collégues, à la loi inexorable du chiffre , oú les vendeurs sont surveillés, guettés, poussés à bout sera à nouveau mis dehors.....humilié....précarisé.....

Elle, solide,travailleuse, optimiste malgré tout conservera sa fraîcheur , comptable de chaque Mark, devra faire des heures et des heures de raccommodage pour faire " survivre" son amoureux et leur enfant: "Le Mouflet".

Lui, pessimiste, peu sûr de lui, influençable,sera obligé de déménager en prenant des logements toujours plus petits et inconfortables, miteux jusqu'à un Cabanon à toit goudronné .....

C'est une vie difficile faite de renoncements successifs et de désespoir où les bagarres, le flicage, les disputes entre communistes et nazis annonce la montée inexorable du fléau Nazi....

La précarité , le manque d'argent, les humiliations , n'entraveront en rien la force incroyable de l'amour de ces deux là !

Sans relâche, ils lutteront contre cette vague d'injustices et de désolation qui les entraîne vers le fond petit à petit !

A la fois trame et satire sociale sur fond historique,minutieusement décrite , personnages finement analysés , grand roman d'amour," Quoi de neuf, petit homme " ?m'a fait penser au trés bel ouvrage du même auteur : Seul dans Berlin".

Une belle leçon de vie , un trés beau livre lié à ces deux amoureux courageux que l'on n'oubliera pas de sitôt !
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Seul dans Berlin

un des plus beaux livres, sur la résistance allemande antinazie. Vie de citoyens allemand, juifs, sous le IIIème Reich.La critique de Luniver décrit parfaitement bien le climat de peur, d'angoisse , le combat presque dérisoire de quelques habitants en but à la réprèssion impitoyable d'une poignée de nazis prêts à tout pour sauver leurs intérêts. Peu d'écrivains ont essayer de faire connaitre la lutte silencieuse, courageuse de ces Allemands qui ont souvent payé de leur vie, le nazisme; Hans Fallada est l'un deux, peut-être le seul , à décrire avec talent, dignité, qui a rendu honneur à ces personnes restées pratiquement dans l'ombre. Beau livre émouvant, qu'il faut lire par reconnaissance du courage de certains Allemand pendant cette période cruelle
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Seul dans Berlin

Otto Quangel est contremaître dans une usine qui avant la guerre fabriquait des meubles. Depuis les menées expansionnistes du chancelier parvenu au pouvoir en 1933 en Allemagne, son usine fabrique des cercueils. Beaucoup de cercueils. Car ce chancelier c'est Hitler. Et lui, il fabrique des cadavres. Beaucoup de cadavres.



L'atmosphère de prédilection du tyran démoniaque c'est la peur. Il a institué la délation en régime de vie. Tout le monde se méfie de tout le monde. Jusqu'au sein même des familles unies et autrefois sans histoire. Dans l'agitation des villes, dans le calme des campagnes, tout le monde trempe dans le marigot de la dénonciation.



C'est l'ambiance de Seul dans Berlin. Un ouvrage qui prend aux tripes et fait froid dans le dos. Un ouvrage qui en même temps vous retient, car de page en page on court après une lueur d'espoir. Mais la peur est souveraine. Ceux qui fomentent la peur ont peur eux-aussi. La peur engendre la peur, se nourrit d'elle-même. Il n'y a plus de père, de mère, d'enfants, d'amis, de voisins, il n'y a plus que des suspects. Même quand l'absence a vidé l'espace de la vie des autres, la peur est toujours là. Elle a envahi les coeurs et les esprits. Dans les bruits de tous les jours, dans le silence, la peur tient compagnie. Même les objets font peur. Eux aussi peuvent dénoncer. Pourquoi cet objet est-il là ? Qui vous l'a donné ? Pourquoi vous l'a-t-on donné ? Ce livre ? Cette carte postale ? "Lors de ces interrogatoires, personne n'était vraiment sûr de soi, les inspecteurs, roublards, savaient transformer la moindre allusion en un noeud coulant dans lequel on se prenait sans espoir."



Nous qui lisons cet ouvrage dans la langue de Molière oublions qu'au sein même de ce peuple qui s'était enroulé dans la spirale de la violence meurtrière, nombreux sont ceux qui ont enduré cette violence. Dans leur propre chair, celle de leurs enfants perdus. Les époux Quangel sont de ceux-là. Mais eux ont osé résister contre l'ogre sanglant. Avec leurs moyens dérisoires d'hommes et femmes de la multitude abasourdie par le monstre dont elle avait enfanté. Engloutis dans cet océan de haine, ils ont décidé de mener une contre-propagande du désespoir, en diffusant des cartes postales dénonçant la folie assassine d'un régime qui a dérobé l'air à tout ce qui respire. En pleine connaissance des risques encourus, ils se sont fait le devoir de contester.



De la lettre officielle annonçant la mort de leur fils, mort héroïque puisqu'au service du Reich, à l'acte de résistance insignifiant, des interrogatoires dans les sous-sols de la Gestapo à la mascarade d'un jugement dicté d'avance, cet ouvrage démonte avec une force et une précision insoupçonnées le mécanisme de la haine instituée en régime politique dans lequel "même les pensées n'étaient pas libres."



Un roman certes, mais un roman qui transcrit, avec un talent inspiré par l'horreur, une réalité. Cet ouvrage est celui d'une descente aux enfers consciente, pour gagner le paradis de ceux qui auront refusé de subir, le dos courbé par la peur. Un ouvrage prenant et terrifiant à la fois, mais nécessaire. Comme tous ceux qui ont écrit l'inimaginable. Quand l'amour doute lui-aussi. Cela a été et sera peut être à nouveau, si l'on y prend garde.

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Seul dans Berlin

Primo Levi disait que "seul dans Berlin" était un des meilleurs livres sur la résitance antinazie.

Sur le quatrième de couverture est écrit que c'est le dernier roman de Hans Fallada écrit en 1947, son chef-d'oeuvre;

Je viens d'achever ce roman, et les citations ci-dessus sont profondément fondées, ce roman restera certainement un des meilleurs que j'aurai l'occasion de lire.

L'histoire débute en 1940, à Berlin, dans un bâtiment ordinaire dans une rue ordinaire, ou se cotoient les résidents ordinaires, sauf que la situation en Allemagne est devenue critique, que le parti est passé par là, et que le pays est gouverné par des gens pratiquant le fanatisme, ce qui a le don de transformer un tout un chacun.

Ce roman nous plonge dans la vie d'une dizaine de personnes, allemands pro ou contre le parti, juifs, délinquants, alcooliques, travailleurs ou fainéants, et j'en passe.

L'ambiance est morose, c'est évident, nous sommes en 1940, et le maître-mot n'est que trahison ou dénonciation méprisable et honteuse. La vie, même pour les allemands, était loin d'être agréable.

Même si parfois, j'ai eu un peu de mal à suivre devant la multiciplicité des personnages, ce livre, j'ai eu du mal à le refermer et je n'userais pas de superlatif pour qualifier également ce roman de chef-d'oeuvre, que je ne saurais que conseiller très vivement à tout les lecteurs qui portent un intérêt à cette triste période de notre ère.

Un très grand moment de lecture.
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Seul dans Berlin

Ce roman est un des premiers textes anti-nazi publié par un auteur allemand après la seconde guerre mondiale (1947).

L'histoire est basée sur des dossiers que la Gestapo avait constitué sur un couple d'ouvriers Berlinois qui avait écrit des cartes postales contre les nazis et les avaient déposés dans les couloirs d'immeubles.



L'auteur pose un regard critique sur la société et appelle à l'humanisme. A travers l'histoire d'Otto et Anna Quangel, il dépeint la quotidienneté des gens anonymes qui, d'abord soumis et terrifiés, vont finalement s'opposer au régime. On découvre que, plus que la haine, c'est la peur qui est à l'origine de la passivité du peuple allemand face au régime d'Hitler.



Les qualités de l'auteur ne sont pas sur le plan stylistique (le vocabulaire et les tournures de phrases sont assez banales) mais sur le plan de la justesse de vision. Hans Fallada décrit avec tendresse et cruauté le monde des gens normaux. Une réalité à laquelle on s'identifie, des personnages ordinaires, prolétaires que l'on suit avec angoisse, colère et espoir.



J'ai beaucoup aimé ce roman. Les premiers chapitres sont un peu longs mais, une fois les nombreux personnages campés, on est immergé dans l'Allemagne souterraine qui essaie de résister à l'infamie nazie avec des armes bien fragiles, des grains de sable dans une machine infernale. Leurs actes semblent infimes, voire inutiles et pourtant, ce sont ces gens-là qui ont sauvé l'Allemagne. Sans eux, l'Allemagne était irréductiblement perdue.



Ce roman a été adapté au cinéma.
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Seul dans Berlin

Dès mon adolescence, dans une famille germanophile, j'avais entendu parler de Hans Fallada. Avec d'autres;

Puis il y a quelques deux ans, piochant dans les rayons de ma librairie préférée (à Chambéry), je suis tombée sur l'Edition intégrale. Et étant dans une période Europe de l'Est, allez hop, on y va.

Ah choc. Mais je l'ai lu comme un roman d'Agatha Christie d'abord et puis encore. Ce n'est ni dégradant pour l'une ni pour l'autre. Car Seul dans Berlin c'est comme un roman policier sauf que là les enjeux, c'est pas une tasse de thé ni un verre de sherry.

J'ai trouvé l'écriture très moderne. Cela aussi m'a époustouflé. La démarche de ce petit couple est aussi époustouflante. Et à travers leur médiocrité (avec tout le respect que l'auteur leur accorde), on comprend la montée de ces totalitarismes, de ces populismes. Politiquement ce livre est extraordinaire. Sur le plan littéraire, c'est une vraie oeuvre. A mettre dans toutes les mains et dans toutes les bibliothèques (nous venons de fêter les 30 ans de la destruction du mur de Berlin).

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Seul dans Berlin

En ce mois de mai 1940, l’Allemagne est tout à l’ivresse de sa victoire éclair sur la France. Les habitants d’un immeuble de la rue Jablonski, à Berlin, ont des façons bien différentes de vivre cette période. Les Persicke, nazis effrénés, sont en pleine beuverie; le fils cadet est la gloire de la famille, c’est un espoir des Jeunesses Hitlériennes, ses grand frères sont déjà des S.S. confirmés et le père est un national-socialiste bien imbibé de schnaps. Voici Emil Borkhausen, mari de la gardienne d’immeuble, véritable propre à rien, homme abject et ignominieux, qui ne rêve que de rapines et de dénonciations fructueuses et surtout d’aller “aryanisé” – périphrase commode pour parler de pillage - les effets de la vieille Rosenthal, qui vit terrorisée dans son appartement depuis que son mari a été déporté. Il y a aussi Eva Kluge, la postière harassée de travail, qui n’a pas supporté que son fils ainé, soit devenu un S.S. zélé, et qui vit séparée de son mari, Enno Kluge, personnage falot, fainéant, lâche , veule et méprisable qui vit au crochet des maitresses dont il sait si bien exploiter les faiblesses. Viennent enfin, et surtout, les Quangel, dont la vie s’est brutalement arrêtée depuis la mort du fils au front, et qui lentement, vont à leur humble mesure, basculer dans la résistance, en semant dans les cages d’escaliers, des cartes et des lettres dénonçant les mensonges et les abus du régime nazis.

Ce roman est donc une œuvre polyphonique, dont les protagonistes sont un microcosme représentatif de la population berlinoise durant la seconde guerre mondiale. Après une première partie un peu lente, le livre trouve sa vitesse de croisière et s’avère être un récit très prenant et poignant, particulièrement savoureux dans la présentation des types les plus abjects de profiteurs, qui pullulent durant ce genre de conflits armés.
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Seul dans Berlin

Je cherchais depuis quelques temps un livre sur la résistance en Allemagne écrit par un allemand ou au moins un roman qui narre le contexte en Allemagne de ceux qui n'épousaient pas forcément les idées nazies.

"Seul dans Berlin" répond parfaitement à cette attente, racontant le quotidien de différents personnages, vivant tous dans le même immeuble. Certains entre en résistance, d'autres profitent du système, certains encore subissent et se cachent.

Ce "pavé" de 700 pages se lit aisément. J'ai été impressionnée par la justesse des scènes, des descriptions, alors même que le roman a été publié à la sortie de la guerre. Difficile de parler alors de prise de recul, de recherches historiques de l'auteur Tout était déjà là, connu ou pressenti.

Une belle découverte que je conseille vivement.

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Seul dans Berlin

On pourrait voir dans ce roman juste une énième variation de ces récits qui pullulent sur la seconde guerre. Mais ici l'essentiel est ailleurs car Hans Fallada nous embarque dans l'intimité d'un petit groupe d'habitants d'un immeuble à Berlin en 1940, en pleine ascension du nazisme.



Les personnages, plus vrais que nature nous donnent une vision de la réalité qui a rattrapé les allemands et qu'on évoque si peu. L'auteur raconte la guerre vécue de l'intérieur, dans la chair des berlinois. Il y a à la fois de la cruauté et de l'affection dans le regard que le romancier porte sur ces personnages complexes.

D'une part on trouve les sympathisants dont l'idéalisme et le manque d'information ont poussé à s'engager dans les partis et vouer fidélité au Führer. Ils sont devenus de bons petits soldats, prêts à dénoncer leur voisin de palier et prêts à tout pour rester dans les bonnes grâces des officiers. D'autre part les résistants, qui ont vite compris l'ampleur de l'horreur qui se déroulait sous leurs yeux et qui ont refusé de cautionner l'infamie de ce régime. Ils résisteront à leur petit niveau, en aidant les opprimés, en protégeant les persécutés, au risque de leur vie.



Si le récit manque parfois de souffle, il frappe par la vérité de certaines situations, telles la vie en prison ou en camp de concentration.



Il met en lumière la vraie nature qui se révèle lorsque des hommes faibles, déséquilibrés et sans morale s'emparent du pouvoir.



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Seul dans Berlin

Ce livre a désormais sa place dans mon petit firmament de lectrice. Je l’avais découvert par hasard en m’adonnant au surf sur babelio.



Ce roman est un absolu chef-d’œuvre écrit dans l’immédiat après-guerre. Dans son préambule, l’auteur insiste sur le réalisme des faits qu’il raconte, en dépit du fait que c'est une fiction. Je vois souvent ce genre de précisions, mais dans ce cas, cela prend une dimension particulière.



Ce roman a été inspiré à Hans Fallada par un fait-divers de résistance berlinois. En réalité, il couvre plusieurs actes de résistance réalisés dans le secret par des gens risquant leur vie à chaque minute, l’humanité qui se dresse contre l’inhumanité. Plus particulièrement, parmi eux, l’auteur a exploré l’histoire d’un couple ayant distribué des cartes postales de 40 à 42, en les déposant dans des lieux où il régnait du passage, comme des immeubles de bureaux. Otto Quangel, et son épouse Anna, décidèrent de rédiger ces cartes de résistance à la mort de leur fils au front.



Dans les premiers chapitres, le roman décrit l’atmosphère angoissante de la ville de Berlin, sous la domination de la politique hitlérienne. Les dénonciations obligatoires, l’étoile jaune pour les juifs traqués par tous. Certains s'exercent au chantage. La Gestapo envoie des taupes exactement dans tous les coins. La misère règne.



Dans cette atmosphère, difficile de connaître le vrai visage des gens, préoccupés qu’ils sont à sauver leur peau, ou leur place.



Des cadres du parti nazi complotent contre une vieille juive, en préparant une expédition nocturne dans son appartement. Dans ce début, Hans Fallada décrit les interactions entre voisins vivant dans le même quartier, et le cours des événements est très cruel.



Plus tard, il y a l’histoire des cartes postales. Une opération « oiseau de malheur » menée par la gestapo, devient très chaotique, avec une première cible extrêmement fuyante, ce qui fait pencher le genre vers le grotesque, de façon irrésistible.



Hans Fallada déploie une justesse et une ingéniosité que j’ai adoré dans son récit. Je ne trouve pas d’autres mots que celui de « mécanique » pour exprimer la façon dont ce roman se déploie. Ponctuellement, un humour absurde imprègne les pages et donne un relief remarquable à la narration, comme si l’humour était un autre aspect du réalisme de la vie que l’auteur désire restituer à côté de celui de la sauvagerie et du tragique de la guerre.



Les personnages sont contrastés et nuancés, même les brutes. Des scènes intenses et fortes, des moments qui m’ont bouleversée et qui resteront inoubliables.

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Le Buveur

Erwin Sommer est-il un crétin ? Quelque part sûrement... un homme que le manque d'assurance, la soif de reconnaissance tant au niveau professionnel que personnel rend bête, tendance paranoïaque. Il le dit lui-même, il est mou, il l'a toujours été. Il s'en accommode de façon illusoire et finit par développer envers sa femme "active", "compétente" comme il dit, une aversion irraisonnée, un malaise et une souffrance que le premier verre de vin va apaiser de façon soudaine et inattendue. le piège s'est refermé. Soudain Erwin Sommer se sent invincible, brillant, sûr de lui, conquérant et.... niais. Il "s'évade", il "vit", il ne mesure plus la conséquence de ses actes, ou il s'en fiche. Il tombe amoureux d'une serveuse d'auberge qui n'a que mépris pour lui et qui le roule dans la farine. ll se laisse berner par un logeur filou qui le tient par l'alcool, il se fait voler, dépouiller, il cambriole sa propre maison. C'est drôle et pathétique. Derrière les "idioties" de Sommer se profile l'aliénation de la dépendance, l'illusion de l'alcool, la déchéance physique et morale, la souffrance psychique des drogués, le désespoir ténu de ceux qui se savent dépendants et qui tournent en rond dans leur cage de verre, se sentant prisonniers de leur "poison" le réclamant et le reniant. Après la case prison, c'est la case maison "de santé", asile plutôt. Sommer est interné pour "désintoxication", en fait il est jugé irresponsable, déchu de ses droits élémentaires, mis sous tutelle. "Sans autre forme de procès" comme dirait La Fontaine. Quand Hans Fallada aborde les pages de l'internement, le ton s'assombrit encore plus. Les pages sont magnifiques, cruelles et désespérées. Malgré sa "crétinerie" on espère de tout coeur qu'Erwin Sommer" s'en sortira. Mais comme il le dit, il est dans la maison des morts. Hans Fallada, dépendant lui aussi de l'alcool, dépendant de la drogue a connu l'internement sur une période assez courte, mais est-ce vraiment "assez court" ? La lucidité de Sommer est la sienne, la lucidité sur sa propre déchéance, sur sa situation présente et future, sur la nature humaine. Et toujours comme un leitmotiv blessant, revient sur la fin du récit, cette soif de reconnaissance et d'amour jamais assouvie et jamais concrétisée. Ce manque terrible qui a scié ses nerfs et sa raison et l'a précipité dans les paradis artificiels pour supporter la charge de son existence. J'aurai aimé savoir d'où venaient ce manque d'assurance et ce besoin impérieux d'approbation sociale et intime de Sommer. Que c'était-il passé avant pour qu'il développe ce désamour de lui-même et cette frénétique quête ? D'une belle écriture ample, simple et pourtant tourmentée, avec cette pointe d'acidité et de dérision qui caractérise la lucidité et la désespérance d'un être, Fallada nous brosse un portrait intimiste et universel d'homme blessé.

Pour tout dire, je voulais lire "Seul à Berlin" mais j'ai eu envie de commencer par un autre livre de Fallada, moins "emblématique". Je ne regrette nullement, c'est un livre superbe ou tout est dit et abordé dans cette histoire absurde d'un bourgeois en mal de reconnaissance qui décide un jour de plonger son nez dans un verre de schnaps...
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Seul dans Berlin

Un roman totalement prenant, un véritable coup de cœur pour moi.

Pour résumer très simplement, il s'agit de la vie d'allemands très ordinaires entre 1940 et 1943. Ils vivent à Berlin et grâce à ce roman, on plonge dans leurs esprits : comment les allemands ont-ils réagi sous le régime hitlérien? quelles ont été les manières de pensée? les réactions? et surtout : comment résister?

Je ne peux que vous inciter à le lire, les premiers chapitres sont peut-être un peu longs car ils mettent en place les différents personnages mais ensuite, vous ne pourrez vous en détacher.
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Seul dans Berlin

Primo LEVI disait, que ce livre était " l'un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie". Que dire de plus, si ce n'est que tout au long de cette lecture, je me suis demandée comment j'aurai supporté la pression très angoissante dans Berlin à cette époque, aurais je eu le courage de résister ? A lire absolument pour le devoir de mémoire.
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Seul dans Berlin

Cela faisait longtemps que je voulais lire ce roman écrit par un allemand juste après la deuxième guerre mondiale, parce qu'il était souvent cité comme une référence sur la vie au jour le jour dans un état totalitaire.

Il raconte en effet le quotidien des habitants d'un immeuble à Berlin à compter de 1940, et plus particulièrement, le destin d'un couple qui se met à écrire et à déposer aux quatre coins de la ville, des cartes postales critiquant le régime en place.



J'avoue que j'ai failli abandonner ma lecture à plusieurs reprises parce que les personnages développés dans la première partie ont vraiment eu du mal à captiver mon intérêt (les longs passages sur Enno ou Barkhaunsen m'ont vraiment ennuyée par exemple). C'est lorsque le récit se resserre autour du couple Quangel qu'il prend, à mon sens, toute son ampleur, mais que de longueurs auparavant…D'autant que le style n'a rien d'exceptionnel non plus.



Hormis cette importante réserve sur une partie des personnages, j'avoue qu'il décrit parfaitement les rouages d'une société vivant sous le carcan d'un état totalitaire :

La peur en premier lieu qui pousse à ne rien faire et à subir en silence, l'arbitraire qui fait que la vie de chacun peut basculer à tout moment pour un motif futile (par exemple, le simple fait de connaître « un résistant » ou d'être de sa famille peut vous envoyer à la torture et à l'échafaud même si vous ignorez tout de ses activités et il est donc absolument impossible d'être en sécurité dans un tel régime), la vulgarité et la violence de ses élites (ici les SS qui recrutent des hommes primitifs et valorisent leurs plus bas instincts), la propagande permanente et l'endoctrinement via les Jeunesses Hitlériennes, les employeurs etc.,



L'auteur décrypte parfaitement comment une société tout entière peut basculer puis être maintenue dans un régime délirant et d'une violence inouïe. Un message à ne jamais oublier. C'est là qu'est sa réussite.



L'atmosphère est donc très noire à l'instar d'une partie des personnages. Le malheur, la peur, les dénonciations, la petitesse sont dans toutes les pages. Le plus beau passage à mon sens est celui de la rencontre en prison d'Otto et du chef d'orchestre.

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