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Critiques de Hanya Yanagihara (213)
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Une vie comme les autres

Dans ce roman très sombre on suit le parcours de quatre amis sur plusieurs décennies. Chacun de ces garçons ayant fait de brillantes études, ils excellent dans leur domaine, qu'il soient artistes, avocat ou architecte, et évoluent dans le monde new-yorkais.



Le livre se construit autour du personnage énigmatique et solaire de Jude.

On sait qu'il souffre, on se doute de la nature de ses blessures, on voudrait comprendre.

L'auteure ne nous épargne en rien les détails lorsque l'enfance puis l'adolescence de Jude nous apparaissent sous la forme de bribes de souvenirs, dans toute leur noirceur.



Jude exerce une fascination, un émerveillement, un trouble, sur le groupe. Il l'exerce aussi sur le lecteur. Comme un magicien, habile dans l'art ne pas dévoiler toutes ses blessures, il s'immisce dans nos pensées, il y plante des images, des cauchemars, et si peu d'espoir. Il oscille entre la peur et la haine de soi, sans jamais oser espérer le bonheur.



Une histoire où tout est extrême — trop d'horreur, trop d'amitié, trop d'amour, trop de talents — pour que l'histoire paraisse crédible. Des personnages bons (avec quelques failles pour .JB., mais si peu), d'autres horribles. Comme dans un conte de fées de noir vêtu jusqu'à la fin.



Cette histoire a cependant l'intérêt de nous embarquer au cœur des hommes, au plus profond de ce qu'ils sont capables d'accomplir, en bien comme en mal. Et aussi de se construire sur un schéma différent de ce qu'on attendrait de la vie de ces hommes au fil du temps. Ce sont toujours de grands garçons , des "Peter Pan", qui ont su sauvegarder leur belle histoire d'amitié, tout au long de leur vie. Ils s'épanouissent différemment de la norme.



Le cas de Jude est à part. C'est un adulte enfermé à jamais dans l'enfer de son passé. Et tout au long des pages, on le voit toujours comme un enfant blessé, qui ne sait pas recevoir, ni se voir tel qu'il est.



Un roman qui souffre de longueurs, de répétitions de scènes trop ciselées, trop précises. On a l'impression d'être dans un labyrinthe où toutes les portes ne mèneront de toute façon à aucune issue positive, quoiqu'il se passe. Un labyrinthe de l'enfer.



Au final que peut-on retenir de cet intense roman noir ?

Une histoire émouvante où l'essentiel de la narration traite des traumatismes de l'enfance. Leurs impacts sur la vie sont- ils réparables, quand ils sont si profonds ?

Il aborde aussi d'autres thèmes, sur la famille, la vieillesse, l'homosexualité, l'addiction.

D'autres questions aussi :

Jusqu'où l'homme peut-il aller dans sa cruauté, dans sa capacité à supporter la douleur et la solitude, à souffrir de l'abandon, à comprendre l'autre, à partager, à donner ?

Est-il encore humain quand il se montre parfois si cruel ?



C'est un roman sur la vie et les hommes, où chacun voudrait une vie comme les autres, humaine, avec ses instants de bonheur. Bonheur qu'on ne sait pas toujours expliquer.



C'est un roman perturbant, angoissant. Les faits paraissent exagérés car ils sont insupportables, mais la vie nous démontre parfois que l'homme est cruel, et que peut-être nous sommes trop naïfs.



Je remercie la Masse Critique de Babelio et les Éditions Buchet-Chastel pour ce roman qui ne laisse pas indemne, qui montre une facette de l'homme qu'on préfèrerait ne pas voir.







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Une vie comme les autres

Tel que son éditeur le présente – la chronique sur trente ans de quatre amis de fac venus conquérir New York, un grand roman américain au souffle puissant !... – je m’étais dit qu’Une vie comme les autres avait tout me plaire. Peut-être l’occasion de me racheter auprès de Babelio après avoir égratigné le précédent ouvrage qui m’avait été proposé à la critique.



Un grand avocat, un grand acteur, un grand peintre, un grand architecte. De vraies réussites pour les quatre amis de fac, chacun dans sa spécialité, avec argent et célébrité à la clé. Mais n’allez pas imaginer une grande fresque romanesque, conforme aux canons du rêve américain, empreinte d’optimisme, d’aventures et de victoires, juste écornées comme il se doit par les contrariétés et les peines qui ne manquent pas de frapper ceux qui sacrifient leur vie privée à leurs objectifs professionnels. Dans ce roman, les brillantes success stories des quatre personnages ne sont qu’une toile de fond.



Une vie comme les autres est un roman intimiste sombre, très sombre. Tellement sombre dans certaines pages, qu’il m’a inspiré par instant – à l’opposé d’un genre littéraire qui fait fureur aujourd’hui – un fort sentiment de feel bad.



Le livre est essentiellement consacré au parcours de l’un des quatre amis. Cet homme, Jude, mène une vie qui donne l’apparence d’être comme les autres. Il s’emploie activement à donner cette apparence, avec, en façade, une brillante et profitable carrière d’avocat.



Mais en réalité, sa vie n’est pas une vie comme les autres. Jude traîne un handicap, une difformité ou un blocage – ou peut-être les trois à la fois ! – qu’il s’efforce en permanence de dissimuler, mais dont les stigmates échappent certains jours à son contrôle. Il porte aussi la mémoire d’une vulnérabilité qui ne s’efface jamais, et le pressentiment d’une culpabilité dont il ne parvient pas à se libérer. Un pressentiment secret qui ronge son estime de soi et le conduit à s’infliger des scarifications, des automutilations à la lame de rasoir, qui au final ne font qu’aggraver ses disgrâces physiques et psychologiques.



Peut-on mener une vie comme les autres quand on a eu une enfance pas comme les autres ? Une enfance dont les monstrueuses circonstances ne sont dévoilées que tardivement au lecteur. Pas besoin cependant d’être grand clerc pour lire entre les lignes et vite comprendre que l’enfance de Jude l’aura mené d’avilissements en avilissements, dans une véritable corruption du corps et de l’âme qui lui a été imposée à son corps défendant – une expression qui prend vraiment tout son sens –, jusqu’à l’« accident » final qui lui vaudra son handicap physique.



Beaucoup de longueurs, de détails et de répétitions dans le récit, qui semble pourtant enfermé dans une sorte de rythme circulaire en trois mouvements schématiques. Dans un premier temps, ses amis implorent Jude de leur expliquer l’origine de ses accidents de santé récurrents. Deux, Jude se dérobe, sous des prétextes qui sont toujours à peu près les mêmes. Trois, se sentant coupable de son manque de transparence, il se punit par de nouvelles scarifications, aggravant encore ainsi son état de santé. Ses amis, intervenus pour lui prêter assistance, demandent à comprendre... bouclant ainsi la boucle.



Difficile d’être captivé pendant les huit cents pages de ce roman, si l’on n’éprouve pas une empathie sincère pour ses personnages, d’autant plus que la lecture n’en est pas toujours fluide. Peut-être influencé par les ouvrages que j’avais lus précédemment, j’ai été contrarié par la rugosité du texte, par la banalité et le manque de finesse de son écriture en français, sans que je puisse dire s’il reflète le style de Hanya Yanagihara, ou si la traduction manque de polissage.



Une vie comme les autres plaira surtout à ceux qui portent un intérêt particulier, voire personnel, aux grands thèmes qui y sont développés, les séquelles de l’enfance abusée, l’addiction à l’automutilation, l’homosexualité masculine.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Une vie comme les autres

♫ Les Quat'zamis

Sont contents quand ils sont réunis

Les Quat'zamis

Sont heureux car ils aiment la vie ♪



Effectivement au nombre de quatre, Willem, JB, Malcolm et Jude, je pose trois et je retiens un, ils se sont juré amitié et soutien indéfectible alors qu'ils n'étaient encore que de jeunes adultes emplis de fougue et d'ambition légitime au regard du potentiel de chacun.

Heureux d'être ensemble, assurément.

Heureux car ils aiment la vie mériterait un sérieux bémol. J'en vois un qui traine sérieusement la patte sur le guilleret chemin de la vie. Oui, Jude, inutile de te cacher, tu es le maillon faible. L'élément perturbateur du quatuor. Le quidam éprouvé, furieux adepte des idées noires de Franquin, qui aura cependant le plus touché mon p'tit coeur de lecteur pourtant rompu aux pires atrocités.



Une Vie Comme Les Autres est le bouquin des "trop". Pas de trop, loin s'en faut.



Bien trop long à démarrer, il aura nécessité pas moins de trois boites d'escargots Gérard, format familial, pour susciter un quelconque intérêt de ma part. Un envol pris tardivement page bien trop loin mais qui aura eu le mérite d'asseoir un récit particulièrement captivant et éprouvant par la suite.



Une ambiguïté fondatrice sur le passé de Jude usée jusqu'à la corde.

Le suspense, c'est bien. Mais sur 800 pages, penser à parsemer la bête de moult rebondissements histoire de fidéliser le chaland, c'est pas mal non plus.



A trop charger la mule qu'à la fin elle se casse. Proverbe cité de mémoire conjecturalement poreuse.

Jude est un catalyseur à emmerdes. L'incarnation vivante du malheur et de l'affliction qui en découle.

Le chemin de croix de JC, à côté, c'est Alice au pays des merveilles.



Nonobstant ces quelques griefs personnels, Hanya Yanagihara interroge véritablement sur le sens de la vie, de l'amitié et sur sa capacité personnelle à transcender un passé chaotique par trop prégnant.

L'amour et l'amitié comme remparts ultimes à la noirceur morbide qui squatte vos synapses inlassablement, y a pire comme sujet.

Si l'univers qui vous est ici proposé est monstrueusement friqué, il prouve que le bonheur ne se déclame pas à l'aune de sa réserve à biffetons.

L'interaction entre ces quatre potes est intéressante mais peine à faire vibrer le curseur plaisir comme le fera ultérieurement et sans discontinuer l'ami Jude et sa cohorte de révélations sordides.

Le style relativement sans relief de l'auteure ne l'empêchera pas de toucher, de temps à autre, au sublime.

En effet, le lecteur, en totale empathie avec ce prétendu serial loser autoproclamé, pourrait même avoir le palpitant au bord des larmes. Des moments de grâce bien trop rares pour faire oublier les innombrables pages ronflantes qu'il aura fallu se fader auparavant.



Une vie comme les autres est un bon bouquin qui aurait gagné en intensité s'il avait affiché quelques centaines de grammes en moins sur la balance.



Merci à Babelio et aux éditions Buchet-Chastel pour cette déprime passagère...



PS: gros bémol sur la couv', véritable pub vivante pour les dragées F**aaaa...
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Une vie comme les autres

JB, Malcolm, Willem et Jude. Ils sont quatre, se sont rencontrés sur un campus universitaire et ne se sont plus quittés des bancs de la fac jusqu'à leurs premiers pas à New-York et la consécration de leurs carrières. JB, c'est le peintre. Il est d'origine haïtienne, aperdu son père très tôt et a été élevé par des femmes, sa mère, sa grand-mère et sa tante. JB est sûr de son talent, ambitieux, persuadé qu'un jour il sera au sommet. Pour réussir, il est prêt à tout et n'hésite pas à profiter de ses amis, voire à les trahir. Malcolm, c'est l'architecte. Il est métis, sa famille est riche, il a vécu chez ses parents jusqu'à près de 30 ans. Malcolm est discret, gentil, serviable. Il a du mal à prendre son envol, il hésite à ouvrir son propre cabinet d'architecture, par peur de décevoir ses parents. Willem, c'est l'acteur. Il est né en Suède dans une ferme avec des parents taiseux et un frère polyhandicapé dont il s'est beaucoup occupé. Il est beau sans le savoir, d'une gentillesse rare, dévoué à ses amis. Jude, c'est l'avocat. De ses origines, il ne sait rien, de son passé, il ne dit rien. Jude a vécu l'enfer et son corps en garde les séquelles, il boîte et souffre beaucoup du dos. Moralement, il est aussi très marqué mais il refuse de se confier, accorde difficilement sa confiance, se bat pour mener ''une vie comme les autres''. Ses amis sont une bénédiction pour ce solitaire dans l'âme, surtout Willem dont il est très proche.

Durant trente ans, nous allons suivre ce quatuor inséparable, de leurs débuts à leurs succès les plus éclatants. JB, Malcolm, Willem et surtout l'insaisissable Jude, diminué mais charismatique, sombre et solaire à la fois. C'est lui qui cristallise l'amitié des trois autres, toujours là pour l'aider, le soutenir, le protéger malgré son souci constant de ne pas être un poids, de se débrouiller par lui-même.



4 amis, 30 ans et...813 pages. C'est un poil long pour découvrir les terribles secrets de Jude. Hanya Yanagihara n'en finit pas d'entretenir un suspense lancinant en distillant des informations (toujours sordides) sur le passé de cet homme qui n'a vraiment pas eu de chance, tombant entre les mains des pires prédateurs les uns après les autres. Cette accumulation tend d'ailleurs à rendre son récit peu crédible. Et même si l'on passe sur le fait que ce cher Jude n'a vraiment pas eu de chance, il reste son comportement exaspérant tout au long de sa vie d'adulte. Lui qui se veut discret, qui n'aime pas solliciter l'aide des autres, est en fait constamment en demande. A force de vouloir tout faire tout seul, il commet moultes erreurs qui font de lui un boulet. Comment ses amis supportent-ils cela de longues années durant ? Grâce à leur bon cœur, bien sûr ! Que de grands sentiments, d'amitiés indéfectibles, de fidélité, d'amour même ! Mais malgré tout cela, Jude reste enferré dans son passé. Il a tellement été battu, exploité, humilié, rabaissé qu'il ne croit plus qu'on puisse l'aimer, qu'il s'imagine sale, laid, repoussant,mauvais. Et tous les témoignages d'affection autour de lui n'altèrent en rien cette idée qu'il ne vaut rien...Seules les scarifications qu'il s'inflige le soulagent un peu de sa douleur morale. Alors il ne se prive pas ! Il se lacère les bras à tout-va, causant le désespoir de tous ses proches.

Bref, ce personnage est un sac d'ennui qui met quotidiennement à l'épreuve l'amour de ses amis et la patience du lecteur.

Par ses excès, l'auteure a voulu créer l'empathie chez le lecteur et cela marche pour certains. D'autres seront saturés par toute cette noirceur, ne croiront pas à cette malchance chronique et s'impatienteront devant un Jude qui aspire au bonheur sans se donner les moyens de l'atteindre. Le roman n'est pas mauvais, il se lit comme une saga américaine où les gens sont beaux, gentils, très riches et vivent dans l'opulence en plein cœur de Manhattan. Il aurait gagné à être plus nuancé et aussi plus court. Par contre, il faut avoir le cœur bien accroché pour supporter la vie désastreuse de Jude, âmes sensibles, s'abstenir.



Un grand merci à Babelio et aux éditions Buchet Chastel pour leur confiance.
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Une vie comme les autres

UNE VIE COMME LES AUTRES

de Hanya Yanagihara

traduit par Emmanuelle Ertel

Éditions Buchet ● Chastel



******* ❤ C O U P  D E  C O E U R ❤ *******



Pendant une trentaine d'années, on suit le parcours de quatre amis qui se sont rencontrés à la fac (Malcolm, JB, Wilhem et Jude), mais le récit tourne principalement autour de Jude.



Jude est un écorché vif. Il garde ses traumatismes au plus profond de lui et est incapable de les partager avec les personnes qui l'aiment. C'est un être constamment tiraillé entre la résignation que sa vie puisse continuer comme toujours et l'espoir que son existence change. Et Jude a beau essayer de dominer ses souvenirs, ils reviennent sans cesse pour l'assaillir, tels des hyènes sur une charogne.



Les mots me manquent pour vous parler de ce livre magnifique et bouleversant qui parle d'amitié, d'amour et surtout de la vie. L'histoire est triste avec des pages très douloureuses et malgré tout, il se dégage une telle beauté de ce texte... que je ne crois pas avoir lu, depuis "Albertine disparue", d'aussi belles pages sur la disparition d'un être aimé.



Quand aux personnages, ils sont tellement réels que l'on ressent une forte empathie pour eux.



Je sais que certains lecteurs ont trouvé des longueurs à ce roman mais ce n'est pas mon cas (en même temps, j'adore les "pavés" et j'avoue avoir de la peine avec les nouvelles). Pour ma part, aucune page n'est superflue et j'en aurais volontiers pris une centaine de plus.



Je l'ai lu juste après "My absolute darling" et les thèmes sont similaires mais, surtout, complémentaires. En fait, "Une vie comme les autres", à sa façon personnelle, prolonge "My absolute darling".



Et la traduction d'Emmanuelle Ertel est aussi belle que ce roman.



Je terminerai par une phrase du livre :



"L'amitié n'était-elle pas en soi un miracle, le fait de trouver une autre personne qui rendait le monde entier et sa solitude en quelque sorte moins solitaires ?" (p647)
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Vers le paradis

Énorme coup de coeur

Vers le paradis, quel titre ! En trois parties nous assistons à la déliquessence d'une société idéale.

Où est le paradis ? Certainement pas dans cet état vendeur d'espoir et de misère.

Dix-neuvième siècle : une romance qui deviendra une légende. Dans une société homosexuelle où les mariages sont arrangés pour conserver le patrimoine. Un homme devra choisir entre la sécurité financière ou l'amour et l'exil.

Vingtième siècle : un père, un fils et leur besoin de protection. Là ou l'un va se perdre, le deuxième réussira tout en s'en voulant d'être dépendant.

Vingt-et-unième siècle : Un univers effrayant avec des épidémies, une absence de liberté, des êtres désincarnés sans la moindre émotion, la déchéance totale de l'humanité, une répression sans limite, l'horreur complète.

Le passé est découvert grâce aux lettres envoyées à Peter par le narrateur. La correspondance de Charles avec Peter son vieil amant, ses états d'âme, sa famille qu'il a sacrifié sans s'en rendre compte en essayant de sauver un maximum de personne et puis ce coup du sort avec Charlie, sa petite-fille différente, victime de l'épidémie dont il voudra assurer l'avenir.

C'est sombre, « plombant », grandiose, magistral tout va crescendo jusqu'à … Je ne dévoilerai rien.

Mariage arrangé, solitude, pouvoir , identité sexuelle, amour, stérilité, racisme, épidémie, pouvoir, dictature, handicap, trois parties pour démontrer le positif et le négatif. Une dystopie où les personnages portent tous les mêmes prénoms. Seul lien entre les trois époques une demeure dans Washington Square.

Une mise en garde contre l'État, le pouvoir qui donne et reprend selon son bon vouloir. Une invitation à agir avant qu'il ne soit trop tard.

Hanya Yanagihara met des mots, décrypte des émotions qui nous laissent sans voix. Elle a tout d'un grand auteur ! 800 magnifiques pages à lire absolument.

Merci aux éditions Grasset

#Versleparadis #NetGalleyFrance

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The People in the Trees

Ce roman nous donne à lire les mémoires fictifs du Dr Norton Perina, édités et corrigés par son ami le Dr Ronald Kubodera. Perina, après avoir reçu son diplôme de docteur en médecine, est choisi par l'anthropologue Paul Tallent pour partir explorer la petite île micronésienne de Ivu'Ivu, sur laquelle des humains pourraient vivre des siècles en parfaite santé physique mais avec un déclin mental accéléré, après avoir ingéré la chair d'une certaine tortue « opa'ivu'eke » qui ne vit que dans un lac de cette île. En outre, Perina, qui a ramené et adopté des dizaines d'enfants de l'île, est accusé d'abus sexuel sur eux. ● le roman s'inspire de la vie du Dr Daniel Carleton Gajdusek, Prix Nobel de médecine 1976, condamné en 1987 pour abus sexuels sur mineurs après avoir ramené une cinquantaine d'enfants de Micronésie et de Papouasie-Nouvelle-Guinée. ● Mon résumé ne divulgâche rien car tout nous est exposé dès les première pages du livre. C'est bien un des deux défauts majeurs de ce roman complètement raté, l'autre étant de présenter des longueurs d'un ennui abyssal. C'est extrêmement mal construit, d'une incroyable maladresse, et en plus très verbeux, d'un style trop classique et même ampoulé, avec des phrases interminables truffées de parenthèses et d'incidentes qui rendent souvent le propos confus. ● Et lorsque le « Postscript » arrive, enfin, nous donnant le seul élément qui nous manquait, on l'a deviné depuis longtemps ! ● Quelle déception que ce roman, le premier publié par l'autrice, le deuxième étant Une vie comme les autres (A Little Life), que j'ai absolument adoré au point que j'en fais un des meilleurs romans qu'il m'ait été donné de lire ! ● Un troisième roman est programmé pour novembre 2022, To Paradise : espérons qu'il sera plus proche du deuxième que du premier !
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Une vie comme les autres

Comment parler d'un livre qui vous a pris aux tripes pendant plus de 800 pages, vous a fait sangloter à de nombreux moments et vous a laissée finalement sans voix une fois la dernière page tournée ? Comment parler d'un roman dont la lecture fut parfois plus une épreuve qu'un plaisir, mais une épreuve dans le bon sens du terme, je ne parle pas d'un pensum mais d'une pente très ardue à gravir, d'un effort qui fait du bien parce qu'il nous invite à puiser dans ce que nous avons de meilleur en nous ? Oui cette lecture fut parfois physique tant j'ai eu l'impression que tout mon corps y prenait sa part. Et oui, elle laissera des traces.



Surtout ne pas se laisser impressionner par l'épaisseur et la densité de l'objet. Certes, au poids le lecteur en a pour son argent, au nombre de mots aussi. Mais surtout, il n'est pas près d'oublier la figure de Jude, héros central de cette saga qui suit sur près de quarante ans le destin de quatre amis new-yorkais qui se sont rencontrés au lycée ; Jude dont les mystères et les silences cachent des souffrances, des failles et une histoire terrible. Il y a Malcolm, l'architecte toujours en quête de reconnaissance, J.B. l'artiste-peintre talentueux mais n'hésitant pas à se nourrir de son entourage pour faire avancer son œuvre, le beau Willem devenu acteur à la notoriété certaine, et Jude que le handicap physique (il souffre le martyr et marche difficilement suite à un accident de la circulation survenu lorsqu'il avait quinze ans) n'empêche pas de devenir un redoutable avocat dans l'un des meilleurs cabinets d'affaires de Manhattan. Jude, persuadé qu'il ne mérite pas le bonheur.



S'il est question d'amitié entre ces quatre protagonistes, c'est autour de Jude que s'articule l'intrigue, Jude et ce passé qu'il s'applique à taire mais qui le hante, le contraint, le ronge. Un passé que le lecteur découvre peu à peu, au fur et à mesure que grandit sa relation avec Willem, l'ami indéfectible, et celle qu'il noue avec Harold, véritable père de substitution. Autour de Jude se tissent des liens d'amour fantastiques alors même que certains perçoivent sa détresse et sa fragilité sans avoir réellement idée de l'horreur dans laquelle elle puise ses racines. Cet amour, pur et désintéressé est l'une des choses les plus magnifiques qui m'aient été données de lire ces dernières années ; c'est lui qui fait jaillir les larmes, éclater les sanglots, penser qu'on aimerait tous tellement être aimés ainsi.



L'avantage de faire long, de s'attacher aux détails et aux moindres ressorts psychologiques des personnages c'est qu'on entraîne le lecteur au cœur même de l'intrigue. Il n'est plus lecteur, il est Jude. Il ressent, il souffre, il espère et il désespère. Il se demande comment il tiendrait, lui, s'il avait traversé les mêmes épreuves. A travers Jude s'affrontent la noirceur du monde dans ce qu'il a de pire et la beauté de l'amour dans ce qu'il a de plus merveilleux et de plus consolateur. Un combat de tous les instants, dont les répits sont désespérément trop courts.



Ce livre est d'une intensité dramatique rare, un pur "mélo" dans ce que le genre a de meilleur à offrir. Car il interroge notre façon d'appréhender la vie et ses souffrances inhérentes. Bouleversant et magnifique.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Une vie comme les autres

Un livre absolument bouleversant, malgré toutes ses outrances (trop de pages, trop "urbain", trop de réussite sociale, trop de souffrances) qui fouille très profondément au fond des affres les plus abominables et des grâces les plus sublimes de l'âme humaine.

Ils sont quatre amis pour la vie, rencontrés à l'université et que l'on suit sur quatre décennies. Mais c'est Jude qui aspire toute la lumière noire de ce sombre et beau roman, Jude l'éternel enfant irrémédiablement traumatisé par une entrée cauchemardesque dans la vie, Jude l'effacé, enfermé en lui-même, que ses trois amis couvent pourtant d'un amour indéfectible.

Je ne suis pas sûre que ce roman constitue, comme l'annonce l'éditeur, une réinvention du grand roman américain, mais ce dont je peux témoigner c'est qu'il est totalement fascinant, et qu'il exerce un attrait hypnotique sur le lecteur qu'il emmène dans de rares profondeurs émotionnelles.

Jude est un de ces personnages d'une densité telle qu'une fois rencontré, il devient une partie de soi-même.
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Une vie comme les autres

J'ai mis longtemps à lire Une vie comme les autres. Non seulement j'ai mis longtemps, mais j'ai dû faire des pauses (deux BD, deux brefs romans) à cause de la densité du récit et des abominations qu'a subies dans son enfance et que continue à subir le personnage principal. À vrai dire, j'ai failli abandonner avant la fin de la première partie, très touffue, où l'on côtoie pléthore de personnages et où on passe de l'un à l'autre sans réussir à cerner qui est qui. J'avais l'impression d'être conviée à une fête où tout le monde se connaît, mais d'être étrangère à ce groupe, et finalement de rester sur le pas de la porte à regarder évoluer les uns et les autres sans trop comprendre ce qui se passe… et c'est exactement, je crois, l'effet recherché. Cependant, dès son apparition, le personnage de Jude est tellement fascinant que je me suis obligée à continuer. J'ai bien fait : j'ai beaucoup aimé ce roman très noir et tragique.

***

Hanya Yanagihara nous invite à suivre quatre amis qui se rencontrent à l'université qui ne se perdront jamais longtemps de vue sur une période de trente ans. L'autrice nous les présente souvent dans des situations extrêmes dans lesquelles elle dissèque leurs motivations et fouille les tréfonds de leur âme. Chacun d'entre eux traîne avec lui les traumatismes de son enfance. Selon la variété des expériences vécues, chacun tente d'aborder puis de traverser l'âge adulte avec ses moyens. Deux d'entre eux ont vécu ce qu'on pourrait qualifier d'enfance normale, le troisième a perdu un proche qu'il adorait. Et nous découvrirons petit à petit, sans ordre chronologique, avec divers retours en arrière et des changements de narrateur, les secrets, les peurs, la douleur, le sentiment de culpabilité et le désespoir de Jude St Francis, le personnage principal, pivot autour duquel s'articule cette histoire.

***

Dans ce roman où n'évoluent pratiquement que des hommes et dans lequel les femmes sont dévolues la plupart du temps à des rôles de figurantes, de nombreux thèmes sont abordés grâce aux quatre amis et aux personnes qui les entourent. Il sera question d'amitié, bien sûr, mais aussi de racisme, d'homosexualité, d'automutilation, d'amour filial, d'art, de pédophilie, d'orientation sexuelle, de réussite professionnelle, de prostitution, et j'en oublie forcément. L'écriture de Hanya Yanagihara m'a parfois rappelé celle de Joyce Carole Oates : beaucoup de longues parenthèses souvent digressives, de développements entre tirets, de fréquents passages au style indirect libre et des rôles différents dévolus à l'italique. La qualité de l'ensemble se révèle pourtant inégale à cause de certains développements trop longs à mon goût, bien qu'ils ne soient jamais gratuits. Dans la traduction d'Emmanuelle Ertel, certaines fautes de syntaxe m'ont dérangée, particulièrement dans l'emploi des verbes pronominaux (il se garda la face, par exemple) ainsi que la suppression systématique de l'article défini devant le mot « Docteur », calquant l'usage de l'anglais, pour ne citer que ces scories-là. Dommage, mais il faut lire ce formidable roman malgré ses défauts : il est bouleversant.

***

Challenge multi-défis 2021 : # Le livre qui possède la couverture la plus moche de ma PAL !

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Vers le paradis

A vouloir comprendre, j'ai pour une fois regarder des avis tiers avant de rédiger le mien, j'ai lu que nous sommes grosso modo tous d'accord : la plume est belle, beaucoup d'idées que notre autrice partage dans cette dystopie (en effet, les USA sont divisés en deux, la guerre de Sécession ne s'étant pas finie exactement pareil que dans la réalité, et la partie du Nord reconnaît notamment le mariage homosexuel, beaucoup moins de racisme, etc). Le roman est lui-même divisé en trois parties autour d'un lieu particulièrement, et pour faire simple : 1893 (divisions en classes sociales), 1993 (années Sida), 2093 (pandémies). Jusque là, aucune difficulté. Et puis, on se rend compte qu'à chaque période, ce sont les mêmes noms et prénoms des personnages, qui n'ont aucun lien entre eux ni aucune suite entre les histoires (ou alors on est nombreux à n'avoir rien compris !). Autrement dit, c'est la confusion absolue. On a à peine finie la première histoire et l'appréhender, que le cerveau cherche des liens plutôt que se laisser porter (sans l'apprécier du coup - j'ai eu le sentiment d'attendre quelque chose), et, après être passé à côté de la deuxième, on attaque la troisième partie avec la magie en moins alors même que c'est la plus percutante. Voilà mon ressenti. Ces trois histoires sans lien, c'est perturbant en fait. Si j'avais su : il faudrait presque lire les trois avec une perte de mémoire entre chacune (mais on sait bien que non, l'oeuvre est une). Enfin, sans rien dévoiler, vous le savez désormais : prenez chaque partie dans son entièreté (même si le parallèle des homonymes est quand même troublant). Ou alors attendons une analyse littéraire, parce que le fond est bon. Challenge pour qui veut ? Et, si ce n'est un point commun essentiel : le libre arbitre face à des contextes, des périodes, des sujets différents. Chacun fait ses choix pour aller... vers le Paradis.
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Vers le paradis

J’ai terminé ce pavé tout aussi perplexe que je le fus pendant la seconde partie, en 1993 ! Non pas à cause de l’écriture qui, heureusement, est très agréable mais parce qu’il n’y a aucun fil rouge entre 1893, 1993 et 2093 !



Les prénoms sont identiques, les lieux sont identiques mais ce sont les seules choses qui ne changent pas ! La seconde partie n’est pas l’histoire des descendants de la première et tout autant pour la troisième ! Je n’ai donc pas compris le pourquoi de ces similitudes et ce qui en résulte est assez embrouillé.



Toutes trois sont des dystopies et j’ai particulièrement apprécié la troisième, car j’avais compris à ce moment-là qu’il n’y avait rien à attendre des années précédentes.



Tout démarre à Hawaï et se continue à Washington Square ! J’aurais aimé savoir avant de commencer la lecture que c’était en réalité trois histoires indépendantes.



Plus de 800 pages, de dystopie de qualité ceci dit, dont je ne comprends pas le pourquoi !! Il y avait peut-être de meilleurs moyens d’aborder le racisme, l’homophobie et le temps qui passe inéluctablement et cruellement.



#rentreelitteraire2022 #Versleparadis #NetGalleyFrance



Challenge ABC 2022/2023

Challenge Pavés Thématique 2022

Pioche dans ma Pal octobre 2022 : Flaubauski
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Une vie comme les autres

Bouleversant! Je suis tellement entrée dans le récit que juste par égard pour Jude, qui a tellement souffert dans sa vie, je déconseillerais la lecture de ce roman pour ne pas le refaire souffrir encore et encore...

J'ai rarement lu un témoignage de tant de douleurs, où le corps lui-même devient le personnage principal, le centre de ce roman où on le voit maltraité, agressé, mais aussi résilient, aimé, désiré, soigné, où l'on le découvre sous des aspects peu connus, dans ses extrêmes, dans ce qu'il est capable d'endurer. Pour tout dire, je ne savais rien du thème du roman si ce n'est que ça évoquait l'amitié de quatre hommes sur plusieurs décennies, et si j'en avais su plus, je ne l'aurais peut-être pas lu, et pourtant.

Le roman est dense (800 pages) et palpitant, nous emportant dans des sphères empathiques inattendues. J'ai ressenti des sentiments, éprouvé des sensations auxquels je ne suis pas habituée. Arrivée vers la fin, je dois quand même dire que je commençais à m'épuiser de tant de pathos car, accrochez-vous futurs lecteurs, il y a peu de temps calme.

J'admire l'autrice pour cette capacité qu'elle a eu de décrire avec tant de justesse les émotions de chacun des personnages, mais en particulier ceux, très complexes, de Jude suite à cette enfance maltraitée. J'ai été bouleversée aussi par son entourage qui reste auprès de lui malgré les tempêtes traversées.

Un roman qui fait du bien, malgré tout.



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Une vie comme les autres

On suit une bande de potes, à l'aube de leur vingtaine, à New York et sur plusieurs dizaines d'années.



Jude, l'avocat au mystérieux boitement, glissement, Willem, l'acteur BG, JB, l'architecte, Malcolm, l'artiste peintre. Un pavé (plus de huit cent pages !) qui nous laisse le temps de nous imprégner des personnages, de leurs vies, leurs lubies, leurs désirs, leurs blessures, leurs erreurs, leurs souffrances.



La psychologie des personnages est très détaillée, ainsi que leur quotidien.On suit leurs existences, on grandit, on aime, on affronte (difficilement, douloureusement parfois) avec eux.



Les bonnes années succèdent aux mauvaises, et vice et versa. « Les Années d'ambition. Les Années d'insécurité. Les Années de gloire. Les Années de désillusion. Les Années d'espoir. »



Chacun a son histoire, son passé, ses secrets, mais c'est bien autour de Jude, le personnage le plus énigmatique de ce roman, que chacun des trois amis gravitent plus ou moins étroitement. Il est en souffrance, fragilisé par des événements de son passé que l'on découvre au fur et à mesure de la lecture. Une souffrance, une douleur viscérale avec laquelle il lui faut vivre.

« Lorsqu'il s'était promis qu'il n'essaierait pas de réparer Jude, il avait oublié que tenter d'élucider une personne revenait en fait à désirer la remettre en état : diagnostiquer un problème, et ensuite ne pas tenter de le résoudre, ne lui semblait pas seulement nonchalant, mais immoral. »

Un très grand roman sur l'Amitié et la souffrance. Un pavé troublant de vérités dont je suis ressortie soufflée. Un roman bouleversant, très émouvant, sombre, qui égratigne.



« Tu ne comprends pas ce que je veux dire maintenant, mais un jour tu comprendras : le seul truc avec l’amitié, je pense, consiste à trouver des gens qui sont mieux que toi – pas plus intelligents ou plus cool, mais plus gentils, plus généreux et plus indulgents -, et puis de les apprécier pour ce qu’ils peuvent t’enseigner et à essayer de les écouter quand ils te disent quelque chose sur toi-même, que ce soit une bonne ou mauvaise chose, et de leur accorder ta confiance, ce qui est le plus difficile. Mais aussi le plus gratifiant. »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Une vie comme les autres

"Il a l'impression, comme de plus en plus souvent, que son existence lui a été imposée, plutôt qu'il n'a joué un rôle dans son élaboration. Il n'a jamais été capable d'imaginer ce que sa vie pourrait être ; enfant, déjà, alors qu'il rêvait d'autres lieux, d'autres destins, il était incapable de visualiser à quoi ces autres lieux et destins pourraient ressembler ; il avait cru tout ce qu'on lui avait enseigné sur qui il était et ce qu'il deviendrait…"



Tout le combat de Jude pour mener une vie "normale", "ordinaire" au sens où elle ne laisserait rien transparaître des sévices endurés durant une enfance et une adolescence terrifiantes, tout son combat est là : faute de parvenir à imaginer et se projeter réellement hors des abominations subies vers cet autre destin, il ne peut que lutter contre les stigmates physiques et psychologiques du long calvaire constitué par ses quinze premières années.

Et cacher, mal, de plus en plus mal au fil du temps, la lamentable opinion qu'il a de lui-même, requiert tant d'énergie que cette dissimulation toujours manquée le consume.



Ce groupe de quatre garçons qui se rencontrent à l'université se suivront leur vie durant avec des hauts et des bas. Ils sont beaux ou au moins attirants, intelligents et souvent spirituels. Mais de JB Marion, Willem Ragnarsson, Malcolm Irvine, et Jude St Francis, c'est ce dernier, le plus jeune, le plus secret, qui polarise rapidement l'attention.



Le roman polyphonique, mu par une force centrifuge, se resserre très vite autour de lui, de ses silences, de ses secrets, de ses handicaps, de sa personnalité mystérieuse même pour les plus proches.



Les trois autres ont une certaine conscience qu'il a subi des traumatismes violents mais n'en savent pas plus et comprennent vite qu'il n'y a pas de question qui recevrait une réponse de sa part à ce sujet.

Ils prennent soin de lui en cherchant à respecter la distance qu'il impose à tous.



Tous les quatre vont se construire un parcours professionnel très satisfaisant et des conditions de vie matérielle extrêmement confortables, c'est le moins qu'on puisse dire.

JB est un artiste peintre qui rencontre rapidement le succès ; Malcolm ne grenouille pas longtemps dans le cabinet d'architectes où il joue les seconds couteaux, et crée son propre cabinet d'architecture dont l'envergure dépasse vite les frontières des États-Unis ; Willem voit sa carrière de comédien décoller après quelques années et devient un acteur de tout premier plan ; enfin, après avoir exercé ses talents au bureau du procureur, Jude décide de rejoindre un cabinet d'avocats très renommé et spécialisé dans la défense de grandes firmes et entreprises par crainte de ne pas pouvoir s'assumer matériellement.



Ils travaillent énormément, ne comptant souvent pas leurs heures, ce que Hanya Yanagihara souligne beaucoup.

Mais ils voyagent aussi amplement, et l'auteur fait passer cette idée que le monde est un playground à leur disposition de personnes très favorisées.

Deux notions très différentes dans le spectre d'une american way of life, entre méritocratie et une ouverture sur le monde réservée à des privilégiés tant sur le plan matériel que culturel.



Autant dire que Hanya Yanagihara n'a pas pris pour héros le tout venant new-yorkais…



Mais tout se concentre réellement, durant ces quelques quarante ans, sur leurs relations avec Jude, sur les traumatismes et les problèmes de santé de Jude, et sur les autres personnes intervenant dans la vie de celui-ci.



Le style se veut détaché, factuel et ne cherche pas à faciliter la lecture, souvent éprouvante voire too much pour ce qui est du parcours de Jude depuis qu'il a été trouvé par des moines à côté d'une poubelle derrière un supermarché (eh oui !), ou carrément DANS la poubelle selon le moine qui raconte…



On découvre de plus en plus rapidement qui parle à qui en progressant dans le récit, on reconnait les personnages, on voit venir les moments franchement pénibles.



Et comme on en prend pour plus de mille pages, on sait qu'il va falloir résister au KO suivant parce qu'on n'est pas encore au bout et qu'à l'évidence, Hanya Yanagihara n'a aucune raison de laisser ses lecteurs profiter longtemps d'acalmies après les uppercuts déjà infligés.



La traduction a constitué un obtacle pour moi, avec ses tournures pesantes et quelques ratés ; "fortitude", vraiment ? "Courage", ça n'était pas disponible ? Sans parler de ces "textes" dont il m'a fallu un moment pour comprendre qu'il était question de textos, un terme pourtant largement usité dès 2015… Mais d'autres lecteurs ont déjà évoqué quelques expressions et fautes piquant les yeux, et je veux bien croire que plus de mille pages, c'est un très très gros travail qui peut laisser passer des faiblesses.



Pourtant, je suis allée au bout du calvaire de Jude avec lui, espérant pour lui, désespérant de ce passé qui lui bouche sans cesse la vue et l'empêche de comprendre à quel point il mérite toute cette déferlante d'amour durant quarante ans sans qu'elle parvienne à rattraper le désastre des quinze premières années.



J'ai aimé chacun de ces quatre amis, et leurs amis avec eux.



Et si j'ai été atterrée par les abominations subies par le petit Jude, ce sont les blessures qu'il croit devoir infliger ensuite à ceux qui l'aiment pour se protéger qui m'ont bouleversée tant cela m'a paru réaliste.



Comment ne pas être renvoyée à celles qu'on donne pour se mettre à l'abri, qu'on reçoit pour avoir empiété malgré soi sur la frontière derrière laquelle l'autre cache ses cicatrices ?



Quels que soient les traumatismes, personne n'est indemne, et la polarisation de l'intrigue sur Jude n'empêche pas de prendre conscience que Malcolm, JB et Willem ont aussi à faire avec les leurs.

Ces quatre-là s'y emploient, avec plus ou moins d'adresse, plus ou moins de bonheur. Ils y sont aidés par d'autres, souvent.

Il y a de petits miracles et de merveilleux cadeaux.

Ils sont plus ou moins doués pour les accepter.



On ne guérit pas de son enfance…

On essaie, c'est tout.

Et c'est déjà pas mal.

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Une vie comme les autres

Quatre garçons soudés par l'amitié, aux parcours professionnels réussis (avocat, artiste, architecte, acteur: la bande des A): un microcosme masculin entourant et protégeant le plus singulier d'être eux, brisé dès l'enfance dans son corps et son esprit.



Tout est excessif dans cette histoire. Les milieux branchés new-yorkais, la vie de célibataires, l'addiction, la dépendance et le handicap, les familles compliquées, inexistantes ou trop présentes, l'homosexualité, les états d'âme creusés jusqu'à l'os, aux frontières de la psychothérapie, avec son lot de perversions et violence. Même l'amitié très (trop) intime apparaît suspecte.



Et c'est cet aspect narratif si particulier qui donne toute l'originalité au récit, si tant est que le lecteur ne finisse pas noyé par l'écriture, travaillée à l'excès et pourtant sans élégance, entremêlant le quotidien des personnages sur plusieurs années à des digressions de toutes sortes.



Il ne faut pas non plus être grand clerc pour comprendre assez vite le traumatisme subi par le plus fragile d'entre eux, et dont la compréhension tardive tient le récit en haleine fatiguée et le lecteur révulsé qui demande grâce.

Et puis cette page de couverture! Comment ne pas la trouver accrocheuse et légèrement ambiguë.



Long, bien trop long...

Un livre sombre et étouffant, très typique d'une certaine littérature nord-américaine, que j'aurais pu aimer pour le fond mais dont la forme m'a mise au tapis.

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Une vie comme les autres



Disons-le tout de suite et sans faire de belles périphrases : j’ai été bouleversée par ce roman.

Ils ont 4 étudiants qui se lient d’une forte amitié. Elle perdurera pendant des décennies.

Nous sommes à New-York, de nos jours, sans que l’espace temporel soit très important. Les événements extérieurs n’ont que peu d’impact sur ces liens si forts, si humains (aucune mention des attentats du 11 septembre, par exemple).

Au sein de ce groupe, Jude est le personnage central. Taiseux, handicapé, généreux, brillant, il concentre l’attention de chacun des trois autres alors même qu’il ne souhaite ne vivre qu’une vie comme les autres.

Son passé, que le lecteur va découvrir par bribes est semé d’horreurs et fera de lui cet homme si particulier, si attachant.

L’approche psychologique est juste parfaite. Elle appréhende chacun à l’aune de son univers, son histoire mais aussi de tous ces petits riens qui nourrissent l’existence. L’auteur ne craint pas d’entrer dans les détails mais avec justesse, profondeur, empathie, compassion.

Elle sait décrire les joies, les peines, les chagrins, le bonheur. Elle sait aussi mettre le lecteur devant la cruauté et la malfaisance sans pathos, les faits parlent d’eux-mêmes. Elle s’attache davantage au ressenti des personnages, de leurs remises en question, leur questionnement.

Plus de 800 pages mais rien de trop. A ne pas manquer

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Une vie comme les autres

Quatre jeunes gens partagent leur logement à l'université et deviennent amis. Chacun dans sa spécialité professionnelle va connaître une réussite éclatante, une grande reconnaissance et un formidable succès matériel. Mais qu'en est-il du bonheur ? En particulier pour Jude, sans famille ni possessions, dont la vie avant l'université est un mystère dont il ne souhaite pas vraiment parler, même si on se doute qu'il a dû vivre des choses difficiles. Il a en plus de gros soucis de santé. Mais il réussit brillamment dans ses études et éveille la sympathie chez ses colocataires à priori plus favorisés. Nous suivrons leurs vies, celle de JB, peintre, Willem l'acteur, Malcolm l'architecte et surtout celle de Jude qui deviendra un avocat redoutable et redouté.



Je préfère l'avouer d'emblée, j'ai tout simplement détesté ce livre. Je reconnais toutefois qu'il est très bien fait, que malgré sa longueur de plus de 800 pages il se lit rapidement ; l'efficacité de sa conception donne envie de tourner les pages, il est réellement prenant, surtout dans la première moitié.



Mais malgré cette longueur j'ai au final trouvé les personnages peu fouillés, voire stéréotypés. En réalité Jude est le personnage important, même ses trois amis sont au second plan. Très vite l'auteur nous laisse des indices qui nous font comprendre qu'il a été maltraité et victime de sévices sexuels. Au départ sans trop de détails, ce que j'ai trouvé plutôt intelligent et sensible, ne pas donner dans un sordide trop poussé qui pourrait ressembler à du voyeurisme malsain. Et bien cela n'aurait été que partie remise. L'auteur va distiller les révélations de plus en plus précises tout le long de son ouvrage, et au final ne rien laisser dans l'ombre. Ce qui a provoqué à la longueur une sorte de trop plein. Parce que les expériences de l'enfance de Jude suffiraient à remplir plusieurs vies de malheurs, déjà abandonné dans une poubelle à la naissance, il va connaître plusieurs institutions peuplées de pédophiles sadiques, et tomber deux fois sur des dangereux pervers qui vont abuser de lui et pour le deuxième tenter de le tuer. Cela fait vraiment beaucoup pour un seul enfant et adolescent. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que l'auteur chargeait ce vécu avec une certaine complaisance ; de la même façon qu'elle nous détaille dans de nombreuses pages l'état de santé dégradé de Jude, entre soins, hospitalisations, amputation… avec une sorte de plaisir morbide. Ce qui m'a le plus gêné, c'est qu'on reste à un niveau factuel, sans réellement nous permettre de comprendre, d'aller plus loin dans une analyse, sans aucune finesse. Jude manque de confiance, il se considère sans valeur, il déteste faire l'amour, s'abrutit de travail pour ne pas penser et supporter sa vie, et se scarifie, c'est la seule chose qui le soulage. Tout cela répété à de très nombreuses reprises. C'est un peu maigre.



C'est ce défaut de manque d'analyse et de finesse que je reproche le plus au livre. Par exemple, pour expliquer la vocation de Malcolm pour l'architecture nous avons :



« Il savait tout ce que ces maisons signifiaient pour Malcolm : elles représentaient une affirmation de contrôle, lui rappelaient malgré toutes les incertitudes de son existence, qu'il avait une chose qu'il maîtrisait parfaitement, qui exprimerait toujours ce qu'il pas pouvait formuler avec des mots. »



Difficile de faire plus plat à mon sens. Et le style (mais c'est peut être dû à la traduction) est vraiment minimaliste.



Quand à la vocation de Jude nous avons :



« parce qu'il a découvert qu'il aime diriger le département, qu'il aime siéger au comité des salaires du cabinet, décider de la manière dont les profits de l'entreprise seront repartis chaque année. »



ou :



« il tirait satisfaction de voir ce que chaque année avait apporté en terme de revenu, de voir la manière dont ses heures et ses journées au bureau (les siennes et celles des autres) se traduisaient en chiffres, et ces chiffres à leur tour en argent »





J'ai trouvé au final toutes ces vocations et réussites plutôt affligeantes, parce qu'elles se mesurent à la réussite financière, ou une reconnaissance liée à une réussite quantifiable, y compris dans les activités artistiques. Pas de questionnements sur le sens de la création, sur ce qui pousse quelqu'un à ressentir le besoin de créer, non, juste une comptabilité d'expositions dans des galeries reconnues, d'oeuvres achetées par les musées, ou de prix d'interprétations pour un acteur, du fait d'être sollicité pour des autographes etc..Ces jeunes gens devenus des gens de succès, avec leurs gros comptes en banque, leurs maisons avec piscine à l'intérieur et à l'extérieur, m'inspiraient de moins en moins d'intérêt au fur et à mesure de ma lecture.



Et lorsque les analyses « psychologiques » relèvent du lieu commun comme par exemple :



« Evidemment, le fait que sa vie sexuelle et sa vie domestique devaient appartenir à deux domaines différents l'attristait, mais il était assez âgé maintenant pour savoir que toute relation comprenait des éléments d'insatisfaction et déception, des dimensions qu'il fallait chercher ailleurs »



ou

« - Bien sûr que ton père t'aime Mal. Evidemment. Tous les parents adorent leurs enfants. »



j'avoue que cela me donnait envie de ricaner méchamment. Et ce sont censés être des garçons particulièrement brillants sur tous les plans qui font ces réflexions.



Il vaut mieux m'arrêter là, je crois que j'ai déjà été suffisamment négative sur ce livre, qui semble avoir suscité par ailleurs pas mal de commentaires élogieux. Faites-vous votre propre opinion.
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Une vie comme les autres

Ils sont quatre, quatre amis qui se sont connus à l’université et dont nous faisons connaissance alors qu’ils quittent les études pour se lancer dans la vie active. Il y a Malcom, architecte, JB, artiste peintre, Willem, acteur et Jude avocat et ces deux derniers vont devenir coturnes (co-locataires) dans un appartement car les débuts sont difficiles pour certains d’entre eux. Ils vont devoir se faire une place, gravir les échelons qu’ils soient blancs ou noirs, issus d’une famille fortunée ou non, d’une famille aimante ou distante et pendant 30 années, nous allons les suivre. Enfin je devrais dire que nous allons surtout accompagner Jude, le plus mystérieux, le plus énigmatique, le seul à ne jamais évoquer son passé, son enfance, ses origines et pourtant ce passé lui « colle » à la peau, il le porte à la fois dans ses silences mais également dans sa chair.



Ici il est question de vies, de passés, d’enfances, de violences, de noirceur, d’amitié, d’amour et surtout d’une vie, une vie parmi d’autres qui nous est retracée ici, celle de Jude, une enfance comme un long calvaire puis une vie dont il gardera les traces des quinze premières terribles années de son existence, que ce soit sur son corps mais également sur son âme. Et malgré l’amitié, l’amour, la réussite, rien n’est jamais gagné, la vie a toujours des réserves à offrir, à imposer, à remémorer et que le passé sert à la construction d’un être, un passé qui reviendra par vagues s’échouer continuellement sur le présent.



Je le dis souvent il y a des ouvrages de 100 ou 200 pages où l’on s’ennuie profondément et d’autres de 800 pages qui vous tiennent de bout en bout, malgré la noirceur, malgré la dureté qui vous pousse à parfois prendre une respiration, malgré la tristesse du destin de Jude, tellement incarné que j’ai eu l’impression de le connaître, de vivre à ses côtés et d’avoir souvent qu’une hâte celle de le retrouver. Et que dire de Willem, l’ami fidèle des jours de grâce mais aussi des jours de tempête et du lien qui les unissait.



J’ai trouvé remarquable la manière très pudique qu’a choisie Hanya Yanagihara pour construire son roman, n’optant jamais pour la description de scènes qui déjà, par leurs simples évocations, soulèvent l’écœurement, de disperser ce passé si douloureux petit à petit, au fur et à mesure que Jude pouvait lui-même arriver à le raconter, l’avouer, l’évoquer, car trop insoutenable.



Malgré parfois une traduction française aléatoire je pense, malgré la répétition d’apartés plus ou moins longs (surtout dans les premières pages) qui obligent parfois à reprendre la phrase à son début pour en saisir le sens, j’ai trouvé ce livre d’une grande beauté : à la fois romanesque (car on ose espérer que de telles vies ne peuvent qu’être imaginées même si l’on se doute que de telles vies existent) mais surtout prenant, profond, analysant les positions et sentiments de tous les personnages, leurs réactions, la manière dont l’autrice utilise à la fois l’environnement que ce soit à New-York, Manhattan ou les autres lieux mais également les détails du quotidien qui rythment les pour retracer l’évolution, le destin de ses protagonistes.



Rarement j’ai été aussi émue, bouleversée par le destin d’un homme, par la manière dont un(e) auteur(rice) aborde son sujet, l’évoque, le construit, le fouille sans jamais ressentir de lassitude, d’ennui et au fur et à mesure que le dénouement approchait, le désir de ne pas le finir, de rester là, avec eux, au sein de cette histoire d’amitié et d’amour dont la psychologie à travers le personnage de Jude compacte tout ce que l’enfance, le passé, l’éducation peut générer chez chaque être humain, à différents degrés, positifs ou négatifs et influer sur son devenir.



J’ai aimé la couverture, dont on ne sait si s’agit de douleur ou d’extase, j’ai aimé le titre français plutôt que le titre originel (A little life) tellement plus évocateur pour moi du contenu, j’ai aimé Jude, j’ai aimé Willem, j’ai aimé les présences sans faille d’Harold et Andry et j’ai eu les larmes aux yeux à de nombreuses reprises devant tant d’horreurs et tant de beauté.



Enorme coup de 🧡
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Une vie comme les autres

Au début, j'ai apprécié ce roman. J'ai aimé la description des 4 amis, leur loyauté, leur amitié. Le style est dense et travaillé.

Puis cela a commencé à tourner en rond. Les abus sexuels commis pendant l'enfance, la description de la maladie mentale et de l'automutilation sont le coeur du roman.

Après la 250ème page, j'ai commencé à m'ennuyer. L'auteure tente de choquer le lecteur mais le fait de façon trop caricaturale et on a du mal à éprouver de l'empathie pour les personnages.

Les dialogues sont répétitifs. La lecture a commencé à devenir une vraie corvée et il y a bien trop de choses à lire pour s'imposer cela.

Bref, j'ai lâché l'affaire à la 300ème pages.
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