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Critiques de Harald Jähner (15)
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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..

07 mai 1945, la capitulation de l'Allemagne est signée à Reims.



L'Allemagne est anéantie, elle n'est plus qu'un gigantesque "ground zero".

Elle n'est plus que gravats, le nombre de personnes déplacées est ahurissant et se compte en plusieurs dizaines de millions. Il n'y a plus rien, le troisième Reich est mort.



Puis vient le temps de la reconstruction. L'auteur nous retrace les dix années qui vont suivre : la dénazification, l'émergence obligée d'une nouvelle société qui devra sortir de ce chaos. Une décennie décisive pour les Allemands.



Le temps des loups de Harald Jähner, journaliste réputé outre-Rhin, est un livre très richement documenté et illustré par de nombreuses photos. Il a été récompensé du prix de la Foire de Leipzig en 2019.



Un livre passionnant, à lire absolument.

Je remercie bien sincèrement Actes Sud et Babelio pour l'envoi de ce livre.
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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..

Un ouvrage magistral qui tente de répondre à ttes les questions qu'on se pose sur cette période :1945/1955.

Comment faire face à la destruction massive, aux millions de tonnes de gravats à éliminer, comment loger les millions d'Allemands qui n'ont plus de toits, comment se nourrir, comment refaire vivre ensemble des millions de déplacés, de libérés des camps, de prisonniers qui rentrent...

Quelle place tiennent les alliés, quel rôle jouent ils ?

Et surtout comment refaire un état démocratique, (en fait 2 états) alors qu'il n'y plus de cadre administratif ?

Et puis la question fondamentale : comment les Allemands nazis vivent-ils l'effondrement totale, pourquoi n'ont-ils aucune culpabilité fondamentale ( à part celle d'être devenus des voleurs pour se nourrir) ?

L'auteur répond à ttes ces questions de façon étaillée, nuancée avec des précisions.

Ce livre comble un gd vide sur cette période.

Il est passionnant.

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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..

L'essai du journaliste Harald Jähner jette un éclairage original sur les mutations de la société allemande dans les années qui suivent la chute du IIIe Reich.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..

Voilà une étude passionnante sur la manière dont l'après-guerre a été vécue en Allemagne :

Comment la population a-t-elle vécu dans les ruines, sa recherche de nourriture, la gestion des déplacements de population (réfugiés de l'Est, les déplacés de Pologne et des Sudètes, les personnes libérées des camps), la recherche de travail, les nouvelles entreprises, les loisirs, l'art abstrait de l'Ouest s'opposant au Réalisme socialiste de l'Est, le sentiment de responsabilité face aux crimes ou un état d'esprit victimaire devant les ruines du pays, le refoulement...

Une réserve sur la traduction qui semble avoir été littérale et dont manque une nécessaire fluidité.
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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..

Dans « le Temps des loups », Harald Jähner raconte la décennie d'après-guerre outre-Rhin, véritable roman de la mort du Reich et d'un collapsus de la morale
Lien : https://www.nouvelobs.com/bi..
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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..

Cet ouvrage est passionnant : comment ont vécu les survivants – et surtout les femmes - au milieu des monceaux de ruines, les exactions des vainqueurs, en particulier les soviétiques – mais pas que – comment les Allemands ont refoulé la culpabilité collective – une génération entière taisant la Shoah - comment les autorités d'occupation (de l'Ouest et de l'Est) ont procédé à la dénazification, le silence de toute une génération – mais la révolte surgira de leurs enfants - le rôle de la Presse, la renaissance de la culture, la renaissance de l'économie avec la réforme monétaire de 1948 …



Nous ne pouvons pas nous représenter comment ce peuple a vécu les lendemains de la capitulation sans conditions, l'humiliation, la partition, l'occupation et le relèvement des ruines : l'afflux immense des personnes déplacées puisque les derniers camps de réfugiés ne furent démantelés qu'en 1966, le retour des prisonniers totalement « démonétisés », l'instinct de survie qui élimine les sentiments de culpabilité, une société en train de se reconstruire, y compris dans le déni.



L'importance des femmes pendant le conflit et la reconstruction physique et morale d'un pays où manquent 5 millions d'hommes morts au combat et encore 6 millions retenus en captivité. En 1950, on compte encore 1362 femmes pour 1000 hommes. Les 2/5èmes des classes 1920 – 1925 manquent à l'appel.



Les viols – l'ouvrage cite plusieurs fois le livre « Une femme à Berlin », le marché noir où la cigarette est devenue monnaie d'échange. Tout le monde chaparde, « organise » pour survivre, y compris avec l'indulgence des prélats. Entre dirigisme étatique de gestion de la pénurie et liberté anarchique d'un marché débridé : une synthèse avant l'heure de l'économie sociale de marché d'après 1948.



Une constatation : l'économie de guerre mise en oeuvre par le troisième Reich pour nourrir le conflit a été largement épargnée et a constitué une base solide pour la reprise de l'industrie allemande …



La politique de dénazification sur laquelle se sont entendus les Alliés puis les lois d'amnistie ont permis le recyclage d'un grand nombre de responsables en charge de la reprise économique. Car la réintégration sociale des « suivistes » était aussi nécessaire qu'inévitable à la mutation de la population d'après-guerre en collectif de citoyens de la république fédérale.



Un livre édifiant, abondamment illustré, mais qui ne répond toujours pas à ma quête personnelle : comment un peuple aussi éduqué a-t-il pu se laisser circonvenir par les sirènes du national-socialisme et procéder à de tels massacres ?
Lien : http://bigmammy.canalblog.co..
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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..

De 1945 à 1955, l’ancien Reich dévasté doit se réinventer, entre désir d’oubli, lourde culpabilité et nécessité de relever le pays.
Lien : https://www.historia.fr/guid..
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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..

Saviez-vous que durant l’après-guerre les valises sont devenues une denrée rare ? Que des stages de photographie ont été organisés dans les ruines allemandes ? Que sur certaines photos où les femmes en ruines, souriantes, forment une chaîne humaine pour déblayer les villes sont en réalité des mises en scène commandées par Goebels ?



Ce ne sont là qu’une infirme partie des anecdotes que vous pourrez trouver dans le livre d’Harald Jähner aux éditions Actes Sud que j’ai eu l’occasion de recevoir lors de la Masse Critique organisée par Babelio (et que je remercie chaleureusement au passage).



Comme je le disais, ce livre recèle donc une quantité incroyable d’infos sur une thématique trop peu abordée (par désintérêt ? Par honte ?) : cette période juste après la fin de la guerre où le peuple allemand, abasourdi, à dû se relever entre culpabilité, résignation et survie. Un renouveau, « l’heure zéro ».



Je dois tirer mon chapeau à l’auteur pour son travail, il s’agit là d’un travail colossale entre les différents chiffres, sous-thématiques et témoignages réunis. On sent dès la lecture de l’introduction qu’on va avoir affaire à une lecture intense mais ô combien intéressante (qui m’a demandé bien de la concentration, je dois l’avouer).



 J’ai apprécié le fait que de nombreuses photographies illustrent le texte et permettent de mieux se rendre compte. Mention pour les notes de bas de pages (en fin d’ouvrage) qui viennent enrichir également le texte.
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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..

« Le Temps des Loups. L’Allemagne et les Allemands (1945-1955) » de Harald Jähner, expose la situation de l’Allemagne à la sortie de la guerre. L’essai est traduit de « Wolfszeit und die Deutschen Deutschland 1945-1955 » par Olivier Mannoni, (2024, Actes Sud, 362 p.). C‘est une mutation profonde qui s’effectue en Allemagne, pays ruiné par la guerre, séparé en deux, RFA et RDA, avec des millions de personnes déplacées, et de plus confronté à la formation de l’Europe. Livre essentiel pour ce pays et ses voisins, vu de par les habitants.

L’ensemble, de 362 pages, comprend 10 chapitres sur environ 300 pages, une abondante bibliographie, des notes et annexes (50 pages), de nombreuses photos (45). D’emblée, dans l’avant-propos, Harald Jähner fait référence à l’écrivain Wolfgang Borchert et à son libelle « Generation ohne Abschied » (Génération sans Avenir), un texte court d’une page, publié et traduit par Sylvie Bufala avec d’autres textes (1990, Le Livre de Poche, 255 p.). Le texte fait référence au Psaume 130 « Aus der Tiefen rufe ich, Herr, zu dir' » (Des profondeurs, je crie vers toi), mis en musique par Jean Sébastien Bach pour sa première cantate (BVW 131). « Wir sind die Generation ohne Bindung und ohne Tiefe. Unsere Tiefe ist Abgrund. Wir sind die Generation ohne Glück, ohne Heimat und ohne Abschied» (Nous sommes la génération sans engagement et sans profondeur. Notre profondeur est un abîme. Nous sommes la génération sans bonheur, sans foyer et sans adieu).

Le récit s’ouvre sur un Berlin dévasté, la guerre n’est pas encore signée. Elle le sera dans les jours qui viennent, avec un décalage entre ls Alliés de l’Ouest et les Russes. Des berlinois réfugiés dans une cave découvrent un bœuf blanc, « en bonne santé, l’œil tendre, une vision surréaliste dans ce décor de terreur enfumé ». Il y a là un journaliste, un médecin, un comédien et le chef d’orchestre berlinois Borchard. Ils sont bien embêtés pour le tuer, aussi demandent-ils à un soldat russe de l’abattre, avant de le dépecer, et bien entendu le manger (le bœuf, pas le soldat).

Plutôt que de réduire le pays à son passé nationaliste, impérial puis nazi, soit jusqu’en 1945, il faut comprendre la métamorphose qu’ont dû subir les habitants depuis la première expérience démocratique allemande avec la République de Weimar (1918-1933), puis la débâcle du Reich, et la reconstruction jusqu’en 1955, souvent désignée par l’expression d’« heure zéro » (Die Stunde Null).



C’est donc la transition d’un des régimes les plus criminels de l’histoire à une démocratie parfois exemplaire qui est illustrée dans cet essai, sachant qu’une bonne partie de la population a permis, soutenu et souvent encouragé ces régimes à leurs débuts. La nécessaire resocialisation de la société au cours de la reconstruction d’un pays en ruines, le « marché noir » et l’économie de troc, ainsi que l’intégration des millions de réfugiés allemands expulsés des territoires conquis par les Soviétiques, ont profondément marqué l’unification de la future RFA. En même temps, les barrières linguistiques et spécificités régionales se sont atténuées.

Tout d’abord les ruines et les gravats. Le champ Zeppelin, où se déroulaient les congrès du parti nazi à Nuremberg, forme une place carrée de 300 mètres de coté soit la longueur de trois terrains de football. « Les gravats auraient représentés une montagne de 4000 mètres de haut couronnée de neiges éternelles ». Autre exemple à Dresde, ville pratiquement détruite par trois raids en février 1945 avec 1300 bombardiers qui larguent 2431 tonnes de bombes explosives et 1475 tonnes de bombes incendiaires causant environ 35 000 morts. Je me souviens avoir vu au début des années 1990, les restes de la cathédrale, la « Frauenkirsche » comme un amoncellement de blocs, un gigantesque puzzle en trois dimensions qui attendait d’être reconstruit. Quinze ans plus tard, j’ai pu assister à un concert de Noèl dans les bâtiments reconstruits. Un style baroque, pas très heureux d’ailleurs, sous la coupole et le grand lanternon qui le surmonte du haut de ses 96 mètres. Les anciennes pierres ont été réintégrées à l'édifice. Elles se démarquent par leur couleur foncée, due au vieillissement, alors que la majorité des nouvelles pierres sont de couleur claire. La photographie « Vue sur Dresde depuis le clocher de l’hôtel de ville » de Richard Peter est devenue un classique de la « photo de ruines » allemande. « Elle montre la ville dans la perspective d’un oiseau. Au premier plan à droite se trouve une sorte d’ange de pierre qui désigne d’un geste désespéré la ville ravagée. Il s’agit, vue de dos, d’une figure de trois mètres de haut qui se tenait, à une hauteur vertigineuse, sur la galerie du clocher de l’hôtel de ville ». Même chose à Leipzig où le gigantesque bâtiment de la gare ferroviaire fait face à une ville moderne des années 60, toute en cubes et en courants d’air.

Puis les « displaced persons », ou personnes déplacées (DP), appelés en allemand les « entheimatet » les dépaysés. Soit « neuf millions de bombardés évacués, quatorze millions de réfugiés et d’expulsés des territoires de l’Est, dix millions de travailleurs forcés et de détenus libérés, et plusieurs autres millions de prisonniers de guerre qui rentrent peu à peu chez eux ». Sept millions d’étrangers avaient été déportés pour remplacer la main d’œuvre enrôlée sur le front. On ne peut imaginer ces flux de personnes sans rien qu’une petite valise dans le meilleur des cas. Avec des moyens de transports rudimentaires, trains irréguliers au confort inexistant. Les gens s’installent sur les tampons entre les wagons, ou sur les toits. Beaucoup ont parcouru des distances énormes à pied. Certains sont revenus de camps russes situés dans l’Oural. Lire le livre de Primo Levi « La Trève » traduit par Emmanuelle Genevois-Joly (2003, Grasset 250 p.) dans lequel l’auteur narre le long retour d’un groupe de prisonniers italiens libérés par les Russes au cours d’une longue marche de plusieurs mois pour rejoindre leur terre natale. « En aucun autre pays d’Europe, je crois, il ne peut arriver de marcher pendant dix heures et de se trouver toujours à la même place, comme dans un cauchemar ; d’avoir toujours devant soi la route toute droite jusqu’à l’horizon, à ses côtés la steppe et la forêt, et derrière soi la route jusqu’à l’horizon opposé, comme le sillage d’un navire ; et pas un village, pas une maison, pas une fumée, pas une borne pour signaler qu’on a tout de même gagné un peu de terrain, pas âme qui vive si ce n’est quelques corneilles ou quelques faucons dérivant paresseusement dans le vent ». Pourtant les paysages sont superbes. « Le train franchit la Bérésina à la fin du second jour de voyage, alors que le soleil, rouge comme un grenat, déclinait parmi les troncs avec une lenteur magique et revêtait d'une lumière sanglante les eaux, les bois et la plaine épique, parsemée encore de débris d'armes. »

S’ajoute à ces DP, la fuite des juifs polonais en Allemagne. A leur migration vers l’ouest s’ajoute le devoir d’aller chercher refuge précisément dans le pays des nazis ce qui a couté un plus grand effort pour beaucoup de juifs afin de surmonter leur appréhension.

Le brassage de population qu’entraine ce vaste mouvement de population n’est pas sans conséquences sur l’évolution des mentalités. Deux grandes tendances se profilent. L’une est un mélange des religions l’uen catholique comme en Bavière, l’autre protestante comme en Prusse et en Saxe. Cela peut paraitre accessoire mais il y a derrière une astreinte à une autorité supérieure, le Pape pour les catholiques, et Dieu lui-même pour les protestants. Donc une autorité terrestre et une divine avec un système plus libéral qui dépend de la région. Le cas des juifs est encore différent. De fait, il faudra attendre les procès de Nuremberg et celui d’Eichmann au début des années 60 pour que la sourde culpabilité sorte du cadre des cercles intellectuels.

Cette libération des esprits et des corps forme une grande partie du livre soit deux chapitres et 70 pages sur environ 300. L’auteur rappelle tout d’abord la chanson qui fait fureur à cette époque : « Heile heile Gansje mein Arm « zertrûmmert » mainz » soit « Guéris guéris ma petite oie bientôt cela ira mieux ». La petite oie fait référence à la gardeuse d’oie d’après le conte des Frères Grimm « Die Gänsemagd » et la « Gänseliiesel » que l’on retrouve en Alsace. ‘

Entre temps il y eu la renaissance poussée par les Alliés, pour retrouver les fastes et traditions du carnaval, en particulier à Mayence et à Cologne. « Au choc de l’effondrement succédèrent la responsabilité individuelle et une profonde sensation de liberté personnelle ». C’est une forme d’exorcisation des années sombres, de la fin et de l’après- guerre.

Il faut mentionner ici le rôle de Beate Ushe-Köstlin (1919-2001). Une jeune veuve qui doit trouver un quelconque moyen pour survivre et nourrir son fils. Chaque jour, elle parcourt en vélo les routes qui sillonnent la frontière nord du pays vers la frontière danoise afin de prendre part au marché noir. Elle vendait ses produits en pratiquant le porte-à-porte. En vendant on papote. Elle prend alors conscience de nombreux problèmes que lui rapportent les femmes. Les soldats de retour de captivité et leurs femmes avaient un grand besoin de vivre leur sexualité après les années de séparation mais il n’y avait pas d'appartements disponibles dans les villes écrasées sous les bombes. Les revenus étaient misérables et on ne voyait pas d’avenir pour les enfants. De nombreuses femmes ne concevaient pas d’autre issue que de s’en remettre aux faiseuses d’anges pour interrompre leurs grossesses. La guerre qui a provoqué la famine et la destruction est source de nombreux maux pour les « Trümmerfrauen » (femmes des ruines) qui tentent de s'échapper des avortements clandestins, viols, prostitution et fausses couches qui ponctuent ce quotidien d’après-guerre. Elle s’implique également dans la recherche des informations sur la méthode du docteur Ogino et réalisa une petite brochure expliquant aux femmes comment reconnaître les jours féconds de leurs cycles menstruels. Méthode de calcul des cycles féminins qui suppose que l'ovulation survient chaque mois à la même date (en moyenne 12 à 15 jours à compter du 1er jour des dernières règles pour un cycle de 28 jours. C’est sans compter sur les cycles irréguliers, dus au stress ou à la maladie, qui ont vite démontré le peu de fiabilité de la méthode.

Pour en revenir à Beate Ushe, elle qui était pilote cascadeuse dans l’aviation dans les années 30, elle confectionne un livret cahier intitulé « Schrift X » elle vendait aussi des préservatifs et des livres destinés aux couples « Ehebücher » (Livre de mariage) dans lequel elle renseigne sur la sexualité du couple. « La plupart des gens ne savaient rien des choses de la vie ». C’est après son succès, dans les années 60, qu’il y eut dans la plupart des endroits publics et toilettes de restaurant en Allemagne, et en Suisse, des distributeurs, non pas de cigarettes, il y en avait aussi, mais de préservatifs. A l’époque cela étonnait la jeunesse alsacienne qui ignorait tout de ces méthodes et considérait les distributeurs d’un œil curieux. En 1962, Beate Ushe ouvre à Flensbourg un magasin spécialisé dans les produits d’hygiène du couple « Fachgeschäft für Ehehygiene ». C’est le premier « sex-shop » du monde. Le succès est immédiat. Avec cet argent, elle s’achète son premier avion, un Cessna 172 qui lui permet de réaliser ses rêves de jeune fille pilote. Les avertissements concernant les risques dus aux maladies vénériennes apparaissent avec l’acronyme VD pour « Veronika Dankeschön ». Le but étant de sensibiliser la population.

Tout comme il y eut la littérature (la « Trümmerliteratur» (littérature des ruines) qui décrit l'Allemagne en ruines et la littérature allemande détruite. Parmi ces œuvres et ces auteurs il faut citer :

Wolfgang Borchert surtout, avec son court libelle « Generation ohne Abschied » (Génération sans Avenir), un texte court d’une page, traduit par Sylvie Bufala avec d’autres textes (1990, Le Livre de Poche, 255 p.). Lire aussi du même auteur « Dehors devant la porte » traduit de « Draussen vor der Tür » par Pierre Deshusses (2018, Agone, 168 p.). Histoire d’un prisonnier qui revient après trois ans de captivité et perte de sa rotule. « « de ceux-là, qui rentrent à la maison et qui en fait ne rentrent pas à la maison, parce qu'il n'y a pour eux plus de maison. Leur maison à eux est dehors derrière la porte ». Ils sont nombreux dans cette situation. « Leur Allemagne est dehors, dans la nuit pluvieuse, dans la rue ».

Heinrich Böll « Le Silence de l’Ange », traduit par Alain Huriot (1995, Seuil, 192 p.). C’est le premier roman de Böll, dans lequel Hans Schnitzer retrouve sa ville natale, Cologne, jamais nommée, au milieu des décombres encore fumants. Le premier visage que rencontre Hans dans la ville détruite est celui d'un ange au sourire mystérieux. Il ne s'agit que d'une statue de plâtre aux couleurs criardes. « Le grand ange de marbre se taisait et, pourtant, le curé le regardait et semblait lui parler ».

Et Arno Schmidt « Léviathan » bien sûr, traduit par Claude Riehl (1998 Christian Bourgois, 134 p.). Texte qui regroupe trois nouvelles qui retracent la vie solitaire de la société face au Léviathan. Vision très négative du monde et la présence du Démon qui hante tous les textes de Arno Schmidt dans les années qui suivent.

On en arrive à la partie économique, avec la reconstruction de l’industrie, la réforme agraire, le renouveau du paysage médiatique, l’autorisation des partis, la dénazification et la question des crimes de guerre. Dans ces domaines, il n'y en a pratiquement aucun dans lequel les Alliés ne sont pas intervenus en termes de structure et de personnel.

Tout d’abord le design intérieur. Cela peut paraitre futile, mais les allemands considèrent comme primordial une maison bien entretenue. C’est la fameuse trilogie « Kinder, Küche, Kirche » (enfants, cuisine, église) qui règle la vie des femmes au foyer.

Elle se décline par un style ou plutôt un changement de style. Dans le salon c’est le règne de la table basse de forme plus ou moins de haricot avec trois pieds cylindriques. Donc tout à fait à l’opposé des tables rectangulaires à quatre pieds qui régissait pour les repas. « La table en forme de rein [ou de haricot] était le symbole décoratif de l’objet dénazifié, asymétrique, vulnérable et rigolo, elle était aux antipodes du style puissant et massif de la chancellerie du Reich ». L’objet fait figure de détail, mais avec les meubles de cuisine en formica des années 60, cela faisait moderne.

Avec ces meubles, il devenait évident que le salon allait devenir une pièce à vivre, et donc à fumer. Avec l’arrivée des américains, et son corolaire le marché noir, des marchands anonymes proposaient les fameuses « Lucky Strike ». C’est une marque de tabac blond, appartenant au groupe British American Tobacco. Elle était représentée par un logotype connu du au designer Raymond Loewy, en référence à la période de la « Ruée vers l'or », contemporaine de la création de la marque. À l'époque, un mineur qui tombait sur un bon filon avait un « lucky strike » (coup de chance). En termes commerciaux, l'entreprise sous-entendait que ses cigarettes étaient quelque chose de précieux et rare. Ily eut également toute une campagne de fausses rumeurs comme quoi certains paquets contenaient des cigarettes de cannabis dissimulées parmi les cigarettes ordinaires, justifiant le « coup de chance ». Ce n’était qu'une légende sans fondement.

La politique et la société ont également été largement déterminées par les Américains et les trois Alliés. « Quatre centres politiques ont été responsables de la fortune de l'Allemagne à partir de 1945 [...] : Washington, Moscou, Londres, Paris ». Cependant cette influence plus ou moins secrète, et surtout discrète n’est évoquée due très brièvement dans le livre de Jähner. Il lui préfère le mythe allemand de Munchausen. Ce syndrome se traduit par le besoin de simuler une maladie ou un traumatisme dans le but d'attirer l'attention ou la compassion. C’est un « Syndrome par procuration » qui s’inscrit tout particulièrement dans des transactions mère-enfant. C'est en se référant aux aventures autant fictives qu'extraordinaires du baron de Münchhausen que le docteur Asher (1912-1969) a créé cette appellation. Ces aventures, écrites par Rudolf Erich Raspe, ont été traduites en 1854 par Théophile Gautier et illustrées par Gustave Doré (1997, Hachette Littérature, 156 p.). Au XVIIIeme siècle, le baron Hiéronimus de Münchhausen (1720-1797), en compagnie de son serviteur Christian, arrive au château familial où ils viennent rendre visite à leurs proches. Mais, au fait, le baron de Münchhausen a-t-il vraiment voyagé sur la Lune ? chevauché un boulet de canon ? séjourné dans le ventre d'un monstre marin ? dans le cratère de l'Etna ? Qu'importe ! En 1951, le médecin britannique Richard Asher reprend les schémas d'automutilation, où les patients s'inventaient des histoires de maladie, le but étant d'attirer l'attention des membres du corps médical sur elles et de les convaincre de l'existence de cette pseudo-maladie. Le « Syndrome de Münchhausen » était lancé.

On peut revenir à « Generation ohne Abschied » (Génération sans Avenir) de Wolfgang Borchert déjà cité plus haut. « Nous sommes la génération sans engagement et sans profondeur. Notre profondeur est un abîme. Nous sommes la génération sans bonheur, sans foyer et sans adieu. Notre soleil est étroit, notre amour est cruel et notre jeunesse est sans jeunesse. Et nous sommes une génération sans frontières, sans inhibitions ni protection – chassée du parc de l’enfance vers un monde qui nous est préparé par ceux qui nous méprisent pour cette raison ».

A l’opposé de ce désespoir, le peuple allemand a été soumis de 1945 au début des années 1950, à une vaste entreprise d’épuration dite « dénazification ». Les Alliés cherchaient moins à punir l’Allemagne qu’à l’empêcher d’être infestée par des nazis mal repentis. On pourra aussi consulter l’ouvrage de l’historien Emmanuel Droit « Dénazification. Posthistoire du IIIe Reich » (2024, Presses Universitaires de France, 342 p.). C’est tout le problème d’une expérience à la fois individuelle et collective, dont l'exigence de transparence a pu faire naître à la fois le déni et le mensonge. Il faut reconnaitre que le processus a été l’occasion faux témoignages, d’embellissements et de modérations de situations, reportant le véritable changement de culture politique aux années 1960. Il faut reconnaitre que les circonstances n’avaient pas facilité la tâche, entre endoctrinement médiatique, pression et délation du voisinage, répression des autorités.

Un de mes bons amis, insoupçonnable de complicité nazie a découvert récemment que leur oncle préféré, médecin, avait organisé dans une clinique privée, en fait un centre d’extermination de personnes vulnérables. Ils le racontent dans « Cher oncle Georg » de Mireille Horsinga-Renno (2006 La Nuée Bleue, 205 p.). Ceci dit est-ce une raison pour jeter le bébé avec l’eau du bain.

On peut se poser la question de savoir et comprendre comment des millions d'Allemands, confrontés à un matraquage politique et judiciaire, ont pu chercher à redonner un sens à leur vie après 1945. Il était impossible d'annuler leur passé et passif nazi. Ce dernier leur avait fourni un cadre de pensée, des façons de vivre. La question juive ne viendra qu’après les procès de Nuremberg, fin 1945.

Les faux certificats de dénazification ont été interprété comme un indice de l’échec de l’épuration de la société ouest-allemande après 1945. A cette date, la grande majorité des membres a déjà été exonérée des accusations de compromission avec le nazisme. On voit dans la dénazification une « Mitläuferfabrik» (une fabrique de suiveurs). Cependant, cela implique que les fonctionnaires classés « suiveurs » ont de moindres c
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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..



C'est un sujet qui m'intriguait depuis longtemps : comme les allemands avaient ils vécu la transition brutale de la fin de la guerre qui les faisait passer de l'adhésion et du respect de la doctrine hitlérienne _ pureté de la face aryenne et nécessité de faire disparaître les " impurs" _ à l'horreur d'une telle doctrine et de sa mise en oeuvre .

Ce livre me donne la clé du mystère : l'occultation .

Le chaos était l'état de l'Allemagne en 1945 : villes en ruines , millions de déplacés de tous genres sur les routes...les esprits allemands étaient uniquement préoccupés par les urgences vitales : se loger, se nourrir ,l'argent ; ils ne se sentaient donc que victimes ,victimes de ces situations si pénibles. Puis , presque dans les mêmes temps , ils se sont plongés dans la liberté et le plaisir sexuel ,la fête , l'art , le cinéma , le théâtre , la peinture.

Donc le sujet à été occulté , et ce n'est pas rassurant à notre époque où "les droits de l'homme deviennent encombrants .













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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..

Un document impressionnant, juste et équilibré sur un sujet peu glorieux : l'Allemagne vaincue et ses habitants lors de la première décennie après la défaite.



Ce qui choque en premier lieu, c'est la pure ampleur des chiffres qui caractérisent cette période épouvantable de 1945 à 1955 en Allemagne : 9 millions de bombardés évacués, 14 millions d'expulsés de l'Europe de l'Est, 10 millions de travailleurs forcés et de détenus libérés et plusieurs millions de prisonniers de guerre qui rentraient petit à petit chez eux. Dans un pays dévasté où tout manquait et 75 millions de personnes devaient vivre. D'où le titre de l'ouvrage : le temps des loups, en Allemand "Wolfszeit".



Le résultat d'une guerre que les Allemands avaient commencé et qui a fait 60 millions de morts ! Rien qu'en Pologne le nombre de morts s'élevait à 6 millions, soit un 6e de la population. Les Juifs ne comptaient d'ailleurs plus les morts, mais les survivants !



Qu'ils avaient oui ou non voté pour Hitler dans les années 1930, en 1945 les Allemands devaient tous faire face à une situation catastrophique. Comme le note l'auteur à l'heure zéro "l'instinct de survie élimine les sentiments de culpabilité."

Il y avait le combat quotidien pour manger et se loger. Ce n'est donc que bien plus tard que les questions relatives à la conscience, la culpabilité et le refoulement se sont posées chez nos voisins.



Les premiers chapitres du livre se passent dans les décombres et les ruines, où ce sont surtout les femmes qui se sont distinguées par leurs efforts exténuants de déblaiement de gravats et décombres. À Berlin, 9000 hommes contre 26000 femmes.



Un aspect de la misère allemande de peu après la fin de la guerre que l'auteur a abordé avec empathie concerne les modifications majeures intervenues dans les relations entre hommes et femmes et tout spécialement dans le couple.



Lorsque les soldats rentraient du front de l'est après une longue absence, ce n'étaient psychologiquement plus les mêmes hommes et pendant cette longue absence leurs épouses, qui s'étaient occupées seules des gosses et du gagne-pain, avaient bien entendu également changé. D'où une incompréhension pénible, voire fondamentale sur différents niveaux.

Dans une citation sur Babelio du 16 février dernier, j'ai indiqué que cela valet aussi sur le plan sexuel.



Pour son premier livre, Harald Jähner s'est basé sur une masse colossale de documents officiels et privés qu'il a patiemment réunis comme reporter de journaux et magazines pendant des années.

Comme professeur honoraire de journalisme culturel à l'université des arts de Berlin, il s'est dans la rédaction de cet ouvrage aussi largement inspiré des livres et journaux de ses compatriotes, tels Erich Kästner, Wolfgang Borchert, Ruth Andreas-Friedrich, Hannah Arendt, etc.

Une source majeure d'inspiration et de références constitue toutefois "Une femme à Berlin : journal, 20 avril-22 juin 1945", qui a d'abord été publié de façon anonyme (1954) et ensuite sous le nom de son auteure : Marta Hillers (1911-2001).



Le livre compte 360 pages, dont une trentaine de pages de notes. Il est illustré par une quarantaine de photos significatives, à commencer par la toute première sur laquelle on voit une femme funambule en équilibre précaire sur une corde au-dessus des ruines du centre-ville de Cologne.

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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..

Ce tableau d’une décennie prouve que la réadaptation à la gaieté et à l’insouciance, si elle n’a pas été propre à la seule Allemagne, a joué un rôle dans son apprentissage de la liberté.
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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..

Harald Jähner aborde la seconde guerre mondiale sous un angle inattendu, son livre commence là où se terminent les récits d'histoire : la victoire des Alliés. le point zéro pour les Allemands, ou le temps des loups qui voit la communauté du peuple, la Volksgermeinschaft, se dissoudre quasi instantanément avec l'entrée des vainqueurs dans Berlin.

Consacrant son étude à cet entre-temps chaotique qui précède le miracle économique des années 1950, le journaliste s'intéresse moins à l'étude des décisions politiques sur la Constitution ou aux prémices de la guerre froide qu'à la vie quotidienne des allemands qu'il sonde dans toutes ses dimensions. Avec une approche thématique, il scrute l'histoire à travers des récits à la première personne, des articles des correspondances des journaux intimes, fournissant un aperçu densément documenté de la mentalité allemande d'après-guerre.





Le livre est captivant, d'abord parce qu'il démontre une « rééducation » de la société civile ordinaire bien plus influencée par la pratique sociale et les contraintes de la vie quotidienne que par les discours et politiques des forces occupantes. Ensuite parce qu'il piège les paradoxes de la psyché collective et interroge les ambiguïtés des vaincus qui, malgré leur adhésion au national-socialisme pendant douze ans, sont convaincus d'avoir été victimes du Reich.

Fort de son approche empirique, ce livre est remarquable avec une construction dynamique qui commence par le visible (les villes en ruine) pour aboutit à l'invisible (les limites de l'examen de conscience). On a le sentiment d'avoir sous les yeux un panorama vivant.

Même si l'ouvrage se concentre sur l'Allemagne de l'Ouest, il permet d'épingler les grandes illusions que l'on peut se faire sur cette époque.
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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..

Si, comme moi, vous vous êtes déjà interrogé sur la façon dont l'Allemagne, sortie vaincue du conflit et coupable collectivement du massacre d'un peuple, avait vécu l'immédiat après-guerre avant de s'acheminer vers les nations (RFA et RDA) puis la nation (Allemagne réunifiée) que nous connaissons maintenant, l'essai d'Harald Jähner, « Le temps des loups – L'Allemagne et les Allemands (1945-1955) » devrait vous aider à répondre aux questions que vous vous êtes posées.



« La manière dont deux sociétés antifascistes et inspirant la confiance ont […] pu, chacune à sa manière, s'établir sur la base du refoulement et de l'altération des faits constitue une énigme que cet ouvrage aimerait éclairer en étudiant les défis extrêmes et les styles de vie singuliers des années d'après-guerre », explique l'auteur dans son avant-propos.

En un peu plus de trois cents pages, il analyse avec rigueur et minutie l'état dans lequel le pays se trouvait une fois les armes déposées, aussi bien physiquement que mentalement et l'évolution qu'il a connue, entraînant un changement progressif des mentalités.



A la fin de la guerre, l'Allemagne compte 500 millions de mètres cubes de décombres et des millions de personnes déplacées. Les expulsés des territoires de l'est viennent bouleverser les équilibres régionaux, au point de faire craindre une guerre civile.

Les femmes, qui avaient tout géré pendant que les hommes étaient au front, les ont vu rentrer et, bon an mal an, alors que ce retour n'avait rien de triomphal, ont dû leur laisser reprendre les rênes. En même temps, elles affirment une farouche volonté de vivre jointe à « une envie de l'étranger » qui se traduit notamment par leur fréquentation des soldats Alliés, malgré l'interdiction formelle qu'avait reçue les GI à ce sujet.



Les Allemands sont pris d'une frénésie festive, que le contexte de misère ne parvient pas à freiner. « Le carnaval devint une métaphore courante pour désigner le double visage des Allemands d'après-guerre. La société de capitulation cédait lentement le pas à la société des loisirs ».

Pourtant, l'heure est, au quotidien, à la débrouille. La nécessité de faire face, en restant à peu près dans des limites socialement acceptables, supplante les récents antagonismes (entre membres du parti et opposants). le marché noir est incontournable et le recours au pillage (de charbon et de pommes de terre notamment, sur des trains qu'on force à l'arrêt) souvent nécessaire pour survivre. Étonnamment, souligne l'auteur, les Allemands s'inquiètent alors de cette situation. « On imagine difficilement pire distorsion de la perception collective », explique-t-il : le peuple allemand se perçoit comme basculant dans la criminalité, alors qu'« aux yeux du monde, « les Allemands », avec leurs crimes de guerre et leur génocide, étaient depuis longtemps devenus des criminels. Ils avaient rompu avec la civilisation, étaient sortis du cercle des nations dans lesquelles les droits de l'homme étaient en vigueur. »



Le 20 juin 1948, l'Allemagne voit l'introduction du deutsche mark avec l'éviction conjointe du reichsmark. « […] environ 93 % de l'ancienne masse de reichsmarks fut détruite sans remplacement. Il ne resta aux épargnants qu'un total de de 6,5 % de leur patrimoine. » Cette réforme monétaire constitua un véritable big bang qui initia le redémarrage de l'économie en réinstaurant la confiance des Allemands dans leur monnaie et en redistribuant les cartes de manière équitable.



Dans le même temps, l'appétit de culture qui a saisi les Allemands dès la fin du conflit ne se dément pas. L'art abstrait profite de la guerre froide pour s'imposer à l'Ouest, pendant que le figuratif est la règle à l'Est. le design devient épuré et la fameuse table en forme de rein s'affiche aux antipodes des anciens meubles massifs en chêne. L'auteur explique à quel point ce changement du design accompagne l'évolution des mentalités.

In fine, « la puissance de l'essor économique joua un rôle plus central dans la conclusion positive de l'histoire de l'après-guerre. […] Cette chance [du miracle économique] était totalement imméritée. Que les Allemands, à l'Est comme à l'Ouest, se soient hissés en quelques années au sommet économique de leur bloc respectif n'avait rien à voir avec la justice historique. »



Et la culpabilité allemande, dans tout cela ?

Après guerre, le massacre des Juifs semble, chez les Allemands, de l'ordre de l'indicible. Dès lors, ils vont avoir une propension manifeste à se considérer comme victimes du national-socialisme, des dupes embarquées malgré elles par un système qui les a leurrées (la réalité est plus nuancée : excepté dans ses derniers moments, la dictature national-socialiste n'avait pas eu besoin de recourir à la terreur pour s'installer durablement). le mal avait soudain surgi et s'était déchaîné, cela aurait pu arriver dans un autre pays que le leur.

L'adoption d'une telle attitude d'autovictimisation permit le refoulement (et « le miracle d'une dénazification mentale »), elle évita de se confronter à l'atrocité des crimes commis, même si, déjà (et avant la génération ultérieure), de jeunes Allemands attaquaient leurs parents et leurs grands-parents à ce sujet, tout en leur reprochant de les avoir envoyés se faire tuer à la guerre.



Dense et passionnant de bout en bout, « Le temps des loups » s'efforce de traquer la vérité des faits et des consciences au-delà des « mythes et fantasmes » venus les travestir et les transformer éventuellement en représentations collectives erronées. Agrémenté d'une iconographie très bien pensée, c'est un essai d'une remarquable intelligence, dont je ne peux que vous recommander la lecture.
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Le temps des loups : L'Allemagne et les All..

Un livre passionnant sur la façon dont les Allemands ont vécu le chaos de l’après-guerre.
Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
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