Citations de Henri Lopes (49)
Il me parla de son aversion pour la torture. Que ce procédé butait les accusés contre ceux qui le pratiquaient à un point tel que tièdes opposants, en arrivant ici, ils devenaient farouches une fois sortis de nos mains. La torture à son avis dégradait l’homme. Or il avait mission de veiller à la sécurité de l’État, non de ravaler l’homme au rang de l’animal.
— Mais ce n’est pas un homme, c’est un communiste.
En Afrique c’est celui qui gagne qui a les applaudissements. Pas celui qui a raison. Aujourd’hui tu es président, je suis en prison, tout le monde t’applaudira comme « père de la nation » et moi je serai « le traître ». Demain tu tombes, je sors de prison, les mêmes qui t’acclamaient me décerneront le titre de héros national.
— Et les filles, elles ne peuvent pas t’aider à faire la cuisine ou le ménage ? Toi, Marcelline, par exemple ?
— Mais papa, j’ai beaucoup de travail.
— N’oublie pas que tu es une femme. Le premier travail d’une femme c’est le travail domestique.
— Enfin comprends, toi aussi, dit la mère, tu sais bien que Marcelline prépare son Bac cette année.
— Et vous croyez que c’est avec le Bac qu’elle retiendra son mari à la maison ? C’est avec de bons plats, oui. Avec autre chose aussi.
C’est dire que j’effrayais Samba par ma façon d’étudier et il est fort probable que si nous n’avions pas été du même village, il aurait rapidement cherché un autre camarade de chambre. Mais nous sommes, nous Congolais, encore ainsi faits qu’une personne qui a les mêmes goûts et les mêmes idées que nous nous paraît toujours plus dangereuse que celle avec qui nous avons le dialecte et le clan communs.
Au lieu de restituer le passé dans sa réalité où des zones d’ombre côtoyaient celles de lumière, elles le peignent comme un âge d’or vers lequel revenir. Il n’y a pas de paradis perdu, il est à conquérir, à édifier….
Nous avions des héros, des sages, mais aussi des esprits retors, vils et peu reluisants. Sans la complicité de certains de nos ancêtres, la traite négrière n’aurait jamais fait d’aussi gros profits.
Aveuglés par des préjugés, qui pourraient bien mériter le nom de nazisme tropical, on nous a vus fondre, la machette à la main, sur le voisin et l’éliminer avec la hargne de fauves pourchassant une autre espèce-
A force de rêver nos identités et d’idéaliser l’histoire de nos communautés, nous avons transformé le présent en cauchemar.
Ce n’est pas trahir la négritude que déclarer africains des hommes à la peau blanche. C’est reconnaître la complexité de la réalité. Car l’Afrique n’est pas une race, elle est plus qu’un continent, elle est un processus évolutif et continu.
L’Afrique doit devenir une idée généreuse.
Une littérature inspirée seulement par le tam-tam du village natal subirait le même destin que ces familles qui, par prévention contre l’étranger, pratiquent le mariage consanguin. …… A force de pratiquer l’exclusion, elle générerait le sectarisme, l’obscurantisme et l’étroitesse d’esprit.
Aujourd’hui, je proclame que, tout bien considéré, à côté de mes ancêtres bantous, je possède aussi des ancêtres gaulois. Mieux, je les revendique. Il ne s’agit pas évidemment de Vercingétorix, mais d’Homère, de Platon, d’Ovide, de Montaigne, de Montesquieu, de Voltaire, de Jean-Jacques Rousseau, de Flaubert, de Goethe, de Heine, de Shakespeare, de Rainer Maria Rilke, de Proust, de Camus, mais je m’essouffle et j’en oublie.
Mon fameux cousin m'assurait que les miliciens n'en démordaient pas. Ils avaient été l'objet d'une attaque par des êtres étranges à la double apparence : humaine et animale. Malgré leur peau noire, les Cubains ne parvenaient pas à comprendre ; ils n'avaient pas, les malheureux, l'esprit bantou. Pour comprendre ce phénomène il fallait avoir été circonscris, connaître le sens des masques et des statues, avoir été éduqué dans nos contes, mythes et légendes.
Je la mettais en garde contre une grossesse, qui compromettrait ses études et notre projet d'aller un jour là-bas, sur le Boul'Mich', comme Césaire et Senghor. J'ajoutais qu'accoucher un métis, dans un pays indépendant, où il faudrait de plus en plus donner la preuve de son patriotisme et de ses origines, c'était s'attacher un boulet à la cheville.
Paroles du père Houang (prêtre né en Chine) à Henri Lopes : "Je dis souvent aux occidentaux, et à mes amis chrétiens, vous avez conçu le christianisme, mais c'est la Chine qui porte la croix du monde"
Couchée sur le ventre, une jambe repliée, sa chevelure de feu dénouée jusqu'aux reins, elle ressemblait à un félin royal au repos. Tel un peintre devant son modèle, j'appréciais la finesse de ses formes.
Sous son portrait, plus grand que celui de ses pairs, les feux de la presse détaillaient le visage de Tonton. Différenciant bien les é des è et des ai d'une part, les au des o d'autre part, les i des u enfin, relevant la tête de temps à autre pour regarder la salle, le général se mit à lire le discours que lui avait tendu son officier d'ordonnance.
... un livre d'Africain vivant en ces temps et qui se respecte, ne peut être qu'engagé...
A Moundié, l'on admirait le courage des enfants, tout en se demandant s'il est bon d'exciter la panthère quand on a perdu son fusil.
Je pourrais, pendant des heures, vous imiter le discours de Tonton, comme celui de ses pairs. Vous vous y laisseriez prendre et parieriez que j'ai suivi les cours de formation de L'Ecole des chefs D'Etats. En fait, je ne possède là aucun mérite particulier. Tous les enfants du Pays, sont en ce domaine aussi habiles que moi. C'est le fruit du bain sonore dans lequel ils grandissent dès qu'ils abandonnent le sein maternel.
Que se montre chiche chez le boucher doit débourser le double chez messieurs les médecins et autres pharmaciens.
Le don tuait l'esprit d'initiative et d'entreprise.
Je me trouvai brusquement sans toit. Aveuglé par l’idéologie, j’avais considéré l’acquisition d’un bien privé comme un début d’embourgeoisement, un renoncement à mes idéaux, sans avoir pour autant une formule de substitution. En même temps, je me sentais responsable du sort de ma femme, qui n’était pas congolaise, et de celui de mes quatre enfants. Dans la précipitation, je m’attelai à trouver une solution pour ne pas mettre mon petit monde dans le besoin.