Citations de Henry de Montherlant (755)
Se faire des amis est une obligation de commerçant. Se faire des ennemis est une occupation d'aristocrate.
“Quand on aime pas les gens, il faut leur donner selon leur mérite.”
Mais tu ne comprends pas ou ne veux pas comprendre
Que j'invente toujours quelque chose au delà,
Et comment, dans l'instant où tu es la plus tendre,
Je lève du délire obscur, pour te la tendre,
La face de malheur que l'amour met en moi.
Et cet infime peu que je n'aurai pas eu,
Monstrueux, envahit tout mon bien et le ronge.
Je m'endors, recouvert de toi comme d'un songe,
Je me réveille, tu es là, et je suis nu.
MADEMOISELLE ANDRIOT : Les larmes aux yeux devant vous ! Le meilleur moyen de vous exaspérer !
RAVIER : Vous vous trompez. J'aime les larmes.
MADEMOISELLE ANDRIOT : Vous aimez, peut-être les larmes, mais vous les aimez jeunes. Les jeunes larmes...
Acte I, Scène 2.
RAVIER : Les objets sont insignes, et les hommes sont hideux. [...]Vous m'avez entrouvert la porte un instant sur un monde tout à fait autre, et puis l'avez refermée. Sur quel monde ? Sur le monde de la propreté, de la fierté et du courage. Et encore : sur le monde qui celui des neuf dixièmes de l'humanité, le monde des gens qui n'ont pas plus d'argent qu'il ne leur en faut. [...] Un monde où il y a autre chose que les liaisons d'apparat ou l'amour vénal... Vous m'avez ouvert cette échappée sur un jardin plein de musique, et puis vous l'avez refermée.
Acte I, Scène 1.
Il est plus difficile de se détacher de ses vieux vêtements, que de se détacher des êtres qu'on aime. Après vingt ans d'intimité, on peut se trouver moins unis que si on ne s'était vus qu'une fois. La présence quotidienne, la confiance, les soucis partagés ne créent rien ; mieux, il arrive qu'ils séparent. L'habitude sépare.
(Demain il fera jour)
Il y a, dans le mariage musulman, tel qu’il est célébré à Alger, une coutume saisissante. La coiffeuse s’avance vers les jeunes mariés et verse de l’eau de jasmin dans les deux mains réunies de la mariée ; le mari se baisse et boit cette eau ; la coiffeuse procède de même pour le mari, mais lorsque la mariée se prépare à boire dans les mains du mari, celui-ci ouvre les mains et le liquide s’échappe. Voilà une coutume atroce : il est posé en principe que l’homme doit être heureux, et que la femme ne doit pas l’être.
Inès : II redoutait cette colère.
Ferrante : II savait bien qu'un jour il devrait la subir, mais il préférait la remettre au lendemain, et sa couardise égale sa fourberie et sa stupidité. Il n'est plus un enfant, mais il lui est resté la dissimulation des enfants. A moins que... à moins qu'il n'ait compté sur ma mort. Je comprends maintenant pourquoi il se débat contre tout mariage. Je meurs, et à l'instant vous régnez ! Ah ! j'avais bien raison de penser qu'un père, en s'endormant, doit toujours glisser un poignard sous l'oreiller pour se défendre contre son fils. Treize ans à être l'un pour l'autre des étrangers, puis treize ans à être l'un pour l'autre des ennemis : c'est ce qu'on appelle la paternité. (Appelant) Don Félix ! Faites entrer don Christoval, avec trois officiers. Madame, ce n'est pas vous la coupable, retirez-vous dans vos chambres : on ne vous y fera nul mal Don Félix, accompagnez dona Inès de Castro, et veillez à ce qu'elle ne rencontre pas le Prince.
Inès : Mais don Pedro ? Oh ! Seigneur, pour lui, grâce !
Ferrante : Assez !
Inès : Dieu ! il me semble que le fer tranche de moi mon enfant.
Ferrante : Don Christoval je vous confie une mission pénible pour vous. Avec ces trois hommes de bien, vous allez arrêter sur-le-champ le personnage que j'ai pour fils. Vous le conduirez au château de Santarem, et vous l'y détiendrez jusqu'à ce que j'aie désigné qui le gardera.
Don Christoval : Seigneur ! Pas moi ! Un autre que moi !
Ferrante : Vous, au contraire, et nul autre que vous Cela vous fait souffrir ? Eh bien, maintenant il faut que l'on commence à souffrir un peu autour de moi.
Tout ce temps, M. Elie malaxait une boulette de mie de pain qu’il avait rapportée du restaurant, boulette que sa salive et la saleté de ses doigts avaient rendue si noire et si brillante qu’on l’eût prise pour une boulette de goudron. À certain moment, il s’arrêta net dans une évocation sentimentale qu’il était en train de faire, et se mit à fureter sous les meubles, avec des yeux hagards. « Qu’est-ce qu’il y a, l’oncle ? » demanda Léon, inquiet. « J’ai perdu ma boulette », dit le vieux, le visage bouleversé. Léon, s’agenouillant, la chercha avec lui. Quand il l’eut aperçue, il eut une courte hésitation : puis il songea que c’était son dernier soir auprès de son oncle, et au nom du passé, au nom de la famille, au nom du souvenir de sa mère, il ramassa l’immonde petite chose et la lui tendit.
Nous aimons les animaux, parce qu'ils ne mentent pas. C'est pour cela que l'homme les a mis en esclavage: ils lui rappelaient la vérité.
RAVIER : Savez-vous ce qui est pénible dans les affaires ? C'est qu'il faut toujours chipoter. [...] Ah ! c'est beau, de gagner de l'argent, mais ça se paie cher !
Acte I, Scène 1.
Je hais le vice et le crime. Mais, en regard de la naïveté, je crois que je préfère encore le vice et le crime.
" Le bonheur s'écrit à l'encre blanche sur des pages blanches. "
RAVIER : À quoi me sert tout mon travail ? Quel est le sens de tout cela ? Tout cela, qui m'a suffi pendant trente-cinq ans, à présent ne sert qu'à me rappeler que cela ne me suffit plus.
Acte III, Scène 1.
Et tout cela, coeur qui éclate, voix qui casse,
Tout cela... le bonheur ? Ah ! mon Dieu, savions-nous
On peine, on pense, on parle... Il passe ! Il passe ! Il passe !
C'est lorsqu'il est passé qu'on se met à genoux.
Nous l'avons dit et nous le répétons : ce qu'il y a de tragique chez les anxieux, c'est qu'ils ont toujours raison de l'être.
IPHIGÉNIE AUX CILS BATTANTS
Je l’ai vue au bord de la rivière,
Iphigénie aux cils battants.
Elle était claire, claire, claire.
Elle battait des paupières
comme je fais quand je mens.
Elle baisait un rai de soleil.
Elle était une petite enfant
sans parures et sans ailes,
sans rien que ses cils battants.
Et j’ai pleuré en la voyant
si pareille, si pareille
à moi, quand j’avais dix ans.
Et je lui dis : «Petite claire,
Mademoiselle aux cils battants,
pourquoi toujours ce battement
des paupières, des paupières,
comme un vilain lorsqu’il ment ?»
Elle me dit : «Monsieur, je bats
des paupières si souvent,
sans pouvoir comprendre pourquoi
les jours où je ne sens pas
le moindre souffle de vent.»
Lors parut Monsieur son père
avec sa barbe de chat.
Le bécota, le tripota,
lui dit : «Mon petit papa»,
et le reste à l’avenant.
Et j’ai pleuré en la laissant
sur cette terre, cette terre
pas faite pour les enfants,
Iphigénie aux cils battants.
Tout ce que j'avais construit quand vous étiez là, vous le défaites pendant l'absence. Tout ce que j'avais construit pendant l'absence, vous le défaites quand vous êtes là.
Non, ce qui m'effraye, c'est l'obscurité où l'âme demeure pour l'âme. Elle n'a rien compris à moi, malgré toutes les apparences, puisqu'elle a pu se tromper sur moi à ce point. Et moi je n'ai rien compris à elle, puisque jamais, au grand jamais, je ne l'aurais crue capable de se tromper ainsi. Baudelaire l'a bien dit : rien qui ne soit fondé sur le malentendu.
Éternité est l'anagramme d'étreinte.