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Critiques de Hermann Hesse (804)
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Le Loup des steppes

Le Loup Des Steppes m’apparaît comme la tentative honnête d’un écrivain à décrypter le sens de son existence et à nous relater certaines de ses expériences, de ses réflexions ou de ses états mentaux face à cette thématique.

En ce sens, ce livre n’est pas un roman ordinaire. Je le rangerais volontiers auprès d’un ouvrage comme Sur La Route de Jack Kerouac, dans la catégorie des livres qui s’intéressent à la quête de sens et d’expériences extrêmes, dans celle qui sont non pas des histoires mais des états d’esprit.

De même qu’avec Kerouac, il faut être en résonance avec l’auteur pour que l’alchimie de lecture fonctionne, sans quoi c’est une déception cruelle pour le lecteur. Ce n’est pas un livre qu’on peut, à mon sens, apprécier si l’on n’y vibre pas, s’il ne nous sort pas nos propres tripes sur la table. On ne peut pas l’aimer « un peu ». Soit on déteste, soit, et c’est mon cas, ce livre représente un rare moment de bonheur littéraire, édifiant comme rarement livre ou expérience peut l’être.

Le roman comporte plusieurs moments avec des identités bien différenciées mais non clairement délimités spatialement par une fin de chapitre ou une indication de partie. J’aurais tendance à dire quatre moments, mais c’est discutable car ambigu. Je ne vous mentirai pas en vous affirmant qu’ils m’ont tous autant enchantés les uns que les autres. J’ai moins vibré lors des moments 1 et 4, qui correspondent évidemment au début et à la fin du roman. Par contre, les deux autres moments m’ont tellement plu, tellement subjuguée, ont été tellement forts et parlants à ma sensibilité qu’ils suffisent à eux seuls à expliquer tout mon enthousiasme à évoquer cette œuvre si particulière.

Harry Haller (tiens, deux H pour initiales, comme un certain Hermann Hesse) approche de la cinquantaine. C’est un homme d’une culture, d’une intelligence et d’une sensibilité hors du commun, tellement hors du commun qu’il ne se sent à sa place nulle part auprès de ses contemporains plus « ordinaires ». Il se sent une double personnalité : d’une part l’homme, brillant, attiré vers les sujets élevés, culturels, mystiques, philosophiques ; d’autre par le loup, misanthrope, sauvage, agressif, écorché vif, fuyant.

Harry Haller vogue à l’aveuglette, de dégoût en déception sur l’humanité qu’il ne comprend pas, qui ne le comprend pas, vers un naufrage certain. Les piètres consolations que lui procurent l’alcool aident toutefois à lui rendre la vie encore supportable… mais pour combien de temps !

Un soir d’errance et de mal-être, Harry voit surgir un homme muni d’une pancarte où l’on peut clairement lire « Soirée anarchiste ! Théâtre magique ! Tout le monde n’est pas autorisé à entrer ». L’homme possède aussi de petites brochures intitulées « Traité sur le loup des steppes. Tout le monde n’est pas autorisé à lire. » Puis l’homme disparaît en laissant simplement une brochure à Harry.

Évidemment, Harry va retrouver dans cette brochure son portrait complet, mais avec des allusions et des dérisions qui vont l’amener à s’interroger sur lui-même, à se sonder intimement et à se remettre en question.

Cependant, pas bien avancé par ces découvertes, ces mises en lumière ou ces mises en mots de ce qu’il avait toujours plus ou moins su inconsciemment, Harry aurait été prêt de sombrer à nouveau et même de mettre fin à ses jours s’il n’était tombé sur la ravissante petite Hermine (tiens, un féminin d’Hermann !)…

Saura-t-elle lui montrer ce que c’est vraiment que la vie ? Autre chose ? Que saura-t-elle, elle, que lui ne savait pas ? Quelles personnes pourrait-elle bien lui faire rencontrer ? Dans quel but ? Le tout est de savoir si vous êtes, vous aussi, prêt à faire l’expérience, à vivre ou revivre mille vies en une, à vos risques et périls…

On comprend tout à fait à la lecture de ce livre qu’il ait constitué une référence, tout comme le susnommé Sur La Route, pour la génération hippie des années 1960-70, elle aussi en quête de sens et prête à toute les tentatives, toutes les substances, licites ou illicites, toutes les aspirations, mystiques ou sensitives, comme notre vieux loup des steppes.

En tout cas, un très grand coup de cœur pour moi, un livre qui m’a marquée et qui continuera longtemps de le faire, je pense, mais ce n’est là que mon avis, mon tout petit avis chétif, c’est-à-dire, bien peu de chose.
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Narcisse et Goldmund

Il y a lire des livres, et il y a lire de la littérature.

Très (trop) souvent je lis, je lis des livres, des livres et des livres encore… Et je m'endors avec, la main déjà dans le « fort molle », la farce sur l'oreiller, l'oeil à peu près mi-clos, luttant, peinant, cravachant dur pour cavaler, si possible, jusqu'au bout de ma page — ah, maudite page ! — avant d'être tout à fait croquée par le sommeil, une fois encore.



Un soir, deux soirs, parfois trois soirs de suite ça dure, cette affaire-là. Je me cogne et je me recogne et je me rerecogne la même putain de page sans nom, captivante au moins comme les reliefs de Frise et du Bangladesh réunis, d'un caractère si décisif, oui… si des Sisyphe pouvaient venir m'aider un peu sur ce coup-là, car vraiment, les deux précédents soirs, cent coups fait rire, enfin sans erreur possible je veux dire, ce sont décidément mes saletés de paupières qui ont encore gagné… aïïïïïïïïïïïïïe !



Vous avez connu ça, vous aussi, n'est-ce pas ? Et puis un jour — un soir, pour être exacte — au moment où vous ne l'espériez plus, vous tombez nez-à-nez avec la littérature, et là, là, c'est la page qui gagne, que dis-je ? qui VOUS gagne. Vous la relisez, pourtant — ça devient une habitude, à force — sauf que là, ça se passe tout de suite, dans la foulée, et juste après, rebelote, vous la relisez encore, mais seulement parce que vous la trouvez belle, cette fois, oui, belle, tout simplement belle…



Mazette, les gars ! Sabrez le champagne et sablez, les gars, sablez ! Non, pas pour moi, merci, je me contenterai de regarder monter les bulles de ces pages… du fond des vers mélancoliques… mêlant colique avec quoi d'ailleurs ? Ça, je ne sais pas… Mais enfin, voilà, tout de même, ça y est, je la tiens ma belle page… ma belle page, belle comme… Ah ! la vache ! me v'là coincée !… À l'aide !… Bon, laisse tomber, ma vieille, tout le monde roupille, faut que tu t'y colles !



Bon, alors, belle comme… une citadelle, peut-être, ou une cicindèle, je ne sais plus trop, je les confonds ces deux-là ; belle comme une épine de prose plantée dans l'épié, t'as vu, Freddy, fallait la caser celle-là, pas commode ; belle comme un filet d'Ariane mijoté au Grand Thésée, c'est ça ? Ou du Cointreau, peut-être bien, j'affirmerais pas. Bon, okay Freddy, t'as raison, tout le monde s'ennuie, j'accélère !



Belle comme une formule féroce qui fait fleurir les phrases même quand ce n'est plus du tout la saison ; belle comme ces objets usés qui vous rappellent des êtres chers ; belle comme le mot sublime que vous n'avez jamais pu sortir, souvenez-vous, coincé dans la gorge, dès la première minute du premier soir de votre premier amour ; belle comme cette employée courageuse — mais fatiguée —, celle dont tout le monde oublie le nom, et qui accepte pourtant de se farcir tout le sale boulot, sans chichi, sans trémolo, parce qu'il faut que ce soit fait, parce qu'il le faut, un point, c'est tout, et la voilà déjà partie ; belle comme un adverbe et une préposition qui s'étonneraient de plonger tout seuls, le soir, un crépuscule d'été, dans les immensités sans fond, quand les nébuleuses frétillent et que les vers luisants font des machins pas clairs avec leur lumière dans le train pour attirer les autres…



Aaah ! Ouais… Freddy ! C'est ça, peut-être bien, que ça nous fait, la littérature ! Ça nous allume des choses louches à des endroits bizarres, même en pensée… Tu me diras, ça va, tu es dans ton lit, tranquille, il fait nuit, personne te regarde, y a pas d'outrage…



Mais si pourtant, il y a outrage, cré vingt dieux ! parce qu'on nous fait croire, à nous, que ce qu'on tenait dans les mains et qu'on a laissé tomber au pied de notre pieu trois soirs de suite, ce qu'on tenait dans la musette, quand on se baladait froidement dans les pics et les ravins de la Zélande, qui atteignent tous facilement vingt centimètres, on nous fait croire, vous dis-je, que c'était ça, la littérature et que ça pouvait allumer des choses en nous ! Et ça n'allume rien, jamais, vous le savez bien, sauf peut-être bien sûr, un barbecue, quand on n'a plus d'allume-feu, et encore, il faut voir, même pour ça c'est pas garanti…



Alors que la littérature, en vrai, quand on en croise, on la reconnaît à ses lumières, pas vrai ? Pas besoin d'écrire en gros dessus LITTÉRATURE ou PRIX MACHIN, c'est comme si moi je m'amusais, comme ça, rien que pour faire joli, à écrire CYANURE ou LION VIVANT sur un paquet de lentilles ou des toilettes publiques.



Y en a qui trouveraient à redire, j'en suis certaine, alors pourquoi qu'ils le font avec la littérature qu'allume rien, les autres, hein ? Pourquoi ? Je me le demande. Faudra-t-il un jour qu'on écrive ZÈBRE en-dessous de chaque zèbre qu'on verra ? Des fois qu'on confondrait avec une girafe ou un oryctérope ? Elle est peut-être là, L'ÂNE AU MALI ?



Ouais, bon bref, j'en appelle à tous ceux qui en ont sérieusement marre de se manger de l'oryctérope étiqueté zèbre à longueur de pages. Ce que vous allez lire, là, Narcisse et Goldmund, ça ne vous plaira peut-être pas, c'est vrai — qui le peut à chaque fois et pour tous ? — mais c'est de la littérature. En soi, c'est déjà devenu tellement rare que ça mérite au moins un coup de chapeau pour commencer.



Et si je devais en parler à quelqu'un qui n'en aurait jamais entendu parler, je commencerais sans doute par lui rappeler qu'on a coutume de dire que le personnage principal d'une oeuvre de fiction est celui qui évolue le plus au cours de la narration. À ce titre, il est certainement possible d'affirmer que le personnage qui évolue le plus dans « Narcisse et Goldmund » est Goldmund. Indubitablement, c'est lui le personnage principal : dans une bonne moitié du livre, on ne parle que de lui.



Alors ? Alors pourquoi ce titre si énigmatique ? Pourquoi mettre sur un pied de quasi égalité deux entités apparemment si dissemblables, si disproportionnées et qui aucunement ne pèsent de la même façon sur les deux plateaux de la balance ?



Demandons-nous alors que symbolisent, apparemment, ces deux personnages fictifs : Narcisse, ascétique, pondéré, calme, froid, méditatif, versé de sciences, de théologie, véritable rat de bibliothèque, intéressé seulement de théories et de choses de l'esprit. Soit. Qu'en est-il de Goldmund à présent : sensible, sensuel, impulsif, jouisseur, bouillant, sans cesse remuant, avide d'expériences chaque fois nouvelles, désireux de tester avant tout, presque sans réfléchir, quitte à se brûler les doigts.



Les choses apparaissent peut-être plus clairement désormais : Narcisse, c'est l'esprit, c'est la réflexion et Goldmund, c'est le corps, c'est la sensation. Ce que Hermann Hesse semble vouloir illustrer, d'après moi, dans ce roman, ce sont les deux sources de la connaissance auxquelles tout un chacun peut puiser : l'inférence et l'expérience. L'une est théorique, l'autre est pratique mais les deux procurent un savoir sur la vie, la nôtre et celle qui nous entoure.



En ce cas, pourquoi Goldmund est-il le personnage principal de ce roman, si les deux approches sont d'égale importance ? Eh bien, je crois (cette interprétation est mienne et réclame vraiment beaucoup de prudence, j'y exprime seulement mon propre ressenti, aucunement une vérité avérée), je crois, donc, que ce dont nous parle Hermann Hesse, c'est du cas particulier de l'art et, plus encore peut-être, du dilemme propre aux artistes.



Car l'art, en soi, qu'est-ce que c'est ? Quelque chose qui parle aux sens, qui crée des émotions, tout en s'adressant à l'intellect — et c'est là la spécificité de l'art comparativement à tout autre activité humaine, peut-être — c'est de parler aux sens EN MÊME TEMPS qu'à l'esprit. L'artiste doit donc être À LA FOIS sensible et théoriser sur cette sensibilité pour mieux pouvoir l'exprimer, la livrer aux autres. (Fernando Pessoa a des phrases fameuses là-dessus dans son Livre de l'Intranquillité.)



Bref, l'oeuvre d'art, c'est ce qui procure des émotions tout en stimulant notre réflexion ; l'oeuvre d'art est ce qui fait la synthèse entre la réalisation technique de l'oeuvre et la somme d'expériences vécues et théorisées par l'artiste pour y donner naissance. Et voilà pourquoi, d'après moi, Goldmund se retire après avoir produit ses deux seules oeuvres véritables : la statue de Saint Jean et la chaire.



Si l'artiste fait autre chose que cela, il dévoie l'art. Certes, cela peut lui procurer beaucoup d'argent, de la reconnaissance éventuellement, mais d'art, point. C'est cela aussi, d'après mon interprétation, que cherche à nous dire Hermann Hesse dans cette oeuvre : l'artiste qui aligne les oeuvres les unes à la suite des autres, malgré toute sa maestria technique, malgré tout l'esthétisme qu'il sera capable de déployer, ne sera rien d'autre qu'un vendeur de babioles pour béotiens ébahis.



(Combien d'oeuvres soi-disant « littéraires » sont du même acabit et répondent à la même logique marchande ? Un écrivain, même très grand, au cours de son unique vie, des oeuvres d'art véritable, combien en produira-t-il ? Certainement pas des tas, d'où l'ineptie, d'où le non-sens artistique des bandeaux colorés sur des livres pondus à heure fixe et à bonne date, du genre : “ le dernier Joncour “, “ le dernier Nothomb “, “ le dernier Dubois “, etc.)



Si je veux illustrer ce propos au moyen d'oeuvres ou d'artistes connus, je ne vois pas meilleur exemple que Pablo Picasso. Si j'ai bien compris ce que Hesse cherche à nous dire, notamment par l'entremise du personnage de maître Niklaus, c'est qu'un Picasso aura pu produire des centaines et des centaines d'objets esthétiques ayant beaucoup de prix sur le marché de l'art, lui rapportant à la fois aisance financière et renommée internationale, mais les zéros, même à la fin d'un prix, restent des zéros. D'oeuvres d'art véritables, au sens qui parlent autant au corps qu'à l'esprit, qui laissent durablement leur empreinte sur le spectateur et sur le monde, il n'y en aura eu que deux : Les Demoiselles d'Avignon et Guernica, respectivement produites à 26 et 56 ans, soit les bornes naturelles et biologiques de ce qu'on appelle ordinairement « la force de l'âge ».



Picasso lui-même semblait parfaitement conscient de cet état de fait. On rapporte que l'artiste, au cours d'un dîner dans un restaurant, aurait fait un dessin sur une serviette ou une nappe en papier et qu'il l'aurait donné à l'un (ou l'une, je ne sais plus) des convives. Ce dernier (ou cette dernière) lui aurait alors demandé de signer son dessin, ce que l'Espagnol aurait refusé en déclarant : « le dessin ne vaut rien mais la signature vaut des millions. »



Pourtant, dans Narcisse et Goldmund, il y a encore bien plus que cela. L'auteur reprend, aménage, réexprime ce qu'il avait déjà admirablement explicité dans le Loup des Steppes, à savoir que toute personne, du simple fait de sa conception par deux parents nécessairement singuliers et distincts, est toujours plus ou moins tiraillée entre différents aspects de sa personnalité. Certains lui ayant été transmis par le père, d'autres par la mère.



C'est cela que vit Goldmund. S'il est fasciné, au départ, par le personnage de Narcisse, c'est peut-être et avant tout parce que celui-ci fait appel en lui aux éléments typiquement paternels de sa personnalité. Cependant, le sage et perspicace Narcisse aura tôt fait d'exhumer de la personnalité duelle de son jeune admirateur les éléments purement maternels et qu'il refusait de prendre en considération jusque-là. Alors commence le déchirement de Goldmund, le désespoir de n'être pas celui que son esprit voudrait être, la déception d'être un corps avant même un cerveau.



Mais l'on n'échappe pas à sa nature. Si jouisseur tu es, Freddy, par atavisme, jouisseur tu seras, quelles qu'en puissent être les répugnances de l'esprit. le choc est terrible pour Goldmund, il aurait tant voulu être autre chose, mais en fait non, il est bien cela. Museler son moi profond au prix d'un effort ou d'une coercition de tous les instants ou accepter ce que l'on est, au plus profond de soi ?



Nul doute que Hermann Hesse a injecté beaucoup de lui-même dans Narcisse et dans Goldmund, il a dissocié l'être bicéphale qu'il était pour tâcher d'en faire deux abstractions à peu près pures. Nul doute qu'il y a beaucoup du véritable monastère de Maulbronn — qu'il a fréquenté — dans le monastère fictif de Mariabronn qu'il nous dépeint. Nul doute qu'il y a beaucoup de ses propres rébellions, de ses propres errances, de ses propres quêtes et de ses propres incohérences dans les rébellions, les errances, les quêtes et les incohérences de Goldmund.



Nul doute également que Narcisse et Goldmund, comme toute oeuvre d'art véritable, aura marqué les esprits de ses lecteurs et, probablement, aura fait des petits en littérature. Je vois, par exemple, dans le couple que forment Guillaume de Baskerville et Adso dans le Nom de la Rose d'Umberto Eco un vif clin d'oeil à Narcisse et Goldmund. de même, l'errance pleine de mort et de choléra d'Angelo dans le Hussard sur le Toit de Jean Giono n'est pas sans présenter de nombreux parallèles avec l'errance pleine de mort et de peste du susnommé Goldmund.



Enfin, en guise de conclusion, pour en terminer avec mon parallèle entre Goldmund et Picasso, quelles sont les deux seules oeuvres de Goldmund ? L'une, celle qui clôt sa jeunesse, n'est autre que le portrait de Narcisse en Saint Jean, c'est-à-dire, dit simplement, le portrait de la sagesse offert au monde des jouisseurs. L'autre, la chaire décorée de Mariabronn, n'est rien d'autre que l'inverse, c'est-à-dire celle qui clôt la force de l'âge de Goldmund et qui est une somme de la beauté et des jouissances du monde extérieur offerte au monde cloîtré de la sagesse et de l'esprit, à l'endroit même où se délivre la parole supposée transcendantale.



Quoi qu'il en soit, comme toujours et plus que jamais, l'essentiel est et sera toujours de lire par soi-même cette oeuvre puissante, complexe, non univoque, non commerciale et qui continue longtemps d'infuser dans l'esprit de ceux qui l'on lue et appréciée, passées les émotions premières, marque probable sinon indubitable des véritables oeuvres d'art. Dormez bien, ce soir, et quand vous songerez à vous racheter un vélo hollandais, souvenez-vous que ce n'est là que mon avis, rien qu'un coup de sonnette dans tout le trafic, c'est-à-dire, pas grand chose.

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Siddhartha

Siddhartha est un fils de brahmane, c'est-à-dire un érudit religieux de l'Inde, à une période floue, vaguement antique, même si le roman ne précise rien dans le détail. Siddhartha souhaite acquérir l'une des choses les plus rares et alléchantes qui soit sur la Terre — c'est-à-dire ni le pouvoir ni la richesse mais, au contraire —, la sagesse. (On m'accordera comme un axiome que la recherche éperdue du pouvoir ou de la richesse puisse être considérée comme le contraire de la sagesse.)



Bien que déjà étonnamment savant et cultivé pour son âge, Siddhartha considère que le savoir n'est pas le but ultime de sa quête existentielle et, malgré l'opposition de son père, il veut voyager pour apprendre ce qui manque à son accomplissement. C'est donc à un long périple initiatique auquel il va se livrer. Au départ, il est accompagné de son fidèle ami d'enfance Govinda, lui aussi fils de brahmane. Ils se font d'abord samanas, c'est-à-dire pèlerins mendiants. L'idée étant qu'en se séparant de toute possession matérielle, on accède plus facilement à l'état suprême, c'est-à-dire, le nirvana.



Ils demeurent dans cet état durant trois années, ayant appris certaines choses mais se jugeant tout de même globalement insatisfaits car n'ayant pas atteint l'état suprême. C'est alors qu'ils croisent la route d'un certain Gotama. (Pour ceux qui ne le sauraient pas, Siddhartha Gautama était le nom du fondateur du Bouddhisme. Donc Hermann Hesse entretient volontairement une confusion entre son héros nommé Siddhartha, qui n'est pas le Bouddha, et le personnage de Gotama, version à l'orthographe remaniée de Gautama, qu'il dit, lui, être le véritable Bouddha.)



Les deux samanas sont fascinés par Gotama et l'impression de plénitude qui orne son visage. (Bouddha signifie, globalement " celui qui est éveillé ", " celui qui a atteint le nirvana ". C'est donc un titre ou un surnom et pas un nom véritable) À telle enseigne que, sans hésitation, Govinda décide de devenir disciple de Gotama. Mais Siddhartha, lui, refuse et c'est là toute la thèse du roman.



À savoir que la sagesse, contrairement au savoir, ne peut pas s'acquérir auprès d'un maître mais doit se construire pas à pas selon un cheminement personnel qu'on ne peut faire que soi-même. En effet, selon Siddhartha (ce qui est aussi l'opinion de Hermann Hesse, manifestement) le fait de suivre les enseignements de Gotama ne dit rien de la façon dont lui a acquis cette sagesse suprême. Un peu comme le fait de suivre les cours d'un grand peintre ne nous apprend rien sur le " comment " il est devenu un grand peintre : car seul lui en a fait l'expérience.



Siddhartha, dans sa quête de tout (vérité, sagesse, savoir, élévation suprême de l'âme, etc.) considère qu'il doit tout expérimenter, même le péché et même la débauche, si l'on peut dire, car ils font partie du monde et quiconque désirerait connaître la vérité sans connaître CETTE vérité se fourvoierait. (Doctrine que reprendront plus tard à leur compte certains beatniks de la lignée de Jack Kerouac.)



C'est ainsi qu'il expérimente l'amour et la luxure avec Kamala, une riche courtisane. Il devient également joueur, commerçant et banquier sous la houlette de Kamaswami. Ces expériences s'étalant sur une vingtaine d'années et représentant le sansara, c'est-à-dire, le " mal " ou le contraire du nirvana.



Au seuil de la quarantaine, usé par des années de sansara, il décide une nouvelle fois d'abandonner toute richesse et tout honneur et de reprendre la route. Chemin faisant, il s'arrête au bord d'un fleuve et se lie d'amitié avec le passeur Vasudeva.



Siddhartha atteindra-t-il le but de sa quête ? Apprendra-t-il du passeur ? Aura-t-il des nouvelles de sa vie passée dans le sansara ? de son ancien ami Govinda ? de ses anciens compagnons samanas ? de son père ? de la ville ? Des autres hommes ?…



… et beaucoup d'autres questions auxquelles je vous laisse trouver par vous-même les réponses car on n'acquiert pas la sagesse auprès d'un maître mais, patiemment et par soi-même, nous dit Hermann Hesse, qui était un grand maître… mais alors ?… Ah ! Je ne sais plus finalement !



En ce qui me concerne, une lecture que j'ai trouvée fort intéressante. J'ai un peu moins aimé cet opus que le Loup des Steppes qui m'avait beaucoup impressionnée, mais je le conseille très volontiers. Toutefois, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Le Loup des steppes

Il m'est arrivé de critiquer sévèrement certains bouquins où j'avais le sentiment que l'auteur avait un regard totalement négatif sur le genre humain et, ce faisant, se plaçait lui-même très au-dessus de la "masse".

Ce n'est, en aucune manière, la démarche de Harry, le Loup des Steppes. Il n'est pas ancré dans des certitudes, il est en perpétuelle recherche de La Vérité, avec passion et humilité.



Néanmoins, je me dois d'admettre que certains passages métaphysiques m'ont été abscons. Je connaissais la signification des mots mais ne comprenais pas le sens des phrases. Mon esprit n'est pas assez libre ni assez évolué pour m'en permettre l'accès. Mes facultés de raisonnement se heurtent à des murs infranchissables érigés par l'implacable nécessité de faire face à des préoccupations quotidiennes que le Loup des Steppes qualifierait, à juste titre, de "bourgeoises".



Bourgeoise...! Rien que ce qualificatif me hérisse le poil. Il y a, à mon sens, tant de connotations péjoratives dans ce mot "bourgeois"..."bobo"...Pour moi qui revendique le milieu modeste dont je suis issue, et dont je fais toujours partie, être qualifiée de "bourgeoise" relève de l'insulte.

Mais il faut dépasser ce sens restrictif qu'on lui accorde et Harry a raison... je ne suis pas une bourgeoise sur le plan du statut social mais, que cela me plaise ou pas, mon esprit est bel et bien bourgeois.



Bourgeoise par manque de courage ou de folie. Bourgeoise parce que je me suis laissée happer sans résistance par un système que les générations qui m'ont précédée avaient, elles aussi, accepté. Bourgeoise parce que je n'ai pas su, et encore moins voulu, renoncer à cette insignifiante sécurité matérielle pour traverser la vie dans une errance spirituelle et solitaire.



Sacré bouquin ! Il aura fallu que j'arrive à la soixantaine pour me poser ces questions existentielles. Oh ! Cela ne modifiera en rien mon comportement "bourgeois" mais, grâce à l'oeuvre de Hermann Hesse, j'en ai pris conscience et on ne peut s'accepter vraiment que si l'on sait qui l'on est.

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Le Loup des steppes

LE LOUP DES STEPPES





Petit loup, pelage de velours

Duvet volant, duvet naissant.

Truffe luisante, noir étincelant

Deux yeux implorent l’amour.



Chasseur en herbe, fait ses armes

Dressé sur ses pattes, hurlant au vent.

Gueule ouverte sort ses crocs blancs

Avale sa proie, sans une larme.



Loup sauvage, fait des ravages

Loup sans âge, un vieux présage.

Loup enragé, sème la terreur

Loup solitaire, répand la peur.



Grand loup hurle à la lune,

A différent, aucun pardon

Ni loup, ni louve à l’horizon.

Pas même un chien de prairie

Juste le désert sans un cri,

Ni végétation, ni même un cep.

Juste le loup dans les steppes,

Un loup surgit du haut de sa dune.

Erveine2014

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Siddhartha

Hermann Hesse - Siddhartha -1922 : Ce livre est un voyage, un road movie sur les routes de la sagesse dans une Inde en pleine ébullition spirituelle. Contrairement à ce que le lecteur peut penser de prime abord ce Siddhârta n’est pas le Bouddah en personne ni même un condisciple de cette grande figure mystique critiquée d'ailleurs par le personnage principal qui décide de ne pas suivre ses préceptes après l'avoir rencontré. L'histoire de cet homme pourrait être celle de chaque être humain car nous sommes tous confronté au cours de notre vie à des crises existentielles qui interviennent lorsque nous nous retrouvons devant un croisement de chemins sans savoir lequel suivre pour le reste de nos jours. C’est le fameux crossroads et la possible rencontre avec le diable, une ancienne allégorie reprise dans le sud des États-Unis qui résonne beaucoup dans les chansons des vieux bluesmen. Alors quelle voie choisir ? Celle qui permet de jouir des biens matériels et d'être heureux si on réussit ou alors de ne pas l’être lorsque le manque de moyens amène la frustration à dominer sa propre vie. Ou une autre dénouée de toute ambition matérielle qui pourra apporter le bonheur mais après bien des sacrifices. Siddartha qui se voit en hermite ne tient pas l’engagement qu’il s’est fait à lui-même en faveur de l'introspection et du dénuement. Pour l'amour d’une princesse il va goutter lui aussi à une vie de luxe et d'opulence. La jeunesse est là avec ses besoins, ses envies, ses rêves aussi car la sève bouillonnante qui coule dans ses veines entraîne plus souvent l'être humain au début de son chemin à tenter de jouir des éléments plutôt que de tomber dans la contemplation d'une existence qui s'écoulera sans joie et sans passion. Mais Siddartha a en lui ce questionnement vital qui le pousse à tout abandonner y compris un fils nouveau-né pour continuer sa quête d'absolue de spiritualité. Il va tout faire pour se détacher d'un matérialisme qui pour lui entrave toutes les émotions et tue les sentiments bienveillants et primaires des hommes. C'est auprès d’une rivière et de son courant paisible qu'il va trouver cet apaisement, dans la vie austère qu'il partage avec un compagnon dénué de biens terrestres qui l'accompagne dans ses longues heures de recueillement et de méditation. Siddartha est en connections avec les esprits de tous ceux qui l'ont précédé sur terre au rythme d’un cosmos qui poursuit sa lente révolution depuis des milliards d'années. Herman Hess donnait par sa compréhension du bouddhisme et des autres religions qui pullulaient dans l'Inde moyenâgeuse un livre incroyablement sincère et précis. Jamais le temps d'une vie n'avait été aussi bien rendu que dans ce petit roman qui abolit le poids des semaines, des mois et des années jusqu’à rendre l’instant présent absolument essentiel. Herman Hess donnait là son travail le plus abordable, bien loin d'un roman comme "Le loup des steppes" qui enfermait par son aridité le cerveau du lecteur dans une cage de fer entourée de barbelés. "Siddartha" offrait à ses lecteurs une véritable liberté de conscience un peu comme la vie nous en offre pour peu qu'on sorte des dogmes reçus en héritage dans notre enfance. Le message transmis par "Siddartha" pourra ne pas plaire aux cerveaux cartésiens et sa lecture rapidement abandonnée mais il ne laissera pas indifférent les esprits humanistes et ouverts très souvent torturés par l’inconcevable temporalité de leur âme... une belle profondeur
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Le Loup des steppes

Paru deux ans avant la terrible crise dépressionnaire de 1929, « le Loup des steppes » est le roman le plus célèbre d'Hermann Hesse, œuvre qui donne la mesure du talent de ce pacifiste visionnaire.

L'écrivain allemand s'est pleinement identifié à son personnage principal, un cinquantenaire solitaire imprégné du vague à l'âme de l'entre-deux-guerres. Les idées réactionnaires qui gagnent du terrain dans une Allemagne revancharde l'inquiètent profondément et l'aveuglement de ses compatriotes, de plus en plus perméables aux thèses nationalistes, l'effraie au plus haut point.



« le Loup des steppes » commence par une préface de l'éditeur qui en réalité est intégrée au roman et permet fort habilement de jeter les bases de l'histoire. Cet éditeur dispose d'une chambre chez une tante qui loue également une mansarde à un étranger : Harry Haller.

Intrigué par cet allemand courtois qui émerge seulement en fin de journée pour une promenade dans le Paris vespéral, l'éditeur observe discrètement le nouveau locataire. Quelques échanges de bon voisinage, des rencontres fortuites dans une salle de concerts ou un café attisent un peu plus sa perplexité concernant cet homme énigmatique qui semble en grande souffrance. Et puis un jour, ce singulier locataire s'en va sans laisser d'adresse mais en léguant à l'éditeur le manuscrit dans lequel sont consignés les écrits de son séjour.



Harry Haller est un homme d'une sensibilité peu commune, d'une grande culture, un homme rare. Les milieux bourgeois qu'il fréquentait naguère appréciaient beaucoup son érudition, ses poèmes, ses aquarelles lumineuses…

Intransigeant en matière artistique, Harry ne supporte plus aujourd'hui le conformisme ambiant, il abhorre cet optimisme irréprochable du bourgeois qui affiche avec délectation ses penchants pour le médiocre, le normal, le passable. Ainsi ses relations amicales se sont-elles réduites comme une peau de chagrin, sa femme aussi l'a quitté.



Harry est seul désormais. L'angoisse de vivre et l'angoisse de mourir se partagent le quotidien de cet être asocial à la personnalité duale qui a le sentiment d'être un homme-loup, mélange de sublime et de sauvagerie.

Un soir où les idées noires l'assaillent au point qu'il n'ose pas regagner sa mansarde par peur de commettre l'acte fatal, il rencontre dans une taverne une jeune femme pétillante de vie, Hermine, qui tout de go s'intéresse à lui et le materne.

Cette rencontre opportune permettra-t-elle à Harry d'échapper aux démons qui le hantent, de goûter à des plaisirs insoupçonnés, de découvrir sa vraie personnalité ?



Tel un breuvage désaltérant, j'ai trouvé ce livre d'une grande fraîcheur !

Le personnage d'Harry Haller m'a d'emblée captivé et c'est heureux car c'est la condition sine qua non pour apprécier pleinement cette oeuvre majeure d'Herman Hesse.

Roman initiatique, roman philosophique, roman de la vie, « le Loup des steppes » ne peut laisser indifférent. Il constitue une formidable base de réflexion sur des problématiques existentielles et incite le lecteur à plus ou moins d'introspection en matière d'altérité.



Quatre décennies après sa parution, la génération des sixties éprise de libertés porta aux nues « le Loup des steppes ». Aujourd'hui encore, le côté magique de ce roman subversif est une aubaine pour le lecteur en recherche de soi.



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Siddhartha

Hermann Hesse signe avec Siddhartha un grand classique du roman d'apprentissage. Une éducation pour toutes et tous et à tout âge, le personnage le constate « les hommes sont des enfants ».

Ce court roman, une rencontre comme on en fait peu en littérature, suit la quête spirituelle d'un jeune brahmane indien, nous supposons 3000 ans avant J-C.



L'écriture du Prix Nobel de littérature est d'une grande maîtrise. Elle épouse, avec beauté et sobriété, l'intrigue en apportant, avec parcimonie, la juste dose d'imaginaire nécessaire à l'atmosphère, calme et retenue, sensible et sensuelle, jusque dans ses silences.

Si le temps de la narration est assez long, la fluidité du style absorbe le poids des années, imperceptiblement nous passons d'un âge à un autre.



Réfléchir, attendre, jeûner. Qu'est-ce qui pousse à sortir de sa zone de confort ? Qu'est ce qui nous fait faire ce qu'on nous a dit de ne pas faire ? Ce qu'on nous dit être futile, une perte de temps ?

L'expérience s'enracine comme un anticorps, tant que nous ne l'avons pas vécue, bien des conseils sont vains. On retrouve un peu l'encouragement d'André Gide dans les Nourritures Terrestres, dans cette quête personnelle et qui demande de garder une liberté et une virginité relative vis-à-vis des chemins déjà tracés « celui qui a vraiment le désir de trouver ne devrait embrasser aucune doctrine. »



« Il tuait les désirs et les désirs renaissaient toujours ». C'est cette insatisfaction, soif de l'esprit mêlée d'angoisse du coeur, qui entraine Siddhartha, et avec lui le lecteur, sur les routes dans une quête insatiable, il veut tout embrasser jusqu'au comblement ultime ; le Nirvana.



« Apprends encore cela : l'amour peut se mendier, s'acheter, se donner, se ramasser dans la rue, mais il ne se vole pas ! » C'est par une série d'erreurs et d'essais que Siddhartha avance dans sa recherche, adjuvants, incertitudes et désespoir l'accompagnent et le lecteur assiste à ses raisonnements profonds, à son « commerce régulier avec son moi », et la progression de sa perception d'autrui et du monde, “il n'y a de véritable intelligence que dans la possibilité de s'observer soi-même” écrivait déjà Maine de Biran, le père de la psychologie au XVIIIe siècle.



« Le contraire de toute vérité est aussi vrai que la vérité elle-même. » Il faut reconnaitre que la somme de travail, de recherches accomplies par Hermann Hesse est impressionnante. Pour arriver à donner force et écho aux sutras bouddhiques parfois complexes et énigmatiques, vieux de centaines d'années, par une narration diaphane pareille à l'eau cristalline d'un fleuve tranquille. Car qui connait un peu les principes fondamentaux du bouddhisme sait que l'écrivain allemand vise juste.



L'auteur, qui n'a pas vraiment fréquenté l'Inde, regrettait que les auteurs indiens, comme Tagore, son contemporain, soient trop influencés par l'occident, a voulu recréer ce qui, dans son idéal est l'Inde bouddhique originelle, au temps de l'Eveil du Bouddha. Rien d'étonnant à ce que les générations psychédéliques, les hippies américains aient trouvé un maitre à penser dans l'oeuvre de Hesse qui rencontra un succès considérable à partir des années soixante.



« Et si le Temps n'est pas une réalité, l'espace qui semble exister entre (…) la Souffrance et la Félicité, entre le Bien et le Mal n'est qu'une illusion. » Cette spiritualité, pour qui tout est simultané, tout est dans chaque chose et qui nous commande d'embrasser l'univers entier sans nous en exclure est aujourd'hui représentée par des courants divers, du Zen aux disciples de Nichiren, en passant par le bouddhisme Tibétain. Elle est présente sur tous les continents et nombre de ses principes, son rapport à l'espace et au temps, à la matière, au changement d'état des êtres et des choses, ont été depuis découverts par la science, des millénaires après l'enseignement du Bouddha.



Il ne tient désormais qu'à vous de prendre une grande inspiration, un grand « om » et de plonger dans les eaux du fleuve littéraire et étincelant d'Hermann Hesse pour une ablution régénératrice, et si nous sommes 3 000 mondes à la fois en un instant de vie, j'aime à penser que Siddhartha est en chacun de nous, qu'il bourgeonne en toute quiétude chaque fois que nous faisons preuve de sagesse.



Qu'en pensez-vous ?
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Siddhartha

Il m’arrive quelquefois de dire qu’il y a des livres dont on sort ahuri ; ce fut mon cas avec « Mangez-le si vous voulez… » de Jean Teulé, ou de « La guitare » de Michel del Castillo. Il y a aussi des livres qui vous marquent à jamais et dont on s’extrait ébloui, comme certains Tournier, certains Déon… et « Siddartha ».

Un premier contact avec la prose de Hermann Hesse, « Le loup des steppes », m’avait laissé sur ma faim ; mais malgré tout, désireux d’une autre tentative. Et ce fut Siddartha… Un choc…Depuis, je ne compte plus combien j’en ai acheté en édition de poche suite à des prêts sans retour, des cadeaux…





Siddartha, où le récit d’une quête initiatique. Le thème n’est pas rare chez Hesse ; et même constant tout au long de l’œuvre. Ajouté au questionnement du sens qu’on donne à sa vie, Siddartha est également une longue et passionnante méditation sur la connaissance : qu’est-ce que la connaissance ? Les réponses des maîtres sont-elles à la hauteur des questions existentielles de leurs disciples ?...

Dans son itinéraire vers la sagesse, Siddartha est confronté à divers choix. Il les expérimentera tous : de la voie du respect familial et de la tradition en passant par la recherche de la spiritualité mais également au travers des joies de l'amour et de la vie matérielle, pour aussitôt s'en écarter. Il finira passeur sur les rives d’une profonde rivière et prendra conscience, là, au bord de l'eau-source-de-vie de son appartenance au grand Tout.





Un ouvrage que j’ouvre de temps à autre, au hasard, pour m’en « faire » quelques lignes… Quel désastre de ne plus faire partie, et depuis longtemps, de ceux qui ne l’ont pas encore lu…

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Le Jeu des perles de verre

Présenté par certains comme le maître-ouvrage d'Hermann Hesse, vanté plus que de raison par Thomas Mann, Le Jeu des Perles de Verre déçoit le lecteur pourtant averti que je suis et plutôt enclin à aimer cet auteur allemand qui a choisi comme Romain Rolland de se situer au-dessus de la mêlée dès l'instant où son pays, l'Allemagne a choisi de faire la guerre à la France et à la Grande-Bretagne en 1914. De son refuge en Suisse, de sa thébaïde, il aurait pu donner au monde une oeuvre plus inspirée que ce pavé indigeste, au discours verbeux, aussi lourd et peu spirituel que Narcisse et Goldmund - son vrai chef-d'oeuvre - fut aérien et superbe. L'histoire est certes intéressante, et l'on voit bien le cheminement du héros principal, prétexte à faire un roman d'initiation ou d'apprentissage à la mode goethéenne ; mais la référence, par excellence dans le genre, le Wilhelm Meister, n'est justement pas détrônée. On a là des pages qui se succèdent et qui ne présentent pas - ou plus - un grand intérêt, comme si ce livre qui aurait pu être le couronnement de toute la production de Hesse avait manqué son objectif, celui d'être un beau témoignage de l'utilité d'une vie spirituelle par opposition au monde matérialiste construit au XXe siècle et tout autant en ce premier quart de XXIe siècle. Hesse est passé à côté de ce qui aurait pu faire date dans son travail littéraire.

Ce livre est plein de longueurs et parfois il assomme et finit par ennuyer. C'est du moins mon ressenti. Je reste le l'admirateur inconditionnel d'autres romans.
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Demian

Nous, les porteurs du signe, pouvions à bon droit passer aux yeux du monde pour étranges, insensés et dangereux. Nous étions des hommes éveillés ou en train de s'éveiller et nous aspirions à le devenir toujours plus complètement, tandis que les efforts des autres, leur recherche du bonheur, consistaient uniquement à adapter leurs opinions, leurs idéaux, leurs devoirs, leur vie et leur bonheur à ceux du troupeau. Chez eux, aussi, il y avait effort, force et grandeur. Mais alors que, selon notre conception, nous, les porteurs du signe, nous incarnions la volonté de la nature dirigée vers l'avenir, le nouveau, l'individuel, eux, s'étaient fixé comme but le maintien du passé. Pour eux, l'humanité - qu'ils aimaient comme nous l'aimions - représentait quelque chose d'achevé qui devait être conservé et protégé. Selon nous, l'humanité représentait un avenir lointain vers lequel nous étions "En Marche", dont l'image n'était connue de personne et les lois écrites nulle part.

p194



Non, suite au débat de l'entre deux tours

il ne s'agit pas ici de prosélytisme,

d'ailleurs ces propos sont datés de 1919

par le prix Nobel (de Littérature 1946), Hermann Hess .



Demian, ou pour vous sortir de l'embarras,

tournez vous du coté d'Abraxas

pour vous aider y'a toujours wikipédia

initiation, croisée des chemins, il y aura encore Demain.



ps: je n'arrive pas à refermer ce livre, trop de messages riches d'enseignement, trop de passages à recopier, je vais devoir faire une place , sur mon île déserte il me faut l'emmener...

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Le Loup des steppes

Seulement pour les fous. Le suis-je assez pour m'atteler à la réputation de ce guide du solitaire. Solitaire, je le suis et je suis ainsi la route d'un Loup des Steppes. Le loup, est-ce mon image littéraire ? Parce que Hermann Hesse aurait très bien pu écrire Le Bison des steppes. Tout aussi fort, tout aussi seul. Il y aurait suffit de remplacer le vin d'Alsace omniprésent dans ce roman (et ma foi, je déguste ces pages entre Riesling, Gewurtzraminer et Tokay...) par une vodka à l'herbe de bison, laisser Mozart, le grand, sur la platine. Born to be wild.



Le Loup des steppes, c'est une bête meurtrie que la vie a esseulé. Reclus dans sa chambre de bonne, à regarder le plafond mansardé, il écoute cet air de musique, de la grande et belle musique d'un autre siècle, d'une autre chambre. Born to be wild. La nuit illumine de ses étoiles et de sa lune, bleue et belle, son regard de chien battu, triste et sombre, d'une vie sans vie. Il erre dans les rues sombres et dérangées, il regarde les femmes de belles vertues se dénuder à moitié sous le halo blafard de quelques lampadaires fatigués. Quelques enseignes lumineuses l'attirent, attisent sa curiosité, promesse d'un verre de vin ou d'une belle putain.



Et si son salut était venu de cette rencontre, Hermine... Parce qu'il a toujours au fond de lui cette étrange passion des noms en -ine. Que la bibine coule donc à flot... Et la vaseline... Une ode à la vie et à l'amour. Un corps puisamment bandant et attirant, le sourire d'une vie... Mais loup des steppes, petit scarabée, tu resteras... Solitaire, à écouter dans le noir d'une chambre ou d'une vie, chevauchant en rêve femmes et motos, Born to be wild...
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Siddhartha

Je viens de finir " Siddhatha " d'Hermann Hesse. Un petit livre de 150 pages écrit en 1922.

J'ai envie de vous prendre la main et de vous emmener sur les trace de Siddhartha le personnage du roman et non de celui qui devint Bouddha.

" Siddhartha " est fils de brahmane, à la suite de la rencontre avec un groupe de samanas ,des pèlerins ascètes le jeune homme va quitter sa famille et son village et commencer son cheminement intérieur en suivant le groupe accompagné de son ami d'enfance Govinda.

La route est longue, pleine de jeûnes, de questionnements et d'attentes.

Sa rencontre avec Bouddha va le conforter dans son idée que la sagesse contrairement au savoir ne s'enseigne pas tournant ainsi le dos aux dogmes.

Vous me suivez toujours ?

Prenons le temps car la route est longue, entre deux méditations reprenons notre souffle. Ecoutons cette voix intérieure, celle qui vient du cœur....

Hermann Hesse m'a déconnecté pendant trois jours. Son style si particulier est apaisant. Son roman est une leçon qui nous fait réfléchir sur le sens de la vie que nous lui donnons ou que nous voulons lui donner.

Si comme moi la pensée philosophique des divers courants bouddhistes vous interpellent, vous intéressent jetez vous sur ce petit livre et écoutez cette petite voix qui est en vous.

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Siddhartha

Je continue mon exploration des classiques à mon rythme, lentement et sûrement :)

Aujourd'hui il s'agit de "Siddhartha" d'Hermann Hesse, livre au succès international qui aura su séduire des lecteurs de toutes générations depuis sa parution il y a presque un siècle déjà (1922).

"Siddhartha" n'est pas vraiment un livre parlant de doctrine philosophique, il est plutôt le récit d'un parcours de vie, celui d'un homme insatisfait en quête de réponses.

Siddhartha est le fils d'un brahmane respecté, il est beau, intelligent, cultivé et aimé de tous, il est destiné à succéder à son père et à vivre heureux.

Pourtant sa recherche obsessionnelle de la vérité le laisse frustré et inaccompli, sa détermination est telle qu'il n'hésite pas à quitter son confort et sa famille au grand dam de son père.

Accompagné de son fidèle ami Govinda, il se joint à un groupe de samanas pour suivre leur enseignement tourné vers la mortification du corps et les privations.

Les pérégrinations de Siddhartha seront faites de nombreuses expériences, il rencontrera notamment "le" Bouddha qui aura sur lui une grande influence mais aussi Kamala la belle courtisane ou encore Vasudeva.

Toutes ces rencontres seront autant d'étapes vers le but qui sera toujours le sien, trouver la vérité et connaître l'illumination.

Une lecture agréable, positive et instructive que j'ai souvent trouvée passionnante, une belle rencontre.
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Demian

Lorsqu’il commence l’écriture de “Demian” en 1917, Hermann Hesse est un quarantenaire perturbé.



Résident suisse depuis une décennie, ses positions modérées voire pacifiques l’entraînent au début de la guerre dans des polémiques traumatisantes avec les intellectuels allemands jusqu’au-boutistes. Dans le même temps, de lourds problèmes familiaux achèvent de le déstabiliser au point de l’obliger à suivre une psychothérapie au cours de laquelle il fait la connaissance de Carl Gustav Jung.

Il y a tout lieu de croire que les échanges avec ce psychiatre de renom passionné de psychologie analytique (*) ont été, pour Hermann Hesse, source d’inspiration quant au thème de ce court roman finalement publié en 1919.



Le lecteur fait la connaissance d’un jeune garçon, Émile Sinclair, qui au sortir de l’enfance prend pleinement conscience de la dualité du monde qui l’entoure : d’un côté le cocon rassurant d’une famille aimante et attentionnée, de l’autre une société bigarrée, faite de choses monstrueuses, attirantes et énigmatiques.



Par craintes de réprimandes parentales, Émile subit la tyrannie de Kromer, un vaurien qui exerce sur lui un affreux chantage et l’oblige à commettre de menus larcins.

Sa rencontre avec Max Demian, un nouveau camarade de classe à la personnalité mystérieuse, le délivre du joug de Kromer et sert de catalyseur à l’émergence de ses doutes, de son esprit critique, de son besoins de connaissances des choses de la vie.

S’il est un message que le jeune Sinclair retient de ses longues conversations avec son ami Max Demian c’est bien la nécessité de se forger au plus vite un caractère différent de la multitude moutonnière, dût-il pour cela passer par une phase de mépris à l’égard de lui-même et du monde.



Un changement d’établissement scolaire, loin du domicile familial, va bientôt le priver de son confident. C’est une vie de solitaire mélancolique que s’impose alors Émile, une vie parsemée de beuveries, une vie où l’absence de conquêtes amoureuses ne laisse pas de surprendre...

Ses lectures passionnées de Novalis et de Nietzche ainsi que d’étonnantes rencontres nocturnes lui permettent néanmoins d’avancer lentement sur le chemin qui le conduit à lui-même, de laisser peu à peu son propre monde intérieur s’exprimer.



Devenu jeune adulte, Émile retrouve avec bonheur Max Demian ainsi que la mère de celui-ci, une femme sans âge dont la beauté le fascine.

Au contact de ces deux êtres d’exception, Emile Sinclair parviendra-t-il enfin à assumer ses choix de vie particuliers, à affirmer sans détour sa vraie personnalité ?



Tel un grand vin que l’on sirote à petites gorgées, la prose limpide d’Hermann Hesse, à la ponctuation particulièrement soignée, se déguste sans précipitation.

On aimerait bien sûr recommander “Demian” aux plus jeunes d’entre nous, il y a tant d’idées fortes à découvrir au sein de ce roman initiatique.

Les moins jeunes se consoleront de cette découverte tardive en lisant les nombreux passages où magie, onirisme et spiritualité se chevauchent et se réjouiront au final d’avoir passé un moment passionnant avec ce Nobel de littérature si controversé de son vivant.











(*) Voir la critique “Ma vie” de C. G. Jung (ISBN 978-2-07-038407-5)
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Narcisse et Goldmund

A l’époque moyenâgeuse du Saint-Empire romain germanique, le péché mignon des pensionnaires du monastère de Mariabronn se limite à un peu de vin chaud bien sucré, parfumé à la cannelle et à l’œillet.

Parmi les membres de cette communauté religieuse, haut-lieu de la connaissance et de la prière, deux jeunes gens s’apprécient et se recherchent : Narcisse et Goldmund sont sous l’influence d’une force d’attraction hors des pulsions inverties.



Professeur de grec, encore novice, Narcisse est un être d’élite respecté de tous. Jeune homme de grande écoute, il prend sous son aile Goldmund un élève studieux âgé de quinze ans, rêveur à ses heures.

En recherche de spiritualité, ils sont l’un comme l’autre au stade du serment non exprimé. Chacun se sent engagé au fond de lui-même par cette promesse de vœux non écrite mais sacrée.

En fin psychologue, Narcisse découvre chez son ami un traumatisme enfoui depuis l’enfance, une blessure cachée liée au souvenir ténu d’une mère qui a fui le domicile familial alors qu’il était en bas âge. Il ne pense pas que la vie ascétique corresponde à la personnalité de Goldmund mais qu’une recherche de soi orientée vers l’art siérait mieux à son tempérament passionné.



Alors que Narcisse se prépare à recevoir l’ordination, Goldmund abandonne au bout de trois ans la vie austère de Mariabronn au profit de celle aventureuse du monde extérieur.



Ces quelques lignes introductives survolent seulement les tout premiers chapitres, la majeure partie de « Narcisse et Goldmund » se déroule au grand air, en dehors de l’enceinte confinée du monastère.

Les paysages rhénans, la faune, la flore sont décrits dans un style imagé et poétique.

Alternent avec bonheur les scènes contemplatives et mouvementées, la condition de vagant n’est pas de tout repos.

Les regards complices, les paroles douces, les ébats amoureux entre le séduisant Goldmund aux boucles blondes et les femmes rencontrées ici et là, agrémentent de surcroît le récit.

Les prédispositions artistiques qui au fil des années s’affirment chez Goldmund sont également évoquées avec intelligence.

Mais l’attrait principal de cette œuvre romanesque, écrite par Hermann Hesse en 1930, réside dans l’amitié indéfectible entre Narcisse le spirituel et Goldmund le sensuel, deux êtres fondamentalement différents mais pourtant en symbiose.



En cette période de Noël censée être de concorde et de paix, « Narcisse et Goldmund » est un formidable message de tolérance, de réconfort.

Le lecteur, aux anges, gardera longtemps à l’esprit les prénoms indissociables du penseur et de l’artiste !

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Le Jeu des perles de verre

Ce livre est un pur chef d'œuvre. Si Demian a constitué une forme de guide pour l'adolescente que j'ai été, Le jeu des perles de verre va peut-être jouer le même rôle pour l'adulte que je suis. Après la première lecture, je me sens pleine de l'histoire de Joseph Valet, à la fois enrichie et apaisée... et j'ai l'impression que chaque relecture m'apportera découverte et sérénité.



Le Jeu des Perles de Verre occupe une place importante et a donné son titre au livre, pourtant je n'ai toujours pas compris de quoi il s'agit réellement, malgré les longues explications érudites du début. Alors, je l'ai vu comme une allégorie d'une activité à la fois spirituelle, artistique et intellectuelle, et j'ai imaginé les grands jeux annuels comme des cérémonies associant concert et méditation. De même, ce monde futur imaginaire et la province pédagogique de Castalie m'ont semblé très éloignés de notre réalité; de fait, ils ne constituent pas un modèle de société mais plus un décor poétique. Bref, ce n'est pas le roman d'anticipation que j'ai apprécié mais bien le conte philosophique, la biographie du Ludi Magister Joseph Valet.



C'est ce personnage aux talents et à la destinée extraordinaires qui donne tout sa force au récit. Il est très paradoxal, à la fois extrêmement doué et presque naïf, naturellement taillé pour le pouvoir et pourtant humble, constamment assailli de doutes malgré sa profonde sagesse, doté d'un vrai talent de psychologue pour jauger ou stimuler ses proches mais foncièrement seul, grand défenseur de Castalie alors même qu'il en a perçu les failles et les limites... Son beau chemin, fait notamment de rencontres avec des êtres hors du commun, tels le Maître de Musique ou Jacobus, ainsi que d'étude, de spiritualité, d'aspirations, de perfectionnement permanent de ses talents, pourrait être une vraie source d'inspiration. Pourtant il y manque quelque chose, au delà de ce qu'il craint pour Castalie : le réel, la vie jamais parfaite, parfois médiocre, mais réelle. Alors on imagine bien pourquoi il quitte ce cocon d'esthètes occupés à analyser la prononciation du latin au XIIe siècle ou autre sujet pointu improbable, mais qui n'ont pas le droit de se marier, de s'amuser ou de s'enrichir...



Bilan : un livre magnifique, un peu ardu par moment, mais qui vaut la peine d'être lu, relu et médité.
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Le Jeu des perles de verre

Je me souviens d'avoir lu ce livre quand j'avais vingt ans. Il m'était conseillé fortement par mon directeur de recherches en musicologie.

Je me rappelle qu'il s'agissait d'une nouvelle "religion" qui déifiait l'art, la culture et la science, tout ce bagage intellectuel de l'humanité entière à travers les siècles. L’héro s'arrêtait à n'importe quel temple ou église ou mosquée qui se trouvait sur son chemin pour prier, car tous ces lieux l'inspiraient de la même façon. Sans oublier Vichnou, l'une des principales divinités du brahmanisme ! C'était donc une spiritualité universelle. Ces idées se rapprochent avec le courant de Kunstreligion (art comme religion).

La notion du Jeu y était aussi très importante. L'expression Homo ludens insiste sur l'importance de l'acte de jouer. En effet, la thèse principale est que le jeu est consubstantiel à la culture.

Ces derniers temps je me suis habituée aux lectures plus légères et "profanes" et je n'ai plus le courage de relire cette oeuvre magistrale. Des histoires d'amour m'empoignent d'avantage ! Mais il a fallu que je passe par Hermann Hesse pour être ce que je suis. C'est une lecture qui tire vers le haut à condition qu'on fournisse un effort de concentration. Car on est facilement "déconcentrés" par toutes sortes de crises actuelles.

Et voilà où je veux en venir : notre site Babelio est aussi un terrain de jeu des perles de verre ! On y jongle avec des citations et des critiques ! On y déifie l'art littéraire !
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François d'Assise

♫Tu verras bien qu'un beau matin fatigué

J'irai m'asseoir sur le trottoir d'à côté

Tu verras bien qu'il n'y aura pas que moi

Assis par terre comme ça.♫

Alain Souchon. S'asseoir par terre. 1974



Lecture de circonstance, François d'Assise, position debout de plus en marchant sur les chemins de Compostelle.

Herman Hesse (Nobel de Littérature 1946) vient nous faire le récit de Giovanni Bernardone, dit « il poverello », celui qui se désignait volontiers, ses frères et lui-même, comme les

« joculatores Domini » , c'est à dire les ménestrels de Dieu,les troubadours et pèlerins chantant...

Herman Hesse, nous manifeste ici indubitablement son vif intérêt pour François depuis sa tendre enfance. Il a même écrit que St FRANÇOIS a prêché le même enseignement que Tolstoï, mais autant chez François la personne et l'enseignement sont clairs, élastiques et réjouissants, autant ils sont sombres, austères et accablants chez Tolstoï...

Lecture et tronçon de Compostelle 2017, s'achèvent donc ce 08/09/2017......je remonte la rue de mon dernier refuge à Pau, avant de reprendre le train demain; comme un tournesol chargé de soleil, je marche la tête baissée comptant mes pas qui me conduiront au gîte, pour m'orienter, je relève les yeux sur la plaque qui marque le nom de la rue : rue François d'Assise.... Vite un voeu ! de quoi chacun a-t-il envie ? de tout et de rien, de tout pour un instant, de rien pour toujours...



Merci à Marie qui m'a offert ce livre pour mon anniversaire, pour m'accompagner sur les chemins, le lire comme un bréviaire.....







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Eloge de la vieillesse

Durant les dernières années de sa vie, Hermann Hesse fut un homme serein, capable encore de porter sur le monde un regard émerveillé. En témoignent ces textes et poèmes écrits sur le tard et regroupés dans cet "Eloge de la vieillesse". A 75 ans, ayant accompli sa grande oeuvre, il ne lui reste désormais plus rien à prouver. Il se retire alors loin des mondanités et du vacarme des villes, dans sa propriété de Montagnola. Et c'est dans cette campagne suisse que la mort viendra chercher celui qui l'attendait depuis déjà 10 ans.



Aucune aigreur, aucun regret dans ces textes et poèmes. Hermann Hesse fait preuve d'une grande lucidité et d'une profonde humilité face au temps qui passe, à la vie qui s'effrite peu à peu. Il parvient même à nous faire rire des petites misères du corps humain, en nous narrant sa cure thermale à Baden-Baden et le réconfort qu'il ressent à être le moins souffrant et le plus alerte des curistes. Sentiment bas, certes, mais terriblement humain qu'il nous avoue sans aucune honte, faisant de nous ses joyeux complices.



Ainsi, loin de l'auteur tourmenté que l'on imagine avoir écrit "Le Loup des steppes", le lecteur découvre ici un homme simple, préférant aux salons littéraires le dialogue avec son jardinier. Et tout avec lui, nous ressentons la douceur d'une promenade en forêt, la chaleur d'un café pris chez une vieille dame ou la colère de voir les promoteurs immobiliers envahir les coins les plus sauvages. Nous partageons ces fragments de vie, de cette vie qui va maintenant à petits pas. Il faut beaucoup d'intelligence d'esprit et de coeur pour rire de ses douleurs et ne pas s'irriter de son propre déclin. Hermann Hesse réussit cela, en grand homme qu'il a toujours été. Ses récits sont une leçon d'humilité et d'humanité pour nous tous.



Alors si plus tard, quand je serai bien vieille, au soir, à la chandelle, je n'ai plus que mes livres pour converser, nul doute que je relirai cet "Eloge de la vieillesse". Qui sait, peut-être y trouverais-je la sérénité nécessaire pour continuer à voir la beauté du monde.
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