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Critiques de Ismaïl Kadaré (254)
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Avril brisé

Ismaïl Kadaré est un écrivain engagé, il lutte contre le totalitarisme. Ses récits sont considérés dans son pays comme subversifs envers le régime.

Il est obligé de quitter l'Albanie et obtient l'asile politique en France en 1990. Ses livres ne sont pas publiés en Albanie.



L'histoire d'Avril brisé est une histoire lente, mais intense.

En la lisant, je ressentais comme un "malaise", une oppression.

On a peine à imaginer que ces coutumes ont encore lieu dans les hauts plateaux d'Albanie.
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Qui a ramené Doruntine ?

Me voilà reparti pour un deuxième voyage avec Ismaïl kadaré.

Cette fois, il ne s'agit plus d'un général qui cherche les mort dans la terre d'Albanie..

Cette fois, dans ce court roman, c'est un frère défunt qui serait allé chercher sa sœur mariée au loin pour la ramener près de sa mère.

La légende de Doruntine est née.

L'histoire est envoûtante, de cette chevauchée sous les étoiles qui s'achève dans le village où une lignée va s'éteindre définitivement.

Le mystère semble épais et impénétrable comme cette brume froide de l'automne qui absorbe les cris et les appels.

La légende naît et se répand comme un feu que l'on ne saura maîtriser.

L'église et le gouvernement, redoutant l'orage religieux et les troubles, pressent l'autorité de faire la lumière sur le retour de Doruntine.

Quelle vérité, s'il en est une, découvrira le capitaine Stres au bout de son enquête?

Et qui ne rêve pas, au moins une fois, de revoir un être défunt?

Le roman est puissant, emmené dans la tragédie d''une famille anéantie et la malédiction d'une promesse non tenue car intenable: Cette terrible bessa.

Cette solennelle promesse qui marque le peuple d' Albanie.



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Le palais des rêves

Que la paix regne chez vous! Je vous salue respectueusement en ce nouveau jour qui eclot devant nos yeux ouverts! Vous avez bien dormi? Vous avez fait de beaux reves? Oh, pardonnez-moi, c'etait une facon de parler, sans aucune intention veritable!





Je sais bien que vous ne pouvez avoir reve; que vous ne revez jamais; que meme quand un reve viole votre honnete sommeil vous ne vous en souvenez pas; que vous n'avez donc rien a declarer aux agents du Sultan qui transcrivent les reves de tous les habitants de l'Empire et envoient de pleins cahiers a la capitale, au siege du Tabir Sarray, le Palais des Songes. Je sais, la ils sont tries par le personnel des bureaux de la Selection, pour finir entre les mains des proposes a l'Interpretation, ceux dont le difficile role est de choisir "le maitre-reve" ou "archireve" qui sera presente chaque semaine au Sultan.





Cette moisson de reves vous fait peur, je sais; mais pourquoi? Elle est destinee a mieux prevoir le futur et ainsi assurer de la securite a l'Empire et de la serenite a ses habitants. On nous l'a bien explique: "Le role de notre Palais des Reves, cree directement par les soins du Sultan regnant, consiste a classer et a examiner non pas les reves isoles de certains individus comme ceux qui jadis detenaient le monopole de la prediction par la lecture des signes divins, mais le Tabir total, autrement dit la totalite des songes de l'ensemble des citoyens, sans exception. C'est une entreprise grandiose, en regard de laquelle les oracles de Delphes, les castes de prophetes ou les magiciens d'antan paraissent derisoires". Vous n'y croyez pas? Vraiment pas? Alors pourquoi ce Tabir d'apres vous? Quoi? Simplement pour augmenter le pouvoir du Sultan et sa mainmise sur l'Empire et tous ses sujets? Que dites-vous? Que le Tabir est la possibilite de controler non seulement les faits et gestes des habitants de l'empire, mais aussi leurs pensees, leurs intentions les plus cachees, leurs desirs les plus refoules? Mais vous revez! Je m'en vais de ce pas vous denoncer aux autorites!





P. S. Si vous avez reussi a fuir a temps et si vous croyez avoir seme les sbires que les directeurs du Tabir ont envoye a votre poursuite, faites une pause, asseyez vous a l'ombre d'un arbre et prenez le livre de Kadare en main. Une atmosphere rappelant Kafka, une trame qui se meut dans les parages d'un realisme magique balkanique, epice et piquant, et surtout un message, cache sous un conte a dormir debout, mais clair, clarissime: une denonciation de tout autoritarisme, de tout ce qui devient a la longue totalitarisme, de tout systeme qui croit que s'il emplit les panses, il peut mettre en cage les pensees.









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La Poupée

Un texte au caractère intimiste, hommage contrasté de Kadaré à sa mère, qu’il surnomme « la poupée ». Cet écrivain albanais, je l’ai découvert pour la première fois, il y a plus de 30 ans avec un texte captivant, « Avril brisé ». Une très passionnante lecture qui m’avait autant happée qu’effrayée au regard des coutumes et des usages particuliers de cette terre d’Albanie.

Traditions, comportements si différents et si âpres envers les femmes, plus particulièrement. Une société à l’histoire tourmentée, chahutée… qui m’avait quelque peu fait songer à l’univers de l’écrivain turc, Yachar Kemal….



Au centre de ce récit, la figure prépondérante, complexe de « la Poupée », maman de l’auteur, femme-enfant, fragile, manquant de confiance en elle… se retrouve dans la maison de sa belle-famille, avec une belle-mère, intelligente et omniprésente… Cela sera, des années durant la guerre larvée et permanente, devant le fils unique, « notre écrivain »… qui ne saisit rien à ce conflit domestique, sournois et tenace, avec comme « unique juge permanent », Le Père...



Nous sentons Kadaré adorant sa mère…. Comme il peut être aussi fortement exaspéré par elle. Beaucoup de chagrins, de non-dits où l’écrivain exprime fort justement cette histoire familiale qui lui a aussi donné « l’envie d’écrire ». Il y parle de son pays, de sa ville natale, de ses premières vantardises de tout jeune écrivain…de ses liens avec son père, de ses amitiés, de ses premiers pas dans l'écriture, ses études, etc... et en contrepoint permanent, cette figure maternelle qui intrigue....



« Au moins, en ces instants, aurais-je aimé t'assurer (mère de l'auteur) une fois encore que le malentendu entre nous deux non seulement ne m'avait en rien entravé, mais m'avait été plus salutaire que toute compréhension. Car, comme j'avais essayé tant de fois de te l'expliquer, chez les individus, la question du don se manifeste souvent par son contraire: c'est plus souvent une chose qui fait défaut qu'une chose en plus. (p.145) »



« Je savais que cette explication était impossible à lui donner. Et encore plus impossible de l'éclairer sur le fait que non seulement je ne me sentais pas borné par ses propres carences, mais qu'il m'arrivait parfois, et même de plus en plus souvent au fil des ans, de m'en prévaloir. De plus en plus je me plaisais à croire que c'était là précisément, dans cette appréhension décalée de l'univers, cette inexactitude qui faisait reculer la raison, bref, que c'était dans cet entêtement enfantin à ne pas céder un pouce de terrain que gisait, peut-être, l'origine de ce qu'on appelle le don d'écrire. »



Un écrit tout à fait prenant, étrange où les deux personnages-pivots se trouvent être la maman de Kadaré, le second, la maison natale… mystérieuse avec des pièces interdites, un passage secret, et l’obsession paternelle pour la restaurer. Le troisième…en filigrane est le grand Shakespeare !!... qui se mêle à des hommages confirmés pour l’écriture et la Littérature !



Un écrit fort , authentique d’un fils à sa mère, et à ce terreau de l’enfance qui a été favorable, propice à son attirance, son élan irrésistibles vers les mots et l’écriture …De très riches lignes qui disent beaucoup de la naissance de la vocation et de la construction d’un écrivain…

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Disputes au sommet

« Qu'attendaient l'un de l'autre le poète et le tyran, cachaient-ils quelque chose et étaient-ils effrayés par ce qu'ils dissimulaient ? »



Dans ce livre passionnant, à mi-chemin entre l'essai et l'autobiographie, Ismail Kadaré examine les relations ambiguës entre le Tyran et le Poète.

L'écrivain albanais a vécu sous le régime terrifiant d'Enver Hoxha. Il a longtemps été épargné par le régime totalitaire alors que d'autres écrivains albanais étaient liquidés. Il a même reçu un appel impromptu d'Hoxha qui le félicitait pour l'un de ses poèmes. Pris au dépourvu, il s'est confondu en remerciements, à sa grande honte. On comprend que la conversation fameuse entre Staline et Pasternak au sujet de Mandelstam résonne profondément en lui. Kadaré était étudiant à Moscou dans les années 50 lorsque qu'il a entendu parler du dialogue. Il faisait l'objet de conversations passionnées avec Stulpans, son ami letton. En 1976 Kadaré écrit un roman qu'il qualifie d'impossible ( le Crépuscule des dieux de la steppe) sur ses années moscovites dans lequel il évoque l'affaire Pasternak. Mais ce roman n'est pas publiable en Albanie. Kadaré à cause de son succès en Occident deviendra suspect, sera censuré et contraint à l'exil.

Les deux premières parties du livre racontent les réminiscences de Kadaré et son projet d'écriture. La troisième est une « investigation » au sujet de la conversation entre Staline et Pasternak.





Le 23 juin 1934 Boris Pasternak reçoit un appel téléphonique de Pokrebychev, le secrétaire de Staline :

« Camarade Staline va vous parler maintenant. »

Et effectivement, Staline prend l'appareil :

« Il y a peu de temps a été arrêté le poète Mandelstam. Que pouvez-vous en dire, camarade Pasternak ?

-Je le connais peu. C'est un acméiste, tandis que j'appartiens à un autre courant. Je ne peux donc rien dire sur Mandelstam .

-Et moi, je peux vous dire que vous êtes un très mauvais camarade, camarade Pasternak », dit Staline, et il raccroche.



Deux mois plus tard Boris Pasternak est nommé au présidium du premier congrès de l'Union des écrivains soviétiques. Il bénéficiera d'un appartement plus grand puis d'une datcha à Peredelkino. En 1958 quand on lui décernera le prix Nobel, la rumeur de sa lâcheté à l'égard de Mandelstam ressortira avec l'intention évidente de le compromettre.



Ossip Mandelstam a été condamné à la relégation le 26 mai 1934, il meurt en déportation en 1938.

On sait que juste avant son arrestation Mandelstam avait écrit sa fameuse épigramme contre le « Montagnard du Kremlin ».



Près d'un siècle après cette très troublante conversation, les questions demeurent :

Avec quelle(s) intention (s) Staline a-t-il téléphoné ? Pourquoi Pasternak s'est-il défaussé ? Qu'attendaient-ils l'un de l'autre ? Cachaient-ils quelque chose ? Etaient-ils effrayés par ce qu'ils dissimulaient ?



Kadaré fait état de treize versions différentes fournies par le KGB, les proches de Pasternak (son épouse, ses maîtresses, ses amis), les historiens, les écrivains plus ou moins compromis. Il évoque le milieu artistique des années 20-30, les relations délétères entre écrivains : « La comparaison, plus exactement la rivalité, vieille comme le monde, était devenue suppliciante sous le régime communiste.»Kadaré les décortique, les commente pour nous. Il nous parle d'une certaine tradition russe, en particulier des relations étonnantes entre Lénine et Gorki , Pouchkine et le Tsar.

Le Tyran ménage le Poète à sa guise avant de le broyer, soit en le liquidant, soit en le déshonorant.



Une note de l'éditeur termine le livre :

« Par respect pour ses lecteurs, l'auteur a sollicité de son éditeur la possibilité d'une future publication complétée de cet ouvrage... ».





j'ai très envie de lire le Crépuscule des dieux de la steppe.
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Avril brisé

Un roman de vengeance digne d’une fantasy médiévale.



En Albanie au début du vingtième siècle, la « Kanun » régit la vie sur les hauts plateaux. Une partie de ce code concerne le sang, l’obligation de venger un meurtre qui fait que des familles s’entretuent depuis plusieurs générations. Et aujourd’hui, c’est au tour de Gjorg de tuer Zef Kryeqyqe, l’assassin de son frère. Et quand ce sera fait, il deviendra la prochaine cible…



En parallèle, un écrivain a amené sa jeune épouse en voyage de noces dans cette région à la nature pourtant hostile en cette saison. L’homme s’intéresse depuis longtemps aux légendes et aux textes du Kanun et explique ce qui se passe à sa femme (et aux lecteurs…).



Un troisième personnage aura voix au chapitre : l’intendant de sang. Car on apprendra qu’en plus de s’entretuer, les paysans doivent payer un impôt sur chaque meurtre… Une source de revenus appréciable pour le prince!



Ce premier contact avec la littérature albanaise m’a tout à fait déstabilisée. C’est un roman qui dérange, car le « Kanun » n’est pas une invention de l’imagination fertile de l’auteur, c’était la réalité, du moins à l’époque du roman, une terrible réalité…

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Le Général de l'armée morte

Général, Général, qu' allait-tu arracher ces morts à la terre d' Albanie où ils étaient tombés!?

L' Albanie, ce pays d'austères montagne, érigé comme une forteresse et que l' Adriatique sépare de la botte italienne... Botte fasciste de 1939, dont le talon et la semelle s'abattirent sur le royaume de ce souverain au nom étrange: Zog.

... Mais la paix finit toujours par revenir. Et la botte, cette fois, envoie rien moins qu'un général pour ouvrir les tombes et en exhumer les corps tombés dans une guerre aussi vaine que meurtrière.

Tout est si bien organisé, pensez-donc! Le général part pour l' Albanie, muni de listes et de cartes, des accords et autorisations nécessaires. Il est gonflé, cet officier, du sentiment de la mission sacrée de ramener les cendres d'une armée à la terre d'origine... Empli des prières de parents des morts d' Albanie.

Gageons, cependant, que ce général rabattra de sa morgue et de sa superbe, et que la mission à lui assignée sera plus longue que prévue.

Ismaïl Kadaré, dont c'est ma première lecture, m'a subjugué en m'emmenant dans cette terre d' Albanie tellement tournée vers ses montagnes que nous la connaissons si peu.

La mission de ce Général de l' Armée morte semble interminable (d'ailleurs, sera-t-elle vraiment terminée?) mais reste passionnante au gré des aventures de ces fossoyeurs de l'inutile... Au cours de la quête des restes humains d'un fiasco militaire.

Et puis, il y a ce mystérieux Colonel Z d'un certain Bataillon Bleu tout particulièrement recommandé par la veuve et la mère: Il faut retrouver les restes du colonel Z.

Ah! le beau livre, sombre et gris comme cet hiver albanais dans lequel s'enfoncent le général, le prêtre, l'expert et l'équipe d'ouvriers. Rude et beau comme le récit de souvenirs de morts, de combattants ou de combattus qui émaillent le chemin de croix du général.

Je sors du récit, comme en revenant d'un pays qui me serait devenu à la fois familier et davantage inconnu. L'un de ces états si proche et si lointain, vite atteint mais si peu visité.
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Disputes au sommet

Ismail Kadaré a écrit un livre fort sur l’engagement des artistes contre une dictature, que ce soit celle de Joseph Staline ou de Enver Hoxha. Faute, cependant, d’un contexte suffisamment précisé et d’une rédaction fluide, j’ai trouvé Disputes au sommet très exigeant, ou, si vous préférez, difficile à lire.

Né en 1891, Ossip Mandelstam est un poète acméiste (mouvement littéraire russe). En 1934, pour avoir écrit une épigramme contre Staline Le montagnard du Kremlin, il est arrêté et emmené à la Loubianka. Il évite l’exécution, mais pas la relégation. En 1938, il meurt en Sibérie où il a été déporté.

Boris Pasternak, auteur de Docteur Jivago, est né en 1890 à Moscou. Poète reconnu, il est accusé, dans les années 1930, de ne pas être socialiste. En 1958, il est lauréat du prix Nobel de littérature, prix qu’il ne va pas chercher, de peur d’être empêché de rentrer en URSS où une campagne contre lui bat son plein. Il est mort deux ans plus tard.

Disputes au sommet explore les différentes versions d’un appel téléphonique reçu par Pasternak au sujet de Mandelstam.

Ignorant également qui était Enver Hoxha (un dictateur albanais des plus répressifs) et qu’il avait aussi téléphoné à Ismail Kadaré, je n’ai pas saisi qu’Ismail Kadaré s’identifiait à Pasternak ; il faut dire que l’écriture sous forme de fragments ne facilite en rien la lecture.

Enfin, si l’appel téléphonique n’est qu’un prétexte de l’auteur pour faire part de ses réflexions, l’étonnement et l’effroi de Pasternak étant excusables, un mystère reste : pourquoi Staline a-t-il téléphoné ?

Merci à NetGalley et aux éditions Fayard pour cette lecture.


Lien : https://dequoilire.com/dispu..
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Le dîner de trop

Que s'est-t-il passé ce soir là au fameux diner réunissant la famille du docteur Gurameto aux soldats allemands .

Le docteur Gurameto a-t-il réellement invité ce soir-là son ancien ami le colonel von Scwabe ?

Ou peut-être s'agit-il d'un rêve , de ceux qui l'ont fait quand l'histoire nous dépasse .

L'auteur utilise la dérision pour nous faire un tableau de l' Albanie pendant toute cette période troublée qui va de la seconde guerre mondiale à la période communiste , il nous entraîne avec allégresse dans un petit village albanais où les revirements de l'histoire font tourner la tête des habitants , il évoque le fameux complot ' des blouses blanches ' , un des derniers méfaits de la paranoïa de Staline .

C'est un auteur que je ne connaissais pas et j'ai beaucoup apprécié le style de l'écriture et le thème du roman , la vie sous le régime communiste .

Un auteur que je relirai .
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Le Dossier H

Un côté sérieux avec l'arrivée dans une petite bourgade albanaise de deux chercheurs irlandais étudiant les rhapsodes, derniers chanteurs issus de l'antiquité homérique, capables de mémoriser et transmettre des milliers de vers.



Un côté déjanté avec le sous-préfet persuadé que ce sont des espions et les faisant suivre par son 'indicateur', une ridicule caricature du contre-espionnage albanais.



J'ai adoré la scène truculente et admirablement rendue par une délicieuse traduction de la 'réception' des irlandais répondant candidement en vieil albanais aux suspicieuses questions du sous-préfet pendant que fantasme sa jeune épouse.

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Avril brisé

Sur les hauts plateaux albanais où subsiste la loi du Kanun, si l'hôte de passage, quasi un dieu, succombe à une vendetta, celui qui l'héberge se doit d'en laver le sang, se mettant à dos l'autre famille. Quarante quatre morts plus tard on retrouve Gjorg, en embuscade pour laver la mort de son frère, un crime qui le fera gibier à son tour après une trève de trente jours pendant laquelle il est tenu d'assister à l'enterrement, de partager avec l'autre famille le repas funéraires et d'aller payer l'impôt du sang chez le prince!



C'est sur la route de la citadelle d'Orosh qu'il croisera le regard de Diane, emmenée en lune de miel par Bessian, journaliste fasciné par ces lois barbares inspirées de la mythologie grecque.



J'en ressors hébété par ces 'gamineries', cette vie absurde et pourtant, comme le soulignent Gjorg et Bessian, combien moins terne que celle des gens de la vallée.

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Avril brisé

Chronique d'une mort annoncée.

Le kanun, l’équivalent balkanais de la vendetta, a obligé Gjorg Berisha à « reprendre » le sang dû par une autre famille de son village : il sait maintenant que c’est son tour et décide de profiter du temps qui lui reste avant de revenir se soumettre à la loi du kanun.

En vertu d’une coutume ancestrale albanaise, quand un membre d’une famille est tué par un membre d’une autre famille, un des hommes de cette dernière se voit obligé, dans les trente jours, de se soumettre à la règle du Kanun. Il doit rentrer au village, tout en sachant que la famille de l’assassiné est forcée, selon ce code de l’honneur, de le tuer. Il n’a qu’à pas rentrer, me direz vous, oui mais le code de l’honneur, alors, on en fait quoi ????

Bien évidemment de notre point de vue occidental, pragmatique et individualiste ce code de l’honneur nous semble complètement barbare et ridicule… mais ne faisons pas trop les malins, il est une île française pas très éloignée de nos côtes où la vendetta n’était pas un vain mot il y a encore quelques années et continue à faire des victimes sous forme de vendetta politique.

Si cette histoire se déroule au début du XXe siècle, il est très intéressant et effrayant de constater qu’en Albanie, la vendetta et le Kanun ont fait un retour en force inattendu depuis 1992 et la chute du régime communiste : en effet, pendant cette période les cas de vendetta étaient punis avec la plus extrême sévérité et leurs auteurs fusillés en place publique.

Une histoire étrange, funeste et funèbre et cependant très belle.

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Qui a ramené Doruntine ?

Petite incursion dans la littérature albanaise avec ce court roman d'Ismail Kadaré paru aux éditions Zulma.

Un roman que l'on peut qualifier de fantastique, basé sur la légende et ballade albanaise "Constantin et Doruntine" ou " Le serment de Constantin".



Qui a ramené Doruntine de la lointaine Bohème où elle a suivi son mari après leur mariage ?

Est-ce Constantin, son plus jeune frère, soucieux d'honorer la promesse (la "bessa") faite à leur mère ?

Mais Constantin est mort à la guerre ainsi que tous ses frères...

Maudit par sa mère, il se réveille de sa tombe et ramène sa soeur ignorante du drame, avant de rejoindre son trépas.



" Oh Dhoqina, Dhoqina

Ne te languis-tu pas de ta famille ?

Des larmes coulent sur le visage de ta mère

Qui pleure pour voir sa fille.." (traduction de Robert Elsie)



Le choc de la révélation provoque la mort quasi instantanée des deux femmes.



Dans sa version, Kadaré fait intervenir un enquêteur qui, sur fond de rivalité religieuse entre catholiques et protestants, va mettre en doute l'intervention surnaturelle et analyser toutes les hypothèses de cet étrange phénomène.

Car personne ne peut accepter la résurrection des morts.



Ismail Kadaré puise essentiellement son imagination dans l'histoire des Balkans et de ses légendes anciennes.

Il revisite le folklore et les mythes de son pays natal dans une prose d'une ironie parfois mordante et avec un talent de conteur volubile.

Il s'attache également à dénoncer le totalitarisme à travers des métaphores habiles.



Je suis totalement conquise par cette littérature et je suis bien décidée à découvrir les nombreux autres livres de l'auteur.

Si vous aimez les contes et légendes des pays lointains, je vous engage à faire de même.
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Concours de beauté masculine aux Cimes maudites

Avec cette nouvelle se termine le tome 4 de Kadare et je suis toujours aussi dubitatif sur la part de vérité qu'il contient.



Je crois en un Gasper risquant sa vie en confiant, en Albanie, ses attirances homosexuelles au docteur pourtant bien compréhensif, mais un concours de beauté masculin au fin-fond des montagnes? Rassemblement de virils montagnards et de pâles reclus menacés par une vendetta à qui une trève a été accordée.



Une fois de plus Kadare fait fort. On est pris par l'ambiance et plein d'empathie.

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Vie, jeu et mort de Lul Mazrek

Un drame terrible qui se passe en Albanie communiste dans les années 80 , à faire frémir .

Lul Mazrek vit dans un petit village albanais où la vie culturelle est quasiment inexistante , il rêve de jours meilleurs , voudrait faire du théâtre mais malheureusement pour lui il n'est pas au bon endroit , ni à la bonne époque .

Il fait sa demande pour être accepté dans une école de théâtre à Tirana , évidemment il reçoit une réponse négative , et pour comble de malchance , il reçoit peu de temps après sa convocation pour le service militaire .

Aussitôt , ses amis se mettent à lui mettre une drôle d'idée en tête , puisqu'il est envoyé dans une station balnéaire proche de la Grèce , n'est-ce pas le moment idéal pour chercher à s'évader mais lui hésite , il lui reste un espoir , celui de jouer pour la troupe des soldats .

Son dernier rêve va se réaliser mais pas comme il le souhaitait , il est pris dans un piège diabolique .

Vjollcia elle est une jeune fille intelligente et très belle , une de ces jeunes filles qu'on remarque malgré elle , malheureusement pour elle , le pouvoir en place va aussi la remarquer , elle va se retrouver ainsi bien malgré elle , embarquée dans une sombre histoire .

Ismaël Kadéré n'a pas son pareil pour dénoncer les abus de l'Albanie communiste , il s'agit bien sûr d'une fiction mais basée sur des faits réels , encore un témoignage de l'absurdité des gouvernements communistes .

Téléphones en panne , dénonciations , traques de la jeunesse et des opposants , liberté inexistante , rien ne sera épargné aux Albanais pendant ces terribles années .

Un récit sombre mais qui est le reflet de l'époque .
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L'Année noire

1910, année de la Grande comète et naissance complètement déjantée d'un pays, l'Albanie, traversée en tous sens par les armées turques, françaises, hollandaises, grecques, italiennes, serbes, moténégrines... sans compter les milices et l'armée régulière au service du roi.



Ah! le roi, choisi par les Grandes Puissances, c'est Guillaume de Hollande à qui l'on a demandé de se faire circoncire afin de se rapprocher du peuple qui en rigole bien pendant que consuls et galantins de la capitale se disputent les faveurs de la séduisante Sara Stringa.



L'écriture d'Ismaïl Kadaré avec son petit côté Istrati, coule comme j'adore et me réconforte après une demi douzaine de livres que j'avais trouvé 'bavards'.

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Avril brisé

Gjorg est allongé dans la lande du nord de l'Albanie, fusil à l'épaule , prêt à tirer . Après avoir fait mouche, il rendra honneur à sa victime en ajustant son corps comme le veut la coutume. Désormais, Gjorg n'est plus chasseur , il est devenu proie. Ainsi le veut le Kanun.



Le Kanun , est un ensemble de règles en vigueur dans le nord de l'Albanie mais également dans quelques régions des pays limitrophes. Parmi ses règles, il y a la reprise de sang. Si un membre d'une famille est tué, elle a le droit de tuer à son tour un membre de l'autre famille. Ces règles, datant du XV ème siècle avait pour but d'encadrer les trop nombreux règlements de comptes .

Ce livre, extraordinaire , nous porte dans un monde où le droit est celui du Kanun et n'a rien à voir avec nos modèles . L'auteur dresse un inventaire de tous les aspects du Kanun : L'hospitalité, l'honneur, les tours de claustration , la bessa (zone de trêves), les rituels au mariage, le rôle des prêtes, le coté économique du Kanun...

Ce livre , au delà de son histoire, véritable témoignage de la vie des montagnards du nord de l'Albanie, a une grande part d'humanité au milieu de règles sanguinolentes.

Les personnages principaux nous font découvrir tous les aspects de ces lois et comme dans toutes les sociétés, on voit bien le rôle joué par l'argent aussi surprenant que cela puisse paraître.

Ce livre est une porte d'entrée merveilleuse, parce qu'en plus le plaisir de lecture est immense, sur un monde encore en vigueur à deux heures trente d'avion de la France.
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Eschyle ou le grand perdant

Eschyle fut le premier et le plus grand, selon Kadaré, puis vinrent les petits jeunes : Sophocle et Euripide.

C’est une belle analyse, originale de ce qu’il reste de l’œuvre du créateur de la tragédie grecque.

Eschyle le Grec est le grand perdant, car, père de la tragédie au Vè siècle avant JC, il ne reste que 7 de ses œuvres sur une centaine. Une multitude des recherches ont été faites, mais Kadaré pense qu’il a été victime de la censure politique, à tel point qu’à la fin de sa vie, dégoûté, il partira s’exiler en Sicile. Pourquoi la censure ? Les grecs étaient très sensibles au théâtre, il y avait des concours et des émotions, à tel point que lors d’une représentation d’une pièce de Sophocle, les spectateurs ont failli faire une émeute car le « méchant » en faisait trop ; l’auteur a dû monter sur scène pour rassurer les gens en leur disant qu’il serait « puni » dans la scène suivante !

Eschyle s’est-il inspiré, comme Homère, de la riche mythologie et de la guerre contre Troie ? Kadaré penche plutôt pour les fêtes dionysiaques, avec masques, cérémonies de mariage et cérémonies funèbre : un héros ou un couple de héros, un lieu, une scène, un temps limité, des émotions fortes.

Après un passage sur la peine que lui procure la perte de 90 œuvres d’un poète capital, Kadaré analyse certaines de ses œuvres d’un point de vue mythologique, mais pense, et c’est là la grandeur d’Eschyle, que toutes ses pièces avaient un message symbolique pour les dirigeants de la Grèce.

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Après un début difficile pour moi, peu fan du théâtre, je me prends au jeu de suivre l’auteur dans son analyse des pièces, analyse, ou plutôt enquête qui ressemble à celle d’un policier, puis Kadaré se lance dans l’interprétation politique.

Sur les sept œuvres restantes, quatre me semblent finement analysées :

- « Les Perses »

- « Les sept contre Thèbes »

- « Prométhée enchaîné »

- « L’Orestie »

Je ne rentre pas dans les détails, ce n’est pas le propos ici, mais je soulève plusieurs études très intéressantes de l’auteur :

1 ) Les prédictions d’Eschyle, comme l’invasion par l’est, avec « Les Perses » : vers moins 500, les Perses essayent d’envahir la Grèce. Deux mille ans plus tard, les Ottomans assombrissent les journées des Grecs et des Balkans, pour plusieurs siècles.

2 ) Le parallèle entre la culture albanaise jusqu’au milieu du XXè siècle, et les agissements des acteurs de la Grèce antique : le Code Coutumier albanais prévoit la dette de sang, « la reprise de sang », c’est-à-dire que si un membre de ta famille est tué, tu dois reprendre le sang en tuant le meurtrier, et c’est ce qui se passe dans les tragédies grecques.

3 ) « La tragédie grecque s’est suicidée » a dit Nietzsche. Oui, affirme Kadaré, ou plutôt, elle est restée en hibernation à cause de la censure politique grecque, et est réapparue grâce à Shakespeare deux mille ans plus tard ( je m'étonne qu'il n'y ait pas un mot de Corneille ou Racine ).

4 ) La question de La Belle Hélène. Le poète Homère, VIII avant JC a traité la guerre de Troie dans « L’Illiade », en disant que celle-ci avait été provoquée par l’enlèvement d’Hélène, femme du roi de Sparte Ménélas par Pâris, prince troyen. Or, pour Ismail Kadaré, selon la version d’Eschyle dans « L’Orestie », c’est faux : c’est l’offense de l’invité Pâris à l’hôte Ménélas, plus que le rapt d’Hélène, qui déclenche cette « première guerre mondiale ». Bon, c’est un peu pareil, sauf que Kadaré précise qu’on reprouve là l’article 460 du fameux droit coutumier albanais. L’Albanie, voisine de la Grèce a gardé, surtout dans ses montagnes inexpugnables, son droit Coutumier qui faisait office de constitution, alors que la Grèce, envahie par les Romains, puis par les Turcs, l’a perdu.

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Bref, on apprend plein de choses, et sous un angle différent de l’œil occidental, dans cet essai 😊

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Qui a ramené Doruntine ?

On retrouve dans ce roman de Kadaré, toute la particularité de l'Albanie. Pendant longtemps, ce petit pays, maintenant aux portes de l'UE, fut tiraillé entre l'empire Ottoman musulman et l'Autriche-Hongrie catholique. On y trouve une multitude de petits villages de pierres, aux ruelles pentues, avec ses maisons à encorbellements typiques de l'architecture ottomane. Et puis, n'oublions pas la dictature de Hoxa, une des plus terribles d'Europe. Ajoutons encore, ces vieilles légendes de revenants et cette fameuse "bessa", cette promesse, qui fait ressortir les morts de leur tombeau pour être honorée. C'est sur ce terreau que Kadaré tisse son intrigue. Qui a raccompagné l'infortunée Doruntine chez les siens ? C'est la terrible question à laquelle le lieutenant Stres devra répondre. C'est un roman-enquête captivant pour peu que le lecteur se laisse charmer par cet environnement médiéval vaguement inquiétant.
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Froides fleurs d'avril

Le premier roman d'Ismaïl Kadaré qu'il m'a été donné de lire. Il ressort de cette lecture un sentiment très mitigé et pas de véritable engouement pour ce livre, très étrange où la légende se mêle à la réalité. Après la chute du régime communiste le lecteur assiste à un basculement de la société albanaise dans un autre monde, là-dessus se dresse une affaire de kanun qui remonte à la fin des temps et une histoire d'amour qui trouve difficilement sa place dans cette oeuvre. Un livre qui ne m'aura pas offert de grandes émotions et qui sera vite oublié. Ce n'était pas ce que je recherchais et je suis d'autant plus déçue que le titre du roman est très poétique.
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LES ROMANS DE KADARE

L'arrivée de deux Irlandais new-yorkais, Max Roth et Willy Norton, dans la ville de N., au coeur de l'Albanie, fait l'effet d'une bombe dont les intéressés auraient bien étouffé l'explosion. Le sous-préfet de N. partage bien sûr l'avis de son ministre : il n'est pas exclu que les deux étrangers soient des espions...

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