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Critiques de J.M.G. Le Clézio (1109)
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Alma

Bien sûr, je connaissais de réputation Jean-Marie Gustave Le Clézio mais n'avais encore lu aucun de ses romans et c'est en visionnant un épisode de La Grande Librairie que j'ai vraiment découvert cet auteur de culture mauricienne comme il se définit lui-même. Alma, c'est un village de l'île Maurice (et non une municipalité du Lac Saint-Jean), dont Le Clézio raconte l'histoire à travers les personnages de Dodo, un itinérant mangé par la lèpre, descendant métis d'une des grandes familles de l'île et Jérémie, de même lignée mais de nationalité française. Tous deux à la recherche d'un sens à donner à leur vie quand tous ont disparu : ceux qui ont connu l'essor de l'île grâce à la canne à sucre mais aussi grâce au côté moins glorieux de l'esclavage. Ce qu'on cherche à cacher dans les familles et dans les communautés tranquilles du bord de mer, maintenant envahies par le tourisme. Et ce dodo, gros oiseau aux ailes atrophiées, disparu depuis longtemps de la surface de la terre. Un roman à saveur écologique et historique porté par plusieurs voix qui finissent par se rejoindre. Une belle initiation à l'oeuvre de Le Clézio.
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Alma

D’abord, je précise que je n’aborde pas la lecture du dernier roman de J.MG. Le Clézio en néophyte. J’ai déjà lu une quinzaine d’écrits de l’auteur. D’où peut-être, pour moi, un manque de surprise, un effet de lassitude qui ne touchera pas d’autres lecteurs.



Cela étant posé, je peux commencer par dire ma grande admiration pour cet écrivain, pour son style inimitable, d’une beauté formelle et classique. La parole, est belle, déliée et poétique, à la limite du lyrisme mais pour mieux chanter la richesse et la complexité humaine.

Comme toujours chez Le Clézio ; on retrouve ses descriptions saisissantes, ses litanies de lieux et de noms à la manière d’un Jules Verne contemporain. D’ailleurs Le Clézio n’est-il pas une sorte d’écrivain-aventurier que l’introspection et l’inquiétude auraient touché de leurs ailes ?



Une fois encore, Le Clézio explore sa mémoire familiale en partant du « drame » qu’il perçoit comme à l’origine de sa vocation littéraire : la faillite et l’exil en France de son parent issu d’une riche famille mauricienne. Il décale les personnages, enfourche son imagination et nous livre une histoire entre conte et réalité. Autour d’icônes familiales réinventées (Dodo, devenu le clochard exemplaire de son île, une ancêtre chanteuse lyrique, entre autres), le romancier tisse sa toile. Il prend pour prétexte la quête d’une sorte de double de lui-même dont la vie est orientée par la quête des souvenirs. Jérémie Felsen n’a gardé qu’une chose de son passé : une pierre à gésier d’un dodo (cet oiseau disparu, symbole de l’Île Maurice) que son père avait trouvé, enfant, dans les champs de canne. Avant la « déchéance » familiale, avant le départ pour l’Angleterre puis la France…

Jérémie part donc sur l’île de ses ancêtres pour enquêter sur le dodo mais aussi sur les traces de sa famille. Cette quête se transforme en dossier à charge contre la modernisation de l’île et les vices humains… Car d’autres voix vont progressivement émailler le récit. Jérémie raconte ses recherches, ses interrogations ; Dodo le hobo nous narre de sa naïveté d’enfant éternel son histoire ; les figures oubliées des pages les plus noires de l’histoire mauricienne, liées à l’esclavagisme, viennent aussi se présenter à nous, tels des fantômes à la voix d’outre-tombe.



JMG Le Clézio livre une histoire plurielle sur les destins humains emportés par la grande roue de l’histoire. On retrouve son sens de la justice et ses grands thèmes : les « petits » écartelés par les riches, l’exil, la prostitution. Ceux qui ont aimé « Poisson d’or », « Le Chercheur d’Or » ou « L’Africain » retrouveront tous ce qu’ils aiment chez le Prix Nobel de littérature, de nouveau creusé et approfondi, l’effet de surprise en moins.

La quête du dodo est la nouvelle pièce de ce puzzle toujours refait par l’auteur. On apprend des choses passionnantes sur le sujet, on sent que l’auteur est allé à la source se documenter. Cette chasse au trésor aurait pu s’avérer passionnante, mais le romancier refuse toute construction dramaturgique, tout suspens… Avec un tel sujet, c’est dommage. On imagine ce qu’une Tracy Chevalier aurait fait d’une telle manne… Sur ce même sujet, d’ailleurs, j’ai préféré « Sous la varangue » de Christophe Botti, bien mieux renseigné et finalement plus romanesque alors qu’il s’agit d’un texte de théâtre. On a en effet parfois l’impression, à lire Le Clézio, qu’il oublie ses lecteurs et qu’il n’écrit plus désormais que pour lui… Mais sans doute sa quête est-elle ailleurs, désormais (et notre plaisir de lecteur aussi) : c’est une quête de plus en plus personnelle en même temps qu’une quête littéraire.



En faisant parler les autres, Le Clézio s’interroge sur l’humanité et sur ce qui nous rassemble. Vers la fin du livre, Dodo, l’un des protagonistes principaux en arrive à la même conclusion qu’Alexis, le héros du « Chercheur d’or », roman écrit il y a presque 30 ans : « Les gens croient qu’ailleurs c’est différent. Mais ailleurs, c’est pareil… »
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Alma



Tous les thèmes de prédilection de le Clézio sont repris dans ce livre « Alma », nom donné à la propriété des Fersen (alias Le Clézio).

En 1796 , Axel Fersen débarque à l'Ile de France nommée ainsi à l'époque, l'île n'est que forêt, et le gros oiseau dodo est chez lui. Plus pour très longtemps, il sera vite exterminé par les premiers colons.

Jérémie Fersen , un descendant de la vieille famille débarque à Maurice avec pour seul viatique une » pierre de gésier de dodo ». Il explore l'île, surgissent de nombreux personnages, tel que « dodo » un certain Dominique Fersen , lépreux et clochard.

Toutes les scènes racontées sont puissantes, des fresques vivantes , un style parfait.

L'histoire de l'esclavage, l'île qui a souffert et souffre maintenant du tourisme de masse, marquent le déclin de ce morceau de terre. L'écrivain part de l'individu à l'universel.

Mais , et là j'ose le sacrilège: J'ai lu quasiment tout Le Clézio, tout Modiano, avec à l'époque l'attente gourmande ; l'ennui s'installe peu à peu, les »souvenirs dormants » de ces deux Nobel de littérature me donnent l'impression d'avoir tout dit sur leurs sujets favoris.
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Alma

Dans la lignée du "Chercheur d'or" et de "La Quarantaine", un nouveau "roman mauricien du grand Le Clézio.

Il faut entrer dans ce livre comme dans la tête d'un auteur qui pétrit depuis des années un matériau intime pour tenter de toucher l'universel.

Le Clézio n'endosse pas le JE, il se crée un narrateur, qui est en fait un double de lui-même puisqu'il reprend ses obsessions pour l"héritage familial bafoué (la maison originelle Eureka dont sa famille a été dépossédée et devenue Alma dans le roman), la difficulté des humains à vivre ensemble et l'injustice sociale (ici les différences de classe entre anciens esclaves et engagés mais aussi entre les différents milieux "blancs" de l'île Maurice) et son plaidoyer pour la planète (thème un peu plus nouveau) au travers de la quête du dodo et le soin que l'auteur prend à nommer les plantes endémiques de son île fantasme (il n'y a jamais vécu puisque sa famille s'est exilée en Europe, en France, avant sa naissance).

Il y a du Jules Verne chez Le Clézio (encore l'enfant lecteur qui sommeille en lui comme si plus on vieillissait, plus on se rapprochait de ce qui nous a fondés enfants), il liste les noms de famille mauriciens, les anciennes propriétés sucrières et les plantes ! Mais il y aussi sa touche personnelle, sa poésie à suivre des personnages en errance (ce n'est sans doute pas un hasard si un de ses précédents romans s'intitulait "Étoile errante"). C'est là où le bas blesse parfois. Le roman est construit sur un double récit, le double parcours de deux personnages dont le point commun est le nom de famille. Pour ma part, je trouve que ces deux histoires s'entremêlent maladroitement, un peu comme un prétexte pour raconter deux histoires qui n'ont pas de véritables liens mais que l'auteur veut absolument rassembler. Le personnage de dodo, un clochard céleste, termine son parcours en France. Je dois avouer que j'ai trouvé toute cette partie peu claire, des raisons de son voyage jusqu'à ses actions et motivations sur le sol français...

J'ai largement préféré toute la partie mauricienne du récit au côté de ce jeune homme en quête d'identité. Pourtant, même dans cette partie, la quête du protagoniste me semble faible en motivations. Pourquoi revient-il à ce moment précis? Que recherche-t-il vraiment ? Là encore, prétexte à remonter le temps, à écrire des chapitres que j'ai adoré sur la marre aux songes (lieu de recherche sur le dodo) ou sur le premier voyage d'un dodo en Europe. Mais l'ensemble ne tient pas solidement la route en terme de narration.

En résumé, des chapitres avec des fulgurances, une évocation de l'île Maurice qui parlera très fort aux Mauriciens et aux amoureux de Maurice, mais une histoire qui, à mon avis, ne tiendra pas en haleine ceux qui ne sont pas déjà des convaincus de Le CLézio.
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Alma

Le Clézio choisit de nous faire partager son histoire familiale avec l’ île Maurice en campant 2 personnages qui ont des liens avec le domaine d’Alma, lieu des années de l’enrichissement par la canne à sucre et la traite négriere.

Le premier, un pauvre diable surnommé Dodo, mangé par la lèpre, qui finit SDF à Paris ; le second, un jeune homme en quête de ses racines mauriciennes, qui part sur les traces de son père ayant vécu à Alma et cherchant des réponses sur les non- dits de sa famille.

Un parallèle avec la disparition du dodo, l’oiseau pataud et lourd sacrifié à l’arrivée des colons anglais et hollandais qui le chassent et saccagent son habitat naturel court tout au long du livre qui raconte le désespoir des pauvres spoliés par l’appât du gain, ainsi que la nostalgie de ce paradis perdu et vendu au tourisme international avec ses couchers de soleil sur fond de drogue et prostitution.

Les récits se succèdent, s’enchassent avec des témoignages, des gros plans pas toujours reliés, une quantité de noms, de lieux, de faits desquels émergent des moments forts : le lavage des pieds des clochards, l’appel des esprits, l’accouchement de la fille violée...

Un livre fort, engagé, qui pointe du doigt un monde dur aux faibles et l’impossibilité même de trouver des réponses.







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Alma

Son désert m'avait brûlé les rétines, Onitsha m'avait hypnotisé. J'ai cherché Nadja Nadja dans la fumées des cigarettes, dans la plus infime brume et dans les gouttes de pluie. C'est donc avec une certaine attente que je suis parti en voyage à Alma. Pour ne rien cacher, je ne pense pas avoir tenu entre mes mains le meilleur Le Clézio.



Le parallèle entre l'oiseau dodo aujourd'hui disparu et la trajectoire du merveilleux clochard, du Hobo du même nom n'est pas inintéressante, mais Le Clézio nous offre avant tout le dessin d'un monde en décrépitude entaché d'une certaine sordidité où les jeunes femmes vendent leur corps à la sortie des boîtes de nuit ou auprès d'hommes de passage pour échapper à un quotidien lassant et misérable.



Le Clézio revient non pas à la source de toutes les vies, mais certainement aux racines de la sienne au travers de ce récit de famille, de la famille Fersen, anciens sucriers et esclavagistes.



J'ai largement préféré ses récits qui flirtaient avec le mythe et la légende.
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Alma

Ce récit a été pour moi déstabilisant car le fil de l'histoire est difficile à suivre, pourtant je suis vraiment admirative de l'oeuvre, de l'écriture et de l'homme. J'ai donc eu du mal à me laisser totalement bercer par les mots.

L'écriture est magnifique et l'on ressent le poids de l'histoire de cette île, l'île Maurice, et de ses habitants, on est envoûté par la poésie de l'écriture, par sa fluidité malgré les passages en créole non traduits.

Il y a beaucoup de personnages et de destins, présent ou passé, on remonte même au célèbre pirate, La Buse !

Mais c'est surtout l'histoire d'une quête, celle du Dodo et à travers lui, une quête des racines. En effet Dodo est double dans cette histoire et Jérémie le "personnage principal" recherche bien les deux : les origines de l'animal disparu et la trace de cet héritier de l'autre branche de sa famille, les Fersen, ce merveilleux hobo (mendiant) Dominique alias Dodo.

D'ailleurs JMG le Clezio alterne les chapitres concernant Jérémie et ceux racontant le parcours de Dodo, atteint d'une maladie qui lui mange les paupières, les lèvres et le nez.

On y découvre la pluralité des histoires de l'île aussi à travers un patchwork de personnages aux destinées très différentes.

Un récit exigeant et troublant qui laisse un goût d'universel aussi tant on y apprend de l'humain et de l'humanité.
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Alma

Alma où la quête d'une histoire de famille, entre mythes ensorcellants, passé douloureusement esclavagiste et desctruction massive d'une île foisonnante de beautés florales.



Le Clézio nous ramène dans son île Maurice pour à partir à la recherche du fameux dodo disparu, éteint par la faute des hommes. Mais, cette recherche ira au-delà d'un simple animal. C'est toute une dynastie qui aura disparu au gré de l'histoire, les esclavagistes, les noirs, les marrons, les riches, les pauvres, ceux qui font parler leur cœur et non leur sang, ...



L'un court vers son île pour comprendre sa lignée, son père, lui-même, pour retrouver ses racines, son histoire et l'autre la quitte pour se retrouver au milieu des siens, les nantis, les exclus, ... Lequel en sera le plus apaisé à la fi de sa vie ...





La plume de Le Clézio est toujours aussi poétique, emprunt d'une beauté naturelle que ce soit pour parler de la magnificence de l'île ou des monstruosités humaines, qu'elles soient anciennes ou contemporaines.

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Alma

Il faut prendre le temps de lire ce roman, pour s'imprégner pleinement de la poésie qu'il dégage. Poésie nostalgique, sombre, qui prend aux tripes car Le Clézio écrit magnifiquement.

J.M.G. possède des ancêtres mauriciens. C'est donc tout naturellement que Jérémie Felsen retourne dans cette petite île de l'océan indien pour y retrouver ses racines, sous prétexte d'une étude sur le dodo, cet affreux oiseau disparu, devenu symbole de l'île et preuve exemplaire de l'imbécillité humaine : on a abattu cet oiseau sans défense. Jérémie parcourt l'île pour retrouver des descendants de sa famille. Il écoute leurs histoires pleines de désillusions : le monde moderne a détruit cette île et ses endroits aux noms chantants : Rose Belle, Bois Chéri, Sauve Terre, Mon Trésor, Sans Souci, Sottise, Petit Paquet, Pomponnette. Bien sûr c'était le temps de l'esclavage et l'auteur ne manque pas de rappeler le sort cruel qui attendait ses victimes.

En alternance avec les chapitres décrivant la quête de Jérémie, Le Clézio donne la parole à un personnage mauricien, sorte de clochard repoussant défiguré par la syphillis. Il parle un français mélangé à du créole, un langage émouvant qui vient du coeur. C'est la partie la plus poignante du roman, car notre clochard, appelé dodo, est assurément aussi un sage.

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Alma

Une première lecture de cet écrivain mais pas un inconnu pour moi.... A chaque fois qu'il apparaît dans une émission il y a un "je ne sais quoi" qui m'attire chez lui, peut-être cette douceur, cette nonchalance, ce débit de paroles (on pense que chaque mot est pesé, choisi, réfléchi) et moi cela me plaît. Je n'apprécie pas beaucoup les gens qui parlent beaucoup et le plus souvent pour ne rien dire.



Par contre le lire je n'avais jamais franchi le pas, toujours ce complexe d'inaccessibilité, vous pensez ! Un prix Nobel de littérature alors qu'à y réfléchir c'est justement un encouragement à le lire et depuis plusieurs mois je me mets moins de barrière et découvre de magnifiques auteurs, très accessibles, de beaux écrivains avec chacun un univers particulier.



Alors me voilà partie pour l'île Maurice, sur la trace des dodos,



cet oiseau disparu mais symbole de l'île et des causes de sa disparition. Deux récits croisés : celui de Dodo ? (Dominic) de la mauvaise branche de la famille Felsen, qui vit encore sur l'île, le visage et le corps ravagé par la maladie (la lèpre), et Jérémie de la branche noble de cette même famille mais qui s'est expatriée, qui prend prétexte de la rédaction d'un mémoire sur l'animal disparu pour revenir sur les traces de ses racines, de sa famille qui a complètement disparu également de l'île, ou le croit-il, comme l'oiseau perdu.



Mais à travers les souvenirs, les quêtes de chacun, il est question de cette île dont l'homme a détruit à des fins commerciales, industrielles une grande partie de sa nature mais aussi culturelle. La canne à sucre a été une des principales richesses de cette île mais aussi le facteur principal de sa destruction. Mais il y est question aussi de la prostitution surtout touristique, de spiritisme et croyances et surtout l'esclavagisme avec des souvenirs forts de ses tortures :



Et en haut du mur, le ciel, non pas bleu -ou s'il était bleu c'était horrible, le ciel sans couleur, pareil au carré ouvert dans le toit de la prison de Port-Louis que regardait le condamné avant que la trappe bascule sous ses pieds et que le noeud de la corde lui brise le cou.(p242)



car la famille Felsen, elle aussi a plus ou moins profiter de l'esclavage, d'une position de force, de manipuler et abuser de cette situation. Jérémie vient comprendre d'où il vient, revoir Alma, la propriété de ses ancêtres, trouver les réponses aux questions qui restent sans réponse depuis la disparition des derniers acteurs.



Dodo, lui, à force de brimades, de violence sur sa personne, lui l'être faible, sorte de vagabond vivant en marge de la société, quitte l'île et se retrouve  SDF en France où la vie sera encore plus dure mais il ne veut plus retourner sur son île, lui l'exclu, la bête humaine immonde, sorte de bête de foire. Il ne vit qu'au présent et ne parle qu'au présent (ce qui parfois déroute) mais il est dans l'instant. Il est simple dans le sens où il analyse les choses telles qu'elles sont, pas d'arrière-pensée. Il n'a plus de pays, plus de famille et comme l'oiseau Dodo il disparaîtra un jour, dans l'indifférence, comme Béchir, fils de harki, son compagnon de nuits sur les trottoirs.



Là-bas à Paris, le soleil ce n'est pas le soleil, c'est un cachet d'aspirine pour guérir les gens de leur mal de tête.(p183)



Comment ne pas penser que JMG Le Clezio ne se transpose pas au travers de Jérémie, faisant le constat d'une société de consommation, inhumaine, avide d'avoir au prix de la destruction, se coupant même de branche familiale déshonorante (Dodo), comme on n'hésite pas à détruire la faune et la flore pour des aspirations mercantiles ou futiles.



Le constat est là, implacable et nous détruirons-nous un jour comme nous avons détruit cet animal, pourtant à la chair incomestible, qui n'offrait ni intérêt ni danger pour l'homme et cela a peut-être été son plus gros défaut....



Quant à l'écriture elle-même qui suis-je pour critiquer un prix Nobel de Littérature (2008) ? mais je vous donne mon humble sentiment personnel par rapport à ce récit et à mon ressenti. C'est une très belle écriture mais dans la narration, le récit foisonne de personnages, magnifique et en particulier celui d'Aditi, femme qui attend un enfant conçu lors d'un viol, proche de la nature et qui donne un peu d'espoir, mais j'ai eu parfois un peu de mal à me retrouver au milieu de tous ces acteurs. La langue, créole, l'univers mauricien qui m'est totalement étranger, les aller-retours entre présent et passé étaient parfois déroutants. Mais j'en garderai un agréable moment, bercée dans la moiteur de ce pays et avec un amer goût de destruction d'un paradis perdu.



Ce livre n'est pas un cri mais une douleur, sourde, profonde sur la perte d'un monde, d'une nature sublime, mais guère optimiste. Le constat est là et comme le Dodo, quand petit à petit un monde disparaît, que nous restera-t-il ?
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Alma

Voici donc des histoires croisées, celle de Jérémie, en quête de Raphus cucullatus, alias l'oiseau de nausée, le dodo mauricien jadis exterminé par les humains, et celle de Dominique, alias Dodo, l'admirable hobo, né pour faire rire. Leur lieu commun est Alma, l'ancien domaine des Felsen sur l'île Maurice, que les temps modernes ont changée en Maya, la terre des illusions :

« Dans le jardin de la Maison Blanche le soleil d'hiver passe sur mon visage, bientôt le soleil va s'éteindre, chaque soir le ciel devient jaune d'or. Je suis dans mon île, ce n'est pas l'île des méchants, les Armando, Robinet de Bosses, Escalier, ce n'est pas l'île de Missié Kestrel ou Missié Zan, Missié Hanson, Monique ou Véronique, c'est Alma, mon Alma, Alma des champs et des ruisseaux, des mares et des bois noirs, Alma dans mon cœur, Alma dans mon ventre. Tout le monde peut mourir, pikni, mais pas toi, Artémisia, pas toi. Je reste immobile dans le soleil d'or, les yeux levés veVoici donc des histoires croisées, celle de Jérémie, en quête de Raphus cucullatus, alias l'oiseau de nausée, le dodo mauricien jadis exterminé par les humains, et celle de Dominique, alias Dodo, l'admirable hobo, né pour faire rire. Leur lieu commun est Alma, l'ancien domaine des Felsen sur l'île Maurice, que les temps modernes ont changée en Maya, la terre des illusions :

« Dans le jardin de la Maison Blanche le soleil d'hiver passe sur mon visage, bientôt le soleil va s'éteindre, chaque soir le ciel devient jaune d'or. Je suis dans mon île, ce n'est pas l'île des méchants, les Armando, Robinet de Bosses, Escalier, ce n'est pas l'île de Missié Kestrel ou Missié Zan, Missié Hanson, Monique ou Véronique, c'est Alma, mon Alma, Alma des champs et des ruisseaux, des mares et des bois noirs, Alma dans mon cœur, Alma dans mon ventre. Tout le monde peut mourir, pikni, mais pas toi, Artémisia, pas toi. Je reste immobile dans le soleil d'or, les yeux levés vers l'intérieur de ma tête puisque je ne peux pas doVoici donc des histoires croisées, celle de Jérémie, en quête de Raphus cucullatus, alias l'oiseau de nausée, le dodo mauricien jadis exterminé par les humains, et celle de Dominique, alias Dodo, l'admirable hobo, né pour faire rire. Leur lieu commun est Alma, l'ancien domaine des Felsen sur l'île Maurice, que les temps modernes ont changée en Maya, la terre des illusions :

« Dans le jardin de la Maison Blanche le soleil d'hiver passe sur mon visage, bientôt le soleil va s'éteindre, chaque soir le ciel devient jaune d'or. Je suis dans mon île, ce n'est pas l'île des méchants, les Armando, Robinet de Bosses, Escalier, ce n'est pas l'île de Missié Kestrel ou Missié Zan, Missié Hanson, Monique ou Véronique, c'est Alma, mon Alma, Alma des champs et des ruisseaux, des mares et des bois noirs, Alma dans mon cœur, Alma dans mon ventre. Tout le monde peut mourir, pikni, mais pas toi, Artémisia, pas toi. Je reste immobile dans le soleil d'or, les yeux levés vers l'intérieur de ma tête puisque je ne peux pas dormir, un jour mon âme va partir par un trou dans ma tête, pour aller au ciel où sont les étoiles. »rmir, un jour mon âme va partir par un trou dans ma tête, pour aller au ciel où sont les étoiles. »rs l'intérieur de ma tête puisque je ne peux pas dormir, un jour mon âme va partir par un trou dans ma tête, pour aller au ciel où sont les étoiles. »
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Alma

Jérémie Felsen arrive à Maurice pour y enquêter sur le dodo, cet oiseau étrange qui ne savait pas voler et que l'on fit disparaître. a la vérité, c'est sur la famille Felsen qu'il vient chercher des traces, car elle fut puissante. En 1796, Axel Fersen arrive à Maurice. C'est le début d'un empire basé sur le commerce, la canne et l'esclavage; Les Fersen vivent à Alma, une grande propriété foncière. Non loin de la là, vit la branche subalterne de la famille qui est très éloignée du pouvoir et des fastes. Dominique, le descendant de la branche pauvre, est un malheureux défiguré à la mémoire pourtant bien vivante. Alors que Jérémie évoque l'expansion de Maurice aux 18° et 19° siècle et la grande époque de richesse des Felsen à Alma, Dominique évoque des figures d'esclaves ou d'engagés et tout un panel de légendes et de croyances que ceux qu'on amenait de force dans l'île apportaient avec eux.

Entre ces deux récits qui s'entrecroisent, il y a le dodo dont, avec l'arrivée des hommes, le sort semble inexorablement fixé. Ce grand oiseau, adroit par moments et maladroit à d'autres et qui semble comprendre son destin...

Si on peut s'interroger sur l'attribution du prix Nobel à un tel ou une telle, ce questionnement ne peut s'appliquer à JMG Le Clézio. Enchanteur, poétique, puissant et cruel, Alma est un roman à plusieurs voix dont la construction, la sureté d'écriture et le pouvoir d'évocation sont la marque d'un très grand auteur. A plusieurs reprises, j'ai été littéralement éblouie par le talent sidérant de cet écrivain. Je pense au passage qui touche à la fille illégitime de Mahé de La Bourdonnais et celui sur le dodo qu'on extrait avec précaution de Maurice pour le conduire en Angleterre où il rencontre une mort certaine. Mais il faudrait aussi citer les passages sur Krystal, ceux sur Aditi et les merveilleuses évocations d'Alma faites à tour de rôle par les deux narrateurs.



Un très beau livre d'une puissance rare sur ce que fut et ce qu'est Maurice. Et un grand auteur, très au dessus de la mêlée...













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Alma

lu en 2018

Un roman où Le Clézio parle de lui certainement, et de ses parents d’origine bretonne dont les ancêtres avaient émigrés à l’ile Maurice au 18ème siècle, car ce livre témoigne d’une famille française, aisée, venue s’installer à Maurice pendant l’exploitation négrière et la culture de la canne à sucre. (Bien belle maison d'ailleurs que j'ai visitée à Moka sur l'île Maurice). Dans chacun de ses livres on retrouve cette nostalgie des sentiments de son enfance africaine. Ici, il s’agit de destins croisés, celui de Jérémie, dont le père a quitté l’ile en 1917 pour faire la guerre en Europe et deviendra médecin en France. Jérémie part à la recherche des souvenirs d’enfance de ce père à l’ile Maurice, à la recherche aussi des oiseaux éradiqués par les hommes, le Dodo ou Raphus cucullatus, lorsqu’ils ont colonisé l’île. Et puis l’autre Dodo, Dominique de son prénom, un cousin issu d’une branche honnie car les hommes ont pris pour compagnes des impures, des noires ou métisses. Ils sont, l’un et l’autre les derniers héritiers qui ne se rencontreront jamais, de cette famille les Felsen, où chacun livre son histoire familiale, celle de l’ile, de la traite, des marrons, de la canne et puis de l’effondrement et le démantèlement des exploitations sucrières de l’ile.

Nostalgique à souhait. Belle écriture toujours qui nous emporte et nous fait vibrer.
Lien : https://www.babelio.com/conf..
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Alma

Ce roman aurait pu s'appeler Dodo. Dodo, c'est ce sublime clochard céleste dont la parole est un bijou littéraire en soi, une performance d'écriture, un personnage que l'on n'oublie pas. Mais le dodo c'est aussi cet oiseau endémique de l'île Maurice, un peu gauche et étrange, disparu au XVIIe siècle. Le dodo est devenu un symbole, un lien vers le passé, et dans le roman il est autant une quête qu'une métaphore pour l'autre personnage principal du roman, sorte d'alter-ego de l'écrivain. Ainsi, tout revient à Alma, ce paradis perdu sur l'île Maurice. Alors, Alma, Dodo, l'un ou l'autre de ces noms courts percute et ponctue ce récit poétique et inspiré, mâtiné de créole, traversé par des personnages - des figures ! - aussi remarquables que tristes, aussi drôles qu'improbables.
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Alma

Retour à Maurice avec JMG le Clézio. Pas de roman "historique" cette fois, mais l'île Maurice actuelle, enfin plutôt l'envers du décor que la carte postale, bien entendu. Pauvreté, prostitution, racisme, ce pan-là dont les dépliants touristiques ne vous parleront jamais. Jérémie Felsen va pour la première fois à Maurice, que son père a quitté à 15 ans et dont il ne lui a jamais parlé, même si elle le hante. Secret de famille, honte des origines, Le Clézio se confronte aussi à l'esclavagisme et à ses conséquences, toujours sensibles aujourd'hui. L'autre narrateur, c'est Dodo, et je ne peux rien dire sur lui, mais sa langue, mêlée de créole, est particulièrement savoureuse.

Belle lecture, fond et forme.
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Alma

"Alma" c'est le genre de livre que l'on n'a pas envie de quitter, qu'on lit avec attention en retenant son souffle. C'est le dernier roman de Jean-Marie Gustave le Clézio, prix Nobel de littérature 2008.

Alma c'est l'ancienne propriété de la famille Felsen à l'île Maurice.

L'ile Maurice j'y suis allée et j'ai vu la maison familiale des Le Clézio. Je m'imagine donc le décor de cette histoire de famille, celle de blancs Mauriciens, comme la sienne.



Ce roman c'est d'abord deux destins croisés. Il y a Dominique, le perdi bande, celui qui n'a plus de visage, rongé par la maladie et qui s'exilera en France pour devenir vagabond et y mourir. Et il y a Jérémie à la recherche de ses racines et des secrets de sa famille. Il fera le chemin inverse de celui de Dominique en allant à l'Ile Maurice pour trouver des réponses sur ses origines.



Le passé de l'île c'est le Dodo, gros oiseau qui ne peut pas voler, aujourd'hui disparu et dont il cherche les traces. C'est un fossile qui était vivant à l'époque où les premiers humais sont arrivés à l'île Maurice. C'est une figure tragi-comique attachante, décrite un peu comme un humain, un peu ridicule et en même temps touchant, quand on le capture il pleure, il se laisse mourir de faim si on l'enferme, il ne peut pas vivre sans sa compagne et il est condamné.



Mais l'île est marquée par d'autres fantômes du passé car elle a été une plaque tournante de l'esclavage. D'ailleurs, Jean-Marie Gustave le Clézio commence par évoquer les esclaves en leur donnant une identité. Il explique que quand il s'agissait de baptiser des esclaves, on leur donnait pour nom de famille le nom du bateau dans lequel ils étaient arrivés, L'hirondelle, La sémillante, le Redoutable. le vol de leur nom, c'était le vol de leur existence.



Le Clézio sait aussi parler de façon admirable des gens d'aujourd'hui dans ce grand roman sur la filiation, les origines et l'ascendance qui n'est pas sans rappeler sa propre histoire.





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Alma

En guise de prologue, l’auteur nous livre des noms « ce sont ces noms que je veux dire, ne serait-ce qu’une fois, pour les appeler, pour mémoire, puis les oublier. »



Puis commence le récit avec les deux branches de la famille Fersen qui descendent de l’ancêtre Axel Fersen qui a débarqué en 1796 : la branche « noble », celle qui a réussi et occupait la propriété « Alma » à laquelle appartient Jérémie, de l’autre celle dont on a un peu honte qui était dans une maison miteuse (une cabane au fond du jardin !) masquée par un rideau d’arbres, à laquelle appartient Dominique, alias Dodo.



L’auteur a choisi d’alterner les deux histoires, comme un chant à deux voix, chacun des deux personnages étant à la poursuite d’une quête.



Dodo, défiguré par la maladie qui l’a bouffé, qui n’a pas de nez, de paupières, de lèvres, ne dort jamais, et peut lécher son œil avec sa langue, qui vit de façon misérable, se fait souvent agresser et finit par quitter le pays pour rejoindre la France, terre de son ancêtre. Dodo qui trouve refuge dans les cimetières, et recouvre à la craie le nom de ses parents pour perpétuer leur souvenir. Ce « clochard merveilleux » s’exprime toujours au présent : « la littérature ne parle pas du passé ni du futur, elle parle du présent dans laquelle elle est écrite » a confié l’auteur…



Jérémie, dont le père a quitté l’île et n’y est jamais retourné, ne conservant qu’une pierre gésier de dodo, qui lui sert de rappel, de fétiche, et qui va retourner à Maurice pour rechercher les traces de sa famille.



« Mon père était émigré, on dit maintenant de la « diaspora » – c’est un mot que je ne lui ai jamais entendu prononcer, pas plus que le mot « exil ». Il n’en parlait pas, même s’il était imprégné de la plus profonde nostalgie pour son pays natal. Ses regrets, il ne les disait pas avec des mots. Il les extériorisait par des gestes, par des manies, par des fétiches. » P 32



Se croiseront ils ?



J.M.G. Le Clézio nous raconte la quête initiatique de Jérémie (qui lui ressemble beaucoup ?) à la recherche des secrets de famille, de la terre perdue, de l’exil mais surtout de la culpabilité qui peut tourmenter les descendants des esclavagistes, ces êtres qu’on arrachait à leur terre pour les embarquer sur des bateaux et qu’on tuait à la tâche. Ils n’auront pour identité qu’un prénom et le nom du bateau qui les a amenés… traités comme des sous-humains, parfois enfermés dans un puits sans fond dont ils ne pouvaient s’échapper et sur les murs duquel, on peut encore voir les traces des ongles, dans un effort inutile pour s’échapper ; par souci de cruauté, on leur laissait voir le ciel…



Le troisième personnage est le dodo, alias Raphus cucullatus, l’animal mythique qui a régné en maître à Maurice, avant l’arrivée de l’homme qui l’a exterminé méthodiquement, détruisant son habitat pour y planter de la canne à sucre, avec une main d’œuvre constituée d’esclaves. Ce dodo, oiseau sans aile qui pleure quand il se retrouve seul ou prisonnier et se laisse mourir…



J.M.G. Le Clézio décrit la canne à sucre, l’esclavage, les Marrons, venus d’Asie qui se cachent dans la forêt, tentant de préserver un peu de culture, de respect de la Nature. Forêt qui couvrait les neuf dixièmes de l’île en 1796 et qui subsiste à l’état de poches de forêt endémique, des miettes.



Le rythme de l’écriture est lancinant, les mots reviennent comme ce morceau de Schubert que Dodo arrive encore à jouer au piano, avec ses doigts raidis par la maladie… Et qui dit si joliment : « je ne sais pas encore que le bonheur, ça ne dure pas »



Un personnage, parmi les nombreux qui font partie du roman, vient adoucir cette histoire : Aditi, jeune femme proche de la nature, enceinte à la suite d’un viol, curieuse de tout dans cette poche de forêt, qui est à la recherche de l’essentiel comme Jérémie est sur les traces de son oiseau disparu…



J’aime beaucoup cet auteur dont j’ai lu et aimé au moins une dizaine de livres, et pourtant cette lecture a été difficile, malgré la beauté du style et la manière dont il expose cette quête initiatique, autant que le côté inéluctable du destin de l’homme. Je me suis sentie coupable, j’ai eu honte d’appartenir à la gent humaine (quand on pense que cela a donné des mots comme humanité, humanisme…) capable de commettre des choses aussi abjectes, alors que ma famille n’a jamais rien eu à voir avec l’esclavagisme, la colonisation…



Lors de son passage à La Grande Librairie, J.M.G. Le Clézio a dit que ses ancêtres avaient été compromis dans l’esclavage, que c’était une responsabilité collective dont il portait un peu le poids, pas de la culpabilité, car la responsabilité appartenait aussi à la Compagnie des Indes où Voltaire avait des actions, donc personne n’était innocent…



On retrouve le même récit croisé, les mêmes quêtes que dans un roman plus ancien que j’ai adoré « Etoile errante », mon premier livre de l’auteur qui a déclenché un coup de foudre pour son style… mais ici, le récit est plus dur, plus désenchanté, plus noir même parfois.



J’ai mis du temps à rédiger cette critique, alors que j’ai terminé le roman il y a plus d’une semaine, car submergée par l’émotion, la révolte et ce cri lancinant venu d’outre-tombe, dooo-do, dooo-do … en tout cas, je l’ai beaucoup aimé et j’espère vous avoir donné l’envie de le lire.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Alma

Éblouissant. Par le fond et par la forme.

La quête mémorielle de ces deux hommes si proches et que tout, pourtant, sépare, dans le temps, l'espace et la fortune.

La description, sans moralisme et sans pathos de l'horreur esclavagiste, description qui, par sa simplicité même, nous cingle comme le fouet.

La nostalgie d'un temps où l'île, son île, eut pu être un paradis que la cupidité naturelle de l'homme s'est chargée d'anéantir.

On ne pourra pas oublier Dodo, le clochard magnifique, couvert de haillons, rongé par la vérole mais porteur de la mémoire d'un lieu et de sa magnificence.

Et tout cela est porté par une langue sans artifice, sans affeteries mais ample, lumineuse, limpide comme l'eau de cette cascade où Aditi va mettre au monde son enfant.

Un grand moment de lecture.
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Alma



Une pierre de dodo comme déclencheur, un jeune femme qui accouche au milieu de la forêt, une jeune prostituée prénommé Krystal, un animal disparu, un certain Dodo au visage détruit par la lèpre (?) qui peut lécher son œil avec sa langue, les traces presque effacées des esclaves conduits à Maurice et traités avec barbarie et des noms, des dizaines de noms dont la marque s'efface dans les cimetières et dont il ne reste de trace que dans le souvenir de Jérémie pour les avoir lus au dos des enveloppes ou entendus dans des conversations familiales. Et la chanson Auld Lang Syne de Robert Burns.





Jérémie, alter ego de l'auteur, se lance dans la quête de ce monde disparu. Il retourne à Maurice que son père a quitté jeune pour retrouver les traces de la famille Felsen, autrefois une grande famille de planteurs de cannes et une famille esclavagiste.

En parallèle, nous suivons la vie de Dodo, Dominic Felsen descendant de la branche réprouvée des Felsen, et réduit à l'état de clochard après la ruine de la famille, la mort de son père et la maladie qui l'a rendu monstrueux.



Dodo se rappelle le passé, son enfance dans la case à coté de la grande maison des Felsen, à Alma, son appartenance à l'illustre famille. Il décrit tout ce qu'il connait, refait les mêmes chemins pour que que les choses ne s'effacent pas comme les noms sur les pierres tombales. Sauf pour quelques vieux, il n'est qu'un clochard misérable qui se fait tabasser. C'est un tabassage qui rompt son destin et lui fait prendre un autre chemin.



Jérémie vient à Maurice sur les traces de sa famille, les Felsen de la grande maison, dont il est un des derniers descendants et dont le nom a laissé des souvenirs. Il rencontre quelques vieux qui ont connu cette époque et explore les lieux et les traces du passé de sa famille : le domaine appelé Alma dont il ne reste rien. Mais aussi les lieux où les esclaves étaient amenés, là où ils vivaient et mourraient ... Ces mêmes endroits où les touristes profitent de plages somptueuses.



Entre ces deux narrations s'enchevêtrent les récits des personnage représentant l'histoire locale : Saklavou, Ashok , Marie Madeline Mahé et Topsie, enrichissant encore le tableau..



Il y a de la magie dans ce livre, celle de la nature et de la force de certains humains, celle du souvenir qui garde vivant encore un temps. Il y a de la douleur et de l'injustice, celle du dernier dodo, de Dodo l'homme paria, des esclaves aux vies brisées, celle de Krystal, la jeune prostituée d'aujourd'hui. Il y a le poids d'une responsabilité (culpabilité?) d'une impuissance à défaire la douleur et l'injustice d'aujourd'hui (Krystal) comme celle du passé.



Certains passages m'ont fait venir les larmes, m'ont serré le cœur comme peu de livres ont pu m'atteindre. Je repense au carré de ciel bleu qu'on voit depuis le fond du puit où étaient précipités les esclaves. Je repense aux pierres jetées au dernier dodo et à son cri si triste. Je repense à l'errance de Dodo et aux quelques êtres d'exception qui lui offrent quelques moments de joies au fond de sa solitude.

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Alma

Dans ce roman qui raconte l'histoire d'une île et la mémoire des êtres qui l'ont peuplée, deux voix narratives s'entremêlent.



D'abord, celle de Jérémie Felsen, double de l'auteur, qui part à l'Île Maurice, sur les traces de ses ancêtres, propriétaires déchus d'un domaine de production de canne à sucre. Lors de ce voyage initiatique, Jérémy fait aussi des recherches sur l'oiseau emblématique de l'île : le "Raphus cucullatus" plus connu sous le nom du fameux dodo. Cet oiseau emblématique et attendrissant, fut tué à coups de pierres par les hommes et disparut à jamais de la terre. le dodo, surnommé "l'oiseau de nausée" par les Hollandais parce que sa chair n'était pas bonne à manger, reste le symbole de la tragique capacité de l'humain à détruire.



La seconde conscience est celle de Dominique, justement surnommé Dodo, clochard céleste, défiguré par la syphilis. Cet éclopé de la vie fut l'un des ancêtres de Jérémie, rejeton d'une branche honnie de la famille. Son visage rongé par la maladie, effraie les enfants qu'il essaie d'amuser en léchant son oeil d'un coup de langue. Dominique fera le chemin inverse de Jérémie puisqu'il part de l'Île Maurice pour venir vivre à Paris.



Jérémie part à la rencontre des habitants de l'île qui détiennent des informations sur sa famille. Au fil de ses visites, l'auteur ravive le passé esclavagiste de l'île, bien loin des clichés actuels d'un lieu touristique et paradisiaque. Les échos de la souffrance des esclaves hantent le roman. Depuis la plage où vit Jeanne Tobie, dite la Surcouve, il aperçoit le Morne Brabant. Aujourd'hui, paradis des randonneurs ; hier, refuge des marrons. Sa tante Emeline lui parle de Bras d'eau, "la gueule de l'enfer", la prison des noirs. Aditi lui fait découvrir sa forêt et son pink pidgeon, menacé lui aussi d'extinction. C'est aussi l'histoire de Krystal, lolita sauvage et indomptable. Vient s'intercaler le récit poignant de Marie Madeleine Mahé, la fille naturelle du Gouverneur des îles de France et Bourbon, qui mène une vie de désolation après avoir été abandonnée.



Autant d'histoires profondément émouvantes, habitées par des personnages touchants qui nous deviennent tous familiers. Par un fourmillement de descriptions visuelles et sensorielles, le récit vibrant et palpable, prend vie sous nos yeux. Un roman lyrique, empreint de milliers d'odeurs, au plus près de l'humain et de la nature. Savourez ce livre-hommage inoubliable !
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