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Critiques de Jacques Ellul (48)
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Propagandes

Propagandes de Jacques ELLUL :



Lorsqu’on parle de propagande, le premier réflexe naturel (qui vient de notre culture historique, ou de notre éducation) est de rattacher ce mot aux régimes autoritaires ou totalitaires. Lorsqu’on entend « propagande » on pense de manière assez immédiate au Nazisme Allemand, au Fascisme Italien ou au Communisme Soviétique, qui ont tous créé un système de propagande d’envergure.



Le premier constant est donc le suivant : on attache un imaginaire particulier à ce mot, et dès lors qu’on l’utilise dans un contexte autre que décrit ci-avant (régime autoritaire), on tend à considérer qu’il est mal employé ou excessif.



C’est donc à mon sens la vertu principale de ce livre : en démontrant le caractère omniprésent, protéiforme de cette technique, il parvient à nous faire reconsidérer notre jugement et à accepter le fait qu’elle est une nécessité pour absolument tous les régimes.



Cependant, il serait complètement faux de considérer que la propagande est envisagée de la même manière en démocratie comme en France, ou aux Etats-Unis, que par le régime nazi dans les années 40.



Le travail d'Ellul se trouve donc là : comment donner le même nom à des techniques à priori si différentes ? C’est le long et très complet travail effectué tout le long du livre. En commençant par distinguer les différents types de propagande : par exemple la propagande « d’agitation », visant à exciter les masses autour d’une communauté par exemple (les Juifs avec le nazisme), très utilisée par les régimes totalitaires, et la propagande « d’intégration », visant à intégrer les masses à une certaine vision du monde ou mode de vie par des moyens propagandistes, et faire à terme considérer que tout ce qui ne rentre pas dans ce cadre est mauvais par définition (le culte de l’american way of life, largement propagé par Hollywood après la seconde guerre mondiale). Puis, Ellul analyse les conditions propices à l’apparition de la propagande dans une population : une société à la fois individualiste, et de masse. Enfin, il démontre la nécessité de la propagande dans n’importe quelle société technicienne et analyse les effets psychologiques et socio-politiques de cette dernière.



Il existe cependant des limites à certaines conclusions présentes dans ce livre, la plupart du temps de nature chronologique. On peut notamment penser à l’analyse présentée dans les conditions d’existence de la propagande, qui tente de démontrer la perméabilité plus ou moins grande à la propagande en fonction du niveau de vie, de la classe sociale à laquelle l’individu appartient. En résumé « la propagande réussit, dans les pays occidentaux, sur la partie supérieure de la classe ouvrière et sur les classes moyennes. Elle est beaucoup plus difficile envers le prolétariat misérable et envers la paysannerie». Le point central de cette démonstration est que le pauvre n’a pas la radio, pas la TV, pas d’accès direct aux informations et aux Mass media of communication et donc que la pratique de la propagande y est difficile, voire impossible. L’analyse est sans doute correcte, mais aujourd’hui, même les milieux ruraux ou défavorisés possède un accès direct à l’information de masse (TV, téléphone, publicité…), ce qui n’était pas le cas dans les années 60, et encore moins dans les années 40.



En conclusion, Ellul réussit brillamment à démontrer la nature omniprésente et protéiforme de la propagande, nous incitant ainsi à reconsidérer notre perception de ce terme souvent associé aux régimes autoritaires. Cependant, certaines de ses conclusions, basées sur les réalités socio-économiques de son époque, semblent désormais dépassées. La lecture de ce livre reste essentielle aujourd'hui. En explorant les mécanismes et les effets de la propagande, Ellul nous invite à développer un regard critique sur les discours médiatiques et politiques qui nous entourent. Mais l’essentiel n’est pas là. Prétendre que ce livre puisse servir de « manuel d’auto-défense » contre la propagande, c’est passer complètement à côté de la réelle conclusion de ce livre : nous sommes tous soumis à la propagande, et prétendre être immunisés contre son pouvoir est une illusion.

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De la révolution aux révoltes

« Révolution ! »

Là, doucement, pose la baïonnette de pépé Eugène et redescends de cette barricade, s’il te plait…

« Tous ensemble, tous ensemble, ouais ! » « Gilets jaunes Lives matter »

….Et puis, range la faucille et le marteau de tonton Lénine et enlève-moi ce keffieh.

« Avortons le patriarcat ! » « El pueblo unido… »

Du conflit israélo-palestinien qui sert de détonateur dans nombre de campus, aux ronds-points des gilets jaunes, des barricades érigées dans Paris en 2017 aux émeutes « dans les quartiers », il semble qu’on n’en ait pas terminé avec les flammèches révolutionnaires et qu’en tout citoyen couve un feu contestataire ne demandant qu’à s’embraser. Pour mettre à bas le système actuel ? Quitte à prendre feu et flammes pour à peu près n’importe quoi et à se poser des questions ensuite seulement. Voire… Bref, comment penser tout cela ? Quel sens donner à ces mouvements, quelle place prennent-ils dans l’histoire des idées ? En plus que de compléter ma culture sociohistorique du 20e siècle, c’était là mes motivations pour commencer De la révolution aux révoltes, qui m’avait été justement recommandé par Michel (merci !).

« De la rivière à la mer » « Ah ça ira, ça ira ! »

Franchement, avec tes dreadlocks à la Bob, ton treillis rose façon Dior et tes pins SOS racisme, t’as l’air de quoi ? D’une icône de la récupération et puis c’est tout. Allez, arrête ton char et file dans ta chambre ! Ah elle est belle, la contestation, tiens !



D’abord, ce n’est pas ça la révolution. La révolution, c’est une « mutation fondamentale des structures de la société, au sens de restructuration profonde, d’établissement de nouveau clivages par effacement des anciens ». C’est Jacques Ellul qui la définit ainsi dans De la révolution aux révoltes. Et c’est assez opérant.



La dernière qui mérite ce nom pour avoir réussi à réduire la révolte dont elle avait jailli en révolution effective, c’est le nazisme. Tout y est : mépris souverain pour la société de consommation, l’humanisme et la tolérance libérale, affirmation de la violence et de la jeunesse en son cœur, de la communion entre tous, liquéfaction de tout ce qui existait précédemment d’ordre et de structures pour le voir refondé, cristallisé dans l’émergence d’un nouvel ordre institué par l’Etat devenu révolutionnaire et sans aucun frein. Tout ceci aboutissant au contraire de ce qui l’avait fait émerger (ce qui est le propre de toute révolution), c’est-à-dire le retour à l’Etat, la Nation et la Technique. « Effroyable résultat de l’irrationnel rationalisé, de l’explosion érotique bureaucratisée, de la violence spontanée étatisée. » Voilà. Ca calme question fantasme de lendemains qui chantent.



Dans De la révolution aux révoltes, publié en 1972, Jacques Ellul, juriste, historien, théologien et sociologue, met en perspective les révolutions de 1789 en France, de 1917 en Russie, avec ces mouvements populaires dont les 70 premières années du 20e siècle ont été si pleines. Sa thèse est sans appel : tout ce qui a suivi ces deux révolutions n’a été que redite inappropriée, plaquage d’anciennes analyses (politiques pour 1789, marxiste pour 1917) sur une situation qui n’avait plus rien à voir. Une mauvaise grille de lecture, souvent assez complaisamment et romantiquement exaltée sur un réel beaucoup plus verrouillé que ne le laisserait espérer nos élans révolutionnaires les plus fervents. Voilà qui ramène les grands mots de nos grands intellectuels situés à quelques insignifiants infatuations, petit livre rouge et mouvements de mèche compris.



On pourrait croire que se pencher sur le caractère révolutionnaire véritablement avéré de mai 68, des actions des black panthers aux Etats Unis, l’espoir pour l’humanité que contiennent ou non les émergences décoloniales de ce qu’on appelle encore le Tiers monde a tout du dada obsolète. Et effectivement, lire, cinquante ans après, la description d’un monde où tout se prétend politique, où les situationnistes s’étripent avec les structuralistes, les maoïstes écharpent les gauchistes petit bourgeois peut paraître assez surréaliste et totalement stérile. On a l’impression d’un bouillonnement de mots, de condamnations péremptoires et définitives dont le passage des ans n’a rien gardé sinon une certaine gêne à constater le ridicule des postures, un cynisme peut-être à noter que les girouettes ne sont pas seulement fichées sur les clochers des églises.



Mais De la révolution aux révoltes n’a pas pour seul intérêt le voyage plus ou moins nostalgique dans les folles années de supposée libération (« il est interdit d’interdire » et tutti quanti), c’est un livre précieux pour mettre au jour les ressorts d’une rhétorique insoumise (suivez mon regard), d’une promotion de la technique comme seule merci (dans l’autre direction, mon regard), d’un refuge hargneux dans le replis sur des considérations réactionnaires (encore un peu plus à droite, ne bougez plus, vous y êtes !). De l’esbroufe, de la poudre aux yeux pour tous, autant qu’ils sont.



Nous sommes coincés dans une société dont la puissance exclut toute opposition. Une société techniciste (le terme recouvre tout à la fois les structures économiques, politiques, bureaucratiques, culturelles qui nous régissent collectivement), au réseau d’une finesse et d’une complexité jamais atteint par le passé, capable de se nourrir de toute contestation, de promettre la satisfaction de tous les désirs de ceux qui l’habitent. Capable de suffisamment tenir ses promesses pour endormir toute velléité de révolution. Nous sommes dramatiquement piégés et tout ce que nous tenterons pour nous opposer à cette lénifiante aliénation sera vain.



A ce compte, la politique elle-même est vaine : ce n’est pas au sein de la délibération démocratique que pourra émerger le ferment révolutionnaire, il serait aussitôt assimilé dans les rouages du système technicien. Ce n’est pas non plus dans la violence d’une action désordonnée et spontanée : la puissance de l’Etat ne fait aucun doute et aucune révolte populaire ne saurait le déborder. Ce n’est pas dans le discours contestataire : « l’enflure des mots est le signe de l’inexistence de la Parole et de l’irréalité du Fait. ». Les étudiants auront bien essayé l’action pour l’action, qu’ils auront indûment renommée praxis. Cohn-Bendit en 1968 : « Il s’agit de démolir complètement les cadres actuels de la société. – Par quoi les remplacerez-vous ? – Nous ne savons pas encore. Nous commencerons par détruire, et petit à petit l’action nous apprendra ce qu’il faut construire ». De quoi, sur le moment, faire trembler n’importe qui ne serait pas chevelu et hurler de rire, après coup, tous ceux qui auront constaté la sottise et l’inefficacité de la tentative. Ca défoule mais ça ne sert à rien.



« La révolution dans une société technicienne ne peut pas se faire à partir du déchaînement de l’irrationnel et du désir, […] elle ne peut résulter que d’une théorie précise, d’une interprétation exacte des faits. » Laquelle théorie a de fortes chances de ne pouvoir s’extraire de la société de laquelle elle nait et dont le leurre ne conduira finalement qu’à orienter vers « l’abrutissement et la conformisation dans une masse ». La messe est dite, on est foutus.



Evidemment, tout cela résonne avec mes précédentes lectures. Aurélien Barrau n’en sort pas franchement grandi, mais il avait peu de chances de l’être, de toute façon : « Tout élément est strictement intégré dans le système. (…) C’est un des grands mérites de Marcuse d’avoir montré la profondeur de cette intégration dans l’inconscient, et combien la pensée philosophique et même scientifique était dépendante de cet ensemble. Tout est coordonné. » L’idée d’une science qui ne soit pas l’expression de son milieu et dont l’essence puisse échapper aux rouages technicistes que dénonce le gentil Aurélien ira donc se rhabiller. Mais ça, on le savait déjà.



La révolte des frangines façon Silvia Lippi, le délire psychotique, hystérique pour faire advenir autre chose et mettre à bas la structure ? C’est tout à fait sympathique et légitime. Même si Jacques Ellul ne parle quasiment pas de la condition féminine – il est encore, pour ce point comme pour sa conception des peuples racisés, dans l’universalisme d’un homme mâle et blanc -, je pense qu’on peut assimiler la contagion hystérique qu’elle suppose à cette colère qui alimente la révolte populaire. C’est une énergie, elle émane peut-être du reste de conscience encore libre de l’emprise techniciste, elle est respectable mais, sans doctrine, sans appareil, sans tactique, elle n’amènera à rien. Autant dire qu’il faudrait qu’elle se nie pour exister. « La révolte éclate. L’homme se satisfait de la consommation de sa propre révolte. Et le système reprend sa prolifération. » RIP le délire.



Je me suis ensuite demandé si la société techniciste telle que la conçoit Ellul se confond avec l’ontologie naturaliste de Descola. Il y a des similitudes apparentes même si Ellul prend soin d’écarter de son lecteur toute tentation d’ « antihistoire », de retour nostalgique et faux vers des « sociétés exotiques » qui contiendraient « innocence et pureté, authenticité, relation avec une nature », « recours de l’espace contre le temps immobilisé, puisque non révolutionnaire, de l’Occident » (Furet, « les intellectuels et le structuralisme », cité par Ellul). Bien sûr, Descola n’a pas cette naïveté d’idéaliser les ontologies animistes ou totémiques et de les repousser dans un temps que l’Histoire n’aurait pas atteint. C’est peut-être son lecteur qui se plait à le faire à sa place mais il faut bien avouer que les garde-fous qu’érige l’anthropologue pour nous en prévenir sont un tantinet mous du genou.



Un des grands absents de la réflexion d’Ellul est le bouleversement climatique et toutes ses conséquences destructrices pour nos sociétés. Est-ce cet élément suffisamment extérieur à notre ordre techniciste et suffisamment puissant qui permettra une révolution de nos structures ? La météorite qui viendra rompre le cercle révolutionnaire impossible ? Les solutions esquissées à ce jour ne semblent pas le dire. Il semblerait au contraire que le système techniciste met sa dernière énergie à nier le problème ou à ne l’intégrer que comme source d’énergie supplémentaire pour alimenter moteur de la croissance progressiste. Ou comment aller dans le mur à la vitesse supersonique.



Autre angle mort de la réflexion, la part animale de notre nature humaine et tout le conditionnement qu’implique sa nécessaire prise en considération. Là encore, Jacques Ellul est d’un temps où l’homme est un penseur désincarné dont le corps ne saurait être mammifère. C’est un des points contre lequel Lahire s’opposerait. J’ai du mal à discerner ce qu’il en résulterait. J’ai l’impression que Lahire ajoute un déterminisme, éternel et inexorable, à celui que fait peser sur nous Ellul depuis l’avènement du technicisme. On ne gagne pas vraiment au change et s’il est fondamental de nous considérer dans tout ce que nous sommes, comportements issus de notre condition animale compris, ça ne change pas fondamentalement la couleur très sombre du tableau.



A moins que l’on aille du côté des solutions. A la fin de son ouvrage, c’est à une refonte individuelle et intérieure qu’appelle, très succinctement, Ellul. A quelque chose qui procède d’un élan, d’une grandeur d’âme permettant à chacun de tremper sa volonté et ses actions à une révolution propre. Quelque chose qui échappe au déterminisme d’une socialisation, d’une culture. Tout le contraire donc de ce vers quoi veut nous emmener Lahire qui mise tout de même beaucoup sur le progrès de nos artefacts. Peut-être qu’Ellul le verrait comme un disciple dont les recherches ne visent qu’à entériner le système, un pur produit techniciste sacrifiant ses observations au culte du tout social, du tout culturel.



Quoi qu’il en soit, « la révolte est désormais tout ce que l’homme peut entreprendre. L’homme éprouve un malaise qu’il ne sait définir ; Il nomme absurdement des ennemis qui n’en sont plus. Il clame des mots – impérialisme, anarchie, décolonisation. Mais derrière tant d’images factices ou périmées c’est son être même qui proteste contre un état de choses qu’il ne sait pas nommer, qui lui est profondément étranger, dans lequel il ne peut pas entrer, auquel il ne veut pas participer. (…) Il se trouve pris dans la contradiction terrible de devoir faire sauter cette société qui l’enserre sans, le plus souvent, le contraindre par la violence, mais qui le séduit, le détermine, le corrompt. » Il ne reste alors qu’une « voie de silence et de persévérance, de relation personnelle rare et authentique – de raison opposée à tout le rationnel et à tout l’irrationnel, de vertu à réinventer car il ne s’agit pas de morale. » Quelque chose qui m’a chatouillé les neurones de sa familiarité, une démarche que j’ai reconnue, en femme esclave de son cœur, et aussitôt assimilée à celle de Spinoza de l’Ethique. A la fin, tout le monde meurt, sauf Baruch !

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L'espérance oubliée

Le citoyen lambda ne vit pas consciemment, il est écrasé sous le faix d’une société qui de plus en plus se délite, perd ses repères essentiels, manque de jalons. Par réflexe, l’homme moderne préfère se référer à l'image. Quand il cessera d’être enclavé dans un carcan, dans une machine qui le broie, il retrouvera vraisemblablement la liberté et sa vérité, loin du désert de ruines qui édifie trop souvent son quotidien. Il importe de se ramener à soi-même pour exister et de réinventer ce qui correspond le mieux possible à son moi profond, défiguré, torturé par les organisations et les systèmes. C'est la spontanéité de la liberté fondamentale de l'individu qui doit être repensée intrinsèquement.
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Israël, Chance de Civilisation

Cet ouvrage est la compilation de plusieurs articles écrits essentiellement sur l'Etat d'Israël et ses relations difficiles avec le monde arabo-palestinien, par J. Ellul, de 1967 à 1992.

Jacques Ellul, réaffirme au fil des articles, son attachement et son admiration pour Israël, la justification de son existence en se fondant d'ailleurs sur la Bible, en réfutant les condamnations institutionnelles (ONU, en particulier) et les critiques d'une certaine idéologie de gauche particulièrement en France et enfin en rejetant le concept de nation palestinienne.

Pas étonnant, que ce grand esprit et intellectuel français (historien du droit, théologien chrétien, et philosophe) ait été boudé par l'intelligentsia française, alors que ce n'est pas le cas aux Etats unis où son oeuvre est étudiée.

Il a été un de mes professeurs à Bordeaux, et j'ai toujours été en phase avec ses écrits théologiques, politiques et sa puissante théorisation de la Technique, non dépassée à ce jour. C'est une satisfaction pour moi de constater que mes intuitions et mon sentiment sur Israël coïncident avec les analyses de J. Ellul. Au fond, je suis, depuis longtemps, "ellulien" avant d'en avoir eu conscience.



Pat
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Anarchie et christianisme

Difficile de concilier « Obéissez moi vraiment, à moi, le Seigneur votre Dieu » (Exode 15, 26) et « Ni Dieu ni Maître ! » Et pourtant, il existe un courant d'anarchisme chrétien, la preuve en est !



Il est passionnant de voir l'auteur se réclamer de deux philosophies (anarchisme et christianisme) alors que leurs communautés respectives se considèrent en totale contradiction. Son discours une incitation de penser par soi-même, en dehors de la doxa de sa ou ses communautés, afin de ne jamais renier ses convictions par la facilité du conformisme. Si je ne devais retenir qu'une seule chose de cette lecture, ce serait celle-ci, car c'est une idée puissante et importante, et applicable à de nombreux domaines même hors des sphères politique et religieuse.



Pour le contenu en lui-même, cet essai développe une pensée fluide bien qu'émaillée de très nombreuses parenthèses intempestives et pas toujours bien justifiées. L'argumentaire est intéressant mais ne me convainc pas toujours, ce qui me laisse en désaccord avec plusieurs points concernant sa vision d'une société anarchiste, et pas des moindres.



Premièrement, être en désaccord avec l'État car il est une autorité ne me semble pas un comportement rationnel ni même juste... (Dans le cas où ce n'était pas l'idée défendue, Ellul aurait dû davantage développer pour éviter l'ambiguïté.)

Si le but est seulement de s'opposer à l'autorité par principe, soit, cela fait sens. Mais si le but est d'être réellement libre, on devrait plutôt pour chaque cas se demander ce qui est juste de faire, indépendamment des obligations, plutôt que de la rejeter par défaut.

S'il y a obligations, il peut aussi être judicieux de s'interroger sur les raisons derrière. Certaines relèvent de l'intérêt général, notamment certains vaccins qui ont permis d'éradiquer des maladies mortelles, puisqu'Ellul évoque la vaccination obligatoire. Il me semble plus juste de se renseigner, peser la balance des bénéfices et risques, puis agir et assumer son choix. Dans le cas où l'obligation (ou interdiction) est absurde, effectivement il faut revendiquer le droit de ne pas y être contraint.

Mais s'y opposer par défaut me paraît dangereux et irresponsable. Parfois une menace ne peut être endiguée que par un effort commun, et le système d'État a au moins cet avantage de pouvoir mobiliser les forces du nombre... bien qu'on ne peut que déplorer que ce soit par la contrainte.



Autre point de friction : l'antimilitarisme. C'est une position que je peux tout à fait comprendre, mais elle n'est qu'évoquée au passage comme si elle allait de soi, et cela manquait de développement.



Ensuite, je le rejoinds parfaitement sur le fait que notre démocratie est imparfaite. Notamment, lorsque l’on voit les dernières présidentielles, tous les premiers candidats dans les sondages sont issus de la classe bourgeoise, et ne peuvent gagner en crédit que par l'aval du système médiatique et des jeux de réseau dans le monde politique. Jacques Ellul se dit d'ailleurs « antidémocratique » dans le sens où il considère que la bourgeoisie a la mainmise sur la démocratie actuelle et en fait un simulacre servant leurs intérêts.

Avec ce constat, je comprends le point de vue d'Ellul : si une philosophie politique est incompatible avec le système en place (ex : les écologistes dans un système capitaliste productiviste), participer à des élections peut être vu comme une perte de temps, d'argent et d'énergie.

On ne peut se battre sur tous les fronts, il faut choisir ceux pour lesquels il y a une chance d'avancer.

Cependant, se présenter à des élections est un moyen de faire apparaître ses idées dans le débat public, y compris en marge des médias institutionnalisés. C'est d'autant plus vrai aujourd'hui où internet permet de toucher des publics sans intermédiaires (Notons que ce livre date de 1988). La bataille ne pourra de toute façon qu'être gagnée que par l'assentiment de l'opinion publique.



*



Toute cette première partie s’intéressait à l’anarchie d’un point de vue chrétien. La seconde présente des arguments pour une lecture anarchiste de la Bible. Voici quelques citations allant dans le sens de cette thèse.



Tout d'abord, Ellul soulève que dans l'Ancien Testament, les rois sont soit de « bons rois » mais vaincus par les ennemis d'Israel, soit de « mauvais rois » qui idolâtrent d'autres dieux, tyrannisent et font régner l'injustice...



De nombreux passages du Livre de l'Écclésiaste critiquent sévèrement l'autorité.

« Si tu vois dans une province le pauvre opprimé et la violation du droit et de la justice, ne t'étonne pas car l'homme qui commande est placé sous la surveillance d'un autre plus élevé, et au-dessus d'eux, il y en a de plus élevés encore... [...] Un avantage pour le peuple, c'est un roi honoré du pays ! »(Eccl. VIII, 9)

« Là où se trouve le siège de la justice, là règne la méchanceté. » (Eccl.)

« L'homme domine sur l'homme pour le rendre malheureux. » (Eccl., VIII, 9)

« Ne maudis pas le roi, ne maudis pas le riche dans la chambre où tu couches, car l'oiseau du ciel emporterait ta voix, l'animal ailé publierait tes paroles. » (X, 20) En anglais moderne nous pourrions traduire par : "Big Brother is watching you."



Le concept même d'État peut être lié au diable si nous considérons les passages suivants dans l'Évangile selon Mathieu.

Lors de la tentation de Jésus dans le désert, « Le diable le transporta encore sur une montagne très élevée, lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire, et lui dit : Je te donnerai toutes ces choses, si tu te prosternes et m'adores. Jésus lui dit : Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul. » (Mat. IV, 8-10)

Jésus ne conteste pas que le démon possède les royaumes. Cela peut s'interpréter comme le fait que le pouvoir politique se reçoit effectivement du diable.

Une autre citation de Jésus va dans ce sens : « Vous savez que les chefs des nations les tyrannisent et que les Grands les asservissent. Il n'en sera pas de même au milieu de vous. Quiconque veut être grand parmi vous qu'il soit le Serviteur... »

Quant au célèbre « — Est-il permis ou non de payer le tribut à César ? Devons nous payer ou ne pas payer ? — Donnez une pièce d'argent, afin que je la voie. De qui sont cette effigie et cette inscription ? — De César. — Rendez à César ce qui est à César. » (Marc XII, 13 sq), il montre bien que la monnaie appartient aux autorités politiques puisqu'elle en porte la marque de propriété, mais tout le reste appartient et est sous la seule autorité de Dieu.

Notons que parmi les disciples de Jésus, il y a aussi bien des Zélotes (Simon, Judas) (membres du mouvement de la libération d'Israel du joug romain) que des collaborateurs de l'envahisseur (Mathieu).



L'Apocalypse laisse apparaître un parallèle possible entre la « Bête » et l'État (ici l'Empire Romain). De nombreux détails vont en ce sens :

« trône »

« qui peut combattre contre elle ? »

« toute autorité et pouvoir sur toute tribu, tout peuple, toute langue et toute Nation »

« elle fait que tous les habitants de la terre adorent la première bête »

« elle séduit les habitants de la terre »

« elle leur dit de se faire une statue de la première bête »

« elle anime l'image de la bête, et parle en son nom »

« Elle fait que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçoivent une marque sur la main droite ou sur leur front, et que personne ne puisse acheter ni vendre, sans avoir la marque de la bête »



Cependant, ces critiques virulentes des autorités politiques sont lourdement contrebalancées par la suite, puisque Paul dit dans ses Épîtres qu'il faut leur obéir aveuglément...

J'ai seulement pris en notes ces quelques citations que je trouve inspirantes et intelligentes (donc je passe sur les inepties de Paul qui ont tôt fait de m'énerver tant elles sont péremptoires et archaïques !). D'ailleurs lui-même ne désapprouverait pas ce que je viens de dire : « Ne vous conformez pas au siècle précédent mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence. »

« Rappelez-vous que les autorités ce sont aussi des hommes et que ces hommes en tant que tels, il faut aussi les accepter et les respecter. »

« Priez pour tous les hommes, pour les rois et pour ceux qui sont élevés en dignité. »

Commentaire d'Ellul : « Cela peut paraître absolument fou, mais j'ai connu des chrétiens allemands très engagés dans le mouvement de résistance contre Hitler, allant jusqu'aux complots, et qui priaient pour lui ! *Les seuls qui ont organisé une résistance à Hitler, depuis 1936, ont été des protestants allemands de la Bekenntniss Kirche. »

Juste au passage, je trouve malvenu de le formuler ainsi sachant qu'il y a eu d'autres mouvements de résistance par la suite.



Enfin, j'ai (ré)appris que les Évangiles avaient été écrites en grec. Le mot « diable » vient de « diabolos » en grec, qui a un sens proche de « diviseur ».

Mais les nombreuses allusions aux anges et autres créatures célestes m'ont complètement perdue. Si le livre s'adresse à des anarchistes non chrétiens, ce n'est pas très pertinent d'inclure ces étrangetés...



La conclusion est assez décevante par ailleurs. Paul a une vision légaliste de la morale. Ce n'est pas possible de faire concilier ses dires avec l'anarchisme quelles que soient l'agilité des pirouettes que l'on fait. La fin donne l'air de tordre par la surinterprétation quelques citations pour leur faire dire leur exact opposé ; ce que le livre avait pourtant réussi à éviter jusqu'ici.



*



En conclusion, il y a beaux-parents de maladresses dans la forme et l'argumentaire. C'est vraiment dommage car réunir ces deux sujets aurait pu être très intéressant.



À titre personnel, cette lecture m'a rappelé l'importance d'oser exprimer ses opinions plutôt que de les dissimuler face aux personnes pouvant avoir des avis différents. Ce serait se dissimuler soi-même derrière des conformismes limitant la pensée.



« Je pense que dans un dialogue, avec quelqu'un de différent, si on veut être honnête, il faut rester pleinement soi-même, et ni se voiler, se dissimuler, ni abandonner ce qu'il pense. »



Rien que les quelques jours suivants cette lecture, ayant cette maxime à l'esprit, j'ai pu lancer trois conversations qui se sont avérées passionnantes, avec des personnes pour lesquelles je m'étais auparavant interdit d'aborder des sujets un tant soit peu polémiques.

Je remercie Jacques Ellul pour cela, car ses mots m'ont permis de m'enrichir de ces points de vue différents, donc nécessaires !
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La Raison d'être. Méditation sur l'Ecclésiaste

Voici cinq traductions de ce verset, toutes également sérieuses,

dans l'ordre: la traduction oecuménique de la Bible, La Bible de Jérusalem, La King James Bible, la Bible Segond et la Bible du rabbinat.



Tous les mots sont usés, on ne peut plus les dire, l'oeil ne se contente pas de ce qu'il voit, et l'oreille ne se remplit pas de ce qu'elle entend.

Toute parole est lassante ! Personne ne peut dire que l'oeil n'est pas rassasié de voir, et l'oreille saturée par ce qu'elle a entendu.

All things are full of labour; man cannot utter it: the eye is not satisfied with seeing, nor the ear filled with hearing.

Toutes choses sont en travail au- delà de ce qu'on peut dire; l'oeil ne se rassasie pas de voir, et l'oreille ne se lasse pas d'entendre

Toutes choses sont toujours en mouvement; personne n'est capable d'en rendre compte. L'oeil n'en a jamais assez de voir, ni l'oreille ne se lasse d'entendre



Je souhaite n'examiner que le début du verset, les quatre à six premiers mots;

deux axes de traduction: le mot hébreu Debarim דְּבָרִים a plusieurs sens - outre qu'il est le nom donné au cinquième livre de la Torah (le deutéronome dans les bibles chrétiennes) – il signifie la parole/le mot ou la chose.

Dans un cas comme celui-ci, que pouvons- nous faire, nous, lecteurs déconcertés ?

Nous irons consulter le Targoum de Qohélet et le Zohar, pour ne rien trouver qui nous éclaire sur ce point,

nous nous réfèrerons alors aux controverses entre confucianistes et taoïstes – à peu près aux mêmes époques – qui se disputaient pour établir la relation entre le terme qui désigne la chose et la chose elle-même;

toujours sur notre faim, nous nous laisserons enfin guider par notre analyse de la phrase, on nous parle de l'oeil puis de l'oreille, il semble clair qu'ici l'auteur a voulu placer la parole (de la bouche) et nous y ajouterons la beauté des mots,

pour moi : ‘tous les mots sont usés…'



J'emploie ce mot de beauté des mots à dessein; en effet, l'Ecclésiaste (comme le Cantique des Cantiques) a rencontré des obstacles avant d'être admis dans le canon des livres de la bible et leur présence a longtemps été contestée.

Il fallait beaucoup de courage aux gardiens de la tradition biblique pour admettre un texte (Qohélet) qui fait fi de toute idée de rétribution et un autre (Le Cantique des Cantiques) que seules des acrobaties intellectuelles et vertueuses ressassées depuis une vingtaine de siècles peuvent faire passer pour autre chose qu'un chant d'amour sensuel – et en ce qui me concerne je pense pour partie écrit par une femme – quelque fois sur la marge étroite de l' érotisme le plus cru (5.4).



Je reviens à la force de la beauté des mots, Qohélet et le Cantique sont des oeuvres littéraires d'une qualité si peu partagée dans l'histoire des mots que je crois que cela a été ressenti par les hommes chargés de veiller à la conformité et que pour cette raison ils les ont acceptés dans le canon, tout en faisant de très nombreux commentaires (lisez les targoums et les commentaires haggadiques – passionnants en ce qui concerne l'Ecclésiaste) voire des rajouts : les versets huit à quatorze du chapitre douze ont été ajouté pour favoriser cette adoption (peut être le verset treize de ce même chapitre est-il de la main de l'auteur de Qohélet – je parle ici de celui qui a cet immense talent, du principal, celui qui a écrit tout le début jusqu'au septième verset du quatrième chapitre )



J'ai fait allusion aux controverses entre confucianistes et Taoïstes là où j'aurais pu évoquer celles entre philosophes à Athènes, mais j'ai commencé avec Lao Tseu, alors j'ai continué, par paresse.
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L'illusion politique

Jacques Ellul fut l'illustre philosophe politique de l'anarchisme chrétien(-protestant) de la France de l'Après-guerre. Résistant, théologien et historien des institutions, spécialiste de la propagande, pourfendeur de la technocratie, il dénonçait un État de plus en plus hypertrophié à la mesure de la bureaucratisation de ses organes et une politique gestionnaire répondant aux impératifs de l'efficacité économique, dont les valeurs morales étaient évincées. Le véritable politique des idéaux, et surtout la démocratie réelle lui sembleraient en péril, remplacés par un simulacre vide et cependant capable de susciter trois types d'« illusions » autant chez ceux qui exercent le pouvoir que chez les citoyens.

Cet essai remonte à 1965 : l'économie est en pleine croissance, le PCF et les syndicats sont forts en France, la scène internationale est caractérisée par l'omniprésence de la bipolarité Est-Ouest et par le grand mouvement de la décolonisation. On ne parle pas de dépolitisation des citoyens, mais, bien au contraire, de leur « politisation » (intitulé de l'Introduction), car, dans la vie de tous les jours, « tout est politique », au point que « participer à des activités non politiques, mais parfaitement en relation avec notre société, est considéré comme sans valeur » (p. 29). L'État est tout-puissant, non seulement dans le bloc communiste, mais aussi en France, d'après Ellul, au moins sous forme d'aspiration des citoyens à une « religion DE l'État ».

Alors que le néolibéralisme n'a pas encore été imaginé, l'idée même que l'État puisse s'autolimiter voire s'autosaboter devant une superstructure plus puissante, le marché capitaliste globalisé, ne pouvait certes pas venir à l'esprit de quiconque. Pourtant, selon certains, Ellul garde une part d'actualité en ceci qu'il avait prévu le déclin du politique, et précisément en relation avec l'impératif de l'efficacité économique, qui à son époque était celle qui animait la compétition entre les deux blocs.

Au cours de cette lecture qui n'a pas été très probante pour moi sur la question de l'actualité, je me suis néanmoins efforcé de retenir et de citer les notions qui me paraissent susceptibles de conserver une certaine pertinence aujourd'hui. La plupart des démonstrations sont caduques, à la fois celles qui concernent la comparaison (souvent analogique et rarement antinomique) entre les systèmes capitaliste et communiste, et celles qui déplorent l'accroissement monstrueux des attributions et institutions étatiques. Je me suis efforcé de ne pas commettre d'anachronisme capable de susciter l'eurêka des inconditionnels du philosophe qui lui trouvent peut-être trop d'intuitions prémonitoires et sont peut-être trop prêts à transposer vers le néolibéralisme les griefs qu'il exprimait contre l’État.







Table [avec quelques éléments de synthèse et le renvoi aux cit.]



Introduction – La politisation



Chap. Ier – Le nécessaire et l'éphémère [cit. 1] :

1. Le nécessaire [Diminution du choix des politiques à cause de l'impératif technocratique de l'efficacité]

2. L'éphémère [Action conjointe de la société de consommation et de l'actualité médiatique]



Chap. II – L'autonomie du politique [par rapport à la morale] :

1. Le monopole de la violence [Weber et aujourd'hui]

2. Contestations [cit. 2]



Chap. III – Le politique dans le monde des images [fabrication de l'opinion publique, cf. cit. 3] :

1. Le fait politique [le "fait" et la propagande]

2. L'univers psychopolitique et les problèmes politiques [cit. 4]

3. L'action politique



Chap. IV – L'illusion politique : le contrôle de l’État :

1. La bureaucratie [cit. 5]

2. L'administration et les hommes



Chap. V – L'illusion politique : la participation [cit. 6]



Chap. VI – L'illusion politique : « la solution politique » :

1. La politique comme solution générale [cit. 7]

2. La politique comme accomplissement des valeurs



Chap. VII – Dépolitisation et tensions :

1. Dépolitiser ? [Non, cela n'est pas un "plaidoyer pour l'apolitisme"]

2. La tension [Pour une dialectique de la tension et contre la rhétorique de l'adaptation. Cf. cit. 8]



Chap. VIII – L'homme et la démocratie [Comment la démocratie réelle est-elle possible dans la fiction de l'absence du conflit] :

1. La nouveauté du problème [cit. 9]

2. L'homme démocratique.
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Anarchie et christianisme

Je ne suis pas ce qu'on pourrait appeler un bon croyant. Métallo, gauchiste et grand amateur de littérature de genre (ainsi que de chansons grivoises), ma foi est davantage la condition de différents facteurs sociologiques que d'une réflexion profonde ou basée sur la raison : famille, église, relative ignorance des principes scientifiques...

Pourtant, il serait faux d'affirmer que le christianisme n'a jamais influencé mes choix de vie. C'est avec son désir de justice et d'entraide que je me suis tourné vers la gauche (et même l'extrême-gauche, raison pour laquelle cette critique un peu trop personnelle ne paraîtra pas sur mon blog) ; comme pas mal de chrétiens jusque dans les années 80, je me suis tourné vers le communisme assez tôt, avec tout de même nombre de critiques (aussi bien théoriques qu'historiques) qui m'ont poussé à me rapprocher des libertaires. Être anarchiste, pourquoi pas ? Seulement, la Bible ne s'y prête pas vraiment : entre se prosterner devant le Roi des Rois et l'idée qu'il faille être un minimum soumis aux autorités malgré une critique féroce et une détestation profonde, il faut encore compter les innombrables injonctions à la soumission et à la discipline (les lettres de Paul sont sans doute ce qui me donne le plus envie de devenir athée).

Arrive Jacques Ellul, auréolé d'une multitude de critiques élogieuses venant aussi bien du christianisme que de la gauche radicale. Anticommuniste (ou tout du moins critique de Marx), il possède pourtant nombre d'idées en commun avec les Rouges et considère que la Bible est en fait majoritairement favorable à l'anarchisme. Dans ce court livre, dense et passionnant, il revient donc sur différents versets prônant les idées libertaires, et dont j'avais moi-même parfois pu constater la portée. La plume est vive, très ponctuée et pleine de digressions, mais se rapprochant de l'oralité d'un cours magistral et donc loin d'être gênante ; les raisonnements sont courts, simples, souvent érudits mais jamais pédants. Dieu n'a-t-il pas désiré laisser le choix aux êtres humains ? Jésus ne s'est-il pas dressé contre toutes les autorités, y compris religieuses ?

Pourtant, force est de constater que beaucoup de doutes subsistent à la fin de la lecture. Je sais qu'il y en a quelques-uns qui m'attendent au tournant sur les vaccins, mais n'ayant pas de documentation sur celui dont il est question dans une des anecdotes, je m'abstiendrai de tout jugement. Pour ce qui est du reste, je me contenterai de soulever quelques points :

- L'islam serait la religion la plus intégriste... Mais l'immense majorité des musulmans me semble bien moins à craindre que les prêtres mayas ou aztèques ;

- Quid de l'histoire du recensement, où Dieu punit explicitement David en lui envoyant la peste ? ;

- Il n'est pas si étonnant que les textes bibliques historiques aient été si critiques envers les rois d'Israël, la plupart ayant été rédigés durant la déportation de Babylone, quand d'autres rois étaient au pouvoir ;

- Il me paraît important de préciser que le droit romain était sur différents points très contestable, comme l'idée de légitimer une guerre d'invasion ;

- Il n'y aurait pas de hiérarchie entre l'humain et Dieu... pourtant, l'Homme n'est-il pas "de peu inférieur à l'ange" ? ;

- Les guerres de l'Ancien Testament, franchement incompatibles avec l'idée de non-violence, sont qualifiées d'"embarrassantes" puis balayées d'un revers de main. Il y aurait pourtant des manières de les justifier : 1/ par pragmatisme, ce sur quoi Ellul n'est pas spécialement porté, 2/ parce que Dieu serait le seul à posséder le monopole de la violence légitime, mais ce serait contredire l'idée qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les êtres, même avec le divin.

Il faut enfin y ajouter que la vision anarchiste présentée ici reste anthropocentrée, et même masculocentrée. L'Homme (et pas la Femme, même si c'est vrai que pour une fois, on ne l'accuse pas) ayant causé le péché, c'est toute la création qui a sombré dans le chaos : ainsi si les autres animaux se dévorent entre eux, si nous subissons les séismes ou les éruptions volcaniques, et si un jour nos descendants subiront les rayons gamma ou les trous noirs, c'est entièrement de notre faute. Pas un mot sur la possibilité que nous ne soyons pas les seuls dans l'Univers, ni sur une possible âme toute aussi tangible que la nôtre chez les animaux ; pas un mot non plus sur les nombreux versets controversés de Paul à l'égard des femmes et des LGBTQ+.

C'est un crève-cœur que de ne donner que quatre étoiles à "Anarchie et christianisme". La richesse et la vivacité d'esprit de cet opuscule lui en auraient bien donné cinq. Mais les raccourcis, oublis et simplifications me forcent un minimum à réfréner mon enthousiasme. Pour autant, on est sur de la bien plus haute théologie que le tout-venant évangélique baignant dans une culture de l'excuse très à droite ; et n'importe comment, pour un coco à la foi tourmentée mâtinée d'influences kantiennes, se dire qu'il n'y a pas qu'une manière unique de faire le Bien mais que Dieu nous veut avant tout libres (y compris d'être imparfaits ou de nous planter), ça fait franchement du bien.
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Silences

Je vais faire un aveu: je ne connaissais absolument pas Jacques Ellul (1912-1994), et c’est vraiment par hasard que ce petit volume est arrivé entre mes mains. Incidemment, j’ai appris que cet auteur n’était pas principalement un poète, mais un historien et un sociologue. Protestant, il a critiqué sévèrement le christianisme (selon wikipedia). Et les poésies qu’il a écrites, il s’est décidé à les publier très tardivement. "Silences" est un recueil de poèmes que j’ai parcouru. Certains, pas tous, m’ont plu. J’en mets un ou deux en citation.
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La parole humiliée

J’ignore, après avoir lu de concrets philosophes comme Nietzsche, sous l’effet de quel désœuvrement on peut, ou l’on a pu, produire des ouvrages comme La parole humiliée, et non seulement les écrire, mais encore les plébisciter comme lecteur. J’ai quitté 40 pages après le premier mot et j’ai fermé définitivement le livre, après y avoir rencontré la complaisance d’un penseur qui, sans doute de bonne foi c’est-à-dire incapable de mesurer sa vanité et sa verbosité, aime à s’écouter pérorer de choses inutiles et systématiquement douteuses, prises évidemment toujours dans un certain sens spécifique n’appartenant qu’à l’auteur, et que cet auteur à la fausse modestie d’exclure de tous les champs plus vastes qu’il ne maîtrise pas et refuse d’examiner. À croire que les années 80, avec des Meschonnic par exemple, n’auraient produit que des cuistres universitariens, s’il n’y avait pas eu de marginaux Muray, par exemple ! On reconnaît la sorte d’auteurs à laquelle appartient Ellul à ce que leurs assertions les plus principielles et censément les plus fortes, de forme toujours précieuse, réalisent un sentiment identique de vérité générale si on les reformule sous une forme contraire : c’est parce que justement ils ne traitent que de généralités déconnectées, de notions, de concepts, d’abstractions, et que c’est le propre de tels éthers de ne pouvoir être davantage réfutés que confirmés. Il manque à ces esprits boomer ce qu’on pourrait appeler le « sens quantique » : l’intelligence s’est figée et racornie à des procédés inessentielles, stylée à des écorces toujours pareilles, rendue progressivement inapte, après les premiers succès que ces auteurs se sont trop attachés à renouveler non pas au nom de la vérité mais de leur notoriété, de leur sensation d’importance, pour ne pas dire de leur carrière, à former des objections favorables et des contradictions propices, en somme à procéder d’une véritable faculté de dissociation. Un grand esprit est toujours temporairement extérieur à lui-même, il lui faut ce recul formidable et centripète pour envisager l’altérité, se l’approprier et en conformer une synthèse irréfragable ; mais ces penseurs-ci « pensent en rond », incapables de sortir d’eux-mêmes, incapables d’affronter des vérités inédites, incapables de flairer dans le fond inspirant de la réalité ; ils paraissent obtusément ignorer les reproches les plus évidents, aveuglés par une focalisation de suffisance ; ils ne sont pas orgueilleux comme Nietzsche pour ce qu’ils savent, ils sont enferrés dans leur illusion d’impeccabilité parce qu’ils sont accrédités et populaires ; ils se croient inattaquables parce qu’ils ont acquis une situation qu’ils se contentent de dérouler sans péril sous des ratiocinations similaires qui se reconnaissent et, prudemment, se confortent entre elles.

Il faudrait que j’illustre nettement ce vice philosophique du développement construit et cependant inutile, et l’on sait que j’en suis capable sur 40 pages aussi bien que sur 400, mais cela d’emblée m’importune d’évidence ; j’en dirais cependant ceci : qu’il suffit de lire ce début en songeant comment un homme qui escompte développer une réflexion sur la parole peut si longtemps atermoyer un-dixième de son ouvrage sur la différence entre voir et entendre, avec moult catégorisations mièvres et sans progrès (comme, lorsqu’il s’agit bel et bien de la parole : la Parole « implique », la Parole est temps, la Parole est paradoxe, la Parole est mystère…), différence qui fait admettre à Ellul, en somme et en une révélation d’importance, que la vue est une succession d’images instantanées (tout comme la pellicule est une suite de photographies sur un film) tandis que l’audition induit davantage la pensée du temps parce qu’on s’attend à ce qu’un son succède à un autre : mais c’est stupide ! Voilà donc de ces messieurs qui, quand ils se forment une image en pensée, sont incapables de se la figurer en mouvement et qui, quand ils écoutent un son, supposent que ce son sans un autre ne veut rien dire ! « Je sais bien tout cela, mais je garde ma simplification abusive » : l’important, c’est que vous le sachiez, et que vous vous gardiez bien, par confort, de revenir de vos erreurs ! Et tout le reste est à l’avenant ; par exemple, une autre idée essentielle : « La parole n’est pas caractérisée par la transmission d’informations », et ce serait, dit l’auteur, à cause de ses multiples « évocations » : ah ? En quoi une évocation n’est-elle pas aussi une information ? « Ainsi pour moi le langage parlé de l’homme ne peut être ramené à n’importe quel assemblage cohérent de signes compréhensibles à l’aide d’un code », et pourquoi ? Parce que « c’est le parti pris de cette réflexion, où je n’ignore pas les autres choix possibles […] je ne les méprise pas, je ne les élude pas, ils sont tout simplement autres. » Merci : encore donc ! Ellul sait qu’il a tort, il le dit lui-même, et il récidive et s’obstine ! Mais que cherche donc ce penseur ? Consentira-t-il à la fin à exprimer une seule chose qui soit indubitable et vraie ? Ah ! justement, l’y voici : « La Parole est seule relative à la vérité. L’image est seulement relative à la réalité » : voilà une distinction à faire, et des plus délicates ! Lisons : « Le vrai, c’est ce que contient la réalité, ce qu’elle exprime ». Ah ! mince ! c’est que l’inverse fonctionne aussi très bien, il me semble (la réalité, pourrait-on dire, c’est ce que contient la vérité, ce qu’elle exprime… en tous cas ça ne me révolte pas davantage) ; je continue : « Qu’est-ce que la Vérité » (nous y sommes en plein, c’est là ce qu’il faut dire) : « Je ne répondrai certainement pas en donnant un contenu [mais il faut] la distinguer clairement de la réalité » Quoi ? Sans contenu ? Mais pourquoi ? Parce que « ceci serait aussitôt contesté, ceci demanderait un immense détour, ceci excéderait mes forces. » : ce n’est que maintenant que vous vous plaignez de pouvoir être réfuté, et aussi que vous manquez de force ? Enfin, une tentative : « Nous pourrons donc admettre qu’est du domaine de la Vérité tout ce qui se réfère à la destination dernière de l’homme. […] C’est encore tout ce qui se réfère à l’établissement d’une échelle de valeurs qui permette à l’homme de prendre une décision personnelle et significative. C’est encore tout ce qui se rapporte au débat de la Justice et de l’Amour, et de leur détermination. » Eh… oui ; la « Vérité », donc. On se représente après cela pourquoi Ellul risque fort peu d’être contesté, car il fait ce qu’on fait de pire : il prend un mot capital, et pour s’épargner la peine d’une contradiction, il donne à ce mot un sens qui n’a manifestement rien à voir avec sa signification usuelle. C’est vraiment très pratique ! Si par exemple vous tenez à parler du langage, et qu’il y a face à vous des gens qui s’y connaissent un peu, des linguistes et des phoniatres par exemple, il ne vous suffit que de dire, par exemple, que le langage est une coloration humaine de l’inanimé divin, ou que la parole est une signification de vie à travers la métaphysique, et, c’est sûr, vous l’emporterez contre tous, personne ne vous contredira, et tous les corollaires que vous établirez sur cette épate échapperont à l’appréhension de vos auditeurs ! Enfin, passons : les quarante minutes que j’ai passées à lire ces quarante pages ne valent peut-être même pas les deux heures qu’il me faut pour en dresser cette synthèse, quand cinq mots suffisent pour dire et retenir le conseil suivant : « Ne lisez pas ce livre ! »
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Anarchie et christianisme

Dans ce cours essai d’environ 150 pages, Jacques ELLUL – professeur en Histoire du Droit, chrétien protestant et théologien, ou encore auteur connu pour sa critique de la « Technique » – entreprend de créer du lien entre deux choses que tout semble opposer : l’Anarchisme et le Christianisme.



Toutefois, il le précise d’emblée : il n’est pas question de convertir les anarchistes aux Christianisme, ni les chrétiens à l’Anarchisme. Le propos est bien pour Ellul de montrer ce qui selon lui rapproche la philosophie anarchiste et la foi chrétienne. Pour ce faire, il choisit d’observer l’une sous le prisme de l’autre ; ainsi le premier chapitre abordera « L’Anarchie du point de vue d’un chrétien » et le second quant à lui traitera de « La Bible, source d’Anarchie ».



Dans un premier temps, Ellul s’attache à décrire sa propre vision de l’Anarchisme, en insistant notamment sur la non-violence et ce faisant – malheureusement – ravive inutilement les clichés éculés émaillant ce courant de pensée sans oublier de saupoudrer son argumentaire des légendaires M.L.K. ou Ghandi, par prétérition. Ceci permet d’amener la discussion sur la question de la coercition et du Pouvoir, qu’Ellul, inspiré par Marx bien que critique du Marxisme, connait bien.

Il est clair que, pour lui, toute domination doit être combattue. Cependant il ne manque pas de préciser qu’il estime que l’idéal anarchiste est un objectif inatteignable : « le combat anarchiste, la lutte en direction d’une société anarchiste sont essentiels, mais […] la réalisation de cette société est impossible ». Pour appuyer sa position, Ellul a malheureusement recours à un homme-de-paille dont il critique la double-conviction que « l’Homme naturellement bon, et que c’est la société qui le corrompt ». La superficialité de l’argumentation nuit au débat de fond pourtant intéressant – à savoir : le caractère asymptotique de l’idéal Anarchiste – et se clos sur l’exemple du centre d’Amsterdam « horrible concentré de drogués » après que le gouvernement Hollandais ait décidé de tolérer la consommation de certaines drogues. Dommage…car dans le fond, on cerne bien l’idée de l’auteur. Mais l’exemple laisse vraiment à désirer : c’est un peu grossier et les clichés n’aident pas à donner à Ellul l’objectivité que ses thèses et son ambition pour cet ouvrage mériteraient.

Malgré son discours ouvertement critique, il conclut à juste titre – en regard de la « montée » des logiques de consommations (le livre est de 1988, elles sont désormais bien établies) et des dérives de l’État – que « [l]es églises ont une fois de plus trahi leur mission. Les partis se livrent à des jeux de théâtre qui datent d’un siècle. Et c’est dans ces conditions que je considère l’anarchie, comme, à la fois, la seule mise en question sérieuse et le moyen d’une prise de conscience, premier pas de l’action. » et nous invite à combattre ces tendances mortifères sans pour autant déserter la société, faire sécession, en appelant évidemment à s’extraire des logiques de la domination : « […] on peut lutter, on peut mettre en question, on peut s’organiser en marge, on peut dénoncer (non pas les abus de pouvoir, mais le pouvoir lui-même !). Et cela, seule, l’anarchie le déclare et le veut. ».



En seconde partie de ce premier chapitre, Ellul se penche sur « Les griefs de l’anarchie contre le christianisme ». D’entrée de jeu il déclare : « La première constatation fondamentale, c’est que toutes les religions quelles qu’elles soient sont à l’origine de guerre, de conflits […]. [D]ans ces guerres provoquées par la « Religion » c’est la question de la vérité qui est devenue centrale […] » et ceci vaut « aussi pour les religions nouvelles qui les ont remplacé : la Religion de la Patrie, la Religion du Communisme, la Religion de l’Argent, par exemple. » et montre qu’il ne sera pas plus transigeant envers la Religion qu’il ne l’a été vis-à-vis de l’Anarchisme. Il critique abondamment les institutions religieuses soumises au pouvoir, qu’il écorchait déjà en introduction en les condamnant sévèrement (et fort légitimement) : « Toutes les églises ont scrupuleusement respecté et souvent soutenu les autorités de l’État, elles ont fait du conformisme une vertu majeure, elles ont toléré l’injustice sociale et l’exploitation de l’homme par l’homme (en expliquant pour les uns que la volonté de Dieu était qu’il y ait des maîtres et des serviteurs, et pour les autres que la réussite socio-économique était le signe extérieur de la bénédiction de Dieu !) » et soulignant l’incohérence d’une hiérarchie religieuse « alors que Jésus n’a évidemment jamais crée de hiérarchie […] ».

Spécialiste du Droit romain en complément de ses connaissances théologiques, Ellul retrace brièvement l’Histoire du développement du Christianisme à l’aube du premier millénaire, au moment où la Religion chrétienne est loin d’avoir l’ampleur qu’on lui connait aujourd’hui, en évoquant abondamment les textes. Cela lui permet d’esquisser comment le Christianisme a peu à peu été corrompu et phagocyté par le pouvoir, allant jusqu’à renier ses plus fondamentaux principes. A ce sujet il précise que « L’alliance du Trône et de l’Autel ne date pas de la Restauration mais du Vème siècle ».

S’ensuit, historiquement, une longue complicité entre l’Eglise et le Pouvoir : la première étant garante de la propagande envers les masses, en légitimant notamment l’autorité du second (prétendument acquise de droit divin…), tandis que le second se gardait en retour de trop s’immiscer dans les affaires politique de la première. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas pour rien, nous cite Ellul, que « Napoléon a dit : "Les curés tiennent le peuple, les évêques tiennent les curés, et moi je tiens les évêques". On ne pouvait pas mieux déclarer, ce qui fut toujours, que l’Église est en définitive l’agent de propagande de l’État ». N’importe qui ayant un minimum de recul critique vis-à-vis de l’Histoire et du Christianisme arriverait aux mêmes conclusions qu’Ellul : une collusion flagrante et lucrative pendant des siècles ont permis aux deux partis l’expansion de leur emprise respective (au prix de nombreuses tragédies). La critique d’Ellul – bien qu’entendue – est toutefois la bienvenue car indispensable dans cet ouvrage : elle montre à quel point l’auteur se distancie de la Religion chrétienne institutionalisée, au profit de sa propre foi et de son interprétation personnelle des textes bibliques à l’aune de son accointance avec les idéaux libertaires.



Dans le second chapitre de l’ouvrage, l’auteur renverse la grille de lecture en s’attelant cette fois à analyser certains textes sacrés afin d’en montrer la portée anarchiste. Pour commencer, comme c’est souvent le cas dans les livres traitant d’Anarchisme, Ellul s’attarde à en formuler une définition succincte en évoquant l’étymologique « an-arkhê », sans omettre bien sûr de récuser la solide réputation de désordre que traine ce courant de pensée et qui, selon lui (comme beaucoup d’autres), « vient de ce que l’homme occidental est tellement persuadé que l’ordre dans la société ne peut être établi que par un pouvoir central fort (police, armée, propagande) que, sitôt que l’on met ces pouvoirs en discussion, on ne peut envisager que du désordre ! ». Et je ne vais certainement pas le contredire… Même si le résumer sous ses traits est un peu trop réducteur à mon goût.

Ellul articule son développement en cinq parties, respectivement autour de : « La Bible Hébraïque », « Jésus », « L’Apocalypse » (qui évoque dans les écrits la « Révélation » et non une horrible catastrophe), « Une incidence - l’Epitre de Paul » et « Pierre ». Seulement, mes séances de catéchisme ayant plus de 25 ans et n’ayant jamais ouvert une Bible (ni alors, ni depuis) je m’attarderai moins dessus, ne maitrisant pas suffisamment les textes évoqués.

C’est justement ce qui a été un souci en ce qui me concerne : même si Ellul cite explicitement des passages, des anecdotes ou des paroles attribuées à Jésus ou à d’autres (et sans même discuter de leur véracité) on est fondamentalement contraint de faire confiance à l’auteur quant aux contextualisations et interprétations qu’il avance. Non pas que ce qu’il dise soit insensé – au contraire, cela fait souvent sens, pour peu qu’on appréhende correctement le prisme anarchiste – mais à l’instar du premier chapitre, je reste un peu sur ma faim.



Faisant suite à ce second chapitre se trouvent des annexes présentant deux interprétations d’un texte (Romains, XIII 1-2) respectivement par K. Barth et A. Maillot ainsi qu’un court texte : « Les objecteurs de conscience », sur lesquels j’ai fait l’impasse (en fin de lecture je saturais des références bibliques, pour être honnête). En revanche, j’ai énormément apprécié la petite dizaine de pages du témoignage d’Adrien DUCHOSAL : « Être prêtre catholique et anarchiste ». C’est de loin ce que j’ai préféré dans ce livre pour le naturel, la simplicité et la profonde sincérité qui se dégage des anecdotes et des valeurs dépeintes dans ces quelques lignes.



En résumé, Ellul nous présente sa vision de l’Anarchisme et son exégèse libertaire des textes sacrés du Christianisme tout en nous entrainant malgré lui dans de profondes questions d’herméneutique. Il m’a été difficile de faire confiance à l’auteur en dépit de sa qualité reconnue de théologien. D’abord le premier chapitre traitant du courant anarchiste m’a paru un peu superficiel, accumulant quelques clichés au passage, au détriment de questions pourtant pertinentes ; puis au second il explore avec détails différents récits bibliques et paroles attribuées à Jésus dont il nous expose son interprétation avec méticulosité… La cohésion entre ces deux chapitres tient globalement aux seuls enthousiasme qui émane de l’auteur et à sa foi inébranlable qui – à mon sens – parasitent un peu trop la rigueur argumentaire de l’essai.



A la fin du premier chapitre, l’auteur écrit : « Tout ceci dit, je ne prétends nullement avoir convaincu le lecteur ». Bien que sur le moment je me sois dit « heureusement ! », je me suis rappelé que dès l’introduction Ellul avait exposé ses ambitions pour cet essai et que le prosélytisme y était absent, ce qui est effectivement le cas.

Au final, j’ai quand même apprécié cette lecture. Elle offre à voir le regard intéressant d’un penseur peu ordinaire ainsi qu’une relecture particulièrement subversive des écrits bibliques en proposant une vision du Christianisme sous le prisme de l’Anarchisme sur un ton assez léger et accessible.



Tout au long de cette lecture j’ai eu en tête l’image « Jesus was an Anarchist », et l’idée m’a bien fait sourire !
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L'idéologie marxiste chrétienne: Que fait-on de..

Jacques Ellul commence par sa définition de idéologie :



"Une idéologie est la dégradation sentimentale et vulgarisée d'une doctrine politique ou d'une conception globale du monde; elle comporte donc un mélange d'éléments intellectuels peu cohérents et de passions, se rapportant en tout cas à l'actualité. L'univers politique moderne est encombré d'idéologies, qui rendent l'exercice de la politique à la fois plus facile (pour manipuler la masse par la propagande) et plus difficile (on ne peut décider aucune mesure sans tenir compte de l'aspect idéologique qu'elle prendra)."



Jacques Ellul s'interroge sur les raisons qui font que des chrétiens adoptent l'idéologie marxiste et la cohérence entre le christianisme et le marxisme.



Il mentionne quatre raisons pour cette adoption :



* l'injustice sociale et les inégalités;

* la situation des pauvres. L'église n'a pas assez fait pour sortir les pauvres de la situation d'opprimés;

* le désaccord entre la parole (amour à son prochain) et les actes;

* le "matérialisme". Le christianisme est devenu un spiritualisme désincarné, des sentiments et des intentions, , une contemplation stérile qui ne se traduit jamais en actes.



Pour Jacques Ellul, les chrétiens marxistes, ou devenus marxistes, sont surtout les intellectuels, et il cite une série de noms : H. Lefebvre, E. Morin, Desanti, Castoriadis, DAix, Lefort, Glucksman, ... Et il relève le contraste entre l'intérêt de ces intellectuels et celui des prolétaires : pour les premiers, il s'agit d'une démarche purement intellectuelle, idéologique, tandis que pour les derniers, c'est surtout leur vie, leurs salaires, leurs emplois, ...



Jacques Ellul fait état d'un foisonnement de livres, thèses, manifestes, ... concernant christianisme et marxisme ou plutôt les chrétiens et le socialisme.



Après cette introduction, Jacques Ellul "décortique" plusieurs écrits en particulier les livres "Lecture matérialiste de l'Évangile" (par Fernando Belo) et "Les idées justes ne tombent pas du ciel. Éléments de théologie inductive" (par Georges Casalis).



C'est très intéressant mais, pour quelqu'un comme moi qui a des connaissances limitées en théologie, c'est un peu long. Mais on peut comprendre la démarche de Jacques Ellul. Il s'agit de démontrer les erreurs et approximations de ces chrétiens marxistes. Jacques Ellul montre que, grosso modo, leurs discours partent soit d'une lecture de l'Évangile ne laissant que les parties intéressantes et en supprimant ce qui ne convient pas, soit en essayant d'interpréter l'Évangile d'une façon convenable au marxisme. Le texte est obligatoirement long puisque Jacques Ellul est obligé de montrer les erreurs parfois grossiers. A certains points de la lecture, Jacques Ellul ne cache pas que les auteurs de ces textes ne maîtrisent pas leur sujet.



En tout état de cause, il semble impossible d'être à la fois marxiste et chrétien, lorsqu'on sait ce que Karl Marx pensait de la religion : "Opium du peuple" (( Karl Marx - Religion (Wikipedia) )) (( Karl Marx - La religion est l'Opium du Peuple (Le Point) ))



« La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple. » ((Karl Marx, Critique de la philosophie du droit de Hegel.))"
Lien : http://lecture.jose-marcio.o..
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La technique, ou, L'enjeu du siècle

Bordelais d'origine (donc cher à mon coeur), Ellul offre une réflexion d'envergure sur la technique et son autonomisation à l'endroit du procès machinique, autonomisation qu'il érige en principe d'intelligibilité des temps contemporains. Rompant avec toute forme d'économisme, de telles analyses supposent de réduire la portée explicative des modes de production dans leur dimension économique et offrent les coordonnées d'une saisie littéralement in-humaine du cours du monde.

A lire avec le système technicien qui en constitue la suite indispensable.
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L'empire du non-sens

Ces deux livres permettent d’échapper aux sortilèges de l’art contemporain et à la tyrannie des discours interprétatifs qu’il suscite.
Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
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L'empire du non-sens

[Un] livre prophétique.
Lien : https://actualitte.com/artic..
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Le système technicien

Lecture très difficile, par la profusion  des concepts ou plutôt de variantes de concepts, dont les nuances restent difficiles à saisir et à mémoriser, d'autant que l'auteur passe beaucoup de temps à citer et critiquer les propos de ses collègues... Lire une page de ce livre nécessite une attention toute particulière, à moins de prendre une diagonale dès que l'auteur se lance dans des développements compliqués. Et ça fonctionne un peu mieux parce que le précédent lecteur a surligné les phrases importantes !

Les références à d'autres auteurs, supposés connus, rendent la compréhension de certaines positions impossible si on ne les a pas lus (Je pense à Baudrillard, cité toutes les 10 pages).

Jacques Ellul n'était pas un bon vulgarisateur, et si ses thèses se sont avérées globalement justes, ce livre restait trop ardu et le style trop "prise de tête" pour les avoir servi auprès d'un public plus large.

Il manque également une vision tout simplement humaine, qu'elle soit anthropologique, psychologique... pour qu'on s'attache à ce texte.

Enfin, aujourd'hui, beaucoup de sujets sont devenus obsolètes dans le détail, et finalement lire la synthèse de la pensée de l'auteur suffit largement !

J'ai lu les conclusions de chaque chapitre, et finalement je pense avoir compris et retenu l'essentiel....
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La subversion du christianisme

"Comment se fait-il que le développement de la société chrétienne et de l'Église ait donné naissance à une civilisation, à une culture en tout inverse de ce que nous lisons dans la Bible ?" cette question qui ne se l'est pas posée ? A la suite de Kierkegaard qui écrivit "Dans la chrétienté, on n'a pas la moindre idée de ce qu'est le christianisme" Ellul traque la compromission, le dévoiement, la trahison, la subversion de l'Église, devenue officielle et victime de son succès. Celle-ci rejettera la liberté de l'Évangile et choisira l'esprit de contrainte et de domination. 247 pages pour comprendre comment la chrétienté est devenu la pire trahison du Christ".
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Islam et judéo-christianisme

Très loin de l'irénisme ambiant et du consensus mou, ce petit livre fort bien argumenté fera grincer quelques dents.

L'intérêt d'Ellul (entre autre) est le quadruple regard - histoire, sociologie, théologie, droit - posé sur ce délicat sujet. Un ouvrage conseillé à tous ceux qui se posent des questions sur l'Islam sans jamais avoir osé le demander. "Ce livre est très important car il aborde un des problèmes les plus délicats de notre monde, délicat par la difficulté même du sujet, à savoir la réalité de l'Islam dans sa doctrine et sa pratique à l'égard des non-musulmans, et délicat par l'actualité du sujet, et les sensibilités qui se sont révélées un peu partout dans le monde" (page 93)
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Le système technicien

Le système technicien est une œuvre majeure de Jacques Ellul écrite en 1977. Il y fait la synthèse de ses réflexions sur l'impact du progrès technique dans la société.



Il a probablement lu tout ce qui s'était écrit sur le sujet à son époque, depuis les plus fervents soutiens à la technique jusqu'aux plus grands contempteurs, en passant par les transcriptions de colloque internationaux.



Grand connaisseur de la théorie marxiste, bien que très critique, il estime que celle-ci ne parvient plus à rendre compte, à son époque, de la marche du monde.



Ellul estime que ce qu'il appelle « le système technicien » en est devenu le facteur déterminant. Il montre que, à terme, ce n'est rien moins que la raison et la liberté de l'homme qui sont menacées par ce système, mais pas forcément pour les raisons qu'on pourrait croire.





La technique comme facteur déterminant



Lorsque Marx déclarait que l'économie était le facteur déterminant de l'histoire, il donnait une grille de lecture efficace pour lire le monde. Ellul estime que si Marx avait vécu à son époque, il aurait probablement considéré la technique comme nouveau facteur déterminant 1.



Le concept de facteur déterminant a été beaucoup critiqué en sociologie comme en histoire. Ellul reconnaît le danger qu'il y a à vouloir ramener à un seul facteur déterminant les multiples phénomènes ou problèmes d'une société globale. Toutefois, il ne lui semble pas impossible de discerner, parmi un ensemble de facteurs à conserver comme explicatifs, un facteur qui sera plus effectif, plus contraignant.



Si Ellul reconnaît à Marx d'avoir su isoler le facteur déterminant de la société capitaliste, il lui reproche d'avoir voulu le généraliser à toutes les sociétés et à toutes les périodes historiques. Pour Ellul, depuis les années 1950 la technique a supplanté l'infrastructure économique en tant que facteur déterminant.





L'autonomie



Le domaine de la technique se caractérise par une forme d'autonomie par rapport aux autres sphères :



Autonomie envers l'infrastructure économique

Quelque soit le système économique, la technique engendre les mêmes dérives, les mêmes risques. Que ce soit l'URSS communiste ou le monde occidental, les menaces pour l'humanité y sont tout aussi considérables. Le régime économique n'impacte donc nullement la sphère technicienne.



Autonomie envers la science

Généralement, on considère que la science est libre, neutre ; qu'elle se sert de la technique pour progresser. Ellul récuse ces vues simplistes : l'interpénétration Science/Technique a signé « la fin de l'innocence scientifique ». Sciences et techniques sont trop imbriquées pour que la première puisse donner objectivement des directives à la seconde.



Autonomie envers le champ politique

Ellul rejette cette vue superficielle des politiciens, philosophes 2 ou autres idéologues qui se résume à croire que l'État décide, la Technique obéit. Dès lors, il suffirait que le politicien fasse le bon choix et tout irait pour le mieux... En réalité, il n'y a pas un bon et un mauvais usage de la Science ou de la Technique. Si la technique le permet (ex. : la bombe atomique), la politique s'en emparera très certainement.



Ellul ne nie pas la prise de décision politique au sujet de la Technique. L'État n'est pas indifférent à la technique. Tout au contraire ! Car la technique lui permet d'augmenter son domaine d'intervention.



Il met d'ailleurs en lumière ce paradoxe moderne qu'on assiste tout à la fois à une forte croissance de l'État et une décroissance inquiétante de la fonction politique. L’État tend en effet à étendre son domaine de compétence, ce que lui permet la technique (surveillance, etc.). Mais ces décisions, pour cette raison, sont le plus souvent d'ordre technique et de moins en moins d'ordre politique.



C'est donc bien en raison de la complexification technique que l'homme politique dépend de plus en plus étroitement des bureaux d'études, des experts qui préparent les dossiers.



Et de surcroît, nous dit Ellul, on observe « une remarquable conjonction : l'État est assorti de plus grands moyens de puissance par la technique, or l'État est lui-même un organisme de puissance, il ne peut donc aller que dans le sens de la croissance »



Autonomie envers le champ intellectuel

C'est une pensée forte chez Ellul : c'est être totalement naïf que de croire que l'homme maîtrise la Technique. « L'homme dans son orgueil, l'intellectuel surtout, croit encore que sa pensée maîtrise la technique, qu'il peut lui imposer telle valeur, tel sens, et les philosophes sont à la pointe de cette vanité. »





La technique comme milieu



La technique se présente à l'homme comme un milieu. Dès notre naissance, nous baignons dans un environnement technique. Les moyens techniques sont une médiation entre l'homme et le milieu naturel (Simondon). L'une des caractéristiques majeures de cette médiation, selon Ellul, est d'être exclusive. Il n'y a plus de rapport de l'homme à la nature, « tout cet ensemble de liens complexes et fragiles que l'homme avait patiemment tissé, poétique, magique, mythique, symbolique disparaît : il n'y a plus que la médiation technique qui s'impose et devient totale ».



Non seulement elle est la médiatrice entre l'homme et le milieu naturel, mais elle est aussi médiatrice entre les hommes : ceux-ci entrent de plus en plus en contact les uns avec les autres au moyen d'instruments techniques, de techniques psychologiques, etc. Rappelons qu'Ellul écrit cela en 1977. Le smartphone et les ''réseaux sociaux'' n'existent pas encore !



C'est cette médiatisation technique de la relation humaine qui produit le phénomène sur lequel on ne cesse de s'étonner, le sentiment croissant de solitude individuelle dans un monde de communications généralisées.





La technique comme système



« La technique ne se contente pas d'être, et, dans notre monde, d'être le facteur principal ou déterminant, elle est devenue système. »



Ellul fait ici un long développement sur l'ordinateur et son rôle dans notre société. Sa thèse affirme que : « C'est l'ordinateur qui permet au système technicien de s'instituer définitivement en système ».



Jusqu'ici les grands ensembles techniques n'avaient que peu de relations entre eux. Les secteurs devenant de plus en plus spécialisés, l'ensemble tendait à devenir incohérent. Réunifier tout cela, aucun homme, aucun groupement humain ne pouvait le faire. Seul l'ordinateur pouvait y répondre. Ce n'est pas tant que l'ordinateur remplace l'homme comme dans les films de science fiction aux scénarios volontairement pessimistes. L'ordinateur remplit en réalité une tâche purement technique inaccessible à l'homme.



Il n'y a aucunement concurrence entre l'homme et l'ordinateur. Ellul persifle tous ces discours anthropomorphes qui font de l'informatique aussi bien un démon tout puissant qu'un robot serviteur et docile. Il rejette de même le discours selon lequel l'ordinateur sera un atout pour la démocratie ou une aubaine pour la dictature selon les choix humains : « Tout ce discours est absurde : la seule fonction de l'ensemble informatique est de permettre la jonction, souple, informelle, purement technique, immédiate et universelle entre les sous-systèmes techniques. C'est donc un nouvel ensemble de fonctions nouvelles, d'où l'homme est exclu, non par concurrence mais parce que personne jusqu'ici ne les a remplies. Bien entendu, cela ne veut pas dire que l'ordinateur échappe à l'homme, mais que se met en place un ensemble qui est strictement non humain. »



Premier pas vers l'exclusion de l'homme.



La suite sur le Blog Philo-Analysis :
Lien : http://philo-analysis.over-b..
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Anarchie et christianisme

incontournable pour tout Humain normalement constitué

croyant ou non..l'auteur remet en perspective une épopée

d'un juste cruxsifié par la foule sur le silence de Ponce Pilate se lavant les mains de blanchir cet Homme dénonçant les gens du temple et réclamant une Humanité même pour les Femmes adultères..
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