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Daniel Compagnon (Préfacier, etc.)
EAN : 9782710327004
368 pages
La Table ronde (29/04/2004)
4.5/5   14 notes
Résumé :
Dans la société occidentale, le verbalisme politique exprime une double illusion, en même temps qu'il lui donne naissance. Nous assistons au développement de l'illusion de l'homme politique qui croit maîtriser la machine de l’État, qui croit prendre des décisions politiques toujours efficaces, alors qu'il se trouve de plus en plus impuissant en face de la rigueur croissante des appareils étatiques. Or, cette impuissance de l'homme politique est voilée précisément pa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Jacques Ellul fut l'illustre philosophe politique de l'anarchisme chrétien(-protestant) de la France de l'Après-guerre. Résistant, théologien et historien des institutions, spécialiste de la propagande, pourfendeur de la technocratie, il dénonçait un État de plus en plus hypertrophié à la mesure de la bureaucratisation de ses organes et une politique gestionnaire répondant aux impératifs de l'efficacité économique, dont les valeurs morales étaient évincées. le véritable politique des idéaux, et surtout la démocratie réelle lui sembleraient en péril, remplacés par un simulacre vide et cependant capable de susciter trois types d'« illusions » autant chez ceux qui exercent le pouvoir que chez les citoyens.
Cet essai remonte à 1965 : l'économie est en pleine croissance, le PCF et les syndicats sont forts en France, la scène internationale est caractérisée par l'omniprésence de la bipolarité Est-Ouest et par le grand mouvement de la décolonisation. On ne parle pas de dépolitisation des citoyens, mais, bien au contraire, de leur « politisation » (intitulé de l'Introduction), car, dans la vie de tous les jours, « tout est politique », au point que « participer à des activités non politiques, mais parfaitement en relation avec notre société, est considéré comme sans valeur » (p. 29). L'État est tout-puissant, non seulement dans le bloc communiste, mais aussi en France, d'après Ellul, au moins sous forme d'aspiration des citoyens à une « religion DE l'État ».
Alors que le néolibéralisme n'a pas encore été imaginé, l'idée même que l'État puisse s'autolimiter voire s'autosaboter devant une superstructure plus puissante, le marché capitaliste globalisé, ne pouvait certes pas venir à l'esprit de quiconque. Pourtant, selon certains, Ellul garde une part d'actualité en ceci qu'il avait prévu le déclin du politique, et précisément en relation avec l'impératif de l'efficacité économique, qui à son époque était celle qui animait la compétition entre les deux blocs.
Au cours de cette lecture qui n'a pas été très probante pour moi sur la question de l'actualité, je me suis néanmoins efforcé de retenir et de citer les notions qui me paraissent susceptibles de conserver une certaine pertinence aujourd'hui. La plupart des démonstrations sont caduques, à la fois celles qui concernent la comparaison (souvent analogique et rarement antinomique) entre les systèmes capitaliste et communiste, et celles qui déplorent l'accroissement monstrueux des attributions et institutions étatiques. Je me suis efforcé de ne pas commettre d'anachronisme capable de susciter l'eurêka des inconditionnels du philosophe qui lui trouvent peut-être trop d'intuitions prémonitoires et sont peut-être trop prêts à transposer vers le néolibéralisme les griefs qu'il exprimait contre l'État.



Table [avec quelques éléments de synthèse et le renvoi aux cit.]

Introduction – La politisation

Chap. Ier – le nécessaire et l'éphémère [cit. 1] :
1. le nécessaire [Diminution du choix des politiques à cause de l'impératif technocratique de l'efficacité]
2. L'éphémère [Action conjointe de la société de consommation et de l'actualité médiatique]

Chap. II – L'autonomie du politique [par rapport à la morale] :
1. le monopole de la violence [Weber et aujourd'hui]
2. Contestations [cit. 2]

Chap. III – le politique dans le monde des images [fabrication de l'opinion publique, cf. cit. 3] :
1. le fait politique [le "fait" et la propagande]
2. L'univers psychopolitique et les problèmes politiques [cit. 4]
3. L'action politique

Chap. IV – L'illusion politique : le contrôle de l'État :
1. La bureaucratie [cit. 5]
2. L'administration et les hommes

Chap. V – L'illusion politique : la participation [cit. 6]

Chap. VI – L'illusion politique : « la solution politique » :
1. La politique comme solution générale [cit. 7]
2. La politique comme accomplissement des valeurs

Chap. VII – Dépolitisation et tensions :
1. Dépolitiser ? [Non, cela n'est pas un "plaidoyer pour l'apolitisme"]
2. La tension [Pour une dialectique de la tension et contre la rhétorique de l'adaptation. Cf. cit. 8]

Chap. VIII – L'homme et la démocratie [Comment la démocratie réelle est-elle possible dans la fiction de l'absence du conflit] :
1. La nouveauté du problème [cit. 9]
2. L'homme démocratique.
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Un livre profond et dense, que je relirai. Ellul bouscule, interroge et dérange en se tenant bien au-delà du prêt à penser et du langage creux véhiculé par la politique. Depuis sa parution, les événements ont donné raison à son pronostic. Mais nul n'est prophète en son pays.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Car ce qui est essentiel, c’est d’obtenir une « impression », un « sentiment ». Pourvu que le peuple ait l’impression de vivre en démocratie, que le gouvernement « paraisse » démocratique aux yeux de l’opinion, c’est évidemment l’essentiel. On connaît parfaitement des gouvernements très démocratiques qui donnent l’impression d’être autoritaires, inversement des gouvernements dictatoriaux qui savent créer l’opinion dont ils ont besoin pour qu’ils soient ressentis comme démocratiques : ainsi les démocraties populaires.

(p.178)
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Nous savons aussi comment la démocratie économique est en train d'échouer . Le processus d'abstraction concernant les décisions politiques , qui s'est produit au XIX siècle , se reproduit identique sous nos yeux , au sujet des décisions économiques que l'on prétend confier à l'individu . C'est la même farce qui se reproduit . Mais il faudrait commencer par comprendre que là où se trouve l'état moderne , les pouvoirs concédés à l'individu ne sont jamais que la concession d'une parfaite innocuité , pouvoir d'accéder à ce qui est bon pour l'état , celui-ci étant la somme de tout le bien social .

Quoi qu'il en soit , c'est cette participation au politique qui devient la prétention de ceux qui ne l'on point , le critère de la dignité , de la personnalité ,de la liberté .
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2. « Malheureusement, l'expérience des années récentes montre que ces idéalistes ne procèdent jamais à leur choix en fonction de leur vision de l'homme ou d'une éthique, mais procèdent d'abord à des choix politiques. Or, ces choix politiques sont inscrits dans une autonomie du politique tout à fait rigoureuse. On est de droite ou de gauche non pour les valeurs que cela représente, mais par une sorte d'instinct, par une impulsion originelle, résultante de la pression sociale, des conformismes et des passions. Les "formes d'hémiplégie morale" que représentent la droite et la gauche sont préalables. […] Ce n'est pas à cause de la valeur de l'homme que je suis de gauche, mais étant de gauche, j'invoque la dignité de la personne humaine […]. Ce n'est pas à cause de l'Honneur que je suis de droite, mais étant de droite, j'invoque l'honneur contre une gauche qui ne sait que déshonorer, vulgariser, avilir tout ce qu'elle touche.
[…]
Or, cela est bien la présupposition indispensable pour que le politique ne soit pas autonome : il faut que l'unanimité des citoyens acceptent les mêmes valeurs, qui alors s'imposeront à la politique. Mais assurément l'exercice de la démocratie ruine cette unanimité et assure à la politique une autonomie, dirions-nous, par carence, alors que chez Machiavel, il s'agirait d'une autonomie par conquête. Celle-ci est d'ailleurs toujours assurée dans les pays de dictature. » (pp. 117-118, 120)
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9. « […] La situation est aujourd'hui beaucoup plus neuve qu'on ne l'imagine, et le lien entre individu et la démocratie beaucoup plus fort et profond. Car, d'un même mouvement et dans la même orientation, les grands faits nouveaux, la technicisation du monde, la propagande et les techniques psychologiques, la systématisation des institutions attaquent en même temps l'homme et la démocratie : l'homme, pour le conformiser, le ramener à n'être qu'une pièce du système ; la démocratie, pour la muter en un système mythique tout en détruisant sa réalité. Nous en sommes venus aujourd'hui à appeler n'importe quoi de ce terme, et à chercher de subtiles définitions de science politique ou sociologique pour éviter la simple évidence de ce que comporte ce mot, qui n'a aucun contenu sans la présupposition de la plus totale liberté individuelle. » (p. 315)
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7. « Que la politique permette de résoudre des problèmes administratifs, des problèmes de gestion matérielle de la cité, des problèmes d'organisation économique : c'est certain, et ce n'est déjà pas mal. Mais elle ne permet absolument pas de répondre aux problèmes personnels de l'homme, celui du bien et du mal, du vrai et du juste, du sens de sa vie, et de sa responsabilité devant la liberté.
[…]
La conviction que les affrontements intérieurs de la personne comme la réalisation extérieure des valeurs sont affaire collective, sociale, et trouveront leur solution dans l'aménagement politique n'est que la face mystifiante de la démission personnelle de chacun devant sa propre vie. C'est parce que je suis incapable de réaliser le bien dans ma vie que je le projette sur l’État qui doit le réaliser par procuration à ma place. C'est parce que je suis incapable de discerner la vérité, que je réclame que l'administration la discerne pour moi, me dispense de cette quête pénible, et me la remette toute produite. C'est parce que je ne puis accomplir moi-même la justice que j'attends d'une organisation juste que la justice soit, dans laquelle j'aurais seulement la peine de m'insérer.
[...]
Ce sont les mêmes motifs, c'est le même processus, c'est la même mystification qui conduisent l'homme dans la religion et à attendre de Dieu l'accomplissement de ce qu'il ne savait pas faire, et qui le conduisent aujourd'hui dans la politique et à attendre de l’État ces mêmes choses. […] Comme le moulin à prières déclenche les forces transcendantes, le bulletin de vote provoque la Volonté souveraine. Il n'y a pas plus de relation raisonnable dans un cas que dans l'autre. » (pp. 260-261, 262)
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Vidéo de Jacques Ellul
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