Acheté à sa parution en 2013, il a fallu une lecture commune et un confinement pour oser m’attaquer à ce roman que bon nombre qualifiait de chef-d’œuvre.
Qu’est-ce qu’un chef-d’œuvre aujourd’hui dans la littérature contemporaine?
Le roman doit surprendre le lecteur, à la fois sur le fond et la forme, l’inciter à la réflexion par le sujet et l’exigence, susciter le besoin d’y revenir, d’approfondir.
Confiteor est un livre exigeant qui déroute avant tout par son style. L’auteur choisit parfois de croiser plusieurs temporalités dans un même flux, un même paragraphe. Déstabilisée, je parvenais toutefois à discerner les enchevêtrements. Parfois, je l’avoue, en relisant le passage insolite. Pourquoi utiliser cet artifice? L’auteur a choisi de relier des évènements distants historiquement pour représenter le Mal au travers des siècles avec notamment les périodes de l’Inquisition et de la Shoah. Le destin d’un violon sert de fil conducteur.
Nous suivons le Vial, depuis la recherche de son bois près du monastère Sant Pere del Burgal par Joachim de Pardac, sa confection en 1764 par Lorenzo Storioni, son passage de vendeurs en acheteurs jusqu’au vol dans un camp de concentration et son achat bien plus tard par Felix Ardevol, un collectionneur impénitent.
L’autre point clé d’un grand roman est le personnage. Adria Ardevol est un sexagénaire rattrapé par la maladie d’Alzheimer. Avant de tout oublier, il se confesse, et remet un manuscrit à son meilleur ami, Bernat. C’est un double manuscrit. Au recto, l’histoire de sa vie. Au verso, l’histoire du Mal.
Enfant, Adria Ardevol souffrait d’une solitude poisseuse, poussé par ses parents rigoristes vers l’excellence. Sa mère le voulait virtuose, son père engageait moult professeurs afin de lui apprendre des dizaines de langues. Son seul refuge se trouvait auprès des figurines de Carson et d’Aigle noir et de son ami Bernat rencontré aux cours de violon. Cette enfance solitaire sombre dans l’horreur de la culpabilité lorsque son père se fait assassiner lors d’une transaction douteuse avec le violon.
Dans la vie de l’homme, il y a toujours un retour aux origines. Lorsqu’Adria rencontre Sara, l’amour de sa vie, il ne se doute pas qu’elle va le ramener au passé de son père.
Le dernier point clé d’un chef-d’œuvre me semble être la capacité à faire réfléchir sur un sujet universel. C’est ici le Mal, la faiblesse humaine et l’inaction d’un Dieu face aux fléaux.
« Le mal. Pourquoi ton Dieu le permet-il? Il n’évite pas le mal :il se contente de punir le méchant par le feu éternel. Pourquoi n’évite-il pas le mal? »
Mais au milieu de tout cela, il y a aussi l’Art, l’amitié réciproque avec Bernat et l’amour pour Sara.
En lisant Confiteor, j’ai pensé au roman de Mathias Enard, Boussole. Il y a cette même érudition et cette valeur de l’amitié et de l’amour unique. D’ailleurs, lors d’un entretien pour le magazine lire en 2013, Jaume Cabré a cité Mathias Enard pour son roman Rue des voleurs. Je ne doute pas un seul instant qu’il ait ensuite lu et apprécié Boussole. De la littérature qui demande concentration et réflexion mais qui laisse une empreinte éternelle dans l’esprit du lecteur.
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