AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Jean Carrière (93)


[...] ... - "Tout ça pour rien !" disait Despuech de sa voix courte et sifflante d'homme qui n'en a plus pour longtemps à vivre et qui voit les choses comme elles sont. Il considérait le remblai de la mine en hochant la tête :

- "Dure qu'il a fait ça pour rien !"

Il avait l'air effondré, il ne cessait de de répéter :

- "Tout ça pour rien !"

L'autre secouait la tête et refusait d'entendre, embastionné dans son secret :

- "J'ai mon secret ... Puisque je vous dis que j'ai mon secret ...

- Quel secret, qu'est-ce que tu nous fatigues avec ton secret," s'impatienta tout-à-coup Despuech, "mais Bon Dieu, regarde !"

Il se baissa péniblement, ramassa une poignée de sable dans les dernières brouettées déversées, l'écrasa dans sa main :

- "Qu'est-ce qu'il te faut de plus ? Tu n'as donc pas compris que tu ne trouveras rien ? Hein ? Tu n'as pas compris que tu ne peux pas en trouver parce que tu t'es trompé de montagne ?"

Reilhan jeta sa cigarette à moitié fumée et laissa tomber ses bras, mains grandes ouvertes - blanc comme un linge. Il n'y avait pas le plus petit souffle d'air, pas une feuille qui bougea. C'était le cas de dire qu'on entendait voler les mouches ; à croire que la forêt n'était qu'un immense charnier.

- "Qu'est-ce que vous dites ?" articula-t-il.

- "Mon pauvre, je dis que depuis des mois et des mois, tu te crèves pour rien : l'Aiqualette, c'est une autre crête que celle-ci, là-bas, derrière ... "

Il désignait la croupe couverte de bois qui n'était pas l'Aiqualette et qui, de ne pas l'être, semblait instantanément étaler au grand jour tares et vices éhontés, insignificiance et stérilité.

A voir la tête que faisait son gendre, il ajouta un peu de pommade :

- "Tu me diras que c'est le même massif, et que la nappe pouvait très bien venir jusqu'ici. C'est ton facteur qui m'a mis la puce à l'oreille en me parlant de la source de Combebelle. Il prétend qu'elle se trouve sur le versant est de l'Aiqualette ... Je la connais, cette source, on y allait quand on était gosses. Et je peux te dire qu'entre cette crête et Combebelle, il y a une autre crête, justement, l'Aiqualette ...

- Hé ! L'Aiqualette ! L'Aiqualette ! Vous commencez à m'emmerder avec votre Aiqualette, et puis voilà !"

L'autre vint lui respirer sous le nez :

- "Même que tu trouverais là-dessus les chutes du Niagara, est-ce que ça changerait quelque chose à ta situation ? Est-ce que tu serais moins con pour ça ?

- Et si ça me fait plaisir, moi, de creuser pour rien ?"

Démasqué ! ... [...]
Commenter  J’apprécie          30
Va pour son école, va pour ses livres. Et pourquoi pas, au fond, va pour elle. Chaque être humain, pourvu qu'il fût de cette étoffe, valait chaque être humain, et l’amour vrai, l'amour qui n'était pas du sexe travesti en sublime et en crise de nerfs, c'était peut-être de décider d’aimer n'importe qui, l’habitude faisant le reste.

3107 – [Le Livre de poche n° 5427, p. 444]
Commenter  J’apprécie          30
Faulkner me rendait fou. J'ai lu et relu je ne sais combien de fois "Le Bruit et la fureur", "Lumière d'août", "Absalon ! Absalon !", "Tandis que j'agonise". Bataille contre le temps d'une sauvagerie inouïe. Proust, aussi sympathique qu'il me parût, me laissait sur ma faim. En fait, j'avais besoin que le sang coule. Chez Proust, c'était plutôt le thé qui coulait, et les mondanités d'un snob ne faisaient pas le poids devant les hurlements de l'idiot Benjie à qui je finirais par ressembler. (241)
Commenter  J’apprécie          30
... plus la liberté de l'individu et le respect de ses droits sont rigoureusement et minutieusement consignés dans le code, plus celui-ci est hérissé de pièges dans lesquels on risque de se faire coincer au moindre faux mouvement : ils n'ont pas besoin d'avoir lu Balzac pour savoir que « les lois pénales ont été faites par des gens qui n'ont pas connu le malheur ». Le riche survolent de très haut toutes ces chausse-trappes, l'argent n'étant jamais que le moyen légal d'échapper aux rigueurs de la loi, et la misère le devoir de les subir toutes. Défense de, défense de, défense de, c'est le refrain que les instituions glapissent de leur aigre voix policière à l'oreille du démuni.

1756 - [Le Livre de poche n° 5427, p. 269/270]
Commenter  J’apprécie          30
Hier, des inconnus ; aujourd'hui, des compagnons en qui il désirait se délivrer de lui-même : « Moi », cette tare née au cours de l'Histoire, exaltée par dix-neuf siècles de la plus folle entreprise métaphysique jamais conçue sur terre, maladie tenace dont le froid, la pluie, les tempêtes, l’aménagement au jour de l'existence - sa précarité même - pouvaient peut-être triompher...

1737 - [Le Livre de poche n° 5427, p. 236]
Commenter  J’apprécie          30
Après son départ (celui de Marie), tout en achevant sa toilette, il se demanda si ce n'était pas l'irruption du choléra plus qu'une recherche consciente du plaisir, qui avait impérieusement poussé cette fille à s'offrir et à répondre avec tant d'ardeur à toutes ses exigences (il pensait en même temps à son compatriote Guizot qui s'était écrié pendant l'épidémie de Paris : « La civilisation dort sur une mine immense de barbarie ! »). Il se souvint également que la grande peste de Marseille avait, au milieu d'un épouvantable charnier, déchaîné la luxure parmi les survivants : on s'accouplait frénétiquement dans l'odeur de la décomposition qu'exhalaient les monceaux de cadavre précipités directement par les fenêtres dans la rue ; la veuve, pleuré le défunt le temps qu'il refroidisse, ouvrait son lit et ses cuisses au voisin.

1706 - [Le Livre de poche n° 5427, p. 81]
Commenter  J’apprécie          30
- Mais qui est "elle" ?
Je me demande souvent si nous n'inventons pas ce dons nous avons besoin : Dieu, le monde, un visage.
Commenter  J’apprécie          30
Là où la chèvre est attachée il faut qu'elle broute.
Commenter  J’apprécie          30
Il n’y a, de la part de l’homme, que le monstrueux qui réponde au mystère de l’univers.
Commenter  J’apprécie          30
Il ne s'agit pas de savoir ce qui se passera dans mille ans ; il s'agit de s'occuper de ce qui se passe maintenant ; est ce que nous sommes heureux ?
Commenter  J’apprécie          20
A l'instar de Faulkner,son homologue américain ,Giono est le plus grand menteur de la littérature française du XXème siècle.Il ment comme il respire .Le mensonge n'est pas chez lui une seconde nature .C'est son élément naturel.
Commenter  J’apprécie          20
les fils de bourgeois ne manipulaient pas les os de leurs ancêtres comme le faisait Abel Reilhan tout à l'heure avec tant de désinvolture, ni leurs veuves des suaires souillés : c'était plutôt les testaments qu'on manipulait avec désinvolture dans ces familles ou deux et deux font rigoureusement quatre, même devant un mort (mais cela revenait exactement au même).

page 166
Commenter  J’apprécie          22
Le soleil décline dans le ciel circulaire ; l’ombre immense du plateau s’avance et engloutit la moitié du cirque. De l’autre côté, sur la crête du flanc éclairé, une bergerie en pleine lumière ouvre sur le vide une bouche et des orbites noires comme celles d’un crâne, ajoutant à cette solitude une attente mystérieuse.
Commenter  J’apprécie          20
Je revoyais mon grand-père Mouraille préparant son absinthe avec la pelle à sucre, et maugréant contre Blum, alors que mon grand-père Fieschi, anarchiste italien émigré aux États-Unis, soutenait le Front populaire, comme il avait manifesté devant les policiers à cheval contre le procès de Sacco et Vanzetti. A la verticale du figuier, le ballet des hirondelles, le ciel de lavande et l’été souverain que ne troubleraient même pas quelques années plus tard les chapelets de bombes américaines.
Commenter  J’apprécie          20
Il n'avait pas encore l'âge de redouter l'automne et ses pluies éternelles, ses tapis de feuilles pourries, ses relents mortifères, comme si son esprit affamé de chaleur et de lumière filtrait les saisons pour ne laisser la place qu'à un été sans fin.
Commenter  J’apprécie          20
Jean Carrière
Il n'avait pas encore l'âge de redouter l'automne et ses pluies éternelles, ses tapis de feuilles pourries,ses relents mortifères, comme si son esprit affamé de chaleur et de lumière filtrait les saisons pour ne laisser la place qu'à un été sans fin.
Commenter  J’apprécie          22
S'il avait lu l'Evangile comme on lit le compte rendu des nouvelles dans un journal, il aurait fait une dépression nerveuse. Les principes religieux dans lesquels il avait été élevé avait vidé de son contenu l'essentiel du message évangélique, et à l'exigence d'agir sur le monde s'étaient substitués la prière du soir, la messe dominicale, la communion le jour de Pâques et le respect du credo catholique.
Commenter  J’apprécie          20
Mais il savait que souvent les dieux se vengent en exauçant nos vœux, sans doute parce que nos vœux n'expriment que nos faiblesses. (330)
Commenter  J’apprécie          20
Mais son instinct lui disait que ces affranchis, si bien rompus aux ruses de la vie sociale dont le collège était un microcosme, ne connaîtraient jamais le goût naturel de l'existence. (35)
Commenter  J’apprécie          20
Si je suis fou, je le suis comme Dieu est fou : je n'ai aucune espèce de considération pour le convenu. Et je prétends que tout ce qui est convenu a pour mission de dissimuler ce qu'il y a de fondamental dans la vie. (277)
Commenter  J’apprécie          20



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jean Carrière (406)Voir plus


{* *}