Citations de Jean Genet (434)
SOLANGE : Tout va parler, Claire. Tout nous accusera. Les rideaux marqués par tes épaules, les miroirs par mon visage, la lumière qui avait l'habitude de nos folies, la lumière va tout avouer.
Car Madame est bonne ! Madame est belle ! Madame est douce ! Mais nous ne sommes pas des ingrates, et tous les soirs dans notre mansarde; comme l'a ordonné Madame, nous prions pour elle. Jamais nous n'élevons la voix et devant elle nous n'osons même pas nous tutoyer. Ainsi Madame nous tue avec sa douceur ! Avec sa bonté, Madame nous empoisonne. Car Madame est bonne ! Madame est belle ! Madame est douce !
Un chant d'amour
Si mon cœur retenu dans l'or d'un faux chignon
Chavire ancré vivant sans pouvoir se vomir
Dans une mer de bile à ton sexe attelée
Je parcours immobile en d'immenses foulées
Ce monde sans bonté où tu me vois dormir.
SOLANGE : Personne ne nous aime !
CLAIRE : Elle, elle nous aime. Elle est bonne. Madame est bonne ! Madame nous adore.
SOLANGE : Elle nous aime comme ses fauteuils. Et encore ! Comme la faïence rose de ses latrines. Comme son bidet.
« Impolitesse du public : durant tes plus périlleux mouvements, il fermera les yeux. Il ferme les yeux quand pour l’éblouir tu frôles la mort. » (p. 124)
L'art de Giacometti n'est donc pas un art social parce qu'il établirait entre les objets un lien social - l'homme et ses sécrétions- il serait plutôt un art de une reconnaissance de la solitude de tout être et de tout objet. "Je suis seul, semble dire l'objet, donc pris dans une nécessité contre laquelle vous ne pouvez rien. Si je ne suis que ce que je suis, je suis indestructible. Étant ce que je suis, et sans réserve, ma solitude connaît la vôtre".
CLAIRE : Évitez de me frôler. Reculez-vous. Vous sentez le fauve. De quelle infecte soupente où la nuit les valets vous visitent rapportez-vous ces odeurs ?
J'aurais été heureux si mon amour pour Armand n'eût pris une importance telle que je me demande si jamais il ne le remarqua. Sa présence m'affolait. Son absence m'inquiétait. Après que nous avions dévalisé une victime, nous passions une heure ensemble, dans un bar, mais ensuite? Je ne savais rien de ses nuits. Je devins jaloux de tous les jeunes voyous du port.
La solitude, comme je l'entends,
Ne signifie pas condition misérable
Mais plutôt royauté secrète,
Incommunicabilité profonde
Mais connaissance plus ou moins
Obscure d'une inattaquable singularité.
Amour viens sur ma bouche! Amour ouvre tes portes !
Traverse les couloirs , descends, marche léger,
Vole dans l'escalier plus souple qu'un berger,
Plus soutenu par l'air qu'un vol de feuilles mortes.
Ô traverse les murs ; s'il le faut, marche au bord
Des toits, des océans ; couvre-toi de lumière,
Use de la menace, use de la prière,
Mais viens, ô ma frégate, une heure avant ma mort.
J'étais heureux en enfer.
C’est facile d’être bonne, et souriante, et douce. Quand on est belle et riche! Mais être bonne quand on est une bonne!
« Ma bonne, ma tendre amie, ma cellule ! Réduit de moi seul, je t’aime tant ! » (p. 121)
Que ta solitude, paradoxalement, soit en pleine lumière, et l’obscurité composée de milliers d’yeux qui te jugent, qui redoutent et espèrent ta chute, peu importe : tu danseras sur et dans une solitude désertique, les yeux bandés, si tu le peux, les paupières agrafées. Mais rien […] n’empêchera que tu ne danses pour ton image. Tu es un artiste – hélas – tu ne peux plus te refuser le précipice monstrueux de tes yeux. Narcisse danse ? Mais c’est d’autre chose que de coquetterie, d’égoïsme et d’amour de soi qu’il s’agit !
Peur ? Et que peut-il m'arriver de pire que ce qui arrivera ? Hors la souffrance physique, je ne crains rien. La morale ne tient à moi que par un fil.
La galère
Grappes d'empoisonneurs suspendus aux cordages
Se bitent les bagnards en mélangeant leurs âges.
De la Grande Fatigue un enfant endormi
Revenait nu taché par le sperme vomi.
Créer, c'est toujours parler de l'enfance.
Le talent c'est la politesse à l'égard de la matière, il consiste à donner un chant à ce qui était muet.
La mort tranquille de ce communiste de vingt ans, descendu sur les barricades du 19 août 1944, par la balle d'un milicien charmant, orné de sa grâce et de son âge, fait honte à ma vie.
Pour Rembrandt, toute son œuvre me fait penser qu'il ne lui suffisait pas de se débarrasser de ce qui l'encombrait pour réussir cette transparence dite plus haut, mais de le transformer, de le modifier, de lui faire servir l'œuvre. Défaire le sujet de ce qu'il a d'anecdotique et le placer sous une lumière d'éternité.
Reconnu par aujourd'hui, par demain, mais aussi par les morts.