AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de John Banville (140)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


La mer

Mélancolique, Max retourne vers son passé. Il revoit les courbes de Grace, son premier fantasme, comme d’autres trouvent la paix dans les élans de la mer.



Le vent fouette le visage de cet homme, caban noir col remonté jusqu’aux oreilles, le regard absent, il fixe l’au-delà, derrière les vagues. Ces vagues qui se projettent en avant, des rouleaux compresseurs qui déchirent le sable. Les nuages s’amoncellent à l’horizon, affichant une barrière infranchissable. Derrière lui, les falaises de granite s’élèvent vers les cieux et les Dieux. Le bruit se fait assourdissant entre la mer sauvage qui fulmine de sa vapeur et de sa rage, entre les cailloux qui glissent de la falaise pour s’éventrer une centaine de mètres plus bas se fracassant contre la paroi comme les corps plongeant des suicidés. L’homme porte toujours le regard au loin. Un regard fixe qui contemple autant sa vie que sa dérive.



Mélancolique, on peut le dire. Il revoit son passé, premier amour et ses vacances, au bord de ces falaises irlandaises. Sa femme vient de mourir, il a besoin de se replonger dans les souvenirs, seuls instants qui le tiennent encore hors de l’eau. Jusqu’à quand ? Alors la mélancolie, cela le connait, la tristesse aussi. Cette histoire est triste à l’image de sa vie. Putain de vie. Il se sert une bouteille de whisky, un rouge gorge par exemple, au coin de la cheminée, les volets clos signes que sa vie est derrière lui, maintenant.



Mélancolique, le silence plongé dans son regard, le regard plongé dans la mer, les noyés plongés dans la mer. Il aime ce silence, un silence imperturbable de ses pensées face à l’immensité de la mer, l’infini de l’horizon, ce ciel lourd qui se mêle au bleu foncé de la mer. Les vagues se déchiquettent contre lui, mais son silence reste constant, ligne de conduite, ligne de fuite. Sa vie n’a été que silence face à l’adversité de sa vie. Il garde en lui cette rage qui le compose depuis des années. La perte de sa femme ne fait qu’accentuer son mal-être, se demandant pourquoi elle et pourquoi pas lui. Il voudrait prendre sa place, en silence. S’enfoncer dans la mer, nager le plus loin possible, s’enfoncer dans la nuit, dans l’eau, froide et noire.



Les vagues affluent, elles déchirent la côte, elles assomment les âmes. Face à elles, sa vie plonge dans un silence lourd dont il ne peut plus s’échapper. En regardant la mer, en écoutant son silence, il a senti que sa vie était derrière lui. Il n’attend plus rien. Il n’est plus homme. Juste un type reclus dans son silence avec sa flasque de whisky dans sa poche. Il garde en lui ses souvenirs, ses instants heureux, ses silences pour une autre vie. Son passé, c’est maintenant sa vie, celui qui le fera vivre encore un peu, pendant qu’il marche le long des falaises, face au soleil couchant, avec toujours cette pointe d’envie de rejoindre à la nage l’astre qui illumina son cœur.
Lien : http://memoiresdebison.blogs..
Commenter  J’apprécie          679
Les disparus de Dublin

Au hasard de mes pérégrinations sur Babelio, il m'arrive via différentes critiques et aussi grâce à certaines listes, de tomber sur des petites pépites littéraires.

Cela a été le cas pour cette superbe découverte d'un auteur irlandais que je ne connaissais absolument pas : Benjamin Black qui est en réalité le pseudonyme de John Banville.

Les disparus de Dublin est un livre qui m'a permis de plonger dans le Dublin des années cinquante et de faire connaissance avec son personnage récurrent : le Dr Quirke, médecin légiste.

Il va être amené à s'interroger (puis enquêter ) sur le décès d'une jeune femme. Cette dernière semble être décédée suite à un accouchement, mais ce qui intrigue immédiatement Quirke c'est le fait que ce soit son propre beau-frère qui a signé le certificat de décès… Pourquoi ?

Ses questionnements vont le mener beaucoup plus loin qu'il ne l'avait prévu, sous fond d'affaires de famille, de meurtres et de trafics impliquant certains membres de la « bonne société « irlandaise.



Quirke, personnage écorché, avec sa propension à boire de trop, ( comme beaucoup d'irlandais semble-t-il ), est un personnage plus qu'attachant. Il va au bout des choses et essaye sincèrement de faire de son mieux pour tout le monde (ou presque)

Même si nous sommes au vingtième siècle, on mesure encore pleinement l'impact et la puissance de l'Eglise Irlandaise (et catholique) sur ses ouailles et leur comportement.



Un vrai roman noir, qui nous plonge dans le Dublin des années cinquante mais nous fait aussi traverser l'Atlantique pour nous retrouver à Boston.



Une écriture que je qualifierais de ciselée et aussi d'addictive, car j'ai vraiment apprécié cette lecture et le style de l'auteur.



Je ne peux que déplorer le fait qu'actuellement seuls cinq titres de cette série ( qui en compte six ) ont été traduit en français….Ce qui me rappelle douloureusement mes lacunes dans la langue de Shakespeare.

J'ai appris entre temps qu'une mini- série intitulée Quirke avec dans le rôle phare l'excellent Gabriel Byrne a été produite. Vais un peu fouiner sur le net car j'avoue avoir très envie de la voir…



Challenge Séries 2020

Challenge A travers l'histoire 2020

Challenge Mauvais Genre 2020

Challenge ABC 2019/2020



Commenter  J’apprécie          476
La mer

Un décès comme un électrochoc, l’occasion de faire le point et de se rappeler...

Max vient de perdre sa femme Anna, morte des suites d’un cancer. Il en profite pour retourner dans la station balnéaire de son enfance en compagnie de sa fille Claire. Les souvenirs surgissent de sa mémoire, ceux d’un autre drame...

Paradoxalement ses souvenirs à lui concernent plus les vacances qu’il passait avec ses parents dans un bungalow rustique dans cette petite ville côtière et moins les moments heureux aux côtés de sa femme (y en a-t-il eu, on se le demande).

« La mer » ne se raconte pas, on suit les pensées du narrateur. C’est comme un recueil de sensations, de sentiments, d’impressions.

L’auteur nous enchante par son vocabulaire étoffé, son lyrisme et les descriptions oniriques des paysages et de ses personnages. Son écriture est élaborée. On est porté comme dans un songe, écartelé entre les souvenirs d’enfance et les derniers mois de l’épouse du narrateur jusqu’au dénouement où la tragédie nous est révélée.

Une belle lecture et une curiosité éditoriale.

Traduction de Michèle Albaret-Maatsch.

Editions Robert Laffont, Pavillons Poche, 272 pages.

Commenter  J’apprécie          440
Vengeance

J’ai repoussé plusieurs fois la lecture de ce cinquième tome des aventures du médecin légiste Quirke, héros créé par Benjamin Black alias John Banville.

Non pas par « manque d’envie » de replonger dans les aventures de ce héros si attachant, mais tout simplement parce que je savais qu’en tournant la dernière page je serais frustrée car pour l’instant, il s’agit du dernier tome traduit en français… Aux dernières nouvelles, la série en compte au moins six….

Retrouver Quirke a donc été un véritable plaisir car oui, on ne peut qu’aimer ce médecin légiste un peu trop porté sur le whisky, et qui ne peut s’empêcher d’épauler son ami l’inspecteur Hackett dans ses enquêtes.

Cette fois ci, nous n’allons pas rester cantonnés à Dublin, mais aussi nous diriger vers le sud de l’Irlande dans la région de Cork. Cette fois ci, nous allons même prendre la mer…

Oui, dès le début de l’histoire, John Banville nous invite à embarquer car, sur un voilier se produit l’inimaginable : un homme se suicide, laissant son coéquipier (et fils de son associé) livré à lui-même car ne sachant pas naviguer….Ainsi commence cette histoire où Hackett secondé de Quirke devra essayer de démêler les fils d’une histoire où les différents protagonistes resteront bien trop muets…

En réalité, l’enquête et l’intrigue passent presque au second plan tant l’ambiance de ce roman noir à souhait prend le dessus (bon, ce n’est pas le plus sombre de la série )…Banville est excellent dans l’art de restituer l’ambiance qui régnait dans l’Irlande des années 50…et j’y plonge à chaque fois avec délices…

Il ne s’agit peut-être pas de l’épisode le plus « marquant » de la série Quirke, mais le plaisir de la lecture est bien là.

Entre temps, ma PAL s’est enrichie de plusieurs œuvres de cet écrivain car j’avoue être vraiment tombée sous le charme de sa plume et j’ai bien l’intention de continuer à me faire plaisir en lisant ses livres, peu importe le sujet ou le thème….

Petit clin d’œil : ma lecture précédente était une aventure de sœur Fidelma : j’avoue avoir eu le sourire aux lèvres quand Quirke, sur la route de Cork, fait une petite escale à Cashel….



Challenge Mauvais Genres 2020

Challenge Séries 2020

Challenge A travers l’Histoire 2020

Commenter  J’apprécie          430
La lumière des étoiles mortes



A 65 ans, Alex Cleave, acteur de théâtre plus ou moins en retraite, exhume les fantômes de son passé et de son présent (!) : celui de Mme Gray, son premier amour, dont il aimerait probablement retrouver l'émerveillement des premiers émois et autres sensations oubliées. Elle avait 35 ans et lui 15. C'était la mère de son meilleur ami. Et celui de sa fille Cass, décédée 10 ans plus tôt, qu'une troublante proposition cinématographique pour interpréter le rôle d'Axel Vandel (vous notez l’étrange anagramme entre Alex et Axel ?) au côté d'une célèbre actrice, va raviver.



La première partie se déploie comme un jeu de miroirs qui se réfléchissent les uns dans les autres. Ses souvenirs se cherchent et se heurtent au mur du présent et du passé, d'un paragraphe à l'autre. C'est éblouissant! Le rythme est lent, introspectif, nostalgique. Sous la plume de John Banville, la relation entre Mme Gray et Alex est évoquée avec beaucoup pudeur et de tendresse. A 65 ans, Alex, le narrateur, confronte son regard à celui de son alter égo immature de 15 ans, avec quelques petites touches d'autodérision. Et surtout il ne cesse de réévaluer les effets du temps sur sa mémoire. Il s’interroge sur la réalité de ses souvenirs, sur leurs zones d’ombre et de lumière, les revisite. Nous ne savons jamais jusqu’à quel point ses souvenirs sont réels ou édulcorés. La mémoire est parfois si trompeuse et arrangeante. Et nous avançons dans le labyrinthe de sa mémoire, en nous demandant si nous allons y rencontrer le minotaure…



La seconde partie en revanche est plus sombre. Alex se lance dans une sorte de quête où il m’a semblé de plus en plus marcher à côté de sa vie, se laisser porter par les évènements et les rencontres, comme s’il en était extérieur. La solitude des personnages est également plus pesante. Cela m'a parfois fait penser à certains tableaux d’Edward Hopper, ces personnages esseulés dans la lumière crue d’une réalité perdue. Pourtant, cette seconde partie ne m'a pas convaincu. J'ai souvent eu l'impression de tourner en rond, comme si l'un des miroirs s'était brisé et qu'on ne savait plus où porter notre regard. On trouve des longueurs et des passages dont on pourrait croire qu'ils vont déboucher sur quelque chose, mais non, rien! Dommage. J'ai finalement refermé ce livre avec un sentiment étrange, mitigé et un peu décalé. C'est peut être un peu réducteur de le dire ainsi car d'un bout à l'autre tous les événements sont enchevêtrés, mais autant le souvenir de Mme Gray exerce un certain rayonnement, autant celui de sa fille m'a parfois entrainé dans un trou noir.



Ce livre n'en demeure pas moins une superbe plongée dans les méandres de la mémoire, et de ceux qui ne cesseront de vivre en nous, dans notre cœur et nos souvenirs, le tout servi par une très belle écriture poétique et mélancolique.



« Les morts sont ma matière noire, ils comblent imperceptiblement les vides du monde. »

Commenter  J’apprécie          402
Marlowe : La blonde aux yeux noirs

Ça commence comme un cliché de film en noir et blanc américain : années 50 , Los Angeles : un détective privé entend claquer des talons , apparition de LA femme ....

Elle est jeune , elle est blonde , sublime, riche et elle a besoin de lui pour retrouver son amant ...

Lui , c'est Philip Marlowe, LE Philip Marlowe de Raymond Chandler revisité par Benjamin Black, alias John Banville qui nous propose une suite quelques décennies plus tard . Mais son Philip n'a pas pris une ride , et est assez fidèle à l'original ( pour ce que j'en connais, mais je ne suis pas une spécialiste ...)

C'est un roman noir , légèrement caustique, qui séduit par le ton , plus que par l'intrigue .

Marlowe a un peu d'épaisseur comme personnage , les autres pas trop , et les femmes , (dont La blonde aux yeux noirs ) sont assez stéréotypées . C'est l'époque (années 50 ) qui veut ça , mais c'est écrit en 2014, alors j'aurai aimé une héroïne un peu plus... perchée ou futée.

Ou un peu moins ...passive .

C'est Chandler qui avait trouvé ce titre et l'avait mis de coté.

Le roman est vintage , léger et agréable mais j''aimerais bien savoir ce que penseraient des" lecteurs mâles", d'un roman intitulé : " le Blond aux yeux noirs "...

- " Ah , mais ça s'appellerait de la chick-lit policière , de la "littérature pour poulettes" !

- Oui, mais là , pour Benjamin ( "le Man in ) Black ", on dit que c'est de la Littérature , du Roman Noir, alors que c'est pareil ...

- Sois pas relou Iris . Là , tu fais ta féministe , débranche !...
Commenter  J’apprécie          399
La guitare bleue

Quelques années après ce qui est sans doute son grand chef d'oeuvre parmi quantités de grands romans , La lumière des étoiles mortes, John Banville, auteur irlandais de grand renom, qui a été multiprimé (Booker Prize 2005, prix Kafka 2011) revient avec un autre formidable roman non pas sur un guitariste, contrairement à ce que le titre et la couverture (plus prévisible que celle dont on vient de parler) laisse supposer mais sur un peintre, Oliver Orme.



Comme on sait que Banville a lui aussi voulu peindre avant de se tourner vers l'écriture on se dit que ce nouveau roman a forcément quelque chose de



Un peintre qui a été jadis très talentueux et au succès considérable mais dont l'aura et l'inspiration se sont faites plus rares.

C'est l'occasion pour Orme de raconter les évènements, de remonter le passé, de redécouvrir avec un regard neuf ceux qui l'ont entouré .



La guitare bleue est le portrait subtil d'un homme ravagé par les remords qui voit se profiler à l'horizon la vieillesse , laissant gloire et notoriété loin derrière lui.



On se laisse avec grand plaisir emporter par la prose lumineuse de Banville ! Une plume délicate, picturale. et si les pages de la Guitare bleue sont émaillées de références à d'illustres peintres



Un roman tout en nuances,plein d’autodérision, sur l’incapacité d’un homme à aimer véritablement et qui sort des vérités aussi absolues que celles ci : «On découvre toujours de nouvelles façons de souffrir.»



Et le roman de Banville d'être le croquis délicat et élégant d’un homme rongé par les remords qui s’est éteint et qui rumine sur lui-même avec assez d’autodérision, assez de sarcasmes pour ne jamais sombrer dans le pathos.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          320
Les disparus de Dublin

Les disparus de Dublin est le premier tome de la saga Quirke, écrit pas Benjamin Black (pseudonyme de John Banville). Il nous emmène dans le Dublin des années 1950.



Quirke est médecin légiste, mélancolique et il boit et fume plus que de raison. Il m'a fait penser au célèbre Maigret, imaginé par Simenon.



Sa première "enquête" tourne autour de la mort de Christine Falls, une jeune femme morte en couche. Mal, le beau-frère de Quirke, a signé le certificat de décès avec une fausse raison, officiellement pour protéger la famille de la jeune femme qui n'était pas marié mais en réalité, il cache un grand secret.



Pour un premier livre, c'est vraiment prometteur et j'ai hâte de découvrir le reste de la saga Quirke. J'ai aussi découvert la mini-série de 3 épisodes et je suis aussi conquise.


Lien : https://missmolko1.blogspot...
Commenter  J’apprécie          310
La disparition d'April Latimer

Il y a peu de temps j’ai découvert la plume de John Banville alias Benjamin Black. Et j’avoue être tombée sous le charme de la série « Quirke », mais aussi de l’écriture de cet auteur irlandais que je ne connaissais pas, honte à moi ! J’ai d’ailleurs bien l’intention de rattraper cette erreur, car même si je n’en suis qu’à la troisième œuvre que je lis de cet écrivain, j’en ai encore plusieurs dans ma Pal depuis…

Nous retournons donc à Dublin avec cette nouvelle aventure du médecin légiste Quirke. Depuis le deuxième tome, ce dernier a décidé de prendre sa vie en main et il se trouve en pleine cure de désintoxication… Il va certes ressortir de cette institution spécialisée sobre, mais pour combien de temps ? Car il faut avouer que dès que Quirke sent une odeur de whisky flotter dans le coin, ses narines frétillent (et pas qu’elles), et, il faut dire qu’en Irlande, ce ne sont pas les pubs qui manquent…

C’est Phoebe, la fille de Quirke qui va être à l’origine de cette histoire. Une de ses amie, April Latimer, semble avoir disparu… Cette dernière, venant d’une famille très en vue dans la communauté chic dublinoise est interne, mais a disparu du jour au lendemain de la circulation… Les membres de leur petite bande d’amis ne semblent pas en savoir plus que Phoebe qui va confier son inquiétude à son père, car la famille Latimer n’a pas l’air de s’inquiéter.

J’ai suivi avec fébrilité les avancées des interrogations de Quirke, car qu’est ce qu’il a bien pu se passer ? April est-elle vivante, a-t-elle simplement choisi de disparaitre ?

Une fois de plus, ce n’est pas l’enquête qui est au centre de ce roman, mais l’ambiance de ce roman bien noir. La plume ciselée de Benjamin Black arrive à restituer l’ambiance de ce Dublin humide, glacial et embrumé avec énormément de talent. Quel style, et quel talent !







Challenge Séries 2020

Challenge Mauvais Genres 2020

Challenge A travers l’histoire 2020

Commenter  J’apprécie          250
La double vie de Laura Swan

J’ai découvert il y a peu de temps la plume de Benjamin Black alias John Banville grâce à sa série mettant en avant le médecin légiste Quirke.

Nous sommes à Dublin, dans les années 50, et cette fois ci toute l’histoire va s’y dérouler contrairement au tome précédent qui nous avait fait traverser l’Atlantique…

Quirke, qui depuis ses aventures du premier tome ( Les disparus de Dublin ), a arrêté de boire, est installé dans une routine jusqu’à ce qu’un de ses anciens condisciples de la fac de médecine demande à le voir… ce dernier Billy Hunt, vient de perdre son épouse, Deirdre, morte apparemment par noyade et il aimerait que Quirke n’effectue pas d’autopsie car il s’agirait d’un suicide….

Il faut dire que j’ai retrouvé avec beaucoup de plaisir le Dr Quirke, que je me plais à imaginer sous les traits du talentueux Gabriel Byrne (qui est son interprète dans la série du même nom). Cet homme, écorché vivant, d’une grande humanité, ne peut cependant s’empêcher de se poser des questions quant au décès de Deirdre Hunt.

Cette dernière qui semble s’être noyée en mer, travaillait dans un salon d’esthétique, mais sous un autre nom que le sien : Laura Swan… Mais était-elle juste une jeune femme active sans histoires ? En tout cas, Quirke va bien devoir s’intéresser de plus près à ce déces car sa fille Phoebe semble connaitre une des personnes qui côtoyaient Laura Swan … Et il faut reconnaitre que comme personnage énigmatique et ambigu, Mr White est parfait pour endosser ce rôle…

L’intrigue et l’enquête sont certes présentes, cependant elles n’occupent pas le devant de la scène car avant tout il s’agit d’un roman noir. La psychologie des personnages est très finement décrite par l’auteur. Mais au fur et à mesure que se tisse l’intrigue, on ne peut s’empêcher de saluer l’imagination de John Bnaville …

L’écriture de John Banville est magnifique et envoutante. Sa plume ciselée nous restitue avec beaucoup de talent l’ambiance du Dublin de cette époque et les états d’âmes des différents protagonistes…

Je continuerais à lire cette série avec beaucoup de plaisir et heureusement, j’ai les trois prochains tomes sous le coude…









Challenge Mauvais Genre 2020

Challenge Séries 2020

Challenge A travers l’Histoire 2020



Commenter  J’apprécie          252
La guitare bleue

Un auteur irlandais de renom, John Banville, une guitare bleue en couverture , il ne m'en fallait pas plus pour faire la connaissance de O O O , d' Oliver Orway Orme si vous préférez. Orme , le peintre ou plutôt l'ex-peintre car il a posé ses pinceaux depuis quelques mois, depuis qu'il est resté "bloqué" devant la toile. Mais aujourd'hui quand commence ce récit la peinture n'est pas son problème , il est en fuite . Il n'est pas parti bien loin je vous rassure , il a juste traversé l'estuaire et laissé derrière lui sa femme Gloria, ses amis Marcus Petitt et Polly son épouse. Il a fui comme à son habitude , parce que cette fois-ci il n'ose pas affronter les conséquences de son vol ! Eh oui, notre grand peintre a une autre passion : le vol. Oh il ne vole rien de valeur , que des objets inutiles , pour le plaisir , rien que pour le plaisir . Mais voilà son dernier vol .... c'est Polly , l'épouse de Marcus...

C'est l'occasion pour Orme de raconter les évènements de se raconter , de remonter le passé, de redécouvrir avec un regard neuf ceux qui l'ont entouré . La cinquantaine bedonnante , le cheveu qui se fait plus rare, il ne se considère pas comme un Apollon loin de là mais essaye comme le lui a conseillé Gloria d'être honnête au moins avec lui-même et ne ne pas mentir....Roman d'amour oui sans doute, mais plus le portrait subtil d'un homme ravagé par les remords qui voit se profiler à l'horizon la vieillesse , laissant gloire et notoriété loin derrière lui.

Voilà maintenant il n'y a plus qu'à se laisser porter par la prose lumineuse de Banville ! Une plume délicate, picturale. Banville a lui aussi voulu peindre avant de se tourner vers l'écriture et si les pages de la Guitare bleue sont émaillées de références aux peintres qu'il apprécie ,il le fait avec une rare élégance. Un roman tout en nuances, de couleurs, de sentiments, de luminosité irlandaises, sans oublier la bière brune. Un roman qui ne peut que réjouir les esthètes et les amateurs ... Un régal

Un immense merci aux Editions Robert Laffont via NetGalley pour cette somptueuse lecture.
Commenter  J’apprécie          250
Marlowe : La blonde aux yeux noirs

Mr Benjamin Black dans la peau de Philip Marlowe...



Le privé - d'Outre-tombe - Philip Marlowe déprime sec et tourne en rond comme un fauve dans son bureau fantôme...

Jusqu'à ce mardi après midi d'été où le clic-clac des talons hauts sur le plancher (pas des vaches) d'une "grande blonde aux yeux noirs avec une bouche mémorable" le ramène à la vie... pas la langue pendante comme le loup de Tex Avery, ce n'est pas son genre à Phil. du sang froid, un dur à cuire. Sa cliente, la séduisante Clare Cavendish, une fille aux moeurs libérés, progéniture d'une famille fortunée au parfum Langrishe, lui demande d'enquêter sur la disparition de son amant., Nico Peterson, un soit disant imprésario, yoyo. La fille le trouble...L'affaire est concluante. le début des ennuis pour notre privé désabusé...



Le cadre Bay City- blues- en Californie, début des années 50, sa voiture, une flamboyante Oldsmobile de l'époque. Dans le rôle des méchants et des gentils - A vous de faire le tri - des mexicains louches Gomez et Lopez experts en couteaux et en bobos, un fils à papa qui papote, des revenants, Bernie Ohls, copain comme cochon mais très ronchon, un joueur de polo cocu, Canning le patron d'une famille dégénérée, Hanson la cloche qui tinte et une valise qui se promène presque toute seule.

Que du beau linge que notre privé expert en volutes légères va devoir se dépatouiller pour conclure son affaire en privé...

Le tout arrosé de bourbon sec

et d'une partie d'échec

et l'affaire est dans le sac



Benjamin Black, pseudonyme de John Banville auteur irlandais, passionné de romans noirs américains des années 50 a réussi son pari haut la plume de ressusciter le personnage de Philip Marlowe de Raymond Chandler. le titre, La blonde aux yeux noirs, Black ne l'a pas inventé, il figurait sur une liste de titres de futur romans à paraître dans les archives à Chandler

Mr. Black redonne vie au Philip Marlowe d'antan. Un peu vieilli certes, la quarantaine pas bedonnante, fume clopes sur clopes à toutes les pages, plus essoufflé mais qui sait encore reconnaître les coups tordus et rendre les coups aux filous et escrocs de bas et hauts étages . Son point faible comme toujours, les femmes fatales.. qu'il sait décrire mieux que personne. Toujours l'oeil vif sous son feutre , la classe à la Humphrey, la répartie au tac au tac et le ton cynique qui fait sa particularité. Une vision désenchantée et désabusée sur la ville de Los Angeles, les moeurs, la corruption. Les fils à papa gâtés pourris et les petites filles capricieuses, il les flaire à cent lieux.

L'univers et le style de Chandler est respecté, on retrouve des personnages de Chandler tel Bernie Ohls, le pote de Philip Marlowe.



Comme les livres du maître, l'histoire n'est pas inoubliable, en revanche le style l'est !



Chapeau Mr Black , ton rêve de fan s'est réalisé, Mr King l'a adoré et moi itou.



Lu dans le cadre de Masse Critique. Merci à Babelio et aux éditions Robert Laffont.









Commenter  J’apprécie          255
Mort en été

Et voilà ! Encore une enquête du Dr Quirke , médecin légiste irlandais. Ce personnage a été créé par Benjamin Black, alias John Banville, et il faut reconnaitre que c’est une belle réussite.

Je me délecte de ces enquêtes et aussi de l’écriture de l’auteur. Car oui, il est rare que je le mette en avant, mais John Banville sait manier la plume avec un art… C’est un plaisir de lire et relire certaines phrases que l’on dirait ciselées. C’est un orfèvre en la matière…

« Mort en été » est donc le quatrième tome de la série « Quirke » qui en comporte six. Pour l’instant, seuls cinq ont été traduits en français…

J’ai replongé avec plaisir dans ce Dublin des années cinquante qui sert de décor aux enquêtes de ce légiste au grand cœur. Il sera accompagné dans cette histoire par l’inspecteur Hackett, qui a su reconnaitre en Quirke un acolyte précieux.

Les deux hommes vont être appelés pour enquêter sur la mort d’un homme que l’on pourrait qualifier de richissime : Richard Jewell. Si à première vue cet homme semble s’être suicidé, les deux enquêteurs vont très vite parvenir à une autre conclusion : il s’agit d’un meurtre.

Les suspects ne manquent évidemment pas au vu de la personnalité de la victime. Les deux hommes vont devoir user de toutes leurs compétences pour découvrir le motif de ce meurtre et surtout l’identité du coupable….

J’ai retrouvé avec plaisir certains personnages qui gravitent autour de Quirke comme sa fille Phoebe. Un peu moins présente dans ce livre que dans les précédents, elle n’en reste néanmoins toujours aussi attachante.

En conclusion, je ne rajouterais qu’une chose : je possède (heureusement) le dernier tome dans ma pal et je pense le lire assez vite…Après cela, j’ai l’intention de continuer à découvrir l’œuvre de cet auteur qui mérite vraiment le détour….







Challenge A travers l’Histoire 2020

Challenge Séries 2020

Challenge Mauvais genres 2020

Commenter  J’apprécie          240
La mer

Pour comprendre pourquoi Max, veuf depuis peu, éprouve le besoin impérieux de retourner sur le lieu de ses vacances d'enfance, il faut lire le roman jusqu'au bout. C'est là, dans les dernières pages, qu'il prend toute sa splendeur, un peu comme le soleil après l'orage.

Mais la mer, dans ce roman, est angoissante dès le début: "gonflée comme une ampoule", s'aventurant là où elle n'arrive jamais, d'un bleu intense sous un ciel laiteux. Et quand le tout jeune Max et les deux amis qu'il a rencontrés, Chloé et Myles, passent leurs journées près des vagues, on ne peut s'empêcher de ressentir un malaise. Chloé et Myles: frère et soeur jumeaux, lui muet, elle un peu sournoise, passant leurs vacances dans la villa des Cèdres que Max connaît bien, en tant que vacancier plus pauvre séjournant dans l'un des bungalows un peu plus loin. Max est tout de suite attiré par la famille Grace et très vite entre dans l'intimité de la famille.

Ces souvenirs de vacances, qui remontent à la surface lors de son séjour dans la villa plus de cinquante ans plus tard, font écho à la dernière année d'Anna, sa femme, atteinte d'un cancer incurable. Et ce séjour est peut-être le moyen pour lui de surmonter son chagrin, replongeant dans ce lointain été qui marque le début de ses émois amoureux et sexuels.

Tout au long du roman, le ton détaché voire un peu cru du narrateur provoque un certain trouble dérangeant, auquel se mêle les réminiscences mélancoliques de la maladie d'Anna.

Ce que j'ai préféré, finalement, est cette fascinante présence de la mer, immense et silencieuse.

Commenter  J’apprécie          200
La mer

Je me réjouissais de lire un autre Banville après avoir apprécié Infinis et je n'ai pas été déçu. Bien sûr, cet auteur ne dévoile aucun mystère nébuleux, ne déroule aucune enquête haletante, pas plus qu'il n'imagine de péripéties palpitantes ou vaudevillesques. Il s'attache à saisir des scènes, des sensations, des moments furtifs remontés à la mémoire qu'il prolonge somptueusement en croquant gestes, expressions, non-dits, frissons même, avec un crayon précis, tendre ou cruel et toujours intelligent. Je le vois comme un peintre ou un photographe enrichi de toute la gamme des évocations que permet l'écrit. Ce n'est sans doute pas un hasard si la peinture (avec Bonnard) et la photographie pointent leur nez dans ce roman.



La puissance de la mémoire est la ligne de force de cette histoire. Les souvenirs vont et viennent comme le ressac de la mer et submergent le lecteur d'un bain trouble et exaltant, doux et chargé d'écume amère. L'impression générale faite de dunes et de vent, de douleurs sourdes et de pulsions en herbe, m'a tant pénétré que j'en garderai sans doute un souvenir inoubliable. Mon séjour sur la côte de la Mer du Nord durant la lecture contribue certainement à renforcer ce sentiment. Et la proximité d'âge que je dois avoir avec cet homme écrivant les effluves de sa mémoire le rend naturellement attachant à mes yeux... Je suis assez déçu des critiques molles que j'ai trouvées sur les sites de lecteurs, car je comprends mal qu'on puisse passer à côté de cette perle.



Le récit tient en peu de choses, mais les sublime toutes: un homme au soir de sa vie revient sur des événements de vacances à la mer pendant sa jeunesse. Son épouse vient de mourir d'un cancer (...l'imprévu suprême lui avait fondu dessus) et désemparé, il retourne sur le lieu de vacances de son adolescence, de ses premiers émois sensuels, là où il a vécu un autre drame révélé tout à la fin du roman au terme d'une progression adroite de la tension. Ce n'est pas un livre triste du tout: il est poignant et m'a parfois serré la gorge, c'est vrai, mais ce texte apporte autre chose d'enveloppant et d'indicible, qui n'est pas de désespoir ni de mélancolie. N'est-ce pas simplement cela l'art, la beauté de l'art ?

La Mer, en définitive: une aquarelle où se côtoient l'initiation et la mort, mouillé sur mouillé.



Je ne suis pas très compétent pour juger de la traduction et je peux me tromper, mais je tiens à noter que j'avais senti une écriture (encore) plus raffinée avec la traduction d'Infinis par Pierre Emmanuel Dauzat qu'avec celle-ci d'Albaret-Maatsch, qui soit dit en passant a pratiquement traduit tout ce qui existe de Banville en français et n'a de compte à rendre à personne. Il se peut aussi que Banville ait écrit La Mer d'un trait plus spontané, avec toujours, et pour mon grand plaisir, ces changements de rythme, alternant phrases courtes et longues dans un rythme élégant.



Un bref extrait: Puis, soudainement, non, pas soudainement, mais dans une sorte de houle impérieuse, toute la mer s'est soulevée, ce n'était pas une vague, mais un rouleau paisible qui avait surgi des grandes profondeurs, à croire qu'un énorme quelque chose avait bougé là en-dessous, et j'ai été soulevé et emporté un peu plus loin vers le rivage, puis reposé sur mes pieds comme auparavant, comme s'il ne s'était rien passé. Et en effet il ne s'était rien passé, juste un formidable rien, juste un haussement d'épaules indifférent du vaste monde.

Si vous le pouvez un jour, retrouvez ce passage à la fin du livre et constatez que situé dans son contexte, il prend une dimension supérieure. Comprenez-en toute la portée ontologique et John Banville aura peut-être gagné un lecteur, une lectrice.



Le livre a connu un gros succès outre-manche et il a été largement traduit. Booker prize 2005.



En poche 10/18, 247 pages, traduction de Michèle Albaret-Maatsch


Lien : http://marque-pages.over-blo..
Commenter  J’apprécie          204
Marlowe : La blonde aux yeux noirs

Hommage à Chandler, avec Philip Marlowe comme protagoniste ; ce roman contient une bonne dose de dur à cuire, avec des coups, des disparitions et des femmes fatales. Il nous ramène également à une époque où il n'y avait ni Internet ni téléphones portables et où les enquêtes étaient résolues d'une manière totalement différente.



Nous sommes au début des années 1950 à Bay City, en Californie, et les affaires de Marlowe ne vont pas bien. Alors quand une jeune femme riche entre dans son bureau pour retrouver son amant, Marlowe se lance dans l’enquête. Mais il ne s’agit pas d’une simple disparition et l’enquête semble prendre une tournure différente de ce qu’il avait imaginé.



Philip Marlowe a toutes les caractéristiques du détective américain classique : sans le sou, beau, hors des sentiers battus (parfois au-dessus de la loi), dur, mais aussi assez naïf pour se retrouver dans des situations qu'avec un peu plus d'attention il aurait pu éviter.



Le roman a été adapté en film mais je crains un peu d’être déçue tant j’ai aimé le roman. Je vais me laisser un peu de temps avant de me décider si oui ou non je regarde l’adaptation.


Lien : https://missmolko1.blogspot...
Commenter  J’apprécie          191
La disparition d'April Latimer

Un livre intéressant, surprenant parfois. Il y a certaines longueurs, certes, mais elles permettent l'analyse psychologique des personnages. L'ambiance est aussi pesante, noire mais néanmoins j'ai aimé.

Très réceptive à ce genre de livre, j'y ai trouvé mon compte .
Commenter  J’apprécie          180
Trilogie des révolutions, tome 3 : La lettre ..



Traduit de l'anglais par Michèle Albaret - 120 pages



" Il me semble n'avoir été qu'un garçon qui jouait sur la plage et se divertissait de temps à autre en découvrant un galet mieux poli ou un coquillage plus beau que d'ordinaire, alors que le grand océan de la vérité s'étendait devant moi, dans la totalité de son mystère. " (Sir Isaac Newton)



Il y a une vingtaine d'années, John Banville (1945, Wexford, Irlande) a publié une trilogie(1) romanesque touchant les grands scientifiques Copernic, Kepler et Isaac Newton, l'illustre auteur de la théorie de la gravitation, maître de la mécanique classique et de la raison scientifique au 17ème siècle.



En épigraphe, l'aveu de petitesse du savant devant la nature donne le ton. Le narrateur (ce je familier au regard affûté récurrent chez l'auteur irlandais) établit une correspondance frappante entre une période psychologiquement difficile vécue par Newton en 1693 et les événements qui surviennent inopinément dans sa propre vie, lors d'un été bucolique et passionné. Moments où chez l'un et l'autre s'effondre l'impression d'avoir le contrôle d'une existence stable et tangible, où prévaut la raison, devant une réalité mystérieusement imprévisible, mêlée d'incertitude et de sentiments inattendus qui placent l'existence entre parenthèses (Un interlude... est d'ailleurs le second titre de ce livre).



En 1693, alors qu'il a toujours entretenu une correspondance amicale et intéressante avec le philosophe John Locke, Newton lui adresse une lettre accusatrice agressive, insensée révélatrice d'une bouleversement nerveux qui reste encore mystérieux aujourd'hui. John Banville, en bon écrivain opportuniste, imagine l'existence d'une seconde lettre dans laquelle Newton expliquerait à Locke les sentiments indicibles qui l'ont animé: "Mon cher docteur, n'espérez pas davantage de philosophie de ma plume. La langue dans laquelle je pourrais non seulement écrire, mais penser n'est ni le latin ni l'anglais, mais une langue dont je ne connais aucun mot; c'est une langue dans laquelle les choses communes me parlent et dans laquelle il me faudra peut-être me justifier un jour devant un juge inconnu."



L'universitaire, l'auteur de la narration, retiré à la campagne pour terminer sa biographie de Newton, médite sur cette seconde missive et lui trouve du sens quand il se découvre incapable de poursuivre son travail littéraire. Car des passions le saisissent, liées à ses hôtes: il noue une relation intime avec la jeune Ottilie, il tombe amoureux de Charlotte la maîtresse de maison, la vie le reprend à bras le corps, l'invite à se laisser emporter. Il voit tout différemment: "C'était l'idée qu'il existait un temps en dehors du temps, que cet été constituait une unité à part, séparée du monde normal. (...). L'avenir avait cessé d'exister. Je me laissais emporter, paresseusement allongé sur le dos comme un nageur de la Mer Morte, cerné par une soupe bleue et chaude d'intemporalité."



Il vit une liaison intense avec Ottilie mais c'est sa passion platonique pour la délicate charlotte qui nous vaut des passages somptueux, là où le Banville observateur extraordinaire et un peu voyeur montre un talent hors du commun. Ceci peut faire cliché, mais j'ai parfois l'impression qu'il s'agit d'un peintre, avec un pinceau vif et assuré pour déposer ses mots en touches évocatrices.



Notons qu'on retrouve ici un thème déjà largement abordé dans Infinis: les rapports entre la science et la vie qui rattrape chacun aux tournants de sa destinée. Contrôle et lâcher prise, puissance et humilité en sont des axes contradictoires.



Ce livre court raconte un ensorcellement des sens avec un sens envoûtant des mots qui font que, une fois encore avec cet auteur, j'en sors autant remué que diverti.



(1) Doctor Copernicus (1976), Kepler, a novel (1981) , The Neton Letter, an interlude (1982)
Lien : http://marque-pages.over-blo..
Commenter  J’apprécie          170
Infinis

Il est des lectures dans lesquelles on s'avance comme dans l'inconnu, car on ne sait rien de l'auteur ni du sujet. Les premières pages retiennent et persuadent, qui ont le goût du risque. On craint le point faible, la faille, la glissade. En vain. Puis surpris, émerveillé, on sort de l'œuvre avec la sensation d'avoir lu un grand auteur, car John Banville est de la meilleure espèce, à l'instar d'un Nabokov dont il a la sagacité et l'humour. Il s'inscrit dans la lignée de grands irlandais: Beckett, Joyce, Swift, Wilde, McCann...



Alors que certains écrivains se prennent pour le Dieu de la création, Banville confie plutôt sa narration à Hermès, le dieu bienveillant le plus proche des hommes, fils de Zeus. Les dieux de l'Olympe sont des filous facétieux qui, pour satisfaire des désirs inavouables, intègrent volontiers le corps et l'esprit des mortels en leur jouant des tours qui dévient le cours du récit avec plus ou moins de bonheur.

Adam, brillant mathématicien au seuil de la mort, spécialiste de théories à propos d'une infinité d'infinis et d'univers parallèles, survit dans un état végétatif qui ne l'empêche pas de penser, allongé dans cette vieille demeure d'Argen House où se déroule l'essentiel des événements. Sa femme, ses enfants, deux domestiques et des visiteurs, personnages magnifiquement croqués par un orfèvre des mots, interagissent pour brosser un tableau grave et ironique, sous le regard amusé, indulgent ou concupiscent des divinités olympiennes.



Le style de Banville est celui d'un maître et grâce à la brillante traduction française de Pierre-Emmanuel Dauzat, j'ai envie de risquer ce truisme que l'écriture elle-même est le corps de ce roman. Les portraits sont saisis avec des expressions atypiques savoureuses et nul autre ne décrira aussi bien un chien, un chat ou une poule que le Banville carricaturiste et observateur. J'avoue que j'ai dégusté chaque page de ce livre avec une délectation renforcée par le sevrage d'écritures cossues auquel nous contraignent, à tort ou à raison, bien des littératures aujourd'hui.



Au centre du roman, il y a la question du Moi et du Je. Ce n'est pas par hasard que Banville recourt, en la personne du père, à un mathématicien préoccupé des univers multiples: la cohabitation d'êtres différents qui ont chacun leur perspective singulière (il n'hésite pas à faire penser le chien de la maison) en est une manifestation tangible. La question de l'identité est remise en question par l'agissement de forces d'origine céleste dans le comportement des personnages. C'est de cette manière réjouissante que ce roman intelligent questionne le monde et l'individu. On peut s'interroger sur le mélange des genres littéraires qui est pourtant assumé avec cohérence: tout se tient avec élégance et souplesse.



Je ne peux me retenir de vous proposer ce passage d'une éclairante simplicité en fin de roman, alors que tous sont rassemblés autour du père moribond: "Il (Hermès) regarde le jardin crépusculaire. Un soleil fauve rampe sur l'herbe, dessinant dans son sillage des ombres pointues. Les arbres frémissent, parlant de nuit. Les oiseaux, les nuages, le ciel pâle et lointain. C'est le monde mortel. Un monde où rien ne se perd, où tout s'explique, mais où le mystère des choses est préservé; un monde où ils peuvent vivre même brièvement, même précairement, au soir défaillant du moi, solitaire et en même temps ensemble, d'une certaine façon, ici, dans cet endroit, si mourant qu'ils puissent être, mais à jamais fixés dans un instant lumineux, interminable."



John Banville (lien) est né en 1945, jounaliste et écrivain, il a publié de nombreux romans depuis 1970 dont "La mer" qui a obtenu le Booker prize en 2005, pour lequel il avait été cité avec "Le livre des aveux" en 1989. Il écrit aussi des romans policiers sous le nom de Benjamin Black. Il est un des plus importants auteurs de langue anglaise et certains critiques qualifient sa prose de virtuose. Je ne veux surtout pas les démentir.

Commenter  J’apprécie          170
La mer

Ma mémoire n’a pas d’amarres. Comme celle de l’auteur, elle navigue sur l’océan incertain de mon passé entre tempêtes et tourments, houles et calmes pas vraiment plats. Comme lui, j’ai vu mourir en une seule année ma compagne d’un même cancer impitoyable et comme lui, je retourne dans le passé lorsque le présent ne m’accroche pas de ses tumultes ou de ses bonheurs.

Je ne connaissais pas le talent de John Banville, c’est en fouinant dans la liste des « 1001 livres qu’il faudrait avoir lus » que je suis tombé sur celui-ci qui semblait tant faire écho en moi.

J’admire sa sincérité car j’ai cru que tout ce qu’il nous narre est vrai et je veux encore le croire. J’admire aussi son ironie et cette autodérision si britannique, dit-on. J’admire enfin cette liberté de ton et de style.

Je lis que son ouvrage « La lumière des étoiles mortes » semble construit sur les mêmes bases mémorielles : drames croisés, premier amour pour une femme plus âgée. Le livre a déjà rejoint ma chère liseuse…
Commenter  J’apprécie          160




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de John Banville (493)Voir plus

Quiz Voir plus

Adieu Paul, maudit mardi 30 avril 2024

Certains esprits chagrins m'avaient mis en garde, le titre de ce roman disaient-ils constitue le déclenchement d'un compte à rebours dont nous connaissons tous l'issue ...???....

5,4,3,2,1
5,4,3,
4,3,2,1
3,2,1

10 questions
25 lecteurs ont répondu
Thème : Paul AusterCréer un quiz sur cet auteur

{* *}