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Critiques de Jonathan Swift (134)
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Voyages de Gulliver

Nul ne sait jamais exactement comment seront perçus ses dires, ni comment seront interprétées ses intentions, et les écrivains moins que d'autres, certainement du fait même de la " publication ", c'est-à-dire le rendu public, leurs écrits sont largement diffusés et donc, fort diversement interprétés.



Jonathan Swift s'imaginait-il que 300 ans après avoir écrit sont Gulliver (soit Gul-y-ver, dans lequel il faut entendre l'association de trois mots : pour Gul, qui donne en verlan lug, et qui renvoie à l'allemand Lüge, qui signifie mensonge, puis le y espagnol qui correspond à l'esperluette &, et enfin le ver, qui est le début du français " vérité "), son héros inspirerait le nom d'une gentille chaîne de télévision française à destination des enfants (Gulli dont le logo est vert) ?



Car Swift voulait écrire quelque chose de bien acerbe, de mordant, de tranchant, il voulait cracher tout son fiel à la figure de ceux qu'il détestait, probablement pas se voir ravaler au rang de littérature enfantine. Enfin bon, bref, c'est comme ça, nul n'y peut rien et pour nous autres, il en va de même : les résultats de nos actes ne cadrent pas toujours — voire pas souvent — avec nos intentions.



D'ailleurs, des quatre voyages de Gulliver, bien souvent, la tradition et l'esprit populaire n'en ont retenu qu'un seul, le premier, celui de Lilliput. (Or, il y en a trois autres, notamment le dernier, chez les Houyhnhnms, qui vaut son pesant de crottin de cheval.)



La tradition et l'esprit populaire ont retenu le cocasse de la chose : Gulliver arrive en un lieu où tout est rigoureusement identique au monde qu'il connaît, MAIS, en miniature. Il est fort possible que l'idée vint à l'auteur à l'examen de ce qui prenait grand essor dans les milieux favorisés au moment où il vécut : la maison de poupée.



D'ailleurs, au chapitre des influences de Swift pour ce qui demeure son oeuvre phare, on peut noter deux ouvrages que j'ai présentés récemment : Les Voyages de Sindbad le marin et Robinson Crusoé.



En effet, la traduction d'Antoine Galland des Mille et une nuits au tout début XVIIIe avait eu tellement de retentissement que ce dernier s'était senti obligé de rallonger la sauce et y incluant des histoires qui n'avaient rien à voir, dont le fameux Sindbad le marin. À partir de cette version française, il ne tarda pas à y avoir des versions traduites dans toute l'Europe, qui y eurent le même succès. La traduction anglaise parut en 1711 et il est indéniable qu'à la lecture de Gulliver, le parallèle est frappant avec plusieurs des voyages de Sindbad et le fantastique qui y est associé.



N'oublions pas non plus que le sujet d'un marin anglais seul naufragé sur une île bien lointaine, était une histoire qui avait connu un autre succès fulgurant en Angleterre avec la publication en 1719 de Robinson Crusoé. Juste pour information, Jonathan Swift commence la rédaction de Gulliver en 1721, est-il nécessaire d'insister sur le lien d'influence ?



Qu'en est-il des quatre voyages de Gulliver et, surtout, que semble avoir voulu dire Swift dans son livre ? À Lilliput, on s'aperçoit qu'outre le cocasse de la miniaturisation, les moeurs de la cour et du pouvoir deviennent immédiatement ridicules, dès lors qu'on prend un peu de hauteur, et qu'on s'aperçoit qu'ils sont ridiculement petits, mesquins ou risibles. C'est bien évidemment un brûlot contre le pouvoir politique anglais de l'époque. (Notamment sa politique étrangère contre la France, que l'auteur n'estime pas beaucoup plus.)



Le seconde voyage, à Brobdingnag (concaténation de broad et de grand) renverse les rapports de taille et Gulliver y est maintenant de la taille d'un lilliputien comparé aux naturels de ce pays. C'est un peu lourdingue comme procédé et ici, la cible de Swift semble l'extraordinaire suffisance de l'humain, l'impression qu'il est réellement quelque chose d'important dans la nature alors que l'auteur cherche à montrer qu'il est en réalité insignifiant.



Le troisième voyage, le pire de tous en ce qui me concerne quant à l'intérêt qu'il suscita en moi, composé de cinq étapes à Laputa, à Balnibarbi, à Glubbdubdrib, à Luggnagg et au Japon, est censé dénoncer la politique anglaise vis-à-vis de l'Irlande, de laquelle Swift était originaire.



Enfin, le quatrième voyage, chez les Houyhnhnms, inverse les rôles entre les hommes et les chevaux : là-bas, ce sont les Houyhnhnms, qui sont sages et qui ont le pouvoir et les hommes, qui sont des bêtes au service des chevaux. Notons au passage que le nom des hommes trouvé par Swift a eu quelque influence à l'époque d'internet car il les nomme les Yahoo.



Selon moi, ce quatrième et dernier voyage est le plus intéressant, car il questionne la place de l'homme vis-à-vis d'autres espèces. Pour le reste, hormis l'omniprésente aigreur à peine cachée sous l'ironie, le message de Swift semble être : « Tous des fats, tous des cons ! »... sauf lui bien entendu. Ces ignares d'Anglais n'ont pas su percevoir la valeur et l'intérêt de sa propre contribution à la vie politique.



D'ailleurs, ce quatrième voyage peut également être rapproché d'un ouvrage comme l'Utopie de Thomas More, car c'est presque, avec les Houyhnhnms, une vision de la société idéale selon Swift que l'on lit. Or, cette société idéale n'est pas très éloignée de celle du néolithique : tout progrès fut selon lui une sorte de perte.



Je dois confesser que j'ai vraiment, vraiment peiné à la lecture, dès le premier voyage, mais c'est devenu un vrai calvaire lors du troisième. À ce moment-là, je pensais que je n'y aurais attribué qu'une étoile, tant ce concentré de misanthropie me paraissait pénible et geignard, « tous des pourris, tous des salauds, tous des nazes, tous des minables ». Grâce à l'apport du dernier voyage, j'accepte de relever péniblement mon impression de lecture jusqu'à deux étoiles mais n'irai certainement pas au-delà.



Il en va de même des pseudo trouvailles linguistiques de Swift, indéchiffrables sans le vade-mecum à la fin, et qui, en leur qualité de " private joke ", dans l'ensemble, rendent la lecture plutôt laborieuse. Alors, c'est vrai, j'admets que bon nombre des choses qu'il dénonce, je les partage également, mais ça ne suffit pas à faire un livre marquant, plaisant, stimulant à mes yeux. Cependant, de ceci comme de tout le reste, ce sera toujours à vous d'en décider car ne voici qu'un lilliputien d'avis, c'est-à-dire, au pays des Brobdingnag comme en tout autre, vraiment pas grand-chose.
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Voyages de Gulliver

Edité en 1965 dans la collection super 1000, avec une adaptation de Claude Radeval, ce vieux texte, publié en 1721 par Swift, devenait plus accessible aux jeunes. Je l'ai donc lu vers 12 ans et j'en garde un bon souvenir; bien sûr au XXIème siècle, nous avons des ouvrages de science-fiction plus élaborés et plus spectaculaires, mais je crois qu'il garde encore de l'intérêt aujourd'hui.



Je viens d’ailleurs reprendre cette lecture et j’y trouve toute la richesse philosophique de l’auteur qui passe au-dessus de l’adolescent que j’étais en quête de science-fiction et d’aventure.



Le parallèle avec Micromégas et d’autres oeuvres voltairiennes est inévitable. Les contemporains de l’auteur ne sont pas plus épargnés que ceux de Voltaire mais, ici, le style britannique apporte des nuances goûteuses différentes de la prose de Voltaire.



L’histoire de Gulliver est teintée des nuances apportées tant par les perceptions du héros lui-même que par celles des habitants de Lilliput. Et celles-ci vont se confronter au point que le héros finit par perdre en quelque sorte son identité et qu’il se réfugie dans la misanthropie.

La relation de Gulliver avec les lilliputiens le met face à ses convictions, l’amène à une réflexion sur ses semblables qui reste d’actualité quatre siècles plus tard.



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Le conte du tonneau

"Rien n'est constant dans ce monde que l'inconstance."

(J. Swift)



Ecole de la satire pétillante ! Si Raphaël voulait refaire son "Parnasse" en version "18ème siècle", il aurait probablement représenté Swift comme un gnome farouche armé d'un fouet, qui frappe avec une cadence cruelle sur tout et tout le monde autour de lui. Mais ces coups de fouet ne sont pas mesquins - pas tout à fait - ils sont avant tout bougrement drôles.

Le bien nommé Swift se moque d'abord de tous les cultes chrétiens; disons, surtout des catholiques et des calvinistes, en épargnant avec une certaine pudeur les anglicans et les luthériens, qui ne prennent qu'un coup sporadique par-ci, par-là. Il n'épargne pas non plus le "savoir moderne", les sciences (y compris l'ésotérisme et l'occultisme), la Royal Society et certains de ses "savants" avec leur art de discourir pompeusement sur rien. Mais aussi la littérature, la censure, les passions humaines et la société tout court.



Tout ce que Swift a écrit sont des textes satiriques de haut vol, mais "Le conte du tonneau" est d'un envol presque vertigineux. Pour utiliser une charmante expression tchèque, Jonathan Swift possède une capacité de "transformer le pet en boulette", et dans le cas de ce pamphlet, il nous a roulé une sacrée boule ! S'il était un bousier (je sais bien qu'il ne l'était pas, mais essayez au moins d'imaginer qu'il l'était !), il aurait du mal à la pousser devant lui, tellement cette boule serait fabuleusement géante !



Et de quoi nous parle donc cet appréciable fascicule ?

C'est déjà un peu plus difficile...

En tout cas, si vous déduisez du titre qu'il s'agit d'un discours sur un tonneau, vous vous trompez royalement; ce n'est absolument pas le cas. du tout. Cela prouve d'emblée l'imperturbable et hautaine impertinence de Swift. On va croiser ce tonneau uniquement dans une brève remarque qui dit que c'est un bon moyen pour détourner l'attention d'une baleine, si les marins ne veulent pas être attaqués par ce géant des mers. Evidemment c'est encore une allégorie roublarde, comme presque chaque phrase de ce livret. de plus, avant de lire "Le conte", j'avais toujours imaginé que ça doit parler de la vente des carpes de Noël en Bohême, ces carpes vivantes qu'on va choisir dans un tonneau au marché, quelques jours avant les fêtes. Je pourrais longuement discourir sur ces carpes, mais revenons au sujet...



Tout le premier tiers de l'ouvrage consiste en toutes sortes de différentes préfaces, introductions et dédicaces, ce qui est déjà un signe manifeste que vous tenez entre vos mains de la grande littérature. Ha ! Si vous n'aimez pas toutes sortes de préfaces, introductions et dédicaces, vous n'aimerez probablement pas le reste non plus, mais je serais étonnée que des gens aussi moralement diminués puissent exister dans ce bas monde. Ne pas aimer les préfaces, introductions et dédicaces ! Imaginez donc !

Dans les deux tiers restants, Swift développe majoritairement une allégorie sur trois frères et leurs trois manteaux respectifs légués par leur père mourant : un article vestimentaire qu'ils vont s'empresser de transformer, chacun à sa façon. Et pendant que les frères transforment, Swift se lance avec bonheur dans l'art de la digression, et nous bombarde de thèmes divers qui n'ont absolument rien à voir avec le travail acharné de nos trois stylistes.



Mais un peu de sérieux. Dans un pamphlet sur les excès religieux, les trois frères ne sont pas difficiles à identifier : Pierre (catholique), Jean (calviniste) et Martin (luthérien), et ce manteau qui va se transformer dans les mains de chacun n'a pas besoin d'explication non plus. En ce qui concerne les nombreux détours, appelés clairement "digressions" (y compris l'excellente "Digression à l'éloge de la digression"), Swift, un partisan des "Anciens", dissèque (parfois littéralement, dans la partie sur la médecine) l'esprit de son époque et les changements qu'elle est en train de subir. Il tourne en dérision les contradictions entre "être" et "paraître", le culot des uns et la crédulité des autres, en nous servant un plat hautement digeste et bien épicé.

Le titre anglais "A Tale of a Tub" fait référence à la pièce de Ben Jonson, et il désigne aussi ce qu'on appelait à l'époque les Cock-and-Bull Stories, autrement dit des histoires sans queue ni tête, qui sautent du coq à l'âne. Alors même le titre s'intègre parfaitement à cette parodie, qui se moque de digressions savantes par des digressions encore plus savantes.



5/5 très subjectifs, car je ne sais pas si j'oserais recommander cette lecture peu recommandable; cela dépend si vous êtes sensible au beau langage tordu du 18ème, et à ce côté "grand canular". "Le conte du tonneau, contenant tout ce que les arts et les sciences ont de plus sublime & de plus mystérieux ; avec plusieurs autres pièces très curieuses" (titre complet) était extrêmement populaire à sa sortie (1704) chez les "Anglois", qui ont sans doute apprécié l'humour bien "british" de ce sarcastique Irlandais en perruque.
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Voyages de Gulliver

"Les voyages de Gulliver" font partie de ces œuvres universellement connues à l’instar de "Roméo et Juliette", de "Don Quichotte", Des "Mille et Une Nuits", qui ont subi l’effet négatif de leur renommée ; tout le monde les connait mais rares sont ceux qui les ont lues.



Qui ne connait les adaptations multiples de cette œuvre ? et surtout celles de la première partie. Or le roman contient quatre parties et il est loin d’être un roman de jeunesse (ou pour enfants) et les quelques anecdotes loufoques et désopilantes ressemblent à celles qu’on retrouve chez Rabelais et que La Bruyère a vivement critiquées dans son fameux aphorisme.



Si "Don Quichotte" est souvent considéré comme une parodie du roman de la chevalerie, je crois que "Les voyages de Gulliver" sont aussi une parodie des récits de voyages. Mais cela ne se rapporte qu’à la forme et l’on trouve certains passages où le narrateur critique les auteurs de récits de voyages qui essaient de transformer leurs œuvres en épopée glorifiante et ne cessent de mentionner qu’ils ont reçu les faveurs de tel grand souverain. Le narrateur lui se veut honnête et franc avec ses lecteurs car non seulement il décrit en détails ce qu’il a vécu, mais il ne cache jamais les mésaventures dégradantes qu’il a subies lors de ses voyages. Il essaie d’expliquer de manière scientifique les événements et faits les plus incroyables. En somme, il nous présente son livre comme un récit de voyages véridique.



Swift utilise un procédé très connu et surtout très prisé par certains auteurs français du siècle des Lumières comme Voltaire et Montesquieu ; celui de l’étranger qui visite des sociétés qui lui sont inconnues et qui est frappé de stupeur devant l’extravagance de leurs mœurs ("Candide", "Micromégas", "Lettres persanes"…). Dans "Les Voyages de Gulliver", la surprise et la curiosité sont réciproques. De plus, Swift est plus direct dans la critique de son époque et de ses contemporains ; ce sont plus les choses que son héros raconte qui sont un sujet de dégoût et d’étonnement. Lui-même il est un objet de surprise : géant, nain minuscule, bête bien pensante.



L’une des caractéristiques essentielles de ce roman est son imaginaire extravagant. Et l’on peut constater l’admiration des lecteurs de cette époque devant cette œuvre ingénieuse. Hélas ! cela peut paraître dépassé pour un lecteur du XXIe siècle habitué aux films de Spielberg, ou de G. Lucas, mais aussi aux films d’animation de Miyazaki. Mais parfois, il faut s’évader du siècle où l’on vit pour pouvoir apprécier certaines œuvres immortelles comme le font certains auteurs contemporains pour écrire des romans dont l’action se situe dans des siècles révolus ("Mon nom est Rouge", "Le Nom de la rose", "Le Parfum"…). On doit vivre dans ces époques en lisant ces romans ; une vie dans la lecture.



Dans ce roman la tension monte en crescendo, et l’intensité des critiques et de la satire devient de plus en plus acerbe jusqu’à l’explosion finale. Cette évolution du roman est accompagnée par l’évolution du caractère du narrateur-héros. Gulliver devient misanthrope. Ce personnage qui est un peu bizarre car en même temps il s’efface devant les événements qu’il raconte et se veut neutre mais qui est au cœur de ces événements, et un centre d’intérêt pour ceux qui le rencontrent, mais aussi pour nous lecteurs. C’est un aventurier qui vit sous la tentation du mouvement (comme Ibn Battûta) et ne battra cette envie qu’après avoir goûté aux plaisirs d’une vie simple et pieuse dans la dernière partie (comme Ibn Battûta qui, en voyage, envia la vie simple et rustique d’un vieux pêcheur, et rêva de s’installer définitivement et de finir ses jours comme ce vieillard).



Les idées et la critique qu’on trouve dans ce roman ne pouvaient être exprimé ni nous atteindre après tant de siècles que grâce à la forme du roman. Exprimées dans un essai ou un pamphlet, elles auraient tombées dans l’oubli et devenues une simple œuvre de circonstance. Doit-on connaitre les événements qui se passaient à l’époque de Swift pour apprécier ce roman et pouvoir le comprendre ? Pas du tout (il existe en tout cas un texte très pertinent du grand écrivain Walter Scott qui met en parallèle les événements et personnages avec les faits historiques et les contemporains de Swift). Ce roman comme tous les grands chefs-d’œuvre du genre ne se résume pas à une époque spécifique ou une région. Il s’inscrit dans l’universel. Les caractères décrits existent toujours dans tous les domaines (politiciens, médecins, avocats …), les problèmes et faits sociaux présentés sont d’actualité. Et la bêtise humaine ne date pas d’aujourd’hui.

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Voyages de Gulliver

Mais quelle misanthropie ! L’espèce humaine est le principal objet de la satire de Swift, qui la relègue derrière la race animale.

Les voyages sont à la mode à cette époque et il est vrai que Swift ne lésine pas sur l’exotisme (pour doper les ventes ?).

Un peu comme dans Candide, le voyage sert à formuler des critiques contre la société, l’État et la justice. C’est donc aussi un conte philosophique.

Swift était pasteur et sa diatribe se fait volontiers religieuse. Les valeurs prônées (notamment l’humilité) par les Houyhnhnms sont proches de celles de la religion chrétienne.

Lisez-le au plus vite !
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Voyages de Gulliver

Les Voyages de Gulliver, lus durant ma prime adolescence, ont laissé une marque profonde à la fois sur mon imaginaire et mes convictions. Ce récit de voyages imaginaire du XVIIIème siècle, comme dans le Candide de Voltaire ou les Lettres Persanes de Montesquieu, est avant tout un conte philosophique, et une satire sociale et politique de son temps.



Mais Dieu que la langue est belle et que le ton -so british- est libre ! Y compris dans les dimensions fantastiques, mêlées à la science fiction, le lecteur se trouve embarqué beaucoup plus loin, je trouve, que chez les pamphlétaires français. Merci à l'habeas corpus et au Bill of rights !



Le voyage à lilliput n'a rien à voir avec Arthur et les minimoys -quelle hérésie que de réduire ce livre à un conte pour enfants ! -, et la petitesse des habitants n'est que prétexte à réflexion sur la vanité des soi-disants puissants, près à vous arracher les yeux pour une question de sens des oeufs à la coque. Le contraste avec le monde des géants assoit encore un peu plus, toujours avec humour, la relativité des choses.



L'évocation de l'île de Laputa devrait, encore aujourd'hui, faire réfléchir les les soi-disants savants, enfermés dans leur tour d'ivoire et ignorant le monde réel qui les entoure. Suivent ensuite autant des réflexions réellement philosophiques -et pourtant pleines de légéreté, grâce à l'humour et l'inventivité de Swift- sur le sens de l'Histoire et sur la quête humaine de l'immortalité.



Enfin, le dernier voyage n'a rien à envier à La Planète des singes de Pierre Boulle. Le rapport des humains aux soi-disants espèces animales inférieures qu'il pense dominer y est questionné à son tour.



En définitive, peut-être le classement parmi les Contes de fées sied-il parfaitement à ce livre : au-delà de l'imaginaire et du langage à la fois simple et raffiné du XVIIIème, le portrait de la société, et de l'humanité en général, y est cruel et sévère. Et peut-être le fait pour les adultes de l'avoir relégué -pour protéger leurs certitudes- au rang de conte pour enfants permet-il à ces derniers -qui le lisent- d'acquérir dès le plus jeune âge un esprit critique et lucide face aux préjugés, et une capacité à imaginer que... toute chose varie avec le temps et l'espace.



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Voyages de Gulliver

Rien d'étonnant à ce que l'on connaisse surtout les deux premiers voyages de Gulliver, qui exaltent les vertus de leur héros bien humain : à Lilliput, « l'homme-montagne » impose rapidement sa force et sa sagacité (tandis que le petit peuple qui l'accueille guerroie pour prouver la supériorité de l’oeuf dur écalé par le petit bout plutôt que le gros) ; à Brobdingnag, le minuscule Gulliver est choyé par des géants débonnaires et même si son séjour se termine sur une humiliation sans équivoque, du moins le lecteur peut-il penser que seuls les Anglais, et non les hommes en général, sont concernés par les insultes assassines lancées par le Roi. de fait, l'Irlandais qu'est Swift tape à coups redoublés sur la puissance coloniale qui opprime son pays. Il imagine d'ailleurs l'île de Laputa capable de se maintenir dans les airs au grand dam du territoire qu'elle survole et menace. Jusque là, l'auteur apparaît donc comme un homme des Lumières, humaniste persifflant l'intégrisme religieux et la violence étatique, prônant la justice et la tempérance à grand renfort d'humour pipi-caca. D'ailleurs le nom de son héros résume le programme du conte philosophique cher à Voltaire: « gull », verlan de « lüg », mentir (en allemand), « y » pour et (en espagnol), « ver » pour « vera », choses vraies (en latin); soit mensonge et vérité, la fiction au service de la réflexion.

Le voyage à Balnibardi étonne un peu : l'auteur s'en prend aux savants et aux intellectuels qui manqueraient de bon sens. Mais c'est surtout le pays des Houyhnhnms qui fait sortir les « Voyages » de l'optimisme de combat des Lumières pour le pessimisme radical d'un Pascal: l'être humain y est dépeint comme une brute dégénérée, aussi laide que méchante. Quant aux Houyhnhnms, magnifiques et rationnels chevaux, ils sont d'autant plus aptes à la sagesse qu'ils sont dénués de toute affectivité. Chassé de ce qu'il considère comme un paradis, Gulliver rentre chez lui en haïssant le genre humain, incapable même de supporter la vue de sa femme et de ses enfants.

L'individu qui, fils de Gargantua et de Pantagruel, débarqua à Lilliput, renonce finalement et aux voyages et à l'espoir. L'homme, misérable engeance, est incapable de se reformer et doit son sort moins à des préjugés qu'il conviendrait de combattre qu'aux vices qui lui sont inhérents. Telle est la triste morale que l'épilogue semble transmettre.

Mais avec Swift, sait-on jamais ? Un auteur capable d'exhorter les Anglais à manger les enfants irlandais pour éradiquer la famine ne devrait jamais être lu au premier degré. Et son Gulliver aigri et misanthrope n'est-il pas la meilleure façon de nous pousser à aimer nos semblables ?
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Voyages de Gulliver

Les Voyages de Gulliver (en anglais Gulliver’s Travels) est un roman satirique écrit par Jonathan Swift en 1721. Écrit à la première personne (Gulliver et Swift ne font qu’un), divisé en quatre parties (à savoir, autant de parties que de voyages entrepris par Gulliver) et constitué de récits détaillés, ce roman, écrit après le krach de 1720, pourrait avoir été l'occasion pour Swift de moquer les travers de la société anglaise à laquelle il appartenait. La bande dessinée illustrée par Giu-Pin et adaptée par Saulla Dello Strologo se veut être un résumé fidèle et court de ce roman. Transporté à Lilliput, le lecteur découvre une société bien plus avancée que l'Angleterre de l'époque, révélation atténuée par le fait que cette supériorité n’empêche pas les peuples de Lilliput de céder à leurs instincts primitifs et de passer leur temps à se faire la guerre. Ensuite, dans le voyage à Brobdingnag, ce sont les travers des institutions anglaises que découvre le lecteur. Puis, à l’occasion du voyage à Laputa, ce sont les abus de la philosophie ou de la science qui sont dénoncés, en ce sens qu’ils conduisent les hommes à perdre tout sens commun et à courir à leur ruine. Enfin, dans le voyage à Houyhnhnms, c’est la question de la différence entre l’être humain et l’animal (en l’occurrence, le cheval) qui est posée par Gulliver avec, en corollaire, l’éventualité de devoir ressentir de la honte d’être un être humain.



Au fil des quatre récits, le lecteur va de surprise en surprise : on lui suggère sur le ton de la plaisanterie que les problèmes irlandais de famine et de surpeuplement pourraient être facilement résolus en faisant en sorte que les bébés de sujets irlandais pauvres soient vendus comme des friandises à des citoyens plus fortunés, on l’assène de propos caustiques et d’attaques constantes à l’encontre des défauts des sociétés britannique et européenne, on le porte à la rêverie avec la description de pays imaginaires, on mêle l’acidité, l’absurdité et la folie (qui pourrait être la conséquence d’un incident ayant affecté les capacités mentales de Swift), on dénonce les travers de l’époque (par exemple, le colonialisme) dans un style vif et précis constellé de perceptions naïves et crédules.



Le lecteur pourra très vite être gêné par l’absence d’émotion, par l’avalanche de faits, mais aussi par le côté obsessionnel voire insupportable des différents faits de navigation de Gulliver. La richesse des récits pourra être interprétée comme du verbiage, sans intérêt manifeste. Les idéaux de Gulliver paraîtront bien tièdes : des gens bons et raisonnables, dotés d’une forte personnalité, cohabitant au sein d’une société non aliénante et respectueuse de leurs droits ! Ayant poursuivi votre lecture à son terme, vous en sortirez peut-être avec l’impression d’avoir lu les voyages d’un anti-héros, simplet, méconnaissant le sens même de sa mission, ouvert sur le monde mais dans l’incapacité d'en modifier le cours. Cette crédulité et cette « errance », alliées à une sur-activité et à un manque évident de bon sens et d'ingéniosité, amoindrissent la force que met Swift à dénoncer les abus de son époque ! Quant à l’excès de simplicité avec lequel Swift décrit les traits de ses principaux personnages, le lecteur indulgent pourra le pardonner. La société anglaise est le terrain de jeu de ce roman satirique. Pour autant, l'Angleterre ne paraît pas être la patrie de Gulliver : il n’en parle jamais, que ce soit avec tendresse, nostalgie ou patriotisme, et chaque fois qu’il rentre au pays c’est pour le quitter au plus vite pour aller naviguer sur les mers ! Ces voyages sont une fenêtre sur la nature humaine mais Gulliver est un être solitaire, un misanthrope aigri, un asocial (il ne parle jamais de sa famille ou de ses amis anglais), dénué d’émotions, de passions, de rêves ou d’aspirations, impuissant devant les travers de la société et de la nature humaine qu’il décrie : ce vide est consternant. Faut-il y voir le produit d’une volonté délibérée de l’auteur (nous signifiant ainsi son dégoût de la condition humaine, l’homme n’étant au final –malgré la diversité des langues et des cultures-, ni complètement spirituel, ni mentalement transcendant) ou la marque de la folie ordinaire de Swift ?
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Modeste proposition pour empêcher les enfants..

Il s'agit d'un court texte (une dizaine de pages) de Jonathan Swift qui explique comment faire pour que les bébés soient plus rentables. La méthode préconisée, peut-être ironiquement, par Swift est la consommation de la viande de bébés en trop grand nombre par souci de rentabilité donc. Swift est irlandais et s'occupe par conséquent de problèmes irlandais, à savoir les famines en général. On peut voir dans cette œuvre une vision cannibale de l'humanité : les riches mangent les pauvres. Selon certains, il s'agit d'une satire virulente pour attirer l'attention sur les problèmes sociaux. Les principaux visés sont les propriétaires terriens (cf. les koulaks) capitalistes mangeurs de bébés.

J’ai moins aimé que les « Voyages de Gulliver ».
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Voyages de Gulliver

Les Voyages de Gulliver font bien sûr tout de suite penser à ce géant attaché sur le sable d'une plage par des centaines de Lilliputiens s'agitant autour de lui. Dans les livres, on le voit ensuite traverser la ville en l'enjambant, porter de minuscules hommes au creux de la main, se nourrir de boeufs entiers, un peu à la manière de Gargantua.

Dans ce livre, deux récits suivent le Voyage à Lilliput, et les lire tous les trois aboutit à une vraie morale profondément cynique.

Dans son Voyage à Brobdingnac, Gulliver, cette fois-ci, se retrouve confronté à un monde de géants. Impossible maintenant d'en imposer, de faire le fier; Gulliver doit au contraire apprendre l'humilité et accepter d'être en position d'infériorité. Mais surtout, difficile, quand on est minuscule et qu'on doit sans cesse crier pour se faire entendre, que ses gestes de colère ne sont que de mignonnes mimiques au regard de ces géants, de défendre son pays, sa nation contre les critiques indignées du roi de Brobdingnac, bien plus sage, noble et incorruptible que les souverains d'Europe.

Il faudra un troisième voyage à Gulliver pour se ranger définitivement du côté des autres et contre les aberrations de son peuple, ses mensonges, veuleries, cupidités et plus que tout sa violence et ses guerres.

Lors de ce troisième voyage, il rencontre les Houyhnhnms, peuple de chevaux civilisés qui élèvent des Yahous, équivalents sauvages des humains.

Tout, dans la nature de ces Houyhnhnms, est vertueux et révèle comme une loupe de quoi est faite la nature humaine, au point où Gulliver ne voudra plus rentrer chez lui et subir à nouveau cette civilisation qu'il a appris à mieux connaître lors de ses voyages.



Là où, dans les deux premiers récits, la critique est ironique et la narration prend le ton d'un faux documentaire, avec toute la fausse naïveté que ça engage, dans le dernier récit la critique est nettement plus virulente et plus du tout déguisée. Les humains, et en particulier les Européens, deviennent définitivement des Yahous, des bêtes, dont il utilisera d'ailleurs la peau et la graisse pour son voyage de retour comme on le ferait d'un animal. On se croirait d'ailleurs dans la Planète des Singes.



Les Voyages de Gulliver reflètent bien une époque, celle des grandes explorations et premières colonisations, et préfigure la plume ironique de Voltaire. Jonathan Swift propose bien un autre modèle de civilisation où les Houyhnhnms ne font pas de distinction entre l'éducation du mâle et de la femelle, partagent leurs terres et récoltes équitablement, cultivent la force, le courage, organisent des exercices de force et d'agilité et récompensent le meilleur et... tiens, finissent un jour par organiser une réunion pour décider si oui ou non ils doivent exterminer les Yahous qui peuplent leurs terres...

La voie vers une civilisation idéale est sans issue!
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Le conte du tonneau

Publié pour la première fois en 1704, le texte connaît sa version définitive en 1710. Swift a une trentaine d’années lorsqu’il compose l’ouvrage, on peut donc le considérer comme une œuvre de jeunesse, et il est bien évidemment bien moins connu que Les voyages de Gulliver. Le livre paraît d’abord sous couvert d’anonymat, et il va déclencher des réactions très violentes, l’auteur a même été taxé de blasphème par certains. Il a contribué à empêcher Swift d’obtenir les fonctions épiscopales auxquelles il aspirait. Il est très composite et complexe à interpréter, mais par moments terriblement drôle, ce qui a mon avis lui permet de susciter un l’intérêt encore de nos jours.



Le texte se place dans le vaste débat que l’on a appelé la querelles des Modernes et des Anciens, Swift prenant place dans les rangs des défenseurs des Anciens. Mais il le fait d’une manière dont le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle est iconoclaste, et en y joignant une discussion de nature religieuse. Le conte du tonneau désigne en anglais un récit sans queue ni tête, et c’est un peu ce genre de construction que l’auteur propose à ses lecteurs.



Le texte commence par une « Épître dédicatoire à son Altesse Royale le Prince Postérité » puis une Préface, qui de manière évidente font partie du texte en tant que tel. Puis viennent onze sections, qui composent l’oeuvre, 6 font référence au Conte du titre, et les 5 autres sont des digressions assumées en tant que telles, au point où l’une est un éloge des digressions.



Le conte à proprement parlé suit trois frères, Peter, Martin et Jack, représentant respectivement le catholicisme, l’anglicanisme (Martin Luther), auquel appartenait Swift en tant qu’ecclésiastique, et le protestantisme dissident, puritanisme (Jean Calvin). Leur père leur lègue à sa mort des habits identiques, avec interdiction d’y changer quoi que soit. Mais chacun des trois frères va interpréter différemment l’héritage paternel : Peter va le surcharger d’ornements, Jack le met en pièces, Martin le dépouille de toute décoration superflue. Swift fustige et moque tour à tour la catholicisme, ses dogmes, ses papes, ses richesses, et les puritains, qu’il accuse de dogmatisme et d’extrémisme. Il parcours l’histoire de la religion chrétienne d’une manière non conventionnelle et ironique.



Cette partie du texte est encadrée par les digressions, qui évoquent la fameuse querelle des Anciens et Modernes. Swift fustige tour à tour les critiques littéraires, les éditeurs, les plumitifs en quête du succès à tout prix, la science et les savants, bref toutes les manifestations du savoir, ou de la prétention à ce savoir, de son époque. Et les revendiqués Modernes, qui pensent en savoir bien plus que les Anciens, qu’ils pillent, ou qu’ils réinventent sans même sans rendre compte, en partie par ignorance, en partie par mauvaise foi. Ces préoccupations apparaissent par moments dans la partie consacrée aux trois frères, les deux proses ne sont pas imperméables l’une à l’autre. Les célébrités de son temps en prennent pour leur grade, en particulier Temple, un ardent défenseur des Modernes qu’il démonte impitoyablement, et parmi les auteurs un peu plus connu, Hobbes. Le titre (Le conte du tonneau) pourrait être inspiré par le Léviathan de cet auteur. En effet, est citée une anecdote, dans laquelle les marins menacés par une baleine, auraient l’habitude de lui lancer un tonneau pour distraire l’animal et lui faire oublier le bateau. Le livre de Swift serait donc ce leurre, censé distraire, faire perdre son temps aux monstres modernes.



Là où les choses se compliquent, lorsqu’on veut des interprétations au texte de Swift, c’est qu’il est difficile de distinguer ce qui relève de l’ironie, de la moquerie, de la dénonciation comme on dirait aujourd’hui de ses opinions véritables. Où s’arrête la parodie et où commence la profession de foi ? Difficile de le dire. D’où les multiples et contradictoires lectures faites de l’oeuvre.



Le livre n’est pas forcément simple à lire, du fait de ses multiples références, à la religion, aux personnages célèbres dont la majorité est bien oubliée aujourd’hui, aux événements historiques, au contexte de la controverse des Anciens et des Modernes etc. Mais Swift est très drôle, très caustique, et cet humour reste efficace dans une bonne partie du texte, même pour le lecteur actuel.
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Voyages de Gulliver

le bon docteur Lemuel Gulliver nous conte son naufrage et son arrivée sur une ile drôlement peuplée.



Un voyage fantastique et une sacrée rencontre avec un petit peuple haut comme trois pommes.

Devenu géant monstrueux Gulliver devient une bête de foire, il ne retrouvera son humanité qu’en réglant le conflit qui empoisonne l’ile de Lilliput et l’ile de Blefuscu.

Au cours d’un déjeuner les deux rois n’ont pas ouvert leur œufs à la coque par le même bout, chacun voyant dans le geste de l’autre, mépris et provocation.

Entre les Groboutien et les Petiboutien la guerre fut déclarée. C’est un monstre, qui plus est un étranger qui

apaisera ces petits hommes. Tout le monde connait ce premier voyage de Gulliver, un beau et doux souvenir d’enfance, mais le plus souvent c’est

oublier que le roman de Jonathan Swift est, certes, une drôle de fantaisie mais aussi et surtout un conte philosophique et politique.

Une nouvelle lecture plusieurs années après l'avoir découvert nous fait joliment ressortir

le message humaniste et pacifiste de ce cher Jonathan.

De la littérature d'aventure délicieusement et malicieusement joyeuse et enlevée !
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Voyages de Gulliver

Paru en 1726, lorsque son auteur a près de 60 ans, ce livre est en quelque sorte la somme de Swift, qui a derrière lui une longue carrière, à la fois d’auteur, surtout pamphlétaire et polémiste, mais aussi politique, mettant sa plume au service de whigs puis de tories.



Les inspirations et sources des Voyages sont nombreuses et reflètent la culture et les goûts de Swift et celles d’une époque : les Mille et une nuits, Lucien de Samosate, Rabelais, Cyrano de Bergerac…. On pourrait les égrener longtemps, et chacun au détour d’un passage pourra trouver des références et des réminiscences. Mais de tous ces matériaux composites, Swift fait une œuvre originale, d’une grande inventivité et où une ironie féroce est presque toujours présente.



Le livre se compose de quatre parties, chaque partie correspond à un voyage de Gulliver, selon toujours le même schéma. Gulliver se laisse entraîner à faire un voyage, plein de dangers et de péripéties, dont il revient jusque dans son foyer familial, mais une nouvelle occasion de partir se présente, à laquelle le personnage ne résiste pas, un peu comme Sindbad.



Le premier voyage fait arriver Gulliver à l’île de Liliput, dont les habitants sont de toute petite taille, et où notre héros fait figure de géant. Capturé pendant son sommeil, il arrive à gagner une certaine liberté, en se rendant utile, en particulier dans la guerre que les Lilliputiens mènent contre l’île rivale de Blefuscu. Son séjour à la cour de Lilluput permet à Swift une satire impitoyable des intrigues de cour, des appétits individuels qui s’en donnent à coeur joie contre les intérêts du pays, des mesquineries et ambitions. De même il met en évidence la déraison des guerres meurtrières et absurdes, comme celle qui a cours entre la France et l’Angleterre à son époque, parodiées en Blefuscu et Lilliput.



Le deuxième voyage de Gulliver le mènera à Brobdingnag, le pays des géants, il deviendra à son tour moins qu’un nain. Tentant de mettre en valeur son pays d’origine, ses institutions, il ne ferra que démontrer leur corruption et l’absurdité, mises à nue par les géants, dont les jugements sains et de bon sens, démontent toutes les failles de la société anglaise, opposée à la société paisible et juste des géants, qui malgré leur force n’ont rien de belliqueux, et ne sont pas désireux de dominer et d’écraser les autres.



Le troisième voyage est le plus disparate. Nous faisons d’abord connaissance avec l’île volante de Laputa, où la science et les savants dominent la société. Mais une science poussée à l’absurde, totalement coupée de la réalité, qui fait construire des maisons de travers, et appliquer au quotidien des techniques inefficaces et contre-productives. Une science qui sert aussi à une domination politique impitoyable : l’île volante peut détruire les villes installées au sol, la population est donc soumise à la toute puissance et aux exigences de Laputa. Swift parodie un certain nombre de savants d’une manière mordante. Il rencontre ensuite dans l’île de Struldbruggs des immortels, mais découvre que s’ils ne meurent pas, ils vieillissent, et que ce qu’il prenait comme le plus grand de bienfait, se révèle la pire situation possible. Il réussit enfin à rentre chez lui en passant par le Japon.



Son dernier voyage l’amène en fin de compte chez les Houyhnhnms, des chevaux intelligents, qui mènent une vie sage. Ce sont les hommes, les Yahoos,créatures stupides, agressives, qui cumulent tous les défauts possibles, qui sont les animaux dans ce monde. Gulliver tente bien de persuader les Houyhnhnms des différences qui existent entre les hommes de son monde et les Yahoos, mais plus il décrit les réalités de l’Angleterre de son époque, et plus les Houyhnhnms trouvent des similitudes entre les deux populations. Les Yahoos sont une sorte de vision déformée de l’homme, dans laquelle tous les défauts du genre humain sont grossis. Un être humain d’après la chute, et qui visiblement ne peut être racheté, au point que Gulliver, mis à la porte de ce qu’il considère comme une sorte de paradis (pays des Houyhnhnms) revient en détestant les hommes, ne pouvant les supporter, y compris les membres de sa propre famille.



C’est donc une vision très sombre de l’homme que donne ce livre. On peut d’ailleurs s’étonner de son statut de livre destiné aux jeunes lecteurs, compte tenu de sa complexité et de sa noirceur. Cela est sans doute du à la riche imagination de Swift, aux images à laquelle il donne vie, celles des Lilliputiens, de l’île volante etc. Et aussi malgré tout à l’humour, qui n’est jamais absent, la misanthropie finale de son personnage principal étant aussi ridicule que les travers humains que les chevaux intelligents mettent à jour, Gulliver n’étant plus capable de voir ses congénères que de ce point de vue, ce qui montre les limites du personnage.



Un classique incontournable, à relire à l’âge adulte.
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Voyages de Gulliver

Je ne peux résister à l'envie de citer le titre complet de l'œuvre : « Voyages en plusieurs lointaines contrées du monde en quatre parties par Lemuel Gulliver d'abord chirurgien puis capitaine de plusieurs navires ».. De ces quatre voyages, le premier (Voyage à Lilliput) est le plus célèbre, grâce aux nombreuses adaptations sur grand et petit écran auquel il a eu droit. Mais Gulliver a vu des merveilles encore plus étonnantes que les Lilliputiens dans les trois autres voyages qu'il a entrepris.



Je crois qu'il y a eu une méprise de ma part avant de commencer ma lecture. Je pensais que les Voyages de Gulliver de la grande aventure, comparable aux odyssées d'Ulysse ou de Sinbad, mais il n'en est rien. Le roman de Jonathan Swift est plutôt un essai politique et philosophique, l'occasion pour l'auteur de parler des peuples et des gouvernements anglais et irlandais, en les comparant à des pays imaginaires peuplés de créatures toutes plus étranges les unes que les autres.



Malgré la préface et les annotations nombreuses, je n'ai pas de connaissances suffisantes pour apprécier pleinement le texte. J'ai l'ai donc lu comme un roman d'aventure, mais, comme ce n'en est pas vraiment un, je l'ai fatalement trouvé décevant. Peu de péripéties, trop de descriptions et de réflexions morales et philosophiques, une structure assez répétitive des différents voyages, pas de personnages forts... Mais ces défauts n'en sont pas vraiment, en regard de la nature du texte. Ils n'en sont que par rapport à mes attentes.



J'ai tout de même apprécié l'inventivité de Swift dans la descriptions des différents peuples rencontrés par Gulliver, et un passage en particulier m'a bien diverti : la visite de l'Académie de Balnibardi. Une sorte de temple du savoir improbable. On y tente de transformer de la glace en poudre à canon, de fabriquer du marbre mou ou de teindre la soie en nourrissant des araignées avec des mouches colorées, pour ne donner qu'un minuscule échantillons des bizarreries sur lesquelles travaillent les savants balnibardiens. Encore une fois, je salue l'imagination de l'auteur.



Le style a un peu vieilli, mais je m'y attendais et cela ne m'a pas dérangé. J'ai quand même trouvé le temps sacrément long par moment, surtout lors du dernier voyage, chez les Houyhnhnms, de loin celui qui contient le moins d'action.



Voyages de Gulliver n'est pas un mauvais livre. Il n'est tout simplement pas celui que je m'attendais à lire.
Lien : http://lenainloki2.canalblog..
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Voyages de Gulliver

Depuis sa publication en 1726, Gulliver's Travels a connu un très grand succès. Assez complexe, l'écriture de Gulliver's Travels déconcerte le lecteur et suscite toujours la même question : où Swift veut-il en venir ? Swift se sert du voyage imaginaire pour ridiculiser les folies et les vices humains.

Cette oeuvre, écrite à la première personne est divisée en quatre parties : le voyage à Lilliput, qui représente la cité des nains ; le voyage à Brobdingnag, qui représente la cité des géants ; le voyage à Laputa ; le voyage au pays des Houyhnhnms. Elle marque un sommet de la satire sociale et politique. Récit de voyages imaginaires, satire féroce contre la corruption et la folie des hommes, traité philosophique utilisant l'ironie et les faux-semblants, le livre de Swift est d'une très grande richesse.

L'action principale de Gulliver est toujours de raconter et il s'adresse directement à son lecteur tout au long du récit. Il se déplace, il observe, il raconte ; en fait, il agit peu. La dimension apportée par cette voix narrative permet d'assurer le lien entre le familier et l'étrange, entre le récit et la satire.

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Le voyage à Lilliput

Un grand classique... Je suis un peu déçue car la couverture indique "Texte intégral" et en fait il s'agit d'une mise en bouche, car ce Voyage à Lilliput est en fait la première partie des Voyages de Gulliver, oeuvre la plus connue de l'auteur.

Roman d'aventure qui peut être lu à toutes les époques de la vie, jeune pour pouvoir rêver de voyages, expéditions, découvertes de mondes inconnus, ou d'âge mûr pour la critique de la société, de la monarchie, des institutions, de la religion et de ses dérives.

Un livre qui invite à la découverte d'un roman plus volumineux. J'ai apprécié cette entrée en matière.
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Voyages de Gulliver

Les voyages toujours sont des miroirs reformants. En se confrontant à des êtres minuscules, puis à des géants, Gulliver ne sait plus s'il est grand ou petit. Il invente ainsi un regard neuf sur la vie ordinaire, sur l'Angleterre et sur l'humanité banale. Ce regard décentré n'est pas à l'avantage des Anglais, même s'ils semblent plus raisonnables que les savants obsédés de mathématiques et de musique de l'île volante de Laputa qui ne sont sans doute que des reflets exagérés des vices habituels. C'est surtout le peuple des Houyhnhnms, ces chevaux si supérieurs aux ignobles Yahoos à la forme humaine, qui permet à Swift de dire tout le mal qu'il pense de l'espèce humaine, toujours prompte à la chose-qui-n'est-pas, c'est-à-dire à mentir, à se jalouser et à se battre. Non seulement, ces voyages sont remplis d'inventions merveilleuses et de situations cocasses, mais en plus, ils sont un chef-d'oeuvre d'ironie, de remise en cause des codes sclérosés et de misanthropie.
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Modeste proposition pour empêcher les enfants..

Les pauvres, c'est bien connu, ont la regrettable manie de se reproduire à outrance. De cette navrante propension à croître et multiplier découle un accroissement géométrique de la misère. Jusqu'à la famine.

Les solutions ? Elles existent, et l'auteur nous les livre : puisque les pauvres meurent de faim au point de ne pouvoir nourrir leur propre progéniture, qu'ils tirent les conclusions logiques de leurs choix : qu'ils mangent leurs enfants.



Sous la plume d'un Swift à l'ironie acide, c'est la famine en Irlande et l'indifférence coloniale de l'Angleterre qui est ici attaquée.

Un libelle inoubliable.
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Voyages de Gulliver

Les « Voyages de Gulliver » sont destinés, paraît-il, à la jeunesse. Ben, de vous à moi, après cette douloureuse lecture, je peux vous affirmer que si un gosse se prend l’envie de s’y essayer, il va haïr les livres toute sa vie.

Pourtant, j’étais plus qu’enthousiaste pour cet antique ouvrage, pardon l’ouvrage du grand siècle, puisqu’il a été écrit par Jonathan Switf en 1721. Ce qui me donnait l’eau à la bouche, c’était ce fameux voyage à Laputa, puisque ce texte a été l’inspiration de mon animé préféré du Sensei Hayao Miyazaki.



Les « Voyages de Gulliver » représentent quatre parties :

→ Voyage à Liliput

→ Voyage à Brobdingnag

→ Voyage à Laputa, Balnibarbi, Glubbdubdrib, Luggnagg et au Japon

→ Voyage chez les Houyhnhnms



La recette est la même. On commence par le départ dans un navire, à cela on rajoute un fait (naufrage, mutinerie, pirates,…), puis arrive la fameuse île. À partir de là, Gulliver va découvrir ses habitants, commencer à sympathiser, apprendre leur langue, décortiquer ses us et coutumes, puis il va quitter l’île pour retourner en Angleterre et là, il lui prend l’envie de refaire un voyage. Si on a lu le premier récit, on les a tous lus. C’est redondant.

Après le fond, la forme. L’écriture de Jonathan Switf est plate. Durant tout le livre, on a un monologue sans aucun dialogue. Les pages sont noircis jusque dans les moindres recoins. J’avoue que le premier voyage m’avait un peu fasciné. Je trouvais intéressant de voir l’auteur dominer tout un peuple de lilliputien. J’ai bien aimé certaines anecdotes comme la scène du feu. Le problème, c’est qu’avec le deuxième récit, on reprend la même chose, sauf que cette fois-ci, c’est le narrateur qui se retrouve miniature. J’ai relativement apprécié cette seconde trame.

Enfin ! J’arrive à Laputa. Oh, Laputa, quel magnifique mot qui sonne harmonieusement bien aux oreilles. J’avoue que je suis un peu déçu que Laputa soit à l’origine d’un des Voyages de Gulliver. J’aurais préféré que ce soit le Sensei Hayao Miyazaki l’illustre inventeur. Et là, on se fout de moi. Seulement 23 pages pour cette île qui a donné « Le château dans le ciel » ! Ce qui représente, environ, que 5 % de l’ouvrage !

Bon, Laputa et les autres noms à déformer la mâchoire, ne sont qu’une succession d’îles flottantes dans le ciel, mais ce qui les différencie, ce sont les habitants. Chaque lopin de terre est dirigé par une classe spécifique (scientifiques, magiciens,…).

Encore plus court que Laputa, le voyage au Japon. À cette époque, le Japon commençait à se fermer à l’extérieur. Seuls les hollandais étaient encore autorisés à se balader dans une partie de l’archipel. Il faut dire que européens venaient imposer leur christianisme. Le tout est étalé sur trois pages. C’est juste un prétexte pour préparer le voyage du retour vers l’Angleterre.

Ensuite, j’ai lâché peu à peu le livre, car tout m’a semblé sans intérêt.



Un récit qui ne peut plus être apprécié qu’à son époque. D’ailleurs, je n’ai pu lire les textes que d’un regard lointain, par les yeux d’un lecteur et non d’un analyste. Autres faits qui m’ont été insupportables à la lecture, ce fut notamment les unités de mesures restées à l’échelle anglaise (pouce, miles, pied, acre). Comme l’auteur aime s’éparpiller dans les descriptions trop détaillées, j’aurais préféré que le traducteur prenne l’initiative de convertir dans nos bonnes vieilles unités, ce qui m’aurait permis au moins de comprendre et mieux apprécier la vision de l’auteur. Et puis, il y a ces très nombreuses annotations qui ne revoient pas en bas de page, mais dans un épais dossier à la fin du livre. J’étais un peu frustré de couper ma lecture pour chercher ledit mot, tout en tournant les pages.



Si l’envie vous prend de voyager avec Gulliver, je vous conseille l’une des nombreuses adaptations cinématographiques (sous différents formats : film, téléfilm). J’ai même constaté qu’un film d’animation japonais s’en était librement inspiré pour donner « Les voyages de Gulliver dans l’espace » (Garibâ no uchû ryokô) réalisé par messieurs Masao Kuroda et Sanae Yamamoto en 1968.
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Voyages de Gulliver

De l’orgueil.

Les voyages de Gulliver à Lilliput et ailleurs nous amènent à considérer la position d’un voyageur « civilisé » vis à vis d’autres civilisations. Comme dans n’importe quel récit de voyage, qu’il s’agisse de littérature relevant de l’imaginaire ou de littérature plus scientifique,je pense surtout aux écrits des navigateurs qui rapportent leurs expéditions, le voyageur, tel un colon, se pense plus grand que les autres, il se voit comme un géant, comme un dominant. Mais Gulliver se retrouve très vite et en fait, dans le départ, dans la situation inverse, puisqu’il se retrouve dans la position du prisonnier ou de l’invité, en situation donc de subordination vis à vis de ceux qui l’accueillent, qu’ils soient agressifs (ce qui est rare) ou de bons hôtes, tellement bons parfois qu’ils se ruineraient, comme les Lilliputiens, pour satisfaire son appétit d’ogre. Après Lilliput, Gulliver se retrouve dans la position inverse puisqu’il se retrouve rétréci dans un monde de géants. Et c’est là qu’il en prend un coup à son ego, traité qu’il est comme un animal de foire, comme un animal, comme une vulgaire poupée de chiffon, et il se retrouve même maltraité par un singe. En même temps, en plus de traiter de l’orgueil de tout un chacun, Swift nous parle de l’orgueil des nations et se moque allégrement des peuples colonisateurs, européens (l’Angleterre, la France, l’Espagne, et cie), et par la bouche des autres peuples imaginaires, il accuse les Européens de corruption, dans tous les sens du terme. En effet, Gulliver a beau être un hôte bien élevé, dès qu’il parle de son pays, l’Angleterre, il horrifie ses auditeurs qui découvrent que les Européens sont non seulement denués de raison mais pire, de vertu. Et il s’amuse même en insultant les Européens non pas par l’entremise directe de Gulliver mais en donnant la parole à des chevaux bien plus raisonnables que les humains (c’est en tout cas l’avis de Gulliver). À Laputa, où Gulliver découvre une île flottante et un peuple d’intellectuels ou non plutôt de pédants, de rêveurs dépourvus de bon sens, il s’attaque non pas tant à la vertu mais bien plus à la raison et plus précisément à la science. Dans son voyage précédent, déjà, les géants se moquaient de la technologie, de la poudre à canon par exemple, accusant la technologie de servir le chaos et non l’ordre (Gulliver leur ayant parlé de la guerre, se faisait dans sa description enthousiaste de la guerre plus violent que des géants, ce qui n’est pas sans rappeler certains journalistes qui nous décrivent avec emphase les canons Caesar mais passons). Pour en revenir à Laputa, les ingénieurs, les scientifiques et cie, passent leur temps à faire des calculs compliqués et à viser la Lune mais n’ont vraiment pas les pieds sur terre et ce peuple de géomètres et de philosophes sont plus tournés vers le soleil et vers la lune que vers leur île ; et ils ne sont pas sans rappeler eux qui sont censés être des « lumières », au contraire, des obscurantistes, qui passent leur temps à tenter de démontrer des inepties. Ils craignent sans cesse qu’une comète ne détruise leur planète (voir l’expérience récente de la NASA censée nous démontrer la toute-puissance de la technologie et la suprématie de la science), ils sont aussi effrayés par l’idée que le soleil ne brûle leur planète (réchauffement climatique), et ils pratiquent la géo-ingénierie, décidant de provoquer des sécheresses, en privant telle ou telle partie du monde de pluie, pour se défendre de toute sédition et de toute protestation … C’est à se demander où Swift est allé chercher ses idées, là encore ?! Sûrement chez des complotistes de son temps. Chez les Balnibarbes, il a encore toute une réflexion sur l’écologie en opposant deux parties de la population : il y a la majeure partie du peuple qui vit sur une terre stérile, dans des maisons en ruines, et le peuple se retrouve en haillons et il y a une minorité de personnes qui vit dans des maisons plus honorables, entourées de jardins et de terre fertile alors Gulliver demande l’explication et on lui explique que l’innovation, dans ce pays, a engendré des terres stériles et a fait que le savoir-faire s’est perdu, alors qu’une maigre partie de la population, moquée par les autres, s’est au contraire attachée au savoir-faire de leurs ancêtres, aux techniques agricoles anciennes, et a su se préserver du progressisme … Mais on accuse ces derniers de nuire au bien général du pays, bien qu’il s’agisse des rares qui arrivent à nourrir les autres … On voit bien dans ces extraits où se situe Swift dans la « Querelle des Anciens et des Modernes » qui me paraît plus politique que littéraire, in fine … Sa critique de la science, à Laputa, s’attache énormément à la question de l’écologie, comme je le disais et s’intéresse donc aussi à l’alimentation et je dois dire que j’ai bien ri lorsque Gulliver rencontre en visitant l’Académie un microbiologistes qui a pour tâche de, je cite, « reconstituer les éléments des matières ayant servi à l’alimentation, pour les faire retourner à l’état d’aliment ». Cela expliquerait le pourquoi des matières fécales dans l’alimentation (voir l’affaire des tartes au - chocolat – (Veuillez remplacer par le terme adéquat) d’Ikea). Pour aller plus loin, j’ai lu après avoir fini les Voyages de Gulliver, sa Modeste proposition : Pour empêcher les enfants des pauvres d'être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public et je dois dire que cette modeste proposition, que cette idée-là, est encore plus ignoble que l’idée du microbiologiste mais je n’encourage pas pour autant le microbiologiste à poursuivre ses études.



Mettons fin à mes digressions sur la science et mettons fin aux voyages de Gulliver, en nous arrêtons sur cette dernière recommandation des Houyhnhnms : Que les Européens, etc. et autres superpuissances s’arrêtent un peu de temps en temps et qu’il serait inutile voire dangereux pour les pays visités d’être colonisés par eux et qu’il serait judicieux au contraire de les laisser se faire civiliser, dompter, par les Houyhnhnms. Gulliver est d’accord avec les Houyhnhnms car en présence des Houyhnhnms et de tous ceux qu’il appelle ses « Maîtres » lors de ses voyages, il s’est rendu compte que les Européens, et même par extension, les humains en règle générale, les yahous, sont des êtres tellement imparfaits, tellement monstrueux, qu’il finit par en avoir horreur et devient misanthrope, lui qui a parcouru le monde et rencontré tant de personnes étonnantes … et il finit par se replier sur lui-même, se sentant toujours à la fin, sans doute supérieur à ses semblables ? Ou la raison n’est-elle pas au contraire qu’il a pris une telle leçon d’humilité sur lui-même et sur ses semblables, sur sa nation vis à vis d’autres nations, et même sur son espèce vis à vis d’autres espèces, qu’il se sent trop « yahou » pour pouvoir revenir à la civilisation ? Ce qui explique pourquoi il s’ensauvage, à la fin … Et Swift lui-même après les Voyages de Gulliver, manque de se retrouver cannibale (mais dans l’intérêt de la civilisation là par contre !)
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