Citations de Joseph Boyden (375)
La loi, ici, est la même qu'au fond des bois : il faut changer peur et panique en arme, en une lame acérée - pour survivre.
Avant l'arrivée des Corbeaux, vos prêtres, nous avions la magie. Avant la construction de vos grands villages que vous avez si grossièrement sculptés sur les rivages de la mer intérieure de notre monde en leur donnant des noms arrachés à nos langues - Chicago, Toronto, Milwaukee, Ottawa -, nous avions aussi nos grands villages sur ces rivages-là. Et nous comprenions notre magie. Nous savions ce que l'orenda impliquait.
[…] Les Blancs ont apporté bien des choses aux Indiens. Les fusils, les moteurs hors-bord. La télévision. Le café. Le Kentucky Fried Chicken. Le hockey sur glace. Les jeans extra large, les casquettes de base-ball. Le rock’n roll, la cocaïne.
Dorothy m'a alors serré dans ses bras, et je lui ai rendu son étreinte. J'étais au bord des larmes, prêt à sangloter comme un bébé. Je sentais son dos mince sous son pull, son parfum, ses cheveux, qui me chatouillaient la figure.C'était bon, comme quelque chose qui m'avait manqué, comme quelque chose que j'avais perdu depuis longtemps. Nous sommes demeurés ainsi un long moment, sans bouger, à sentir le contact de nos corps, à écouter battre nos cœurs.
Encore une fois, Neveu, tu dois comprendre qu'en ce monde de peine, il faut les saisir à pleines mains, ces rares moments de bonheur qui nous sont concédés.
Au fil des ans, on s'encroûte. On adopte une routine. On vit au jour le jour et on oublie le monde qui nous entoure, qui existe hors de notre tête. Avant même qu'on s'en aperçoive, deux, cinq, dix années se sont écoulées. On attend quelque chose, et un matin on se réveille et on comprend. C'est simplement la fin qu'on attend.
Alors McCaan s’emploie à bander la plaie, mais nous savons tous que ça ne sert à rien. Je me penche sur le visage de Sean Patrick et je plonge mes yeux dans les siens : il me répond par un regard de pure terreur. Moi, je souris pour le rassurer, lui faire comprendre que bientôt il sera sur le long chemin où il ne connaîtra plus la peur ni la douleur, le froid ni la pluie. Je vois que sa terreur recule un peu, en même temps que la lumière s’éteint dans ses yeux.
La vie dans la forêt est simple. Répétitive. Mon père savait qu’il n’y a que trois choses indispensables dans les bois. Du feu, un abri, de la nourriture. On consacre chaque instant à y penser.
Il sait que je veux rentrer au pays, que je n’en peux plus de tout ça ; pourtant je dois me rendre compte, dit-il, qu’il y a ici une liberté que nous ne retrouverons jamais. Mais cette liberté dont il parle, cette liberté de tuer, c’est un choix dont je ne veux plus.
Moi j’imaginais qu’il tressait des histoires tout l’été, formant avec ses mots, d’invisibles filets qu’il jetterait sur nous, les longues nuits d’hiver.
Un obus est tombé trop prés. Il m’a lancé dans les airs et, soudain, j’étais oiseau. Quand je suis redescendu, je n’avais plus ma jambe gauche. J’ai toujours su que les hommes ne sont pas faits pour voler.
Pour sa défense, on comprend aisément que l'on devienne fou dans une paroisse si loin de tout. Satan prend bien des formes par ici : les loges à sudation, la bouteille, les tambours et les danses crees.
La loi, ici, est la même qu'au fond des bois : il faut changer peur et panique en arme, en une lame acérée - pour survivre.
Joe a arrêté de voler. Il était prêt pour autre chose. Moi, j'ai continué. Je n'avais pas le choix. Une femme qui désirait des enfants, l'idée d'une famille à nourrir qui naît en nous comme un beau lever de soleil à l'horizon. J'ai choisi. J'étais encore jeune, assez jeune pour croire qu'on peut jeter son filet manet pour ramener des options à l'instar des poissons.
Moi, je ne toucherai jamais à la drogue. Je me cantonne au whisky. Là, on n'a pas de surprises.
La Compagnie de la Baie d'Hudson entretenait chez les Crees une passion féroce pour les fourrures. En conséquence, les bêtes furent presque exterminées et l'heure arriva, pour les gens des bois, où même les plus aguerris durent affronter un choix difficile : rejoindre les réserves ou se résoudre à mourir de faim.
"Incroyable. Jusqu'à cet instant, je me trimballais avec peut-être le seul indien de tout le Canada qui n'avait jamais pêché un poisson. "
Je devine en lui une faim qu'il ne peut plus assouvir. Il va s'embusquer seul, maintenant que je refuse d'aller sur le terrain. Il me raconte: rampant dans la gadoue, il trouve d'abord la bonne planque. Il s'enfouit dans la boue comme une taupe, ne laissant émerger que l'extrémité du canon, un chiffon autour de la lunette pour l'empêcher de scintiller. Il voudrait bien que je lui laisse mon beau Mauser. Il peut attendre là des heures, parfois des jours entiers, ne bougeant que pour prendre sa morphine, dans l'attente du coup qui comptera. Il laisse passer beaucoup de cibles; il ne veut que la bonne. L'homme est un animal routinier, Elijah s'accroche à cette idée pour tenir. Il cherche les caporaux, les sergents, les lieutenants, tous reconnaissables à leur maintien: plus de prestance; d'assurance; l'officier, dirait-on, a toujours les jambes maigres. Elijah grossit son compte, dans ces champs mûrs tout autour de Vimy. Il en revient seul, n'a que sa parole pour lui; mais sa parole suffit désormais.
Mon coeur menaçait d'exploser.La maison-médecine était à une centaine de mètres.Je ne volais plus,je haletais,les mollets en feu,les bras qui battaient l'air.Mes jambes se sont alors bloquées net,et là,j'ai réellement volé,parallèle au sol,comme un avion en panne de carburant,et j'ai vu le gravier défiler à toute allure en dessous de moi.
- Ces gens font preuve d’une imagination fertile dans le domaine des tortures. Aussi fertile et peut-être même plus que celle de n'importe quel inquisiteur.
Ils ne laissent rien au hasard. Tout est soigneusement réglé. C’est l’une de leurs cérémonies les plus importantes.
- Mais pourquoi ? Pourquoi tiennent-ils à infliger tant de souffrances à un être humain ?
- Pourquoi l’inquisition espagnole a-elle fait ce qu’elle a fait ? je réplique. Pourquoi notre propre Eglise condamne-elle les sorcières au bûcher ?