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Citations de Julio Cortázar (178)


Il fut une époque où je pensais beaucoup aux axolotls. J'allais les voir à l'aquarium du Jardin des Plantes et je passais des heures à les regarder, à observer leur immobilité, leurs mouvements obscurs. Et maintenant je suis un axolotl.
(Incipit)
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Pourquoi est-ce que j'écris cela ? je n'ai pas d'idées claires, ni d'idées du tout. Il y a des bribes, des élans, des morceaux, et tout cela cherche une forme, alors entre en jeu le rythme et j'écris dans ce rythme, c'est lui qui me fait écrire, qui me pousse, et non pas ce qu'on appelle la pensée et qui fait la prose, littéraire ou autre. Il y a d'abord une situation confuse, qui ne pourra se définir que par le mot ; je pars de cette pénombre, et si ce que je veux dire (si ce qui veut être dit) a suffisamment de force, immédiatement le swing, le branle est donné, un balancement rythmique qui me fait émerger à la surface, illumine tout, fond dans cette matière confuse et celui qui en est la victime est une troisième instance claire et pour ainsi dire fatale : la phrase, le paragraphe, la page, le chapitre, le livre. Ce balancement, ce swing dans lequel la matière confuse prend forme, est pour moi l'unique preuve de sa nécessité, car à peine a-t-il cessé je comprends que je n'ai plus rien à dire. C'est aussi l'unique récompense de mon travail : sentir que ce que j'ai écrit est comme un chat qu'on caresse et dont le dos arqué, électrisé, se lève et s'abaisse tour à tour, en cadence. Ainsi, grâce à l'écriture, je descends dans le volcan, je m'approche des Mères, je me branche sur le Centre — quel qu'il soit. Écrire, c'est dessiner mon "mandala", et le parcourir en même temps, inventer la purification en me purifiant ; corvée de pauvre "shaman" blanc en slip de nylon.
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-- Je m'en vais, si tu préfères.
-- Mais non mon amour, au contraire, je t'ai déjà chanté le passage pertinent du tango et maintenant nous allons nous colmater avec deux douzaines d'huîtres qui sont la patience même si l'on en croit Lewis Carroll et qui nous écouteront parler de choses plus agréables, j'espère.
-- Si tu ne veux pas parler, ça m'est égal. Je boirai moi aussi, apparemment c'est le moins que je puisse faire.
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Cuando llegó Klaios, los muchachos rodeaban el cuerpo tendido en la arena, sin comprender cómo habia tenido fuerza para nadar a la orilla y arrastrarse desangrándose hasta ahí. « Ciérrale los ojos », pidió llorando una de las mujeres. Klaios miró hacia el mar, buscando algún otro sobreviviente. Pero como siempre estaban solos en la isla, y el cadaver de ojos abiertos era lo único nuevo entro ellos y el mar.
Quand Klaios arriva, les garçons entouraient le corps allongé sur le sable, sans comprendre comment il avait eu la force de nager jusqu'au rivage et de ramper jusque là en se vidant de son sang. « Ferme-lui les yeux », demanda une femme en pleurant. Klaios regarda vers la mer, cherchant un autre survivant. Mais comme toujours, ils étaient seuls sur l'île, et le cadavre aux yeux ouverts était l'unique nouveauté entre eux et la mer.
La isla a mediodia
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C'est un jazz qui rejette tout érotisme facile, tout wagnérisme, si je puis dire, et qui se situe sur un plan désincarné où la musique se meut enfin en toute liberté comme la peinture délivrée du représentatif peut enfin n'être que peinture.
Mais une fois maître de cette musique qui ne facilite ni l'orgasme ni la nostalgie, cette musique que j'aimerais pouvoir appeler métaphysique.
Page 44
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On eut dit que le soir ne tomberait jamais, la réverbération du soleil sur les carrosseries, les vibrations de chaleur sur la route finissaient par donner le vertige et la nausée. Les lunettes noires, les mouchoirs imbibés d'eau de Cologne sur la tête, tous les trucs possibles pour se protéger, pour éviter un reflet strident ou les bouffées des tuyaux d'échappement à chaque remise en route, s'organisaient et se perfectionnaient, faisaient l'objet de plusieurs communications et commentaires.
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[...] Le seul ennui, dans ce rêve, c'est que je rêvais que j'étais éveillé et que je volais pour de vrai, je rêvais que j'avais déjà rêvé une chose pareille mais que cette fois c'était vrai, et quand je me réveillais c'était comme si je tombais du haut d'un mur, c'est si triste de marcher ou de courir en se sentant toujours tellement lourd, obligé de retomber à chaque pas.
(Dans "Les poisons")
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D’une lettre jetée sur la table s’échappe une ligne qui court sur la veine d’une planche et descend le long d’un pied. Si l’on regarde attentivement, on s’aperçoit qu’à terre la ligne suit les lames du parquet, remonte le long du mur, entre dans une gravure de Boucher, dessine l’épaule d’une femme allongée sur un divan et enfin s’échappe de la pièce par le toit pour redescendre dans la rue par le câble du paratonnerre. Là il est difficile de la suivre à cause du trafic mais si l’on s’en donne la peine, on la verra remonter sur la roue d’un autobus arrêté qui va au port… Elle monte sur le bateau aux sonores turbines, glisse sur les planches du pont de première classe, franchit avec difficulté la grande écoutille et, dans une cabine où un homme triste boit du cognac, elle remonte la couture de son pantalon, gagne son pull-over, se glisse jusqu’au coude et, dans un dernier effort, se blottit dans la paume de sa main droite qui juste à cet instant saisit un revolver.
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Allais-je rencontrer la Sibylle? Il m’avait tant de fois suffit de déboucher sous la voûte qui donne Quai Conti en venant de la rue de Seine pour voir, dès que la lumière cendre olive au-dessus du fleuve me permettait de distinguer les formes, sa mince silhouette s’inscrire sur le Pont des Arts, parfois allant et venant, parfois arrêtée contre la rampe de fer, penchée au dessus de l’eau. Et c’était tout naturel de traverser la rue, de monter les marches du pont, d’entrer dans sa mince ceinture et de m’approcher de la Sibylle qui souriait sans surprise, persuadée comme moi qu’une rencontre fortuite était ce qu’il y avait de moins fortuit dans la vie et que les gens qui se donnent des rendez-vous précis sont ceux qui écrivent sur du papier rayé et pressent leur tube de dentifrice par le fond.
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À ma façon, je m’obstine à comprendre, à découvrir. Je l’observe, mais sans l’épier, je la suis, mais sans la soupçonner.
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En réalité, je n'avais jamais pensé qu'il pût lire mon livre. L'art incomparable de Johnny. Que pouvais je dire de plus ? Mais c'est peut-être justement à ce tournant qu'il m'attend, à l'affût comme toujours ramassé sur lui-même, prêt à faire un de ces bonds qui risquent toujours de blesser l'un de nous. Honnêtement, que m'importe sa vie ? La seule chose qui m'inquiète c'est qu'en se laissant mener par ce genre d'existence que je ne peux pas suivre, disons que je ne veux pas suivre, il ne finisse par contredire les conclusions de mon livre, par laisser entendre une ou deux fois que sa musique n'est pas ce que je dis.
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Après quarante ans, c'est sur la nuque que nous portons notre véritable visage, regardant désespérément en arrière.
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Dès qu'on le laissait seul il avait tendance à croire qu'au fond il n'y avait jamais autre chose, qu'il n'y avait rien de mieux que de passer toute une nuit ou toute la vie devant un réverbère à regarder danser les insectes.
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"notre seule vérité possible doit être invention, c'est-à-dire écriture, littérature, peinture, sculpture, agriculture, pisciculture, toutes les "tures" de ce monde. Les valeurs, des tures, la sainteté, une ture, la société, une ture, l'amour, une pure ture, la beauté, la ture des tures."
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Il faut vous dire que les tortues sont grandes admiratrices de la vitesse et c’est bien naturel.
Les Espérances le savent et s’en fichent.
Les Fameux le savent et se marrent.
Les Cronopes le savent et chaque fois qu’ils rencontrent une tortue, ils sortent leur boîte de craies de couleur et, sur le tableau rond de son dos, ils dessinent une hirondelle.
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Enlacé à la Sybille, cette concrétion de nébuleuse, je pense que cela revient au même de faire une boulette de mie de pain, ou d'écrire le roman que je n'écrirai jamais, ou de donner sa vie pour défendre les idées qui rachètent les peuples.
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Et (...) par-dessus la musique, les premiers applaudissements, incapables de se retenir plus longtemps, comme si, dans ce halètement amoureux qui unissait le corps masculin de l'orchestre à l'énorme femelle de la salle toute entière livrée, cette dernière n'avait pas voulu attendre la jouissance virile et s'abandonnait à son plaisir avec des gémissements, des convulsions et des cris d'une insupportable volupté.

Les ménades
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(…) j’étais aussi en train de répondre à Traveler, un ami de Buenos Aires qui n’a jamais été foutu de comprendre ces vers de moi qui commençaient ainsi, écoute un peu : « Moi dormant à demi, plongeur de lavabo. ». C’est pourtant facile, si tu réfléchis un peu, tu le comprendras, toi, peut-être. Quand tu te réveilles, avec les restes d’un paradis entrevu en rêve et qui pendent à présent sur toi comme les cheveux d’un noyé, nausée terrible, angoisse, sentiment du précaire, du faux, de l’inutilité surtout, tu tombes en toi-même, et pendant que tu te brosses les dents, tu es vraiment un plongeur de lavabo, c’est comme si le lavabo blanc t’absorbait, comme si tu glissais par ce trou qui emporte le tartre, la mort, la chassie, les pellicules, la salive et tu te laisses glisser avec l’espoir de retourner peut-être à autre chose, à ce que tu étais avant de te réveiller et qui flotte encore, qui est encore en toi, qui est toi-même, mais commence à s’en aller… Oui, pendant un moment, tu tombes à l’intérieur jusqu’à ce que les défenses de la veille, ô ! la jolie expression ! ô langage ! se chargent de t’arrêter.
— Expérience typiquement existentielle, dit Gregorovius d’un air prétentieux.
— Certainement, mais tout dépend de la dose. Moi, le lavabo m’avale pour de bon, qu’est-ce que tu crois ?
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Il n'y avait personne dans le couloir et, à le parcourir, elle eut la même hâte que les autres, le même soupir de soulagement, la même envie d'atteindre la rue et de laisser tout ça derrière elle. Maria-Elena ouvrit la porte du palier et, en descendant l'escalier, elle pensa de nouveau à Carlos, c'était bizarre tout de même que Carlos ne soit pas sorti comme les autres. C'était d'autant plus bizarre que le bureau n'avait qu'une seule porte. Sûrement, elle n'avait pas dû bien regarder parce que ce n'était pas possible, l'employé avait ouvert la porte pour la faire entrer et Carlos alors ne l'avait pas croisée, il n'était pas sorti comme tous les autres, l'homme à cheveux roux, les deux dames, tous les autres, sauf Carlos.
Le soleil se brisait contre le trottoir, c'était le bruit et l'air de la rue. Elle regarda la porte de l'immeuble, se dit qu'elle allait attendre un peu pour voir sortir Carlos. C'était impossible qu'il ne sorte pas, ils étaient tous sortis une fois finies les formalités. Pourtant, ça paraissait si bizarre de ne pas l'avoir vu dans le bureau, il y avait peut-être une porte cachée par les affiches, quelque chose qui lui avait échappé, mais de toute façon c'était bizarre, parce que tout le monde était sorti par le couloir comme elle, tous ceux qui venaient pour la première fois étaient sortis par le couloir
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Instructions pour pleurer
Laissons de côté les motifs pour ne considérer que la manière correcte de pleurer , étant entendu qu’il s’agit de pleurs qui ne tournent pas au scandale ni n’insultent le sourire de leur parallèle et maladroite ressemblance. Les pleurs moyens ou ordinaires consistent en une contraction générale du visage, en un son spasmodique accompagné de larmes et de morves, celles-ci apparaissant vers la fin puisque les pleurs s’achèvent au moment où l’on se mouche énergiquement.
Pour pleurer, tournez-vous vers vous-même votre imagination et si cela vous est impossible pour avoir pris l’habitude de croire au monde extérieur, pensez à un canard couvert de fourmis ou à ces golfes du détroit de Magellan où n’entre personne, jamais.
Les pleurs apparus, on se couvrira par bienséance le visage en se servant de ses deux mains, la paume tournée vers l’intérieur. Les enfants pleureront le bras replié sur le visage de préférence dans un coin de leur chambre. Durée moyenne des pleurs, trois minutes.
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