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Critiques de Laird Hunt (154)
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Neverhome

Une femme dans la guerre de Sécession.

Une femme, soldat comme un homme, tireur d'élite comme un homme, buveuse de whisky comme un homme, adroite au couteau comme un homme. Amoureuse en secret comme une femme. Une femme à qui sa mère a appris à ne jamais tourner les talons.



Telle est Constance, faite d'acier, qui devient Ash « Gallant » Thompson parce que Bartholomew, fait de paille, « ne sait pas entrer dans un combat ni en sortir » alors qu'il danse et cultive des zinnias comme personne. Ne faisant ni une ni deux, elle décide de rejoindre la conscription. Elle laisse la ferme à son mari et part courageusement accomplir son entraînement de fantassin dans les rangs nordistes, puis est lancée avec son barda et son secret sur les routes avec son régiment. Elle est confrontée à toutes les horreurs d'une guerre en face-à-face, volant quelques minutes précieuses à la vie de troupe pour parler d'amour et de souvenirs heureux dans les lettres qu'elle envoie à son mari.



Après des mois de combats épuisants, la traversée de zones ravagées, la rencontre de personnes meurtries par la violence, elle est faite prisonnière. Malgré les mauvais traitements, les coups et la faim, elle gagne en opiniâtreté jusqu'à devenir « barbier » émérite des Bleus et des Gris. Elle profite d'une attaque du camp pour s'enfuir. Sans dévoiler la suite de ses aventures, vous devinerez qu'elle troquera ses frusques militaires pour retrouver des robes, sa ferme et son mari dans l'Indiana. Happy end ?



Tout au long de son odyssée, Constance-Ash oscille entre réalité, sauvage, atroce, ineffaçable, et monde de l'étrange, voire du fantastique, avant de revenir à la dure évidence du quotidien. Ces moments de « flottement » permettent, pendant quelques instants, d'échapper aux brutalités de la guerre mais ont obligé mes yeux à relire plusieurs paragraphes pour me persuader que je n'avais pas sauté de ligne.



C'est un beau roman, c'est une belle histoire, basée sur des faits historiques. Des centaines de femmes américaines, blanches et noires, ont échangé leurs jupes contre des pantalons, ont défendu la République comme les hommes, à différents niveaux de la hiérarchie, sans se dévoiler. Hommage leur est rendu !



Laird Hunt, que je découvre grâce à la chronique récente de KateMoore, veut faire parler les fantômes, les personnages du passé qui, selon lui, n'ont pas été suffisamment racontés, qui sont une part importante du patrimoine historique américain. Il y a, par exemple, un émouvant paragraphe sur une serre construite à l'aide de plaques photographiques récentes, c'est-à-dire de la guerre qui vient de se terminer, et dont les images commencent à disparaître sous les rayons du soleil. Véridique et symbolique. Laird Hunt est soucieux de détails, de reconnaissance envers ces femmes qui se sont battues, pas seulement au front, dont on ne parle pas assez.



Pour Laird Hunt, ce n'est pas « Gone with the wind » mais « Blowin' in the wind ». Auteur à suivre assurément.



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Neverhome

Qui aurait cru que derrière la légende de "Galant Ash", ce soldat grimpé dans un arbre pour recouvrir de sa veste les jolis atours échappés par inadvertance du corsage d'une bien belle jeune fille, se cache une autre femme, bâtie sur un tout autre modèle ?

Constance Thomson est ce qu'on appelle une "maîtresse femme", de celle qui vous retourne un champs, trime pour planter, cueillir, moissonner tout en maniant la gâchette comme personne, et se repose en fumant le cigare et buvant un verre sous la tonnelle ! Rien à voir avec une jeune donzelle, perchée dans les branches d'un arbre pour saluer les hommes qui s'en vont à la guerre !

Non. Sa noblesse et sa beauté à elle, elles sont ailleurs...



Il y a de multiples raisons de partir au combat. La guerre de sécession n'en a pas manquées. Celle du soldat Thomson est plus particulière. Constance Thomson s'est enrôlée par amour. Elle a pris la place de son époux, Bartholomew, garçon fragile et délicat, parce qu'elle savait qu'il ne survivrait pas aux conflits et qu'il fallait bien qu'il y en ait un qui y aille ! Des deux, elle est la seule qui peut espérer s'en sortir.



Les cheveux longs cisaillés, les pantalons enfilés, elle rejoint les troupes et arpente les champs de bataille, tue, soigne, achève, parle ou se tait, puis entre tout cela, marche, marche, à tomber, à se croire déjà morte.



La réalité de la guerre la plus crue, avec son lot de douleurs, de sangs, de crasses, de cris et de larmes nous est livrée à travers les yeux de Constance, mêlée à l'expression de ses sentiments : son amour pour Bartholomew et tous ses maux qu'elle lui livre dans ses lettres, le souvenir de sa mère (que de belles pages !), son courage, sa ruse... Et ce moment où la raison n'en peut plus et part, quand elle est à bout. Poésie du désespoir :

"Il y avait des morts assis contre les arbres, des morts les pieds en l'air, des morts pendus aux branches. Il y en avait qui étaient tombés à trois dans le lit d'un ruisseau et d'autres allongés à part dans une clairière, bien bordés jusqu'au menton par des couvertures de soleil toutes propres."



L'auteur grâce à un style soigné, nous fait glisser petit à petit vers cette autre réalité, ce discours intérieur qui tentent, seulement, uniquement, de se garder en vie. Il nous amène alors à une vision un peu fantasmagorique de ce monde, où les hommes racontent les rêves de leur cheval, où les yeux fuient goutte à goutte mais ne pleurent pas...

Et sans pour autant nous anesthésier, nous épargner.



Laird Hunt nous livre là un portrait de femme, rare. Au fur à et à mesure de la lecture, l'enjeu de la guerre devient secondaire. Gris ou Bleus, peu importe, seuls comptent le courage et la volonté farouche de s'en sortir, de revenir...

Combien ont vécu un tel destin ? Combien enrôlées volontaires, grimées en hommes, ont été découvertes et condamnées, au seul tort d'être femmes, peu importe le cran et la bravoure ? Combien d'hommes ont su partager et garder ce secret ?



"De femme avec un fusil entre les mains, il n'en est pas une seule dans cette pile de livres que j'ai."



C'est un livre beau et éprouvant. On a envie que cela s'arrête et dans le même temps, on n'a pas envie de la quitter. Et quand arrive la fin, c'est le coeur serré qu'on referme le bouquin.
Lien : http://page39.eklablog.com/n..
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Neverhome

La guerre de Sécession éclate, une jeune paysanne de l'Indiana part au front à la place de son époux à la santé fragile.

« Nous étions à peu près de la même taille, mais lui était fait de paille et moi d’acier ».



La robuste Constance, poitrine bandée, cheveux coupés, chapeau enfoncé sur les yeux, devient le soldat Ash Thompson.

C'est à travers ses yeux que nous voyons la guerre, la vie brisée des hommes au combat. C'est à travers ses mots, ceux qu'elle écrit à son mari, que nous soupçonnons ce qu'elle traverse.

Dans ses lettres, elle raconte son quotidien de soldat, l’horreur des batailles, l’absurdité des vies perdues pour une cause qu’elle ne comprend pas vraiment.

Elle s’engage aussi dans un dialogue intérieur avec sa mère, disparue depuis quelques années. Son ombre l’accompagne dans sa longue errance dans une campagne dévastée lorsqu’elle perd son régiment.

« Neverhome » n’est pas seulement un roman de guerre, j’y ai lu la belle histoire d’amour d’une femme hors du commun pour son homme, pour la vie.

Laird Hunt signe un livre magnifique, où la nature tient un place prépondérante, tant par son hostilité que par sa magnificence.

Encore un coup de cœur.



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Neverhome

La folie de la guerre et des combats, vécue et racontée par une femme, voilà qui n'est pas commun en littérature!

Bienvenue donc au coeur des affrontements du XIXème siècle américain, où Laird Hunt nous entraîne à la suite d'une héroïne pas comme les autres.



Dans le couple Thompson, le bonhomme c'est Constance. Car Bartholomew, son petit mari d'amour, est sensible, délicat : un doux rêveur romantique. Poignant, attendrissant le petit mari, mais... pas très warrior tout ça. Surtout en pleine guerre de Sécession à l'heure où l'Union recherche des modèles de bravoure et de ferveur pour combattre en son nom. Qu'à cela ne tienne, Constance aime éperdument son Bartholomew. Solide, les deux pieds bien sur terre et la tête verrouillée aux épaules, elle veille sur lui, le protège. Elle ira ainsi jusqu'à prendre sa place en s'enrôlant aux côtés de l'Union pour le préserver d'une mort certaine.

On troque alors la robe à fleurs pour la tenue moins glamour du soldat, on cache des formes soupçonneusement féminines, on ratiboise le cheveu trop long, et bim : adieu Constance, Ash Thompson est né.



En mémoire de toutes ces femmes engagées et disparues dans un anonymat total, Laird Hunt dresse ici le portrait d'une femme téméraire, bienveillante, coincée entre onirisme mélancolique et réalité tragique. Tour à tour déterminée ou abattue, passionnée ou découragée, ses états d'âme virevoltent au gré des combats et des rencontres de fortune pour le pire comme le meilleur. Et peu à peu, le lourd passé de cette femme endurante et troublante se révèle.

Et avec un final saisissant, Hunt signe là un roman aussi exaltant que déchirant.

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Neverhome

Constance. Personnage inoubliable.



« Toute la douleur de ce monde et du monde d'après. »



Cette phrase extraite du roman Neverhome de Laird Hunt est pour moi celle qui résume le mieux ce roman.



Non seulement cette citation incarne le destin de cette femme, engagée dans les troupes du nord lors de la guerre de Sécession, mais également elle reflète la situation sociale du pays -une douleur d'aujourd'hui et de demain- et restitue avec exactitude la tragédie de la guerre et toutes ses séquelles.



« Le village n'était plus que gravats et décombres, et la cour d'école avait l'air d'une île voguant sur une mer funeste. »



J'ai dévoré ce roman. La plume est belle et tellement juste. Les personnages et les situations évoquées sont travaillés, fouillés avec précision, on se plonge réellement dans une autre époque. Une lecture enrichissante et très prégnante.
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Neverhome

Constance Thompson alias Ash Thompson, alias Gallant Ash, s’engage côté bleu dans la guerre de Sécession.

Elle s’engage pour épargner à son mari, le fragile Bartholomew, de le faire. Elle s’engage parce qu’elle veut voir le monde, elle s’engage parce que veut éprouver sa bravoure.

Travestie en homme, elle se coule en un rien de temps dans sa nouvelle identité : entrainement, marches forcées à travers la campagne, au milieu des charniers, corvées, coups de poing, whisky, batailles….

Elle supporte tout, endure tout, ne recule pas… Ces seuls moments de douceur sont les lettres que lui envoie son mari qui sait en quelques mots faire revivre la douceur de la vie à la ferme.

Son seul témoin est sa mère morte à qui elle demande sans cesse de valider son courage.

Faite prisonnière, blessée, enfermée dans un asile de fous, elle s’en sort pour reprendre la route de l’Indiana, retrouver sa terre, retrouver son homme.

Entre rêve et réalité, nous suivons les errements de Ash-Constance qui a retrouvé ses jupes, ses pensées vagabondes, qui naviguent entre les horreurs de la guerre, la brutalité des hommes, la lucidité du Colonel, ses souvenirs d’enfance, de sa rencontre avec Bartholomew, celles faites sur la route et les histoires qu’on lui raconte, sa préoccupation de ne pas être découverte…

Quelle découverte que ce destin de femme ! Quelle idée formidable que de nous raconter à travers ce personnage de Constance, le sort de ces femmes soldats !

J’avais déjà rencontré la plume de Laird Hunt. Ici, je suis totalement séduite.



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Neverhome

Constance Thompson, forte et déterminée, travestie en homme,quitte sa ferme de l'Indiana pur l'Ohio lorsque la guerre de Sécession éclate, à la place de son mari bien-aimé, Bartholomew, de santé trop fragile pour rejoindre les rangs des confédérés.

Avec en poche, vingt dollars, six pommes flétries,du corneed-beef, une couverture et des biscuits elle affrontera les violences qui ruinent et dévastent les paysages, anéantissent les individus, pour défendre la République.

En bras de chemise, le chapeau enfoncé jusqu'aux yeux, elle rejoint ceux qui sont destinés à finir estropiés ou à mourir........

Se présentant sous le nom d'Ash Thompson, "Gallant Ash ",pour avoir donné sa veste à une femme, elle fait merveille avec son "Springfield 1861"à percussion.

Elle peut découper les oreilles d'un lièvre à cent cinquante mètres et devient une légende.

Sa guerre est surtout faite de longues attentes et de marches forcées.

Constance ne recule jamais, coupe des rondins, creuse des tombes pour y déverser des cadavres, assiste à des funérailles expédiées en cinq minutes ainsi que d'autres divertissements raffinés comme le vol, l'alcool ou la bagarre .......

Elle rêve à sa vie d'avant , compte les étoiles, fuit à toute vitesse après une bataille féroce où elle a été blessée et dépouillée de son uniforme.

Nous suivons le parcours de Constance à travers les lettres adressées à Bartholomew, son cher amour,pensant le retrouver un jour..........

Elle traverse sans faiblir les charges de cavalerie , la fumée des batailles, le gémissement des blessés , le silence et la stupeur qui suivent.

Un trés bel ouvrage à l'écriture magistrale où la nature berce les âmes et se montre au gré des combats enchanteresse, carnassière, violente ou périlleuse !



Un beau portrait au souffle puissant , une forme d'épopée aux frontières du réel ,qui montre la fragilité des certitudes, où les esprits des morts , notamment la Mére de Constance viennent hanter les êtres qui se nourrissent de souvenirs à travers le parcours de cette femme- soldat , Constance,courageuse, frondeuse, farouche et lumineuse plongée dans le chaos de la guerre et les sordides coulisses des champs de bataille !

Merci à Marylin , mon amie de la Médiathéque qui m'a fait connaître cet ouvrage .

Je ne suis jamais déçue par les éditions "Actes Sud" et les romans étrangers ........
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Neverhome

Chattanooga, Guettysburgh, Appomatox...La guerre de Sécession fut une boucherie épouvantable, la première guerre moderne, si toutefois la guerre puisse être une chose moderne, avec tranchées, artillerie et mortalité importante sur les champs de bataille, et dans la population civile des régions touchées. Avec 750 000 morts en 4 ans, les cicatrices sont encore sensibles dans la mémoire des descendants des belligérants.



150 ans après, Laird Hunt pose sur ce fait fondateur de l'histoire de son pays un regard différent. Point de récit de stratégie, point de généraux célèbres, pas de développement idéologique sur l'esclavage, ou sur la nature de l'Etat fédéral, mais une tentative de reconstitution du quotidien des combattants de l'Union, par l'intermédiaire du destin de son héroïne engagée dans le conflit travestie en soldat. Ainsi le dit l'épouse du général, c'est comme si Pénélope allait faire le siège de Troie pendant qu'Ulysse restait à la ferme.



On est dans l'uniforme râpeux avec Constance, à manier un fusil Springfield sur le champ de bataille, où les soldats avancent au feu comme des soldats de Napoléon en se faisant décimer par l'artillerie. On voit et on ressent avec elle, qui est un excellent soldat, un tireur d'élite. C'est un chaos sans nom. Et puis il y a l'attente, le temps perdu à retrouver sa compagnie, et les longues marches qui épuisent des soldats faméliques, l'omniprésence de la mort. le récit nous emmène dans ces zones intermédiaires à l'arrière des lignes, peuplées de cadavres non enterrés, de fermes détruites, de bandes armées et déserteurs de tous bords.



C'est un excellent roman, très prenant, qui distille habilement le mystère d'un personnage singulier qui devient universel. Elle a une dureté ordinaire, acquise avec un mode de vie rude, et un passé fait de deuils . Elle nous emmène sur les routes dangereuses d'une Amérique en guerre pour une histoire de survie passionnante, dans laquelle les femmes sont loin d'être faibles et fragiles .





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Neverhome

La poésie sombre, terreuse qui habite ce roman pommèle de lumière son obscurité, parsème de pétales la glaise ensanglantée. En pleine Guerre de Sécession, les soldats se battent, leurs souvenirs pour seul réconfort. Pourtant, Laird Hunt ne se contente pas de faire interagir ses héros avec l'Histoire américaine, ni même avec leur passé : il crée des femmes fortes et des hommes faibles, renversant ainsi les codes. Son héroïne oscille entre deux identités, androgyne, touchante derrière ses abords impétueux... (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/02/17/neverhome-laird-hunt/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Neverhome

Quand la guerre arrive, il faut s’engager pour combattre et défendre les intérêts du camp. Les convenances, les usages voudraient des hommes, le fusil à l’épaule, prêts à mourir pour la bonne cause mais chez les Thompson, Constance décide de s’engager à la place de son mari, Ashley. Celui-ci est plus fragile alors qu’elle manie avec justesse et précision le fusil et court avec endurance.

Travestie, la ressemblance avec n’importe quel soldat est parfaite...

Un roman plein de justesse : Laird Hunt passe de la dureté de la guerre, des morts déchiquetés sur le champ de bataille à la douceur des souvenirs de son mari, des lettres lui étant adressées en attendant le retour à la maison. Pourtant, Constance, surnommé Galant Ash, ne dépareille dans son régiment et elle en surpasse beaucoup. A cette époque, il n’est pas bon de vouloir tromper son monde ou d’être une femme. Le chemin de retour sera long avant de pouvoir retrouver son chez-soi.

Laird Hunt arrive, avec Constance, à donner une voix à toutes ces femmes qui s’engageaient à l’époque pour défendre leur pays… il a une très belle écriture plein de poésie, alternant carnages, souvenirs ou causeries imaginaires.

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Zorrie

On ne dira jamais assez combien les auteurs français en général et Flaubert en particulier ont pu influencer nombre d’écrivains américains contemporains. Et Zorrie de Laird Hunt – traduit par Anne-Laure Tissut – en apporte une nouvelle preuve.



En écho à la Félicité d’Un cœur simple, Hunt transpose la Normandie flaubertienne dans l’Indiana pour y placer sa Zorrie Underwood et son rude apprentissage de la vie de campagne, dans une approche de roman réaliste au charme fou.



Doublement orpheline de parents puis de tante adoptive, Zorrie va prendre sa vie en main en quittant sa terre natale pour découvrir le monde et gagner sa vie à Ottawa, avant que la nostalgie et la force des racines ne la ramènent en Indiana.



Femme courage et dure à la tâche, Zorrie va construire sa vie autour du développement de son exploitation, d’un mariage heureux et d’une attention permanente aux autres. Une vie simple, une femme simple, un livre simple. Avant que son environnement ne bascule.



Zorrie est un court roman dans lequel il est bon de se glisser et de se laisser emporter par le fil d’une vie certes banale, mais pleine d’humanité envers Janie, Harold, Gus, Noah, Opal, Ruby, Virgil et les autres.



Zorrie est à la fois un questionnement perpétuel sur la vie qu’elle veut mener et un pivot qui s’ignore pour toute une communauté rurale dont elle devient peu à peu un élément central et réparateur.



Femme qui cherche et qui doute, Zorrie est une femme au cœur ouvert à l’autre, suivant l’adage de Pétrarque : « Celui qui peut dire de quel feu il brûle ne brûle que d’un petit feu. »



Derrière une apparente simplicité, le style de Hunt et sa traduction séduisent par leur fluidité et les clins d’œil nature et poésie qui affleurent au détour d’une page, témoignant de ce fort attachement à la terre. À ne pas manquer.

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Les Bonnes Gens

1911. Ginny est une vieille femme blanche au service de Lucious Wilson depuis des années. Elle se rappelle qu’avant d’arriver dans l’Indiana, elle fut mariée à Linus Lancaster, un petit cousin de sa mère. Un homme qui l’emmena au fin fond du Kentucky, dans une ferme surnommée « le paradis ». Elle s’y installa au début des années 1850 alors qu’elle n’avait que 14 ans. Dans ce « paradis », Linus exploitait sans vergogne des porcs et quelques esclaves, les premiers étant bien mieux traités que les seconds. Parmi eux deux sœurs, Zinnia et Cleome, à peine plus âgées que Ginny. Deux sœurs qui formèrent sa seule compagnie et qui, le jour où le maître alla les rejoindre dans leur lit, devinrent d’abord des ennemis, puis des souffres douleur. Se mettant au diapason de son terrible époux, Ginny se transforma peu à peu en monstre de cruauté. Mais lorsque le règne du tyran s’acheva dans le sang, les esclaves endossèrent les habits du bourreau et les rôles s’inversèrent…



Il se dégage de l’écriture de Laird Hunt une impression de puissance assez exceptionnelle. Une grande maîtrise de la narration aussi. L’enchevêtrement des époques, la sincérité des différentes voix qui s’expriment, la violence, à la fois suggérée et terriblement réelle, tout cela donne un texte aussi riche qu’hypnotisant.



L’inversement des rôles, le passage des victimes en bourreaux, relève quelque part de la métaphysique. La quatrième de couverture parle de « partition sans fin de la redoutable réversibilité du mal » et je crois que c’est exactement de cela qu’il s’agit. La vengeance se fait sans aucun plaisir et sans véritable haine, elle découle simplement d’une forme d’évidence. Une obsession douloureuse à laquelle Zinnia et Cleome ne peuvent se soustraire. Une obsession que finalement Ginny trouve logique. Et le lecteur de plonger avec fascination et dégoût au cœur de l’abomination.



Un roman d’une rare intensité dont on ne ressort pas indemne. Tout ce que j'aime !




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La Route de nuit

Août 1930, Indiana. Le soir n'en finit pas de tomber sur cette route qui mène à Marvel. Les moustiques s'écrasent sur le pare-brise par dizaines, la forêt bruisse. Il y a comme un air de fête et de fébrilité dans le corps des gens, les Blancs surtout. En voiture, en camion, à pied, ils sont tous en route pour Marvel, la chaleur du mois d'août leur donne des envies de bière, de danse, de rencontres. C'est pas souvent qu'il y a un lynchage, et hommes, femmes et enfants accourent pour voir ça: trois jeunes Noirs, pour l'instant dans leur cellule, accusés de meurtre et de viols, qui vont être arrachés à leurs barreaux, battus, traînés jusqu'au chêne dehors et pendus. On fera la fête sous leurs pieds qui se balanceront encore un peu, on chantera, peut-être qu'on essaiera même d'attraper d'autres "fleurs de maïs" comme on les surnomme ici pour continuer la fête.

De leur côté, les "fleurs de maïs" ont embarqué dans leurs chariots, sur leur vélo ou sont partis à pied dans le sens opposé. C'est pas le moment de traîner dans les parages à moins de s'arrêter pour prier, et il vaut mieux pas non plus rencontrer de ces "soies de maïs" excités par le spectacle qui se prépare.

Sur la route, il y a Ottie, rousse plantureuse qui se laisse peloter par son patron Bud lorsque son mari se concentre sur sa bière, histoire de toucher quelques primes. On ne sait pas trop ce qu'elle en pense de ces lynchages, en fait elle s'en fiche du sort des trois hommes, mais si on peut passer du bon temps, se montrer un petit peu, pourquoi pas.

Sur la route, il y a aussi Calla, orpheline métisse bien remontée contre les soies de maïs et qui fonce dans sa bagnole, haineuse, douloureuse, ne sachant quelle direction prendre, peut-être foncer dans la foule, peut-être sauver les trois hommes, peut-être partir, elle aussi, retrouver sa famille adoptive qui s'est enfuie ce matin...

Il y a dans ce roman une atmosphère lourde et pesante, une densité représentée par cette soirée qui n'en finit pas, par cette route interminable, les arrêts inopinés, les rencontres, les flottements dans les décisions des protagonistes. Je n'ai pas complètement adhéré, à cause de ce sentiment d'être à côté et non dans le récit que je n'ai pas toujours saisi, et à cause, aussi de cette écriture que je n'ai pas vraiment aimée.



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Neverhome

Constance Thompson s'occupe de la ferme familiale en Indiana avec son mari Bartholomew, elle est aussi solide et forte que son mari est fragile de santé et de corpulence. Quand la guerre de Sécession éclate, elle choisit son camp et le couple décide d'un commun accord que c'est Batholomew qui restera pour gérer la ferme et Constance qui s'engagera dans l'armée unioniste...Elle rejoint l'armée, déguisée en homme et se fait appeler Ash Thompson. Commence pour elle une épopée dans cette guerre où, aux côté des hommes, elle fera preuve de courage, tireuse émérite elle arrivera à se faire une place, se faire respecter au prix de batailles, de captures et de blessures.



Neverhome est un roman qui met en lumière l'engagement des femmes dans la guerre de Sécession. S'inspirant de témoignages de ces femmes courageuses, Laird Hunt construit un roman autour de Constance, une femme forte, âpre au combat, défendant les valeurs anti-esclavagistes et, au travers de son regard, ce sont les combats d'une Amérique divisée dont elle témoigne. Entre scènes de batailles à la baïonnette et réminiscences de son passé qui expliquent son engagement, Laird Hunt, Neverhome offre un très beau portrait de femme.

Un écrivain à découvrir.
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La Route de nuit

Une journée particulière pour deux femmes Ottie Lee un femme blanche, rousse et pulpeuse et celle de Calla jeune fille noire de seize ans; deux récits l'un après l'autre, un jour particulier en Indiana, celui d'un lynchage annoncé de trois jeunes noirs, en ce mois d'août 1930 à Marvel. Chaleur étouffante, bières et sueur accompagnent ce périple particulier. Il y a d'abord Ottie Lee qui accompagne son boss, Bud avec qui elle flirte de temps en temps, son mari Dale, avec qui il ne se passe plus grand chose d'autre que disputes et mesquineries et en route ils embarquent Pops. Au gré de la route et des rencontres, c'est une plongée dans l'Amérique blanche celle des "soies de maïs", de la crise de 1929, raciste et pauvre qui va au lynchage comme on va au spectacle. Et il y a Calla Destry, jeune "fleur de maïs" qui elle aussi, mais pour d'autres raisons, a pris la route, des rencontres avec des personnes résignées par ce climat de lynchage presque habituel, et qui ne les émeut plus.



Un roman dans la lignée de ceux des écrivains noirs américains, comme Ernest Gaines et surtout Toni Morrison pour la construction des deux récits qui se déroulent sur la même journée mais la chronologie du premier se déroulant après celle du second, d'où une certaine déstabilisation, et des personnages dont je n'ai pas toujours saisi le but, la motivation ou les raisons du voyage. Malgré la belle écriture et le sujet qui s'inspire d'un fait réel - ce qui m'avait attirée - et après la lecture de Neverhome que j'avais beaucoup aimé, je suis restée sur ma faim avec ce roman de Laird Hunt, je pense que je suis passée à côté de ce roman dont la lecture est une petite déception.
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Neverhome

Neverhome raconte la terrible odyssée d'un soldat pas ordinaire lors de la guerre de sécession qui a fait un véritable carnage.

Avant de s'enrôler dans l'armée, ce soldat s'appelait Constance et était une solide fermière de l'Indiana qui croyait fermement à la nécessité de soutenir de la cause de l'Union. Son mari n'ayant pas l'étoffe d'un guerrier, c'est donc elle qui rejoignit les troupes nordistes en se travestissant en homme et en prenant le prénom de Ash.

Au début tout va bien, Ash se montre un excellent élément, habile et courageux mais après avoir enduré l'horreur des combats, la trahison et la souffrance, son esprit se met à vaciller. Son récit ne devient plus fiable et vire vers les mensonges et les visions. L'histoire qu'elle développe de manière elliptique révèle à mi-mots des blessures dont certaines datent de son enfance. On comprend alors qu'Ash/Constance ne se bat pas seulement contre les sudistes de la Confédération mais aussi contre ses démons intérieurs. Sa voix très singulière est celle d'une âme au-delà de ses limites. Cependant elle s'exprime de façon très colorée, imagée et non dénuée d'humour. Un régal, même si parfois ça n'est pas bien ragoûtant.

Le grand mystère de ce roman est de comprendre pourquoi cette femme si forte a pu épouser et aimer un homme aussi délicat, un gringalet miro et sans caractère ? Je n'ai pas trouvé la réponse et j'ai eu du mal à y croire.
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Neverhome

Constance, fermière dans l'Indiana, va s'engager dans l'armée des Nordistes à la place de son mari lors de la guerre de Sécession sous une fausse identité masculine.

Elle va vite se révéler être un bon soldat, tireur d'élite et même gagner un surnom dans son régiment.

Elle va aussi découvrir les revers glauques de la guerre avec les champs de batailles, la saleté,la souffrance et toutes ces morts inutiles.

Constance, ou plutôt Ash, avancera dans cette guerre tout en dialoguant intérieurement avec sa mère, ce qui lui permettra d'affronter les horreurs qu'elle rencontre au quotidien.

Une fois son identité révélée, elle va réaliser qu'être une femme dans un monde d'hommes peut se révéler être fort difficile et son objectif principal va être de retrouver son époux.

Une histoire courte, mais intéressante qui aborde un sujet dont je ne connaissais absolument pas l'existence : celui de l'engagement sous des identités masculines de certaines femmes dans les armées impliquées lors de la guerre de sécession.
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Dans la maison au coeur de la forêt profonde

Au bon vieux temps des chasseurs-cueilleurs, une femme s'aventure dans les bois en quête de baies sauvages pour régaler son fils et son mari. Son apparente désinvolture lui vaut de s'égarer rapidement dans la forêt, et ses efforts pour retrouver son chemin semblent être annihilés par les rencontres et les expériences mystérieuses qu'elle va faire. Pour quelles raisons ?



C'est par le biais de ce conte détourné - mâtiné de thriller psychologique et de roman historique - que j'ai découvert l'univers de cet auteur et son style audacieux. J'ai adoré son récit dans lequel rien n'est sûr et tout est ambigu.



Au final, bien malin sera celui/celle qui pourra déterminer avec certitude ce qui est le plus terrifiant et monstrueux dans cette histoire : ce qui finit par arriver à l'héroïne dans la forêt ou la teneur de ses souvenirs qui remontent petit à petit à la surface ?



Ce livre - doté d'une fin particulièrement réussie - traite mine de rien de la façon dont nous nous transformons parfois en ce que nous craignons le plus.
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La Route de nuit

En quelques mots, il s’agit de deux femmes, une Blanche et une Noire, lors d’une journée particulière en 1930 en Indiana. L’une d’elles se rend au lynchage, annoncé comme un événement, de trois jeunes Noirs. L’autre essaye de retrouver son amoureux. De nombreux personnages gravitent autour d’elles, et autour du drame annoncé, qui restera en arrière-plan, tout en étant l’impulsion qui fait avancer chaque protagoniste.

Après Un long moment de silence et Trouble, mes lectures présentent en ce moment des personnages insupportables ou pour le moins ambivalents, et je tombe cette fois pour commencer dans les pensées d’une imbuvable raciste. L’auteur n’a en effet pas choisi d’alterner les deux points de vue, mais de leur consacrer à chacune une partie. Les premières pages sont assez déstabilisantes, et obligent à relire des phrases pour comprendre, puis petit à petit, on s’y retrouve mieux.

Je pense que ceux qui n’ont pas aimé Underground Railroad n’aimeront pas ce roman, à cause du décalage voulu entre la narration et les faits évoqués. La manière trouvée par l’auteur pour nommer Noirs et Blancs (les fleurs de maïs et les soies de maïs) en est l’illustration parfaite, les moments plus oniriques aussi… J’aimerais vous faire sentir à quel point ce roman est déconcertant, ambigu, distillant des doses d’un humour impossible à qualifier, multipliant les rencontres improbables et les actions incertaines, travaillant le langage des deux narratrices pour mieux coller à leurs personnalités, s’évadant dans leurs pensées labyrinthiques…

Des deux personnalités principales, il serait facile de préférer Calla, qui se trouve du côté des victimes, à Ottie Lee, blanche et manifestement raciste, mais ce n’est pas si simple car l’auteur s’applique à dresser de Calla le portrait d’une jeune fille assez inconséquente, à tous points de vue. De plus, l’une comme l’autre ont eu des enfances difficiles et dépourvues d’affection, et n’ont pas reçu les clefs pour comprendre le monde qui les entoure.



Ce roman surprend, car l’unité de temps et de lieu y est des plus précises, une journée de 1930 dans l’Indiana, entre deux ou trois petites villes. Les mouvements des personnages pourraient sembler simples, allant vers Marvel pour les Blancs, fuyant la même ville pour les Noirs… Pourtant, le temps s’étire de manière étrange, quant aux lieux, ils semblent fuir lorsque les personnages les cherchent, ou au contraire se rapprocher dangereusement quand ils les contournent.

Que que soit grâce au thème, puissant, aux personnages, inhabituels, ou au style, pas commun non plus, ce roman est de ceux qui continuent de tourbillonner dans la tête, et ne veulent jamais se déclarer terminés… Après, savoir si on a aimé ou pas, ce n’est finalement pas si important. Je le recommande chaudement à celles et ceux qui aiment être bousculés dans leurs habitudes, et retenus contre leur gré entre les pages !
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Neverhome

Hunt est un auteur qui m'en avait mis plein la vue en 2022 (*) et vers lequel j'ai eu envie brusquement de revenir, via un de ces précédents romans. Ce que j'affectionne le plus dans son oeuvre : l'audace de ses récits qui brassent allégrement Histoire et contes ancestraux, et qui donnent la parole et de la visibilité aux minorités - quelle que soit l'époque.



Ici, la Guerre de Sécession est prétexte à interroger la place des femmes dans la société et l'Histoire, et à imaginer une nouvelle protagoniste dont la teneur des souvenirs qui lui reviennent en mémoire mettent sa vie et son équilibre en péril.



Ses intrigues sont troublantes parce qu'elles sont secouées par le poids du passé et des traumas de l'enfance.



Le personnage de Constance - une femme capable de se travestir en soldat pour aller se battre à la place de son mari - est étonnant parce qu'il suscite autant de doute que d'admiration. Sa vie est-elle véritablement héroïque ou fantasmée ?



Il y a tant de niveaux de lecture possibles... J'aime à penser qu'au détour de certaines phrases - comme celles qui suivent - se trouve la clé du récit : « Quand j'étais petite, ma mère aimait commencer une histoire et finir avec une autre. Hansel et Gretel se terminait par Rumpelstiltskin, et la Reine des neiges par la Mère poule. […] Parfois elle en mélangeait trois ou quatre. En faisait un baluchon et se mettait à tirer à tout va ».



(*) : avec son roman « Dans la maison au coeur de la forêt profonde »
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