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EAN : 9782330121112
272 pages
Actes Sud (03/04/2019)
3.57/5   28 notes
Résumé :
Deux femmes, deux secrets, que fait entrer en collision une journée très particulière, placée sous le signe du désespoir et de l’exception : à Marvel, dans l’Indiana, en cette journée d’août 1930, l’on se presse pour assister au lynchage de trois jeunes Noirs. Deux femmes remarquables, impatientes de fuir les secrets qu’elles ont laissés derrière elles, traversent une Amérique déchirée par la peur et la haine. Un oppressant huis-clos à ciel ouvert.
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Août 1930, Indiana. le soir n'en finit pas de tomber sur cette route qui mène à Marvel. Les moustiques s'écrasent sur le pare-brise par dizaines, la forêt bruisse. Il y a comme un air de fête et de fébrilité dans le corps des gens, les Blancs surtout. En voiture, en camion, à pied, ils sont tous en route pour Marvel, la chaleur du mois d'août leur donne des envies de bière, de danse, de rencontres. C'est pas souvent qu'il y a un lynchage, et hommes, femmes et enfants accourent pour voir ça: trois jeunes Noirs, pour l'instant dans leur cellule, accusés de meurtre et de viols, qui vont être arrachés à leurs barreaux, battus, traînés jusqu'au chêne dehors et pendus. On fera la fête sous leurs pieds qui se balanceront encore un peu, on chantera, peut-être qu'on essaiera même d'attraper d'autres "fleurs de maïs" comme on les surnomme ici pour continuer la fête.
De leur côté, les "fleurs de maïs" ont embarqué dans leurs chariots, sur leur vélo ou sont partis à pied dans le sens opposé. C'est pas le moment de traîner dans les parages à moins de s'arrêter pour prier, et il vaut mieux pas non plus rencontrer de ces "soies de maïs" excités par le spectacle qui se prépare.
Sur la route, il y a Ottie, rousse plantureuse qui se laisse peloter par son patron Bud lorsque son mari se concentre sur sa bière, histoire de toucher quelques primes. On ne sait pas trop ce qu'elle en pense de ces lynchages, en fait elle s'en fiche du sort des trois hommes, mais si on peut passer du bon temps, se montrer un petit peu, pourquoi pas.
Sur la route, il y a aussi Calla, orpheline métisse bien remontée contre les soies de maïs et qui fonce dans sa bagnole, haineuse, douloureuse, ne sachant quelle direction prendre, peut-être foncer dans la foule, peut-être sauver les trois hommes, peut-être partir, elle aussi, retrouver sa famille adoptive qui s'est enfuie ce matin...
Il y a dans ce roman une atmosphère lourde et pesante, une densité représentée par cette soirée qui n'en finit pas, par cette route interminable, les arrêts inopinés, les rencontres, les flottements dans les décisions des protagonistes. Je n'ai pas complètement adhéré, à cause de ce sentiment d'être à côté et non dans le récit que je n'ai pas toujours saisi, et à cause, aussi de cette écriture que je n'ai pas vraiment aimée.

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Une journée particulière pour deux femmes Ottie Lee un femme blanche, rousse et pulpeuse et celle de Calla jeune fille noire de seize ans; deux récits l'un après l'autre, un jour particulier en Indiana, celui d'un lynchage annoncé de trois jeunes noirs, en ce mois d'août 1930 à Marvel. Chaleur étouffante, bières et sueur accompagnent ce périple particulier. Il y a d'abord Ottie Lee qui accompagne son boss, Bud avec qui elle flirte de temps en temps, son mari Dale, avec qui il ne se passe plus grand chose d'autre que disputes et mesquineries et en route ils embarquent Pops. Au gré de la route et des rencontres, c'est une plongée dans l'Amérique blanche celle des "soies de maïs", de la crise de 1929, raciste et pauvre qui va au lynchage comme on va au spectacle. Et il y a Calla Destry, jeune "fleur de maïs" qui elle aussi, mais pour d'autres raisons, a pris la route, des rencontres avec des personnes résignées par ce climat de lynchage presque habituel, et qui ne les émeut plus.

Un roman dans la lignée de ceux des écrivains noirs américains, comme Ernest Gaines et surtout Toni Morrison pour la construction des deux récits qui se déroulent sur la même journée mais la chronologie du premier se déroulant après celle du second, d'où une certaine déstabilisation, et des personnages dont je n'ai pas toujours saisi le but, la motivation ou les raisons du voyage. Malgré la belle écriture et le sujet qui s'inspire d'un fait réel - ce qui m'avait attirée - et après la lecture de Neverhome que j'avais beaucoup aimé, je suis restée sur ma faim avec ce roman de Laird Hunt, je pense que je suis passée à côté de ce roman dont la lecture est une petite déception.
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En quelques mots, il s'agit de deux femmes, une Blanche et une Noire, lors d'une journée particulière en 1930 en Indiana. L'une d'elles se rend au lynchage, annoncé comme un événement, de trois jeunes Noirs. L'autre essaye de retrouver son amoureux. de nombreux personnages gravitent autour d'elles, et autour du drame annoncé, qui restera en arrière-plan, tout en étant l'impulsion qui fait avancer chaque protagoniste.
Après Un long moment de silence et Trouble, mes lectures présentent en ce moment des personnages insupportables ou pour le moins ambivalents, et je tombe cette fois pour commencer dans les pensées d'une imbuvable raciste. L'auteur n'a en effet pas choisi d'alterner les deux points de vue, mais de leur consacrer à chacune une partie. Les premières pages sont assez déstabilisantes, et obligent à relire des phrases pour comprendre, puis petit à petit, on s'y retrouve mieux.
Je pense que ceux qui n'ont pas aimé Underground Railroad n'aimeront pas ce roman, à cause du décalage voulu entre la narration et les faits évoqués. La manière trouvée par l'auteur pour nommer Noirs et Blancs (les fleurs de maïs et les soies de maïs) en est l'illustration parfaite, les moments plus oniriques aussi… J'aimerais vous faire sentir à quel point ce roman est déconcertant, ambigu, distillant des doses d'un humour impossible à qualifier, multipliant les rencontres improbables et les actions incertaines, travaillant le langage des deux narratrices pour mieux coller à leurs personnalités, s'évadant dans leurs pensées labyrinthiques…
Des deux personnalités principales, il serait facile de préférer Calla, qui se trouve du côté des victimes, à Ottie Lee, blanche et manifestement raciste, mais ce n'est pas si simple car l'auteur s'applique à dresser de Calla le portrait d'une jeune fille assez inconséquente, à tous points de vue. de plus, l'une comme l'autre ont eu des enfances difficiles et dépourvues d'affection, et n'ont pas reçu les clefs pour comprendre le monde qui les entoure.

Ce roman surprend, car l'unité de temps et de lieu y est des plus précises, une journée de 1930 dans l'Indiana, entre deux ou trois petites villes. Les mouvements des personnages pourraient sembler simples, allant vers Marvel pour les Blancs, fuyant la même ville pour les Noirs… Pourtant, le temps s'étire de manière étrange, quant aux lieux, ils semblent fuir lorsque les personnages les cherchent, ou au contraire se rapprocher dangereusement quand ils les contournent.
Que que soit grâce au thème, puissant, aux personnages, inhabituels, ou au style, pas commun non plus, ce roman est de ceux qui continuent de tourbillonner dans la tête, et ne veulent jamais se déclarer terminés… Après, savoir si on a aimé ou pas, ce n'est finalement pas si important. Je le recommande chaudement à celles et ceux qui aiment être bousculés dans leurs habitudes, et retenus contre leur gré entre les pages !
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« Y a des fleurs de maïs qui ont descendu un soie de maïs et foutu le feu à une centaine de barques puis ils sont partis tout saccager dans la campagne. On les a coffrés mais ils vont pas moisir longtemps en taule. Y a des gars qui sont prêts à les faire sortir de là à coups de masse si le shérif refuse d'ouvrir la porte. »
Bud Lancer annonce ainsi à son employée, la plantureuse et rousse Ottie Lee, le lynchage prévu à Marvel et dans la foulée il part avec elle vers le lieu des réjouissances annoncées, en embarquant au passage son mari, Dale.
C'est Ottie qui raconte leur parcours chaotique pour se rendre dans cette petite ville de l'Indiana proche de chez eux vers laquelle tous convergent, mais qu'ils semblent ne jamais devoir atteindre, Ottie portée par la certitude qu'il va lui arriver quelque chose, une amie à elle qui dialogue avec les anges le lui a annoncé.
Calla Destry, de son côté, fleur de maïs au teint clair âgée de seulement seize ans, décide elle aussi de partir pour le tribunal de Marvel, inconsciente des risques courus et animée seulement par la révolte qui l'habite.
Une destination, deux femmes, dont les chemins finiront par se croiser …

Dans « La route de nuit », il fait chaud, très chaud. Ce qu'on ressent à la lecture et par la force du thème qui renvoie aux heures les plus atroces de l'histoire des afro-américains (l'auteur s'est inspiré des événements survenus le 7 août 1930 dans le comté de Grant (Indiana) et d'une photo montrant la liesse des participants aux lynchages, juste sous les corps des deux Noirs qu'ils ont pendus … ), c'est cette moiteur malsaine qui englue tout, les corps et les esprits, des esprits qui, pourtant, restent conscients de ce qui se passe et de ce qu'ils font.
La première partie du roman, celle où Ottie Lee parle, la met en scène avec les personnages qui l'entourent. Dans ce petit théâtre en plein air, c'est un condensé d'humanité qui s'agite, avec ses failles et ses lâchetés, ses éclats d'honnêteté, des gens ordinaires traînant avec eux tout ce qu'ils ont été (Ottie Lee et son enfance désastreuse qui remonte par bribes), en route vers quelque chose d'extraordinaire mais toujours focalisés sur eux-mêmes. Il y a pourtant des moments où leur route pourrait bifurquer, où l'occasion leur est donnée de prendre du recul comme lorsqu'ils croisent la veillée de prière organisée contre le lynchage, mais soit ils se contentent de suivre passivement le mouvement, soit ils font directement des choix (je pense à l'épisode du chariot) dans la ligne de ce qu'ils ont enclenché.

L'écriture, sinueuse, colle à la peau d'Ottie et, toute littéraire qu'elle soit, avec son foisonnement d'images mais aussi ses passages plus parlés car l'auteur mêle les registres, fonctionne parfaitement : elle nous offre les réflexions et les songes traversant l'esprit de la jeune femme et le personnage se dresse là, entier, dans toute sa complexité, agité sous sa superficialité de surface (une belle plante qui laisse son patron la tripoter pour arrondir les fins de mois) d'envies d'autre chose, rêvant parfois d'un avenir un peu meilleur où, entre autres, on pourrait « oublier les lynchages », comme s'ils faisaient partie du monde dans lequel elle vit et qu'elle ne sait pas (ou qu'elle ne veut pas ?) remettre en question.

Comme Ottie, Calla Destry a connu l'orphelinat, avant de vivre avec ceux qu'elle appelle oncle d'et tante V. Avec Hortensia, ils ont préféré partir en ce jour funeste mais Calla ne les a pas suivis, elle avait un pique-nique prévu au bord de la rivière. Parce qu'elle s'est retrouvée seule à son rendez-vous, elle emprunte la grosse berline jaune de ses parents adoptifs, et prend la route de Marvel, où elle et ses actions ne passent pas inaperçues …
Dans cette seconde partie du roman, l'atmosphère se fait encore un peu plus oppressante car le lecteur s'inquiète pour Calla, jeune fille résolue et téméraire que sa bravoure met en danger. L'hostilité entre les fleurs et les soies de maïs est abordée de manière frontale (y compris telle qu'elle se manifeste chez les enfants), elle peut même surgir quand il n'y aurait pas lieu (Calla rejetant l'attitude apaisante d'un soie de maïs comme s'il était trop tard, trop de limites franchies).

Le récit, habilement construit, agrippe ses deux pans initialement distincts pour les réunir. Certain personnage, déjà rencontré avec Ottie, s'avère de manière surprenante lié à Calla, comme s'il incarnait toutes les facettes ambigües des comportements, l'intime parfois en totale contradiction avec les prises de position publiques.

Chez Laird Hunt, il n'y a pas de Noirs et de Blancs mais des fleurs et des soies de maïs, une ville peut s'appeler Marvel et une carte l'entourer de chemins d'argent, des chiens porter cravate, une présence s'avérer absence, une voiture se couvrir d'yeux scrutateurs et une jeune femme décider de danser dans un champ de maïs. En la teintant d'étrangeté, « La Route de nuit », brûlante, habille la réalité d'une mystérieuse beauté, où la cruauté des faits évoqués brille d'un insoutenable éclat.
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Dans ce double road-trip, il y a aussi une troisième femme, ma préférée, solide et mystique, rude et bienveillante. La « dealeuse d'anges ». le sommet qui forme le triangle de l'histoire. Celle qui lie tous les êtres.

La destination n'a aucune importance, seul le chemin l'est, ses obstacles, ses sinuosités, symbole de la tortuosité de l'âme humaine.

Symbole toujours, tout est dilaté, la chaleur de l'été, les voitures, les champs, soulignant à quel point l'humain est petit, fragile. A la merci de ce qui l'entoure et surtout de ses congénères.

Enfermés dans la touffeur de ce crépuscule, les protagonistes s'enfoncent littéralement dans la nuit. le temps est comme arrêté, le tragique suspend l'histoire, à l'image d'une pièce de Tennessee Williams.

Cependant, avec un sens de l'absurde qui souligne encore davantage l'onirisme de ce road-trip qui est un huis-clos “d'extérieur”.

En réalité, les deux jeunes femmes, Ottie Lee et Calla, sont les deux faces du même Nickel (five cents).

Elles ne se voient pas, ne se font jamais face ; à elles seules, le symbole encore de cette Amérique plurielle qui ne s'écoute pas, ne se regarde pas, ne se parle pas.
Pourtant, comme le souligne Laird Hunt, il n'y a que des humains ; pas de Blancs, ni de Noirs.

Dans La route de nuit, nous sommes fleurs et soies de maïs. Licence poétique pour effacer les murs que nous avons dressés, semer la confusion dans nos esprits, le message que la couleur ne devrait, ne doit avoir, n'a, aucune importance.

Plus d'antagonisme, plus d'opposition ; nous sommes une seule plante, nous en constituons la graine, la tige, la fleur et le fruit.
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critiques presse (1)
LeMonde
01 juillet 2019
L’écrivain Laird Hunt signe un roman troublant et hallucinatoire sur la haine, le temps d’un soir de lynchage dans l’Indiana.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Le Klan était aussi bon, aussi américain qu'un gâteau aux pêches tout frais, et il serait fier, poursuivit Bud tandis que je continuais à renifler bruyamment, que l'un de ses membres les accompagne au lynchage, lui et ses amis, dans un chariot volé å un fleur de maïs.
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L'homme était si répugnant qu'on eût dit qu'il s'était roulé dans du saindoux avant de piquer un long roupillon sous la queue d'une vache malade.
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"Ça ne va pas tarder à se gâter", dis-je. Et à peu près à ce moment-là, quelque part au coeur de la foule, quelqu'un se mit à hurler, je ne compris pas quoi, je me retournai et derrière moi se trouvait une femme debout sur le capot d'une Ford noire en stationnement, et elle dansait, tournoyant sur elle-même et battant l'air de ses bras. Elle dansait bouche ouverte, les yeux levés au ciel comme si elle avait une ligne directe avec le seigneur des lynchages, du fouet, des coups et des incendies, puis elle bascula et tomba, et très vite, le hurlement qu'elle avait déclenché cessa.
Mais je continuai à l'entendre dans ma tête. Aujourd'hui je l'entends encore. Il a traversé les ans pour venir frapper à ma porte. Et quand il arrive, quand j'y repense, le ciel dans lequel j'avance derrière mon pare-brise, ce ciel d'après-midi d'une blancheur désertique, d'une chaleur d'enfer, est soudain plongé dans le noir, l'air se fait brûlant, toujours plus, et les têtes des soies de maïs luisent, rouges de chaleur, ils gloussent, grondent, et par milliers marchent sur la prison, en rangs luisants. Quand ils se mettent en route, la terre tremble.
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Je sortis lentement de la rivière, comme si c’était moi, et pas cette bonne vieille eau bien verte, qui avais décidé d’en suivre le cours paresseux.
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Dès que nous avions appris ce qui allait arriver ce matin-là, j'avais dit à oncle D que je voulais voir à quoi ça ressemblait, il avait répondu que ce serait l'horreur absolue et tante V avait dit : "Pas besoin d'aller chercher la meute des lyncheurs dans ce pays. Elle trouve toujours son chemin jusqu'au pas de ta porte, ou au bout de ta rue".
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